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Problématique
Depuis, la découverte dans les années 50 de systèmes chenalisés turbiditiques situés en pied de talus continental (Menard, 1955), l’intérêt pour ces systèmes ne cesse de croitre en raison d’une part des ressources d’hydrocarbures très importantes qu’ils peuvent contenir (Weimer and Slatt, 2004 ; Mayall et al., 2006 ; Sheperd, 2009), et d’autre part des futurs projets d’infrastructures offshore et d’exploitation des ressources minérales sous-marines (Baker et al., 2016). En effet, les formations turbiditiques sont notamment très propices à la formation de réservoirs et l’accumulation d’hydrocarbures en raison de la combinaison de dépôts sableux poreux, et de dépôts argileux imperméables et riches en matière organique précurseurs d’hydrocarbures. Les réservoirs turbiditiques chenalisés peuvent être de volume très importants, mais ils présentent également des géométries et des architectures complexes (Weimer and Slatt, 2004 ; Mayall et al., 2006 ; Shepherd, 2009). De plus, ces réservoirs sont généralement situés au large des côtes, à plusieurs centaines de mètres de profondeur d’eau, augmentant ainsi considérablement le coût de l’acquisition de données. L’exploration puis la production de ces réservoirs s’appuient donc sur une quantité très restreinte de données, incluant des données à grande échelle mais de faible résolution comme les données sismiques, ainsi que de rares données ponctuelles de haute résolution issues de forages.
Afin de pallier ce manque de données, l’industrie pétrolière utilise des modèles numériques de réservoirs afin d’évaluer la présence d’hydrocarbures, estimer leur volume, prévoir les plans de développement des champs, et évaluer les risques techniques et financiers des projets (Mayall et al., 2006 ; Baddeley, 2018). La construction des modèles de réservoir se divise en plusieurs étapes (Figure 1a). (1) Un modèle structural est tout d’abord construit permettant de définir la géométrie globale du réservoir et les éventuels compartiments créés par des failles. (2) Une grille en 3 dimensions basée sur le modèle structural et ensuite discrétisée en cellules de dizaines à centaines de mètres de largeur et dizaines de centimètres à quelques mètres d’épaisseur, représente le réservoir. A chaque cellule de cette grille sont attribuées des propriétés pétrophysiques, comprenant en premier lieu (3) le faciès, caractérisant les types de roche en place et dont dépendent les autres propriétés telles (4) la porosité qui est le volume poreux entre les grains, et la perméabilité représentant la capacité de ces fluides à se déplacer au sein du volume poreux. Cette grille ainsi peuplée permet finalement de réaliser des simulations de production des fluides présents dans le réservoir et ainsi d’essayer de la prévoir et de l’optimiser.
Le travail de cette thèse se concentre sur l’aspect de la modélisation de faciès dont dépend la suite du processus de modélisation, et a pour objet l’étude des réservoirs turbiditiques chenalisés.
2. Approche
Plusieurs méthodes de modélisation de faciès sont utilisées par l’industrie, dépendant notamment des données disponibles et de l’environnement sédimentaire ayant conduit à la mise en place du réservoir. Parmi celles-ci, les pixel-based (Matheron, 1963; Strebelle et al., 2002 ; Caers, 2005 ; Mariethoz et Caers., 2014 ; Tahmasebi, 2018) sont des méthodes géostatistiques permettant l’interpolation des propriétés observées aux puits. Ces méthodes stochastiques sont les plus utilisées puisqu’elles permettent de respecter les observations locales (Figure 1b), et de fournir rapidement différentes simulations équiprobables servant à évaluer les incertitudes associées. Néanmoins, malgré les progrès permanents (Sebacher et al., 2015 ; Tahmasebi, 2018), ces méthodes peuvent avoir pour point faible le manque de réalisme des corps sédimentaires simulés, en particulier dans le cas de réservoirs à l’architecture complexe et hétérogène comme les réservoirs turbiditiques chenalisés. Afin d’améliorer le réalisme des simulations, des méthodes object-based (Deutsch et Tran, 2002) peuvent être couplées pour prendre en compte des concepts géologiques tel un environnement de dépôt chenalisé. Les méthodes object-based sont également stochastiques et conditionnées par les données (Figure 1b), mais dépendent essentiellement de leurs paramètres géométriques, ne permettant donc pas de reproduire toute la complexité des architectures observées.
Au cours de ces dernières décennies, de nombreux modèles numériques ont été développés afin de reproduire l’évolution dans le temps et l’espace de systèmes chenalisés fluviatiles (Ikeda et al., 1981 ; Howard et Knutson, 1984 ; Sun et al, 1996 ; Lopez et al., 2008 ; Pyrcz et al., 2009 ; Rongier et al., 2017 ; Parquer et al., 2017). Selon le degré de complexité de ces méthodes, elles sont qualifiées de rule-based lorsqu’elles sont davantage basées sur des règles mathématiques, à process-based lorsqu’elles s’attèlent à simuler les processus physiques et sédimentaires en jeu dans le système modélisé (Pyrcz et al., 2015 – Figure 1b). Bien que nettement plus réalistes que les méthodes conventionnelles, ces méthodes sont également plus difficilement conditionnables aux données, ce qui en fait un frein majeur quant à leur utilisation pour la modélisation de réservoirs. En revanche, elles peuvent permettent de tester différents scénarios géologiques et de sélectionner les plus probables. MINES ParisTech développe depuis plusieurs années Flumy (Lopez, 2003 ; Grappe, 2014), un modèle de réservoirs associés aux systèmes chenalisés fluviatiles méandriformes dit process-based (Figure 1b). Flumy simule l’évolution dans le temps de systèmes fluviatiles méandriformes (Lopez et al., 2008). Flumy reproduit les principaux processus en jeu dans ces systèmes, incluant la migration du chenal, les recoupements de méandre, les avulsions, et l’aggradation (Bridge, 2003).
Ainsi, les corps sédimentaires simulés correspondent à des barres d’accrétion latérale (point bar an
anglais) créant l’essentiel des réservoirs, ainsi que des dépôts de levées et de plaine d’inondation, de lobes de crevasse, et de remplissage de chenaux abandonnés.
Figure 1 : Processus de modélisation de réservoirs (modifié d’après Rongier, 2016) (a), et classification des méthodes de modélisation de faciès (d’après Pyrcz et al., 2015) incluant le positionnement de Flumy (b).
Une très forte analogie géomorphologique entre les systèmes chenalisés continentaux et sous-marins a été constatée puis décrite depuis plusieurs décennies (Menard, 1955; Flood and Damuth, 1987; Clark and Pickering, 1996 ; Wynn et al 2007 – Figure 2). Cette analogie concerne également les processus en jeu tels la migration latérale du chenal (Abreu et al., 2003 ; Arnott, 2007 ; Maier et al., 2013; Jobe et al., 2016), les recoupements de méandre (Lonsdale and Hollister, 1979 ; Deptuck et al., 2003, 2007 ; Babonneau et al., 2004), l’aggradation (Wynn et al., 2007 ; Jobe et al., 2015) ou les avulsions (Kolla, 2007). En revanche, la physique des écoulements fluviatiles diffère de celle des écoulements sous-marins, notamment dans le cas sous-aquatique en raison du rôle moteur des sédiments (Konsoer et al., 2013), de la stratification de ces derniers (Dorrell et al., 2014; Azpiroz-Zabala et al., 2017b; Luchi et al., 2018; Paull et al., 2018), ou encore des débordements continus de ces écoulements par delà le chenal principal (Peakall et al., 2000 ; Traer et al., 2018). Ces différences de processus conduisent notamment à des dissemblances dans la dynamique des chenaux fluviatiles et turbiditiques telle la stabilisation de la morphologie planaire de ces derniers (Peakall et al., 2000 ; Jobe et al., 2015), ainsi qu’à des différences dans la géométrie et l’architecture des réservoirs fluviatiles et turbiditiques (Sheperd, 2009). De plus, la compréhension des processus en jeu dans les systèmes sous-marins est nettement en retard par rapport à celle des cours d’eau, notamment en raison des difficultés d’observation des chenaux et des écoulements associés.
Table des matières
Remerciements
Résumé
Abstract
Sommaire
Table des figures
Liste des tableaux
Nomenclature
Introduction
1. Problématique
2. Approche
Chapitre 1 Réservoirs chenalisés fluviatiles et turbiditiques : architecture et modélisation
1.1. Introduction
1.2. Architecture des réservoirs fluviatiles méandriformes et turbiditiques chenalisés
1.3. Modélisation des réservoirs fluviatiles méandriformes avec Flumy
1.3.1. Module de migration latérale du chenal.
1.3.2. Module d’incision et d’aggradation du chenal et de construction de la plaine d’inondation
1.3.3. Module de gestion des avulsions
1.3.4. Module de gestion des dépôts
1.3.5. Module de conditionnement
1.3.6. Conclusions
1.4. Modèles de systèmes turbiditiques et application à la simulation de réservoirs
1.5. Conclusions
Chapitre 2 Geomorphic variability of submarine flow pathways along continental margins: comparison with fluvial meandering channels
Abstract
2.1. Introduction
2.2. Quantitative parameters for alluvial meandering systems
2.3. Material and methods
2.3.1. A worldwide dataset of modern and fossil submarine systems
2.3.2. Submarine flow pathway geomorphic classification
2.3.3. Measurement of hydraulic parameters of submarine flow pathways
2.3.4. Comparison with a fluvial dataset..
2.4. Results
2.4.1. Geomorphic control on the distribution of flow pathway data
2.4.2. Dimensions of submarine flow pathways
2.4.3. Flow pathway geomorphic relationships
2.4.4. Comparison between submarine flow pathways and alluvial meandering rivers
2.5. Discussion.
2.5.1. Submarine flow pathways classification
2.5.2. Distribution of submarine flow pathways and analogies with fluvial channels
2.5.3. Submarine leveed channel flow processes in the light of fluvial meandering ones
2.6. Conclusion
Chapitre 3 Subaerial- versus subaqueous density-flow dynamics using a same sinuous path: insights on channel migration theories
Abstract
3.1. Introduction
3.2. Methodology
3.2.1. Experimental setup
3.2.2. Data acquisition
3.2.3. Flow modeling
3.3. Results
3.3.1. Flow velocity vertical profile along the straight channel
3.3.2. Velocity field along the sinuous channel
3.4. Discussion
3.4.1. Comparison of subaerial and subaqueous flows
3.4.2. PIV for subaqueous flows
3.4.3. Channel migration
3.4.4. Conclusion
Chapitre 4 Reproduction of submarine channel-belt architecture and quantification of
kinematics using a forward model
Abstract
4.1. Introduction
4.2. Channel-belt characterization
4.3. Model description
4.3.1. Channel migration algorithm
4.3.2. Aggradation algorithm
4.4. Methodology
4.4.1. Simulation parameters
4.4.2. Extraction of channel-belt geometry and channel kinematics
4.5. Results
4.5.1. Submarine channel-belt architectures
4.5.2. Channel kinematics
4.5.3. Channel migration analysis
4.6. Discussion
4.6.1. Channel kinematics
4.6.2. Channel mobility
4.6.3. Channel stabilization: what causes?
4.7. Conclusion
Chapitre 5 Process-based model applied to channelized turbidite systems: a case study of the major valley
Abstract
5.1. Introduction
5.2. Model description
5.2.1. Flumy overview
5.2.2. Flow description
5.2.3. LADs and levee deposition
5.3. Case study: the Benin major valley
5.3.1. Context
5.3.2. Parameterization of Flumy
5.4. Results
5.4.1. Valley incision
5.4.2. Valley filling
5.5. Discussion
5.5.1. Filling architecture and reservoir characteristics
5.5.2. Future developments
5.5.3. Conditioning
5.6. Conclusion
Chapitre 6 Conclusions et perspectives
6.1. Flumy : un modèle de simulation des systèmes chenaux-levées turbiditiques
6.2. Processus simulés par Flumy en contexte sous-marin et perspectives
6.3. Flumy : un modèle opérationnel de réservoirs turbiditiques chenalisés
Bibliographie.
Annexes
Annexe A. Base de données des systèmes turbiditiques
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