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Introduction
Les brouillards sont un type particulier d’écoulement diphasique dans lesquels une phase (phase particulaire) est dispersée sous forme de fines particules au sein d’un phase conti-nue liquide ou gazeuse (appelée phase porteuse ou phase fluide). La fraction volumique de la phase dispersée est généralement très faible devant celle de la phase porteuse.
Ces écoulements ont fait et font encore l’objet de nombreuses recherches en particulier dans les domaines industriels (moteurs [75, 91, 92], lutte contre les incendies [31, 47, 57]) ou recherche médicale [30, 56]).
Plus récemment, deux nouveaux champs d’application sont apparus, mettant en jeu des brouillards. Le premier concerne l’utilisation d’un brouillard de particules liquides pour atténuer une onde de choc (due par exemple à une explosion accidentelle). Cette possibilité a été démontrée expérimentalement [7, 12, 48] et a également fait l’objet d’études d’un point de vue numérique [11, 13]. Le second est lié à l’exploration planétaire. En effet, les récentes avancées technologiques permettent d’envoyer de plus en plus de sondes pour explorer le sol de la planète Mars. Or, sur cette planète, des phénomènes de tempête de sable sont susceptibles de gravement endommager les protections thermiques des sondes lors de leur rentrée dans l’atmosphère, pouvant mener à leur destruction [42, 43].
Dans ces deux nouveaux domaines d’application, les particules constituant le brouillard interagissent avec une onde de choc : instationnaire dans le premier cas, stationnaire et détachée devant la sonde dans le second.
Etant intéressé par ces deux champs d’application, le CEA a décidé de mettre en place un programme de simulation permettant de décrire l’interaction d’un brouillard, de par-ticules solides ou liquides, avec un choc. C’est dans ce contexte que s’inscrit cette thèse.
Pour la modélisation numérique des brouillards, il existe dans la littérature deux ap-proches appelées respectivement approche Eulérienne-Lagrangienne et approche Eulérienne-Eulérienne.
Dans le cas de la première approche, la phase fluide est traitée avec les équations de Navier-Stokes et la phase particulaire avec une approche Lagrangienne ([18, 73]). Elle consiste à résoudre les équations du mouvement d’un ensemble de particules (appe-lées particules numériques) statistiquement représentatives de l’ensemble des particules constituant le brouillard. Cette approche est simple à mettre en œuvre et permet de prendre en compte facilement la physique à l’échelle des particules, mais elle est cou-teuse en temps de calcul et mal adaptée au calcul massivement parallèle. Dans le cas de la seconde approche, la phase fluide est toujours modélisée avec les équations de Navier-Stokes, mais cette fois la phase particulaire est traitée comme un fluide continu à l’aide d’un système d’équations Eulérien du même type que celui utilisé pour décrire la phase porteuse ; d’où l’appellation d’approche Eulérienne-Eulérienne [73]. Le nombre d’équa-tions à résoudre n’est plus dépendant du nombre de particules présentes dans le brouillard (contrairement au cas de la première approche). A précision donnée, cette seconde ap-proche est plus efficace, en particulier sur les calculateurs parallèles car l’équilibre de la charge entre les processeurs est simple à réaliser lors du découpage du maillage. Le CEA disposant de ce type de calculateurs, c’est donc naturellement cette approche qui a été privilégiée dans le cadre de cette thèse. Malgré tout, comme nous le verrons, elle nécessite plus d’hypothèses de modélisation que la méthode Eulérienne-Lagrangienne et ne permet donc pas de décrire des situations aussi générales.
L’objectif de la thèse était, dans un premier temps, de développer un modèle de type Eulérien-Eulérien permettant de décrire l’interaction d’un brouillard avec un choc détaché et, dans un second temps, d’intégrer ce modèle au sein d’un code d’aérodynamique du CEA-CESTA dédié à la simulation des écoulements supersoniques.
Le modèle devait permettre de prendre en compte la rétroaction des particules sur l’écou-lement, en particulier sur l’onde de choc. Cette rétroaction pouvant conduire, comme nous le verrons, au déclenchement d’une instabilité ayant été observée expérimentale-ment [17, 25]. Le plan du mémoire est divisé en cinq parties.
Le premier chapitre est consacré à la modélisation du gaz seul en régime d’écoulement supersonique, sur une large gamme de nombres de Mach. Dans un premier temps, nous rappelons le comportement physique de l’air à haute température et les équations per-mettant de le modéliser. Dans un second temps, nous montrons les résultats d’une étude sur les effets de hautes températures sur la distance entre un obstacle (sonde) plongé dans l’air et le choc détaché. Au cours de cette étude, nous avons été amenés à dévelop-per une formule originale permettant de calculer explicitement la distance de choc d’un écoulement supersonique autour d’une sphère, afin de généraliser la formule classique de Billig [5] pour des nombres de Mach élevés. Cette nouvelle formule a l’intérêt d’être entièrement explicite (ce qui permet un calcul très rapide) et d’être basée sur une analys théorique des phénomènes physiques dans la zone post-choc (contrairement à la formule de Billig).
Le deuxième chapitre est consacré à la dérivation du système d’équations eulériennes utilisé dans la suite de la thèse pour modéliser la phase particulaire. La première étape consiste à analyser et modéliser les phénomènes physiques élémentaires mis en jeu à l’échelle d’une particule, dans le cas particulier où l’écoulement porteur est superso-nique : force de traînée, échanges de chaleur et de masse entre le fluide et la particule, fragmentation, interaction avec les parois, etc . . . Le passage de l’échelle mésoscopique
à l’échelle macroscopique se fait via l’équation de Williams-Boltzmann [92], qui permet de décrire l’évolution du brouillard d’un point de vue statistique par l’intermédiaire de la densité de particules dans l’espace des phases. Enfin, le modèle final est obtenu en écrivant formellement les équations vérifiées par certains moments de la fonction de dis-tribution par rapport aux variables internes (à l’exception de la variable taille) et en présumant une forme particulière pour celle-ci afin de fermer le problème. Cependant la taille des particules ayant une influence majeure sur les phénomènes physiques mis en jeu, leur taille moyenne (moment d’ordre 1) n’est pas suffisante pour décrire correcte-ment le comportement du brouillard. Il est donc préférable de conserver dans le modèle le caractère polydispersé du brouillard. Pour cela, nous avons choisi d’utiliser une méthode d’échantillonnage de la variable taille (généralement appelée « méthode des classes ») [52]. Concrètement, cette méthode consiste à écrire N systèmes eulériens identiques (un par classe de particules) couplés par l’intermédiaire du modèle de fragmentation et du modèle d’interaction particules-paroi.
Dans le troisième chapitre, nous présentons la méthode numérique adoptée pour discréti-ser le modèle associé à la phase particulaire, ainsi que les résultats des tests de validation effectués. Afin de pouvoir facilement intégrer les nouveaux développements dans le code CEA existant, nous avons choisi une approche volumes finis avec un schéma d’intégra-tion temporelle semi-implicite (avec pas de temps local). Nous montrons que le schéma numérique retenu préserve (pour chaque classe et sous condition CFL) la positivité de la concentration massique de particules ainsi que le principe du maximum sur la vitesse, le diamètre, l’énergie interne et le paramètre de forme. Concernant le traitement des termes sources liés à la rétroaction des particules sur le fluide porteur, nous avons préféré choisir une méthode de couplage explicite avec relaxation qui a l’avantage d’être totalement non-intrusive vis-à-vis du solveur existant associé à la phase gazeuse. Nous en analysons la stabilité numérique dans le cas d’un problème plus simple que celui traité dans cette thèse mais de structure similaire, ce qui nous permet d’établir un critère pour le choix du paramètre de relaxation.
Le quatrième chapitre est dédié à la modélisation de la fragmentation. Nous commen-çons par prouver, par une analyse des temps caractéristiques des différents phénomènes physiques en jeu que les phénomènes de fragmentation jouent un rôle prépondérant dans le cas de l’interaction d’un brouillard de particules liquides avec un écoulement super-sonique. Nous présentons et comparons ensuite deux modèles simplifiés de la littérature (modèles de Reinecke [65–67] et de Chauvin [11–13]), pour prendre en compte ce phéno-mène. Ayant montré que ces modèles présentent des limitations théoriques importantes, nous en proposons deux nouveaux afin de remédier, au moins en partie, aux principaux problèmes identifiés. Le premier est une extension relativement simple des modèles de Reinecke et Chauvin. Le second est original et nettement plus complexe, et s’appuie sur des résultats de simulations numériques directes et d’expériences récentes réalisées à l’ins-titut P’ de Poitiers. Dans le cadre de la thèse, seul le premier modèle a été implémenté dans le code de calcul CEA.
Enfin, le cinquième et dernier chapitre est consacré à la simulation d’expériences com-plexes de la littérature, afin de vérifier si le modèle et la méthodologie numérique retenus permettent de restituer les résultats observés. Deux expériences particulièrement inté-ressantes sur le plan physique ont été sélectionnées. La première, réalisée par Chauvin [11–13] dans les années 2010 à l’aide d’un tube à choc, porte sur l’interaction d’une onde de choc instationnaire avec un brouillard de particules liquides. Les phénomènes de frag-mentation y jouent un rôle majeur sur l’évolution temporelle de la pression, mesurée en différents points du brouillard après le passage du choc. Nous montrons que, pour un pa-ramétrage bien choisi, le modèle proposé permet de restituer le comportement observé et nous proposons de nouvelles pistes d’explication pour certains résultats expérimentaux. La seconde expérience a été réalisée dans la soufflerie supersonique de Boeing [17, 25] dans les années 1970. Elle concerne l’écoulement supersonique d’un brouillard de parti-cules solides autour d’une sphère. Les résultats expérimentaux mettent en évidence un phénomène surprenant : la présence de particules provoque une déformation instation-naire importante de l’onde de choc détachée en amont de l’obstacle, en particulier de la ligne d’arrêt. Nous montrons que le modèle permet de reproduire (au moins qualitative-ment) les instabilités observées à condition de tenir compte non seulement des particules réémises lors des impacts sur la paroi de la sphère, mais également de la génération de turbulence par les particules (via un modèle paramétré). Nous confirmons ainsi les pre-miers résultats numériques obtenus dans les années 1990 par Hulin et Znaty [44] avec une approche Eulerienne-Lagrangienne et un modèle similaire.
Table des matières
Liste des tableaux
Remerciements
Introduction
1 Modélisation de l’écoulement gazeux Nomenclature du chapitre 1
1.1 Choc autour d’un objet
1.2 Comportement de l’air à haute température
1.2.1 Cas d’un gaz pur diatomique
1.2.1.1 Degrés de liberté des molécules
1.2.1.2 Dissociation et ionisation
1.2.2 Comportement de l’air sans réaction chimique
1.2.3 Comportement de l’air dans le cas général
1.3 Équations générales des écoulements hypersoniques
1.3.1 Différents régimes d’écoulement
1.3.2 Équations de Navier-Stokes sans réaction chimique
1.3.2.1 Lois de comportement
1.3.2.2 Loi d’évolution de en fonction de T
1.3.2.3 Loi d’état
1.3.3 Équation de Navier-Stokes pour les mélanges de gaz réactifs .
1.3.3.1 Liens entre les grandeurs par espèce et les grandeurs du mélange
1.3.3.2 Calcul de la viscosité du mélange
1.3.3.3 Calcul de la conductivité thermique du mélange
1.3.3.4 Calcul des termes de production massique des espèces
1.3.3.5 Calcul des termes de diffusion massique
1.3.4 Modèles simplifiés
1.3.4.1 Modèle « gaz parfait à constant »
1.3.4.2 Modèle « gaz parfait à variable et chimie figée »
1.3.4.3 Modèle « gaz parfait à variable et chimie infiniment rapide » dit « à l’équilibre »
1.4 Analyse des phénomènes physiques prépondérants dans le cas de l’interaction entre un écoulement d’air hypersonique et un obstacle
1.4.1 Configuration géométrique étudiée
1.4.2 Influence du choix du modèle sur la température
1.4.3 Influence du choix du modèle sur la distance de choc
1.4.4 Amélioration de la formule de Billig pour le calcul de la distance de choc
1.4.4.1 Introduction
1.4.4.2 Constats initiaux
1.4.4.3 Idée directrice
1.4.4.4 Construction de la formule
1.4.4.5 Mise en évidence de deux états asymptotiques
1.4.4.6 Détermination de la transition
1.4.4.7 Validation
1.5 Conclusion
2 Modélisation du brouillard de particules Nomenclature du chapitre 2
2.1 Modélisation des phénomènes physiques à l’échelle d’une particule
2.1.1 Forces aérodynamiques s’appliquant sur une particule
2.1.1.1 Bilan des forces
2.1.1.2 Expression du coefficient de traînée pour une sphère rigide
2.1.2 Échange de chaleur et de matière avec le gaz : effets thermiques s’appliquant sur une particule
2.1.2.1 Expression des flux thermiques reçus par une particule
2.1.2.2 Présentation des principaux modèles de chauffage et d’évaporation
2.1.2.3 Évaluation des temps caractéristiques liés aux effets thermiques
2.1.2.4 Évaluation du temps caractéristique des effets thermiques pour une particule solide
2.1.3 Caractérisation de l’interaction particules-paroi
2.1.4 Étude de l’influence des collisions entre les particules
2.1.5 Description du phénomène de fragmentation d’une particule liquide
2.1.5.1 Quelques modes de fragmentation
2.1.5.2 Temps caractéristique de breakup
2.1.5.3 Tailles et vitesses des fragments
2.2 Équation de Williams-Boltzmann associée au brouillard
2.2.1 Expression des termes v, d et e
2.2.2 Discrétisation dans l’espace des phases (vp, dp, ep, p)
2.2.3 Équations générales du système multi-classes
2.2.3.1 Traitement de l’interaction particule-paroi dans le cadre du modèle multi-classes
2.2.3.2 Traitement des termes de rétroaction dans le cadre du modèle multi-classes
2.3 Conclusion
3 Discrétisation numérique du modèle et tests académiques de validation Nomenclature du chapitre 3
3.1 Discrétisation du système
3.1.1 Discrétisation spatiale
3.1.1.1 Rappels généraux sur la méthode des volumes finis
3.1.1.2 Application au cas du système fluide-particules
3.1.2 Discrétisation temporelle
3.1.2.1 Rappels généraux sur la méthode de discrétisation temporelle
des systèmes différentiels
3.1.2.2 Application au cas du système fluide-particules
3.1.3 Quelques propriétés mathématiques du schéma de discrétisation
utilisé pour la phase particulaire
3.1.3.1 Préservation de la positivité du nombre de particules
3.1.3.2 Principe du maximum sur la masse des particules
3.1.3.3 Principe du maximum sur la vitesse des particules
3.1.3.4 Principe du maximum sur l’énergie et le facteur de déformation
3.1.4 Traitement numérique de la configuration axisymétrique
3.1.5 Traitement numérique des conditions aux limites
3.1.6 Traitement numérique des termes de rétroaction
3.1.6.1 Etude de la stabilité du système couplé avec relaxation
3.2 Résultats des tests de validation sur des configurations académiques
3.2.1 Cas d’épreuve #1 : Validation du traitement numérique du transport
et des phénomènes thermiques
3.2.2 Cas d’épreuve #2 : Validation du traitement numérique du système
complet
3.2.2.1 Présentation du cas test et des hypothèses de calcul
3.2.2.2 Équations du système couplé ffluide+particulesg .
3.2.2.3 Validation de la conservativité globale : calcul des conditions
de sortie en fonction des conditions d’entrée .
3.2.2.4 Validation du système global : linéarisation du système
en l’absence d’effets thermiques, calcul de solutions explicites
et comparaison avec les résultats obtenus par le
code SDFS
3.2.2.5 Validation du système global : calcul de solutions explicites
du système en l’absence d’effets dynamiques et comparaison
avec les résultats obtenus par le code SDFS
3.2.3 Validation de l’implémentation numérique des conditions aux limites
d’interaction particules-paroi
4 Modélisation de la fragmentation de particules liquides Nomenclature du chapitre 4
4.1 Description de deux modèles de fragmentation adaptés au régime supersonique
4.1.1 Description du modèle de fragmentation proposé par Reinecke
4.1.1.1 Présentation du modèle
4.1.1.2 Traitement numérique du modèle de fragmentation de
Reinecke
4.1.1.3 Validation de l’implémentation numérique du modèle de
fragmentation de Reinecke
4.1.2 Description du modèle de fragmentation de Chauvin
4.1.2.1 Présentation du modèle
4.1.2.2 Traitement numérique du modèle de fragmentation de
Chauvin
4.1.2.3 Validation de l’implémentation numérique du modèle de
fragmentation de Chauvin
4.2 Mise en évidence de l’importance de la fragmentation dans la caractérisation
d’un spray supersonique
4.2.1 Évaluation du temps caractéristique de fragmentation
4.2.2 Analyse des flux de masse impactant la paroi en fonction du modèle
de fragmentation
4.3 Description des nouveaux modèles de fragmentation
4.3.1 Description du modèle de fragmentation dit « à deux classes »
4.3.1.1 Mise en exergue des limites des modèles de Reinecke et
de Chauvin
4.3.1.2 Présentation du modèle
4.3.1.3 Traitement numérique du modèle à deux sections
4.3.2 Description du modèle multiclasses
4.3.2.1 Description du dispositif expérimental et présentation des
principaux résultats
4.3.2.2 Présentation du modèle proposé
4.3.2.3 Formulation Eulérienne du modèle de fragmentation multiclasses
4.4 Conclusion
5 Premières applications du modèle pour la restitution d’expériences complexes d’interaction d’un brouillard avec un choc Nomenclature du chapitre 5
5.1 Expérience d’Alice Chauvin
5.1.1 Diagramme d’ondes (x;t) dans le tube à choc
5.1.2 Mise en évidence de trois états
5.1.3 Caractérisation de la pression asymptotique
5.1.4 Pistes d’amélioration du modèle
5.2 Expérience de Boeing
5.2.1 Présentation de l’expérience
5.2.2 Présentation des travaux de Hulin et Znaty [44]
5.2.3 Reproduction des travaux de Hulin et Znaty [44]
5.2.4 Étude de sensibilité
5.3 Conclusion
Conclusion et perspectives
Annexe 1
Annexe 2
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