Impact d’un mélange de pesticides sur quelques paramètres physiologiques et sur la santé cellulaire

Les différentes familles de pesticides

Les pesticides organochlorés (OCP) : Utilisés à des fins agricoles ou de santé publique depuis 1950, bien que l’utilisation de certains d’entre eux ait fait l’objet de restrictions ou d’interdictions, en raison de leur toxicité avérée pour les espèces non ciblées, notamment pour les humains. Certains pesticides organochlorés sont des composés très stables et, de fait, extrêmement persistants dans l’environnement, en raison de leur résistance aux processus naturels de dégradation. C’est pourquoi un certain nombre d’entre eux ont été classés parmi les polluants organiques persistants dans le cadre de la Convention de Stockholm de 2001. Bien que le niveau de présence dans l’environnement de certains composés organochlorés ait diminué au fil des années, nombre d’entre eux contaminent encore une grande partie des compartiments de l’écosystème, tels que les sols, les sédiments des rivières, les sédiments marins côtiers, et même les eaux profondes et les pôles. Les principaux OCP comprennent notamment le tétrachlorure de carbone, le chlordane, le DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane), le DDE (dichlorodiphényldichloroéthylène), la dieldrine, l’heptachlore, le bêta HCH et le gamma HCH.
Les pesticides organophosphorés (OPP) : Les propriétés insecticides de certains composés organophosphorés ont été découvertes lors de recherches militaires sur les gaz innervant et, depuis la seconde guerre mondiale, de nombreux pesticides organophosphorés (OPP) ont été commercialisés à des fins agricoles.
Les OPP regroupent une large gamme de structures chimiques. Leur mode de toxicité les rend efficaces en tant que pesticides, car les produits chimiques qu’ils contiennent inhibent une enzyme (l’acétylcholinestérase) primordiale pour le système nerveux central et périphérique, une propriété qui explique également en partie leur toxicité pour les espèces non-ciblées.
Les principaux OPP regroupent l’acéphate, le chlorpyrifos, le coumaphos, le diazinon, le dichlorvos, le fonofos, le parathion, le malathion, le parathion méthyl et le phosmet.

Devenir des produits phytosanitaires dans l’environnement

Malgré un souci croissant de protection de l’environnement, lors de l’utilisation des produits phytosanitaires, une certaine quantité de ces substances se retrouve dans l’environnement, principalement dans l’air par dérive sous forme de gouttelettes ou sur le sol . Ils peuvent alors être soumis à différents processus : la photo-dégradation ; la dégradation par le phénomène d’hydrolyse aqueuse ou de biodégradation grâce aux micro-organismes présents dans le sol  ; la rétention dans le sol jusqu’à la formation de résidus liés (adsorption) (par exemple l’accumulation des fongicides à base de cuivre dans les sols) ;
le transport vers d’autres compartiments environnementaux par des processus physicochimiques (volatilisation) ou via un vecteur, l’eau par lixiviation ou ruissellement ou les particules de sol (désorption) .

Populations particulièrement exposées ou vulnérables

Travailleurs agricoles : Les agriculteurs et leur famille présentent un risque d’exposition plus élevé que le reste de la population. Les agriculteurs qui pulvérisent des pesticides sont en effet exposés aux niveaux les plus élevés, même si les personnes travaillant dans des serres peuvent être également hautement exposées. Une étude menée en Europe portant sur les résidus retrouvés dans les cheveux des travailleurs agricoles a dénombré pas moins de 33 substances différentes, notamment des herbicides et des fongicides .
Les pesticides les plus fréquemment rencontrés étaient le pyriméthanil, le cyprodinil et l’azoxystrobine, ce qui correspondait aux types de cultures pratiquées et aux produits utilisés. Des niveaux similaires de P, P’-DDE et de gamma HCH (qui n’est plus utilisé à l’heure actuelle) ont été trouvés sur tous les sujets, quelle que soit leur activité dans l’exploitation, indiquant une exposition sous-jacente à long terme aux composés organochlorés, particulièrement persistants dans l’environnement . Ces résultats indiquent que, même lorsque les personnes qui appliquent les pesticides respectent les précautions de sécurité adéquates, elles sont toujours confrontées à des niveaux d’exposition élevés, détectables dans leurs tissus. La longévité dans l’organisme de certains pesticides toujours utilisés à l’heure actuelle est encore peu connue. Toutefois la durée de leur persistance dans le corps pourrait être moins importante dans le cas d’une utilisation et d’une exposition régulière. Les familles des agriculteurs vivant dans des zones agricoles peuvent également être confrontées à des niveaux d’exposition légèrement plus élevés que la moyenne. Ceci est dû au fait que des pesticides entrent en suspension lors de leur pulvérisation dans les champs et se déplacent dans l’air, ainsi qu’au fait que les travailleurs agricoles introduisent leurs vêtements et chaussures contaminés dans leur habitation après leur journée de travail. Ce phénomène est particulièrement inquiétant pour les nourrissons et les enfants, plus vulnérables aux effets toxiques de certains pesticides que les adultes .
Enfants, nourrissons et exposition in utero : Lorsque des femmes enceintes ou qui allaitent sont exposées aux pesticides, leurs enfants sont également susceptibles d’y être exposés. Certains pesticides peuvent passer dans le placenta pour atteindre le fœtus en développement dans l’utérus, ainsi que dans le lait maternel pour atteindre le nourrisson. Lors des premiers stades du développement, les organes de l’enfant se forment et se développent et ils peuvent être très vulnérables aux effets des produits toxiques.
Par exemple, le cerveau en plein développement d’un enfant est plus sensible aux substances neurotoxiques, et la dose de pesticides par rapport au poids est plus importante chez les enfants en raison de leur petite taille . Enfin, les niveaux de présence et d’activité de certains enzymes contribuant à la détoxication de formes actives de pesticides sont plus bas chez les enfants .

Impacts sanitaires liés à l’exposition aux pesticides

Effets de l’exposition in utero et chez les enfants en bas âge : Le développement humain est particulièrement vulnérable aux effets des produits chimiques toxiques, dont les pesticides font partie. L’exposition des femmes enceintes aux pesticides, et dans certains cas l’exposition des enfants en bas âge eux-mêmes, a été associée à des effets néfastes pour la santé des enfants, tels que : Un poids et une taille réduits à la naissance et des malformations congénitales; Un quotient intellectuel plus faible; Des modifications du comportement; Une incidence plus importante de la leucémie et d’autres cancers; Une incidence plus importante de fausse couche.
Des impacts négatifs sur la santé ont été reportés chez des enfants dont les mamans ont travaillé avec des pesticides pendant la grossesse, mais les effets sanitaires de l’exposition aux pesticides sont également inquiétants pour le reste des enfants, qu’ils vivent dans des zones agricoles ou urbaines . Les pesticides et le cancer chez les adultes : Il est très difficile d’établir qu’un pesticide en particulier peut engendrer un risque accru de contracter un cancer précis étant donné qu’il existe généralement de nombreux facteurs de confusion lors de toute expérience ou étude de population. Toutefois, d’après Alavanja et al. (2013), selon les éléments de preuve apportés par des études liées aussi bien au Agricultural Health Study (AHS) qu’à d’autres études robustes sur les pesticides et leur association avec le cancer, l’utilisation des pesticides représente un problème non négligeable pour la santé publique. De plus, certains éléments suggèrent que les risques de contracter un cancer seraient élevés non seulement pour les personnes qui appliquent des pesticides, mais également pour l’ensemble de la population vivant dans des zones où l’exposition aux pesticides est importante . Bien que le lien de causalité directe entre exposition aux pesticides et cancer reste plus ou moins équivoque, il semble tout de même que des schémas d’association ressortent entre certains pesticides et de nombreux cancers. Les substances visées font l’objet d’une classification établie par l’OMS allant de «peu dangereuse» à «extrêmement dangereuse». Toutefois, aucune d’entre elles n’est désignée comme cancérogène. Cela souligne la difficulté de présenter des preuves irréfutables dans le but de modifier les politiques en la matière, et le fait qu’un grand nombre de ces substances continue à être utilisées dans l’agriculture.
Les effets des pesticides sur le système nerveux : De nombreux pesticides, particulièrement les insecticides, sont conçus spécialement pour attaquer le système nerveux des nuisibles. C’est pourquoi ces substances peuvent également être neurotoxiques pour les animaux non ciblés, dont, dans certains cas, les hommes et autres mammifères . Les effets sur le développement neurologique d’une exposition significative aux pesticides chez les enfants ont fait l’objet de nombreuses études.
Le lien avec certaines maladies neurodégénératives chez les adultes est moins connu, mais il semble que leur développement peut être dû à une combinaison de facteurs environnementaux et de prédisposition génétique. Bien que la vieillesse constitue sûrement le facteur de risque le plus élevé, l’exposition à de petites doses de pesticides à long terme a été identifiée parmi les facteurs. La compréhension des mécanismes sous-jacents de l’interaction entre ces facteurs environnementaux et ces composantes génétiques constituera un sujet important d’études à venir.

Empoisonnement aux pesticides

Malgré un grand nombre de preuves d’effets nocifs graves, les données disponibles sont trop limitées pour permettre une analyse complète de l’impact global des pesticides suite à une exposition chronique. Toutefois, en 2002, le nombre de morts par auto-empoisonnement intentionnel à l’aide de pesticides a été estimé à 186 000, et certaines estimations montaient même jusqu’à 258 000 . En 2002, l’auto-empoisonnement intentionnel (suicide) à l’aide de pesticides représentait environ un tiers des suicides dans le monde et en 2004, 71 % des empoisonnements non intentionnels auraient pu être évités en améliorant les méthodes de sécurité en matière de produits chimiques . Les personnes les plus à risque pour l’empoisonnement non intentionnel aux pesticides sont les enfants, plus particulièrement entre 0 et 4 ans . Dans le cas des décès dus à un empoisonnement aux pesticides, la plupart étaient dus à l’ingestion d’OPP. Les cas les plus sévères d’empoisonnement aux OPP se manifestent sous la forme du syndrome cholinergique, qui se caractérise par des troubles du système nerveux central entraînant une vision brouillée, des mots de tête, des troubles de l’élocution, le coma, des convulsions et le blocage respiratoire. Dans certains cas l’empoisonnement peut engendrer une neuropathie tardive entraînant une dégénérescence progressive des cellules nerveuses.
Toutefois les mécanismes à l’origine de cette pathologie sont encore peu connus. Ainsi, de nombreux éléments suggèrent que les personnes qui survivent à un empoisonnement aigu aux OPP pourraient souffrir d’effets négatifs à long terme sur le système nerveux. Ce rapport est destiné à décrire les menaces des pesticides pour la santé humaine, aussi bien dues à leur utilisation qu’aux conséquences plus larges de leur utilisation.
Ces menaces ne constituent évidemment pas le seul problème induit par notre dépendance aux pesticides et aux systèmes non durables d’agriculture industrielle qu’ils sous-tendent.

Table des matières

Introduction générale
Synthèse bibliographique
I. Etude bibliographique sur les pesticides
1. Les pesticides dans l’agriculture
1.1. Définition et classification ‘’Que sont les pesticides?’’
1.2. Les différentes familles de pesticides
1.3. Utilité et utilisation des pesticides dans le monde et en Algérie
2. Devenir des produits phytosanitaires dans l’environnement
3. Les voies d’exposition aux pesticides
3.1. Exposition via la nourriture
3.2. Exposition via les pulvérisations de pesticides en milieux agricole et urbain
3.3. Exposition via la poussière domestique, la pulvérisation et la terre des jardins
4. Populations particulièrement exposées ou vulnérables
4.1. Travailleurs agricoles
4.2. Enfants, nourrissons et exposition in utero
5. Impacts sanitaires liés à l’exposition aux pesticides
5.1. Effets de l’exposition in utero et chez les enfants en bas âge
5.2. Les pesticides et le cancer chez les adultes
5.3. Les effets des pesticides sur le système nerveux
5.4. Impacts sur le système Immunitaire
5.5. Impacts sur le système hormonal
5.5.1. Troubles de la glande thyroïde
5.5.2. Pesticides et hormones sexuelles
5.6. Empoisonnement aux pesticides
II. Etude sur les fongicides
1. Mode d’action des fongicides au niveau des plantes
1.1. Les fongicides de contact
1.2. Les fongicides pénétrants
2. Familles ou groupes chimiques des fongicides
2.1. Fongicides inorganiques et organométalliques
2.2. Fongicides organiques de synthèse
III. Etudes sur l’exposition à des mélanges de pesticides
1. Mélanges de pesticides et effets sur la santé
1.1. Les effets attendus des mélanges
1.2. Le choix des mélanges
1.3. Les effets observés
Matériel et méthodes
1. Matériel et méthodes
1.1 Matériel
1.1.1. Matériel biologique
1.1.2. Entretien des rats
1.1.3. Choix des fongicides étudiés
1.1.4. Traitement des rats
1.1.5. Sacrifice et prélèvements des échantillons
1.1.4.1. Sacrifices des animaux
1.1.4.2. Prélèvement de certains organes
1.2. Méthodes de dosage
1.2.2. Dosage des paramètres hématologiques
1.2.2. Dosage des paramètres biochimiques
1.2.2.1. Dosage de l’urée
1.2.2.2. Dosage de la créatinine
1.2.2.3. Dosage de l’acide urique
1.2.2.4. Dosage du cholestérol
1.2.2.5. Dosage des triglycérides
1.2.2.6. Dosage de l’aspartate aminotransférase (ASAT)
1.2.2.7. Dosage de l’alanine aminotransférase (ALAT)
1.2.3.8. Dosage de la phosphatase alcaline (PAL)
1.2.3.9. Dosage des protéines totales
1.2.3. Dosage des paramètres du stress oxydant
1.2.3.1. Dosage du glutathion (GSH)
1.2.3.2. Dosage du malondialdéhyde (MDA)
1.2.3.3. Dosage de l’activité enzymatique de la glutathion- peroxydase (GPx)
1.2.3.4. Dosage de l’activité enzymatique de la glustathion S-transférase (GST)
1.2.3.5. Dosage des protéines
1.2.4. Etude histologique
1.2.4.1. Fixation des échantillons
1.2.4.2. Déshydratation des échantillons
1.2.4.3. Inclusion des échantillons
1.2.4.4. Confection des coupes histologiques
1.2.4.5. Coloration
1.2.4.6. Montage
1.2.5. Etude de la biologie des spermatozoïdes selon la méthode de l’OMS, (1993)
1.2.6.1. Concentration
1.2.6.2. La mobilité
1.2.6.3. Les malformations morphologiques des spermatozoïdes
1.2.7. Analyse statistique des résultats
Résultats
1. Influence du traitement sur la variation de quelques paramètres physiologiques
1.1. Variation de la masse corporelle des rats
1.2. Variation de la consommation quotidienne de l’aliment et de l’eau de boisson
2. Influences du traitement sur les paramètres hématologiques
3. Influence du traitement sur la fonction hépatique
3.1. Variation de la masse absolue du foie
3.2. Effet sur l’activité des aminotransaminases
3.3. Effet sur l’activité de la phosphatase alcaline
3.4. Effet sur la concentration sérique en protéines totales et en albumine
3.4. Observation macroscopique du foie
3.5. Etude histologique du foie
4. Influence du traitement sur la fonction rénale
4.1. Variation de la masse absolue du rien
4.2. Effet sur les marqueurs rénaux
4.2. Etude histologique du rein
5. Influence du traitement sur la fonction reproductrice
5.1. Variation de la masse absolue des testicules et epedidymes
5.2. Effet sur quelques marqueurs biochimiques
5.3. Variation de la concentration des spermatozoïdes
5.4. Variation de la mobilité des spermatozoïdes
5.5. Variation du taux de malformations (A, B, C, N, V) (%) des spermatozoïdes
5.6. Étude histologique des testicules
5.7. Etude histologique de l’épididyme
6. Influence du traitement sur les paramètres du stress oxydant
6.1. Influence du traitement sur le glutathion tissulaire (GSH)
6.2. Influence du traitement sur le malondialdéhyde (MDA)
6.3. Influence du traitement sur l’activité des enzymes antioxydantes (GPx, GST)
Discussion
Conclusions générales et perspectives
Références bibliographiques

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