Cadre expérimental commun : Protocole Chute-Fracture et Cognition

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Introduction Une population vieillissante

En France 18.4% de la population est âgée de 65 ans et plus et le nombre de personnes de plus 85 ans va quadrupler d’ici 2050, passant de 1,4 à 4,8 millions. L’espérance de vie augmenterait même de 3 mois tous les ans. Cependant, un tiers des personnes seules âgées de 75 ans et plus ont des difficultés pour sortir de chez elles, la moitié pour monter un escalier (Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé (INPES)). La proportion de seniors grandit en même temps que la durée de vie, la problématique qui se pose est donc de savoir « si ce vieillissement de la population sera accompagné d’une plus longue période de bonne santé, d’un sentiment durable de bien-être, d’une poursuite de l’engagement social et de productivité ou s’il sera associé à plus de maladie, de handicap et de dépendance ?» (John Beard, Directeur du département Vieillesse et qualité de vie à l’Organisation Mondiale de la Santé).
Un des enjeux majeurs de ce début de 21ème siècle est donc de maintenir les personnes âgées en bonne santé plus longuement et de repousser l’échéance de la dépendance en conservant leur mobilité et en limitant leur fragilité.
La dépendance lourde, généralement définie comme une incapacité d’accomplir sans aide extérieure une majorité d’actes de la vie quotidienne, touche plus de 700 000 personnes âgées en France (INPES). Quatre-vingt pourcents des français craignent la perte d’autonomie (sondage ORCIP France info). Un million de français de plus de 60 ans touche l’Allocation Personnalisée d’Autonomie instaurée en 2002 et destinée aux personnes justifiant d’une perte d’autonomie. En juin 2004, le gouvernement français a aussi créé une « Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie » afin d’accompagner les personnes âgées et handicapées en situation de perte d’indépendance. Le premier janvier 2016 « La loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement » est entrée en vigueur, et se fixe pour but d’organiser cette nouvelle transition démographique en conservant l’autonomie des aînés par des adaptations de logements, des aides financières plus importantes, ainsi que des soutiens aux proches et même un changement de politique de l’aménagement des villes.
« L’espérance de vie en bonne santé », un nouvel indice d’évaluation du vieillissement, semble donc avoir autant d’importance que « l’espérance de vie ». Cet indice correspond au nombre d’années moyen passé sans incapacité majeure et avec une préservation de l’indépendance. En France cet indice est estimé à 61,8 ans pour les hommes et 63,5 ans pour les femmes (INPES Figure 1). Ceci indique donc qu’avec l’augmentation de l’espérance de vie, les personnes âgées passent en moyenne maintenant une vingtaine d’années dans des conditions où leur indépendance n’est pas préservée. Il est aussi important de noter que l’espérance de vie en bonne santé n’augmente pas aussi vite que l’espérance de vie et aurait même récemment connu un léger déclin en France. Un des problèmes mis en évidence est l’augmentation de la sédentarité et de l’obésité des personnes.
« L’âge psychologique » des seniors, indexé sur la manière dont la personne évalue son caractère, son humeur et son état de santé, est quant à lui en perpétuelle diminution. En effet, deux tiers des personnes âgées se sentent comme ayant en moyenne 15 ans de moins que l’âge de leur état civil
(INPES). En mettant en parallèle ces deux indices, un décalage apparait. Les seniors se sentiraient plus jeunes qu’avant, seraient plus enclins à se déplacer et seraient même volontaires pour pratiquer une activité physique mais leur espérance de vie en bonne santé stagne et ceci potentiellement à cause de leur sédentarité. Une explication possible serait que la perte d’indépendance lors du vieillissement n’affecterait pas de la même manière la totalité des seniors ; mais qu’un nombre non négligeable, à cause de pathologies génétiques ou liées à l’environnement, ou à cause de comportements « à risque » seraient préférentiellement touchées.
Ce travail de thèse s’intéressera principalement à ces derniers, et surtout aux liens qui peuvent exister entre des comportements de sédentarité, la fragilité, la mobilité et la dépendance.
La sédentarité, largement mise en cause dans la perte d’autonomie des personnes âgées, est considérée par l’OMS comme le quatrième facteur de risque de mortalité au niveau mondial. Une étude récente montre que le coût mondial annuel de la sédentarité s’élève à 67,7 milliards de dollars (Ding et al. 2016). La sédentarité peut être vue comme un cercle vicieux où la perte d’autonomie et les diminutions fonctionnelles de la mobilité peuvent être considérées comme des causes mais aussi comme des conséquences de la sédentarité (Figure 2).
La notion de « fragilité » liée au vieillissement regroupe les différents marqueurs mis en cause dans ces altérations fonctionnelles, est considérée comme un facteur de risque majeur de dépendance, d’institutionnalisation et de décès (De Vries et al., 2012). Le consensus sur les marqueurs de cette fragilité sont composés principalement d’une baisse de force, d’endurance, d’équilibre, de performance de marche et de l’activité générale (Fried et al. 2001). Le gouvernement français ajoute à ces facteurs de fragilité : les chutes, la dénutrition, l’incontinence, une mauvaise observance thérapeutique ou une complication iatrogénique, l’arthrose et l’ostéoporose, la perte d’audition ou de vision, la dépression et l’isolement social (INPES). Cette fragilité liée à l’âge s’explique notamment par un fonctionnement affaibli des organes et en particulier des organes sensoriels, du système musculo-squelettique, du système cardio-pulmonaire et du système immunitaire qui empêchent le senior de fonctionner comme il le désire (Clegg et al. 2013).
Ce travail aura pour objectif d’étudier quels facteurs « fragilisés » par le vieillissement, et potentiellement par la sédentarité, peuvent entrer en cause dans la diminution de la mobilité et plus particulièrement dans l’augmentation des risques d’accident de la mobilité comme la chute.
L’augmentation de la fragilité liée au vieillissement a comme conséquence directe l’augmentation du risque de chute chez les personnes âgées. La chute des personnes âgées est reconnue comme étant un problème sanitaire et économique majeur. En 2013, l’institut de la veille sanitaire a établi que les chutes étaient les premières causes de décès parmi les accidents de la vie courante (58 % des accidents). Un tiers des personnes de plus de 65 ans tombe chaque année (Tinetti et al. 1988a; Ambrose et al. 2013)., et dans 10% des cas, il en résulte une blessure sérieuse. Malgré les efforts pour contrer ce problème, durant les 15 dernières années, le nombre d’hospitalisations causées par une chute continuerait de croître (Hill & Wee 2012). Le nombre de chutes avec blessure chez les personnes de plus de 80 ans serait de 2,8/100 personnes par an. Elles sont chez les sujets âgés la cause principale de décès par accident (Dargent-Molina et Bréart, 1995) avec en France un taux de mortalité de 9% parmi les chuteurs (Pariente et al. 2008). La chute entraine chaque année plus de 9 000 morts en particulier chez les plus de 75 ans. Economiquement , le coût de la chute en France s’élève à 1 milliard d’euro par an (Auvinet et al. 2002).
La chute est considérée comme une conséquence de l’augmentation de la fragilité liée à l’âge, mais la survenue de ces accidents est aussi un facteur aggravant des effets du vieillissement. La chute serait la plus grande cause d’augmentation de la sédentarité des seniors (Rubenstein 2006).
La survenue d’une chute est même considérée comme un facteur de risque d’une nouvelle chute. Ceci par le fait que la chute entraine une augmentation de la peur de tomber, responsable d’une appréhension de la marche, qui augmente l’instabilité posturale. En générant de telles appréhensions la chute peut aussi amener à augmenter la sédentarité des seniors. Les conséquences directes physiques de ces accidents (douleurs, fractures…) peuvent aussi entrainer une grande perte d’autonomie. La chute pourrait donc paraître comme étant au centre des relations entre sédentarité, dépendance et fragilité. De ce fait, étudier, comprendre et empêcher les chutes est devenu un défi sanitaire majeur.
L’INPES a publié en 2005 un référentiel des pratiques efficaces à la prévention des chutes chez les personnes âgées vivant à domicile. La prévention des chutes passe par une meilleure compréhension des causes de leur survenue. Identifier précisément les causes des chutes permet de détecter les personnes à risque grâce à une meilleure compréhension des répercussions physiologiques du vieillissement et des mécanismes responsables de ces accidents. Une fois ces marqueurs de risque de chute précisément établis, il est possible d’en faire des cibles préférentielles des actions visant à réduire les impacts du vieillissement responsable des accidents de la mobilité.

Table des matières

Introduction
Partie I Détection des causes de la chute
I.1. Introduction
I.2. Les Facteurs De Risque De Chute
I.2.1. Les facteurs liés à l’environnement
I.2.1.1. Les facteurs socioéconomiques
I.2.1.2. Le lieu et le mode de vie
I.2.2. Les facteurs liés à la personne
I.2.2.1. Les facteurs démographiques
I.2.2.2. Les facteurs neuromusculaires
I.2.2.3. L’équilibre
I.2.2.4. La locomotion
I.2.2.5. La cognition.
I.2.2.6. La double tâche
I.2.2.7. Les pathologies
I.2.3. Les facteurs liés aux comportements
I.2.3.1. La peur de tomber
I.2.3.2. Les médicaments
I.2.3.3. La sédentarité
I.2.3.4. Le sommeil
I.2.4. La gravité de la chute : Les Fractures
I.2.5. Objectifs de la partie I
I.3. Cadre expérimental commun : Protocole Chute-Fracture et Cognition
I.3.1. Participants
I.3.1.1. Critères d’inclusion
I.3.1.2. Critères de non-inclusion
I.3.1.3. Recrutement
I.3.1.4. Suivis
I.3.2. Variables dépendantes
I.3.2.1. Nombre de médicaments
I.3.2.2. Mesure de l’ostéoporose
I.3.2.3. Mesures cognitives
I.3.2.4. Mesures comportementales et fonctionnelles..
I.3.2.5. Mesures de l’équilibre et de la marche
I.4. Etude 1 : La polymédication et les troubles de la cognition et de la mobilité
I.4.1. Rappel du cadre théorique
I.4.2. Méthodologie spécifique
I.4.2.1. Participants
I.4.2.2. Recueil des données
I.4.2.3. Analyses statistiques
I.4.3. Résultats
I.4.4. Discussion
I.4.5. Conclusion
I.5. Etude 2 : Est-ce que la fracture est liée à l’équilibre post-obstacle ?
I.5.1. Rappel du cadre théorique
I.5.2. Méthodologie spécifique
I.5.2.1. Participants
I.5.2.2. Evaluation des facteurs de risque de chute et de fracture
I.5.2.3. La marche et l’équilibre postural après le passage d’obstacle
I.5.2.4. Traitement des données
I.5.2.5. Analyses statistiques
I.5.3. Résultats
I.5.3.1. La marche
I.5.3.2. Stabilisation de l’équilibre post-obstacle
I.5.4. Discussion
I.5.5. Conclusion
I.6. Etude 3 : Un profil de marche en double tâche spécifique aux seniors fracturés
I.6.1. Rappel du cadre théorique
I.6.2. Méthodologie spécifique
I.6.2.1. Participants
I.6.2.2. Paramètres physiologiques et cognitifs
I.6.2.3. Méthodologie statistique :
I.6.3. Résultats
I.6.4. Discussion
I.6.4.1. WalkMOT chez les chuteurs
I.6.4.2. Cout de la double tâche et fracture
I.6.4.3. Cognition et fracture
I.6.5. Conclusion
Partie II Nouvelle approche de l’analyse du contrôle postural pendant la marche
II.1. Cadre théorique
II.1.1. Evaluation du contrôle postural au cours de la marche.
II.2. Méthodologie
II.2.1. Participants
I.1.1.1. Critères d’inclusion
I.1.1.2. Critères de non-inclusion
II.2.2. Evaluation biomécanique de la marche
II.2.3. Evaluation cinématique de la marche
II.2.4. Méthodologie statistique :
II.3. Résultats
II.3.1. Description de la population
II.3.2. Variables de marche
II.3.3. Comparaison de la variabilité du centre de freinage
II.3.4. Comparaison de la variabilité de la longueur du pas entre les deux techniques
II.3.5. Comparaison de la variabilité de la vitesse de marche entre les deux techniques
II.3.6. Discussion
II.4. Conclusion
Partie III Réhabilitation musculaire et prévention de la chute
III.1. Introduction
III.2. Cadre théorique
III.2.1. Entrainement traditionnel
III.2.1.1. Définitions :
III.2.1.2. La qualité de vie
III.2.1.3. La chute et la fracture
III.2.1.4. Les facteurs neuromusculaires
III.2.1.5. L’équilibre
III.2.1.6. La locomotion
III.2.1.7. La cognition.
III.2.1.8. Les cycles veille/sommeil
III.2.2. Les limites de l’activité physique traditionnelle
III.2.3. L’électrostimulation : alternative aux entrainements traditionnels :.
III.2.3.1. Introduction
III.2.3.2. Entrainement
III.2.3.3. Effets de l’entrainement par EMS..
III.2.3.4. Conclusions et implications pour de futures études
III.2.4. Résumé et Problématique
III.2.5. Objectif
III.3. Cadre expérimental : protocole elect’rib
III.3.1. Participants
III.3.1.1. Critères d’inclusion :
III.3.1.2. Critères de non inclusion :
III.3.1.3. Recrutement
III.3.2. Visite médicale
III.3.3. Pré-tests et Post-tests
III.3.3.1. Pré-tests (Visite n°2) :
III.3.3.2. Posttests (Visite n°3) :
III.3.4. Mesure des paramètres
III.3.4.1. La qualité de vie
III.3.4.2. Evaluation de la composition corporelle
III.3.4.3. Evaluation des paramètres neuromusculaires
III.3.4.4. Evaluation de l’équilibre
III.3.4.5. Evaluation cinématique de la marche
III.3.4.6. Enregistrement EMG
III.3.4.7. Evaluation de la cognition
III.3.4.8. Actimétrie
III.3.5. Entrainement
III.3.6. Statistiques
III.4. Résultats
III.4.1. Les participants
III.4.2. L’entrainement
III.4.3. La qualité de vie
III.4.4. La cognition
III.4.5. La composition corporelle
III.4.6. Les paramètres neuromusculaires
III.4.7. L’Equilibre
III.4.7.1. La posturographie
III.4.7.2. La verticalité subjective
III.4.7.3. La peur de tomber
III.4.8. La stabilisation de l’équilibre après passage d’obstacle
III.4.9. La marche en simple et double tâche (Walkmot & 2-back)
III.4.9.1. Paramètres spatiotemporels de la marche
III.4.9.2. Paramètres angulaires de la marche
III.4.9.3. L’activité musculaire au cours de la marche
III.4.9.4. Le freinage du centre de masse
III.4.9.5. Les performances de MOT et de 2-Back
III.4.10. L’actimétrie
III.5. Discussion
III.5.1. les paramètres neuromusculaires
III.5.2. L’équilibre
III.5.2.1. La posturographie
III.5.2.2. La verticale subjective
III.5.2.3. La confiance en son équilibre
III.5.3. La marche en simple et double tâche
III.5.3.1. La double tâche
III.5.3.2. Le freinage du centre de masse
III.5.4. L’actimetrie
III.5.5. la qualité de vie
III.5.6. limites et perspectives
Discussion et conclusion générales
Annexe 1 : Polypharmacy Cut-Off for Gait and Cognitive Impairments, article publié dans Frontiers
Pharmacology 2016…
Annexe 2 : La fracture post-chute du sujet âgé : une altération de l’équilibre, de la marche et de la cognition, poster présenté à l’ ACFAS 2016
Annexe 3 : A specific gait profile under dual-task condition in injured older fallers. Poster présenté
2016
Annexe 4 : Short Multidimensional Health Questionnaire (SMHQ)
Annexe 5 : Revue de littérature sur les effets de l’entrainement par electromyostimulation du membre
chez les séniors
Annexe 6 : Mini Mental State Examination
Annexe 7 : Montreal Cognitive Assessment
Annexe 8 : Activity-specific Balance Scale
Annexe 9 : Montgomery-Asberg Depression Scale

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