TABACOLOGIE
FACTEURS CONTRIBUANT A L’ADDICTION
STRESS
Il est bien connu que le stress active l’axe hypothalamo-hypophysosurrénalien, avec pour résultat la libération des glucocorticoïdes (cortisol chez l’homme, corticostérone chez les rongeurs) dans la circulation sanguine. Il est moins bien connu que le stress potentialise la consommation des produits addictifs, facilite le développement d’une addiction et induit des rechutes après le sevrage(65). Les glucocorticoïdes libérés par les surrénales stimulent leurs récepteurs situés sur les neurones dopaminergiques de l’ATV. Cependant cette activation est de courte durée, les glucocorticoïdes exerçant un rétrocontrôle négatif sur la synthèse du CRF et de l’ACTH. Le stress augmente la synthèse et la libération du corticotropin releasing factor (CRF) dans le système vasculaire reliant l’hypothalamus à l’hypophyse. Dans l’hypophyse le CRF active des récepteurs CRF, ce qui induit la synthèse de la proopiomélanocortine (POMC). 50 La POMC est clivée et produit ainsi l’adrenocorticotropic hormone (ACTH) ainsi que la β-endorphine, un opioïde endogène. L’ACTH est libérée dans la circulation sanguine et gagne les surrénales où elle active des récepteurs spécifiques, ce qui induit la libération des glucocorticoïdes dans la circulation sanguine. Les glucocorticoïdes libérés exercent un rétrocontrôle négatif sur la synthèse du CRF et de la POMC. A noter que, via les récepteurs μ et K, les opioïdes endogènes inhibent cet axe de façon tonique(64). Figure 5 : L’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien. En fait les effets du stress sur l’addiction résultent de l’activation : – de structures limbiques : le NAcc, l’amygdale et le Bed Nucleus of Stria Terminalis (BNST). Ces deux derniers sont les médiateurs des effets anxiogènes du stress ; – du cortex préfrontal (COF, CCA, CPFDL) ; – du Locus Coeruleus et du noyau solitaire, deux noyaux du tronc cérébral impliqués, dans la régulation des fonctions végétatives et dans la dépendance physique. Le stress active ces structures parce que leurs neurones expriment le CRF et ses récepteurs, et que, à l’opposé de ce qui se passe dans l’axe HHS, les glucocorticoïdes augmentent la synthèse du CRF dans les structures limbiques. Figure 6 : Les effets du stress sur les systèmes mésolimbiques et mésopréfrontaux.
FACTEURS GENETIQUES
L’addiction est l’une des maladies psychiatriques où l’hérédité joue un rôle important. Les variances génétiques impliquées dans l’addiction peuvent être réparties en deux classes : Celles qui sont directement associées à l’addiction et celles qui sont associées aux troubles facilitant l’addiction : l’impulsivité, la prise de risque et le stress.
EFFETS DE LA NICOTINE ET AIDE A L’ARRET DU TABAC
RETENTISSEMENTS CARDIOVASCULAIRES ET RESPIRATOIRES
TABAC ET VAISSEAUX
L’enquête de l’OMS, quasi planétaire, établit que le tabac tue une personne toutes les dix secondes. 50 % des décès par maladies cardiovasculaires sont imputables au tabac. Ces atteintes vasculaires sont toutes d’origine athérosclereuse : L’athérosclérose du grec athêrê « bouillie » et sklêros « dur » doit aujourd’hui d’avantage être considéré comme une réponse inflammatoire aux lésions de la paroi artérielle plutôt qu’un processus dégénératif passif lié au vieillissement vasculaire. Cette hypothèse fait de l’athérosclérose une réponse vasculaire à des agressions répétées.
TABAC ET PATHOLOGIE VASCULAIRE
Le tabac induit un certain nombre de réactions à l’échelon micro circulatoire dont voici quelques observations simples(5) : La capillaroscopie au lit de l’ongle permet de voir les anses capillaires. Celles-ci sont normalement au nombre de 10 par mm, dans lesquelles la circulation sanguine est visible. Si l’on demande à un patient de fumer une cigarette pendant la réalisation de cet examen, on assiste à une diminution importante du nombre d’anses capillaires fonctionnelles (qui ne sont plus que de 4 à 6 par mm) avec apparition progressivement en quelques minutes d’un œdème péri capillaire visible directement lors de ce simple examen sous le microscope. Un examen par laser Doppler du flux sanguin de la pulpe du doigt d’un sujet montre une diminution très importante de la vitesse circulatoire dont le territoire exploré dans les secondes qui suivent l’inhalation de la première bouffée de 55 cigarette. Ces perturbations se poursuivent pendant plus de dix minutes après l’arrêt de la cigarette. L’étude pléthysmographique au niveau digital de la pulsatilité, à l’aide d’une jauge de contrainte montre une amplitude importante chez le sujet n’ayant pas fumé le matin de l’examen. Par contre, 5 secondes après que le sujet a pris une bouffée de sa cigarette, on assiste à une diminution très importante de l’amplitude des ondes pulsatiles qui sont amorties à partir de la deuxième bouffée. Ces perturbations durent plusieurs minutes après l’arrêt de la cigarette. La fumée de tabac a une action relativement prolongée, quelques dizaines de minutes en moins entraînant des phénomènes vasoconstricteurs ayant un retentissement notable sur l’hémodynamique générale. Une étude datant de 1997 portant sur 1515 paires de jumeaux « discordants » montre que le risque de maladie vasculaire observé sur 24 années est de 60 % supérieur chez le fumeur que le non fumeur avec déjà un certain nombre de dosages sanguins modifiés(5), en particulier : Une augmentation de la cholestérolémie (2.75 g/l contre 1.9 g/l) Une augmentation de la PA systolique (180 contre 135 mm Hg) Une augmentation de l’hématocrite (41 % contre 48 %) Une hyperleucocytose atteignant 14 000 GB/mm3 Toutes ces modifications font que le tabac est un facteur de risque de l’athérome. L’arrêt du tabagisme réduit le risque de maladie vasculaire et ce risque semble disparaître après trois à cinq ans après l’arrêt définitif de l’intoxication tabagique. Cependant, il n’empêche, ni ne réduit les calcifications dont le développement anormal a été engendré par l’intoxication préalable.
COMPLICATIONS VASCULAIRES DU TABAGISME
Les complications vasculaires périphériques du tabagisme sont essentiellement représentées par l’artériopathie athéromateuse d’une part, l’artériopathie non athéromateuse d’autre part, mais aussi certaines pathologies thrombotiques veineuses (femme jeune sous pilule). Ces différentes pathologies sont en rapport direct avec des agressions induites par le tabac sur les nombreux mécanismes physiologiques de la paroi vasculaire. Le tabac n’est pas seulement athérogène, mais il est aussi pro thrombotique et responsable de spasmes. L’athérogénèse est une évolution de nos parois vasculaires inéluctable dans notre civilisation, même en dehors de toute intoxication tabagique. L’inhalation de fumée de tabac l’accélère et cela proportionnellement à la quantité et à la durée de l’intoxication. L’athérome est un état anatomique caractérisé par des lésions se développant dans la paroi des grosses et des moyennes artères. Les lésions s’installent très lentement, sur des dizaines d’années cliniquement silencieuses. Les signes cliniques surviennent lors des complications que sont les sténoses, les thromboses, les embolies et les anévrismes des artères des différents territoires. Les conséquences des lésions athéromateuses sont nombreuses : Les plaques athéromateuses peuvent ne pas avoir de retentissement hémodynamique. C’est la rupture de cette plaque qui peut provoquer des conséquences d’une extrême gravité en rapport avec une occlusion aiguë d’une artère d’aval de plus petit calibre (infarctus du myocarde, mort subite…). La rupture de plaque est bien souvent l’élément clé qui fait passer l’athérosclérose de l’état d’anomalie silencieuse de la paroi artérielle à celui de maladie capable de provoquer des phénomènes ischémiques. L’ouverture d’une brèche dans la plaque permet au sang circulant sous haute pression de pénétrer dans l’intima pour y former un hématome, pouvant faire saillir encore plus la plaque dans la lumière vasculaire au point d’obstruer le réseau artériel. En l’absence de phénomène obstructif critique, la masse du thrombus et l’éventuel hématome contribuent au travers du phénomène d’incorporation à la progression de la plaque et à la constitution d’une sténose. Les sténoses ou rétrécissements du calibre de l’artère entraînent progressivement une insuffisance circulatoire, notamment lorsque l’on demande un effort supplémentaire à l’organe qu’irrigue le vaisseau sténosé : o cœur = angor ou angine de poitrine. o Membres inférieurs = artériopathie oblitérante = claudication intermittente. Les thromboses sont les complications ultimes des sténoses. Le thrombus artériel peut interrompre le courant sanguin à ce niveau (infarctus du myocarde, infarctus cérébral, embolies en périphérie…). Le thrombus veineux peut entraîner une phlébite et/ou une embolie pulmonaire. Enfin, les destructions progressives du tissu élastique des parois de l’artère peuvent entraîner le développement d’anévrismes.
TABAC ET CŒUR
Le tabac est un facteur de risque presque exclusif du cancer bronchopulmonaire et à l’origine du tiers des cancers. Il intervient dans les maladies coronaires. La quasi totalité des sujets présentant des infarctus du myocarde avant 45ans sont fumeurs. Entre 30 et 49 ans, le risque d’infarctus du myocarde chez le fumeur est multiplié par cinq. Ce risque existe même pour le tabagisme passif. Celui-ci est lié au fait que le tabac, indépendamment de son action athérogéne, est responsable d’effets hémodynamiques aigus et favorise le spasme et la thrombose, véritables starters des accidents coronariens aigus. 58 Pour ces raisons l’arrêt total de toute consommation peut très rapidement rapporter une protection cardiovasculaire vis-à-vis de telles complications. Les bénéfices de l’arrêt de consommation de tabac sont confirmés à tous les stades de la maladie coronaire (62,89). Aider un patient coronarien à arrêter de fumer peut être assimilé à un véritable acte thérapeutique. Cette prise en charge serait notablement améliorée par la prise de conscience du corps médical des bénéfices à attendre du sevrage. D’autres facteurs de risques comme l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie ou le diabète sont concernés. L’utilisation de moyens ayant prouvé leur efficacité avec un suivi à long terme des malades sevrés. Il est fondamental également que les médecins donnent l’exemple en ne fumant pas. Certaines études ont apporté des preuves indiscutables du bénéfice à attendre de l’arrêt du tabac sur le plan cardiovasculaire. Ces études montrent que les patients fumeurs ayant fait un infarctus du myocarde et arrêtant de fumer, ont une mortalité dans les années suivant leur infarctus qui peut être diminuée de 50% par rapport à celle des sujets ayant poursuivi leur consommation de tabac(1). L’essai canadien CCAIT, qui a évalué par coronarographie l’effet d’un hypocholestérolémiant (lovastatine) sur la progression de l’athérosclérose, a montré que celle-ci progresse 2 fois plus vite chez les fumeurs que chez les non fumeurs, et que l’apparition de nouvelles lésions, est significativement plus fréquente chez les fumeurs(99). Dans l’étude CASS(16), l’analyse a montre que le risque relatif de décès est de 1,73 chez les fumeurs qui persistent dans leur habitude tabagique par rapport à ceux qui ont arrêté. Par ailleurs les fumeurs ont plus d’angine de poitrine, une plus grande limitation de leur activité physique, et plus d’hospitalisation pour des affections cardio-vasculaires. 59 Dans une étude hollandaise(98), la surveillance pendant 15ans de 415 patients ayant bénéficié d’un pontage coronaire a montré que la persistance de consommation de tabac augmente de façon importante le risque d’infarctus du myocarde et de re-intervention alors que l’arrêt du tabac raméne ce risque au niveau de celui des non fumeurs. Le risque de re-intervention des patients qui fument un an après la chirurgie est de 2 ,5 plus élevé que celui de ceux qui ont arrêté de fumer. Ce risque est jusqu’à 5 fois plus élevé pour ceux qui fument encore 5 ans après le pontage. A l’opposé les ex-fumeurs, ayant arrêté lors du pontage, ont les mêmes risques évolutifs que les non-fumeurs. Une étude de la Mayo clinic, concernant 6600 patients ayant bénéficié d’une angioplastie coronaire a montré avec un recul moyen de 4,5 ans, que les patients qui restent fumeurs ont un risque relatif d’infarctus et de décès de 1,44 par rapport à ceux qui ont arrêté de fumer(42). Une étude norvégienne a montré que au décours d’une angioplastie coronaire le bénéfice clinque évalué sur la capacité à l’effort est inférieur chez les sujets fumeurs par rapport aux sujets non fumeurs(51). Enfin dans l’étude CAST, dans laquelle a été évalué l’effet de l’arrêt du tabac sur le risque de mortalité globale et des décès d’origine rythmique dans les suites d’un infarctus du myocarde, le risque de décès par trouble du rythme est inférieur dans le groupe des patients ayant arrêté de fumer par rapport a celui du groupe des fumeurs(6). Le seul avantage dont pourraient à première vue bénéficier les fumeurs est une meilleure sensibilité au traitement thrombolytique de l’infarctus du myocarde que les non-fumeurs, ce qui explique leur meilleur pronostic immédiat (26,70). En fait il s’agit d’une population plus jeune, dont le facteur de risque essentiel et souvent isolé est le tabac. Cette meilleure évolution sous traitement 60 thrombolytique ne ferait que refléter le rôle essentiellement thrombogène du tabac dans la survenue des complications des maladies coronaires. L’ensemble de ces données montre que chez le patient coronarien l’arrêt du tabac apporte un bénéfice indiscutable avec une réduction significative de la morbidité et de la mortalité coronaire.
INTRODUCTION |