INTERRELATIONS ENTRE LES CHANGEMENTS
CLIMATIQUES ET LES PRODUCTIONS ANIMALES
CONSEQUENCES DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES SUR L’ENVIRONNEMENT, VULNERABILITE ET ADAPTATION
Les changements climatiques anthropiques sont récemment devenus un fait bien établi et leur impact sur l’environnement est d’ores et déjà observable [STEINFELD et al., 2006]. Selon différents scénarios d’émission, la température moyenne mondiale devrait augmenter d’environ 0,2°C par décennie au cours des deux prochaines décennies [IPCC, 2001a]. Les études antérieures prévoyaient un réchauffement de 0,15 à 0,3°C par décennie entre 1990 et 2005 [IPCC, 1990]. Même si les concentrations de tous les gaz à effet de serre et aérosols étaient restées à leurs niveaux de l’an 2000, un réchauffement supplémentaire d’environ 0,1°C par décennie serait à prévoir, en raison principalement de la période nécessaire aux océans pour libérer la chaleur qu’ils ont accumulée. Si les émissions de gaz à effet de serre devaient se poursuivre à leur rythme actuel ou augmenter, elles aggraveraient le phénomène de réchauffement et engendreraient au cours du XXIème siècle de nombreux autres changements dans le système climatique de la planète, changements qui seraient très probablement plus importants que ceux observés au cours du XXème siècle. De plus, le réchauffement tend à réduire la capacité d’absorption de CO2 atmosphérique par les terres et les océans, et donc à augmenter la quantité d’émissions d’origine humaine demeurant dans l’atmosphère [IPCC, 2001b]. En effet, les estimations les plus fiables de réchauffement de l’air à la surface de la Terre entre 1980 et 2090 prévoient une variation de température allant de 1.8°C (probablement entre 1.1°C et 2.9°C) à 4.0°C (probablement entre 2.4°C et 6.4°C). Les incertitudes proviennent des différences de modèles et de scénarios de consommation d’énergie utilisés [IPCC, 2007]. Après avoir défini les notions de la sensibilité, de la capacité d’adaptation et de la vulnérabilité, nous allons monter les conséquences des changements climatiques par zone géographique en s’attardant sur les points les plus sensibles.
NOTION DE SENSIBILITE, DE CAPACITE D’ADAPTATION ET DE VULNERABILITE
• Sensibilité : C’est la proportion dans laquelle un système est influencé, favorablement ou défavorablement, par des stimuli liés au climat. Ces stimuli englobent tous les éléments liés aux changements climatiques, dont les caractéristiques climatiques moyennes, la variabilité du climat, la fréquence et l’ampleur des extrêmes. Les effets peuvent être directs (par exemple une modification des rendements agricoles due à un changement de la valeur moyenne, de l’amplitude ou de la variabilité de la température) ou indirects (par exemple des dommages causés par la fréquence accrue des inondations de zones côtières dues à l’élévation du niveau de la mer). • Capacité d’adaptation C’est la capacité d’un système de s’adapter aux changements climatiques (notamment à la variabilité du climat et aux phénomènes extrêmes), de façon à atténuer les dommages potentiels, à tirer parti des possibilités offertes et à faire face aux conséquences. • Vulnérabilité : Elle peut être définie comme étant le potentiel de perte associé aux populations humaines et à ce qu’elles considèrent comme précieux [MITCHELL, 2001]. Dans le contexte de phénomènes naturels dangereux, la vulnérabilité inclut les notions corrélées d’exposition, de résistance et de résilience. En d’autres termes, la vulnérabilité se définit comme la capacité à la fois de subir un phénomène dangereux, d’en réduire les effets et de se remettre des pertes subies. Les populations associant une forte exposition au risque, un faible niveau de résistance et une faible résilience sont les plus vulnérables face aux phénomènes dangereux. Selon le GIEC, (2001b) la vulnérabilité est la mesure dans laquelle un système est sensible – ou incapable de faire face – aux effets défavorables des changements Chapitre II : Conséquences, Vulnérabilité et Adaptation 27 climatiques, y compris la variabilité du climat et les phénomènes extrêmes. La vulnérabilité est fonction de la nature, de l’ampleur et du rythme de la variation du climat à laquelle le système considéré est exposé, de la sensibilité de ce système et de sa capacité d’adaptation.
CONSEQUENCES DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES PAR ZONE GEOGRAPHIQUE
Asie Les changements climatiques imposeront un stress important sur les ressources dans toute la région. L’Asie compte plus de 60% de la population mondiale; ses ressources naturelles subissent déjà de fortes contraintes et la résistance aux changements climatiques dans la plupart des secteurs est faible. De nombreux pays dépendent d’un point de vue socio-économique de ressources comme l’eau, les forêts, les prairies, les pâturages et la pêche. L’ampleur des modifications des variables climatiques pourrait varier de façon importante d’une sous région et d’un pays à l’autre. La sensibilité aux changements climatiques de quelques secteurs vulnérables et les effets de ces limites sont présentés dans le tableau II. L’insécurité alimentaire semble être la principale préoccupation de l’Asie. Les récoltes et l’aquaculture seraient menacées par les stress thermiques et hydriques, l’élévation du niveau de la mer, l’augmentation des inondations et les vents forts associés aux cyclones tropicaux intenses. En général, on prévoit que les zones situées sous des latitudes moyennes et élevées connaîtront une augmentation de la production agricole; les récoltes dans les latitudes basses diminueront dans l’ensemble. La durée plus longue de la saison estivale devrait entraîner un déplacement vers le nord des limites de l’agro-écosystème en Asie boréale et favoriser une augmentation générale de la productivité agricole. Chapitre II : Conséquences, Vulnérabilité et Adaptation 28 Tableau II: Sensibilité de certaines régions asiatiques aux changements climatiques. Changements dans les éléments climatiques et élévation du niveau de la mer Région vulnérable Principaux changements Impacts Primaires Secondaires 0,5-2°C (élévation du niveau de la mer 10-45 cm) Sundarbans du Bangladesh – inondations, environ 15 % (~ 750 km2) – augmentation de la salinité des sols perte d’espèces végétales – perte d’espèces fauniques -perte économique – accentuation de l’insécurité et des pertes d’emplois 4°C (pluviosité + 10 %) Pergélisols sibériens – réduction du pergélisol continu -déplacement de la limite sud du pergélisol sibérien d’environ 100 à 200 km vers le nord – modification de la solidité des roches – changement de capacité de support – changement de compressibilité des roches gelées -érosion thermique – effets sur le secteur de la construction – effets sur le secteur minier -effets sur le développement agricole >3°C (pluviosité > + 20 %) Ressources en eau du Kazakhstan – modification de l’écoulement -augmentation des inondations hivernales -baisse des débits estivaux – risques pour la vie et les biens – stress hydrique estival ~2°C (pluviosité -5 à 10 %; élévation du niveau de la mer 45 cm) Basses terres du Bangladesh – augmentation d’environ 23-29 % de l’étendue des inondations – modification de catégorie de profondeur des inondations – modification de configuration des récoltes de riz pendant la mousson – risque pour la vie et les biens – augmentation des problèmes sanitaires – réduction des récoltes de riz Source : [IPCC, 2001b] La variabilité et les changements climatiques affecteront le calendrier des récoltes ainsi que la durée de la période de croissance des cultures [GIEC, 1998]. En Chine, le rendement de certaines cultures importantes devrait baisser en raison des changements climatiques. De grandes pénuries d’eau, associées au stress thermique, auront des effets néfastes sur le blé, et encore plus sur la productivité du riz en Inde, malgré l’incidence positive de Chapitre II : Conséquences, Vulnérabilité et Adaptation 29 l’augmentation du CO2. Les maladies des cultures comme la gale du blé, la piriculariose et la rouille du riz, pourraient être plus répandues dans les régions tempérées et tropicales de l’Asie si le climat devenait plus chaud et plus humide. 2.2.1.1. Mesures d’adaptation Les mesures d’adaptation qui visent à réduire les effets néfastes de la variabilité climatique pourraient inclure le changement du calendrier des récoltes afin de profiter de la période des pluies et d’éviter les phénomènes météorologiques extrêmes (typhons, vents forts, etc.) pendant la saison de croissance [IPCC, 2001b]. L’Asie domine l’aquaculture mondiale et produit 80% de tous les poissons, crevettes, crustacés et coquillages d’élevage. De nombreux stocks sauvages subissent du stress en raison de la surexploitation, de la pêche au chalut dans les habitats des fonds marins, du développement du littoral et de la pollution causée par les activités terrestres. De plus, la productivité marine est très affectée par les déplacements du plancton, comme les mouvements saisonniers des sardines dans la Mer du Japon, en réaction aux changements climatiques causés pendant les épisodes ENSO. Les ondes de tempêtes et les conditions cycloniques frappent régulièrement le littoral et ajoutent des sédiments aux eaux côtières. La conservation et la gestion durable de la pêche intérieure et en mer sont nécessaires à l’échelle régionale afin que les ressources aquatiques vivantes puissent continuer à satisfaire leurs besoins nutritionnels aux niveaux régional et national. Les changements climatiques pourraient accentuer les menaces que font actuellement peser sur la diversité biologique la modification de l’affectation et de la couverture des terres ainsi que la pression démographique. Les risques touchant la grande diversité d’espèces en Asie s’accentuent [NAKICENOVIC et al., 2000]. Chapitre II : Conséquences, Vulnérabilité et Adaptation 30 2.2.2. Australie et Nouvelle Zélande La région Australie/Nouvelle-Zélande couvre les tropiques jusqu’aux latitudes moyennes et possède des climats et des écosystèmes variés, à savoir des déserts, des forêts pluviales, des récifs coralliens et des zones alpines. Le climat est vivement influencé par les océans environnants. L’Australie sera très vulnérable à l’assèchement prévu pour la plus grande partie du pays dans les 50- 100 prochaines années parce que de grandes zones agricoles sont actuellement fortement affectées par des sécheresses périodiques. Il existe déjà des terres arides et semi-arides étendues. La Nouvelle-Zélande, qui est un pays plus montagneux et dont le climat est généralement plus tempéré et maritime, pourrait mieux résister aux changements climatiques que l’Australie, bien qu’une vulnérabilité considérable demeure. Les phénomènes extrêmes ont actuellement une incidence majeure; les changements touchant ces phénomènes devraient dominer les effets des changements climatiques. Les périodes de retour des pluies abondantes, des inondations et des ondes de tempête, d’une ampleur donnée et dans des sites particuliers, seraient modifiées par des augmentations possibles de l’intensité des cyclones tropicaux et des pluies abondantes ainsi que des changements de fréquence des cyclones liés à des lieux spécifiques. Les scénarios des changements climatiques qui sont basés sur des modèles couplés océan – atmosphère récents indiquent que de grandes régions d’Australie connaîtront une diminution importante des précipitations au cours du XXIème siècle. Le phénomène ENSO entraîne des inondations et des sécheresses prolongées, particulièrement à l’intérieur de l’Australie et dans certaines parties de la Nouvelle-Zélande. La région serait sensible à une évolution vers un état moyen ressemblant davantage à El Niño [GIEC, 1998]. Les changements climatiques s’ajouteront aux stress actuels touchant l’utilisation durable des terres et la conservation de la diversité biologique terrestre et aquatique. Ces stress comprennent l’invasion d’espèces exotiques Chapitre II : Conséquences, Vulnérabilité et Adaptation 31 animales et végétales, la dégradation et le morcellement des écosystèmes naturels par le développement urbain et agricole, la salinisation des terres arides (Australie), la suppression de la couverture forestière (Australie et Nouvelle-Zélande) et la concurrence pour les rares ressources en eau [GIEC, 1998].
Mesures d’adaptation
Les principales options d’adaptation comprennent notamment : • l’amélioration de l’efficacité de l’utilisation de l’eau et de bons mécanismes d’échange pour l’eau; • des politiques d’utilisation des terres plus appropriées; • la fourniture de prévisions saisonnières et d’informations climatiques aux utilisateurs des terres pour les aider à gérer la variabilité et les changements climatiques; • de meilleurs cultivars; • la révision des normes techniques et du zonage pour le développement de l’infrastructure; • et enfin l’amélioration des services de santé et de sécurité biologique [IPCC, 2001b].
En Europe
Les conditions météorologiques actuelles affectent les systèmes naturels, sociaux et économiques européens sous des aspects qui révèlent des sensibilités et des vulnérabilités aux changements climatiques. Les changements climatiques pourraient aggraver ces effets. La vulnérabilité aux changements climatiques en Europe diffère de façon importante d’une sous-région à l’autre. L’Europe méridionale et l’Europe arctique sont plus vulnérables que d’autres parties de l’Europe. Certaines zones plus marginales ou moins riches s’adapteront moins facilement, ce qui entraîne des conséquences importantes sur le plan de l’équité [IPCC, 2001b]. Les écosystèmes naturels changeront en raison des hausses de températures et de concentrations atmosphériques de CO2. Le pergélisol diminuera, les arbres et les arbustes envahiront la toundra du nord; et les feuillus pourraient gagner du terrain dans les zones de conifères actuelles. La productivité primaire nette des écosystèmes va sans doute augmenter (en raison du dépôt d’azote), mais la hausse de la décomposition provoquée par les élévations de températures pourrait empêcher tout stockage supplémentaire de carbone. La diversité des réserves naturelles est menacée par les changements rapides. Les pertes d’habitats importants (terres humides, Toundra et habitats isolés) pourraient mettre en péril certaines espèces (y compris des espèces rares/endémiques et des oiseaux migrateurs). Des déplacements d’animaux dus à la modification du milieu naturel sont prévus dans les écosystèmes marins, aquatiques et terrestres. Les rendements agricoles vont augmenter dans la plupart des cultures en raison de la hausse des concentrations de CO2 dans l’atmosphère. Les changements climatiques affectant la productivité aquicole et le secteur de la pêche entraîneront des déplacements fauniques touchant les poissons marins et d’eau douce et la diversité biologique des crustacés et coquillages. Ces changements seront aggravés par des niveaux d’exploitation non durables et par des modifications de l’environnement [GIEC, 1998]. Un ensemble de risques menacent la santé humaine à cause de l’exposition accrue aux vagues de chaleur (accentuées par la pollution atmosphérique dans les villes), à certaines maladies à transmission vectorielle et aux inondations côtières ou fluviales [IPCC, 2001b]. 2.2.3.1. Mesures d’adaptation Le potentiel d’adaptation des systèmes socio-économiques en Europe est relativement élevé grâce à la situation économique [PNB élevé et croissance stable], à la stabilité de la population (qui à la capacité de se déplacer à l’intérieur d’une même région) et aux systèmes de soutien Chapitre II : Conséquences, Vulnérabilité et Adaptation 33 politiques, institutionnels et technologiques bien développés. Il est toutefois généralement bas dans le cas des systèmes naturels [IPCC, 2001b].
INTRODUCTION |