Développement d’une méthode d’identification d’intermédiaires réactionnels par spectrométrie de masse
Les intermédiaires réactionnels de réactions catalysées par des complexes organométalliques sont en général des espèces élusives qui peuvent être plus ou moins sensibles à la température ou à l’air. Comme nous l’avons décrit dans le chapitre I, la spectrométrie de masse est une technique de choix pour leur observation grâce au développement de différentes méthodes de mise en oeuvre. Dans ce chapitre, nous avons décrit l’observation d’intermédiaires de la réaction d’oligomérisation de l’éthylène catalysée par un système de type NiII-halogénure activé par l’EADC. Des expériences MS/MS de dissociation induite par collision (CID) nous ont permis de confirmer la structure de plusieurs intermédiaires et de mesurer également leur stabilité relative. La technique utilisée a pu être mise en regard d’une étude théorique par DFT qui donne des résultats cohérents avec les résultats expérimentaux. En parallèle, nous avons également travaillé sur le développement de techniques qui permettraient d’observer des intermédiaires réactionnels neutres, qui sont plus difficilement ionisables et sensibles à la température et à l’air.
Observation d’intermédiaires de l’oligomérisation de l’éthylène avecun système NiII-halogénure activé par l’EADC
Comme décrit dans le chapitre I, l’activation de NiII par un alkylaluminium forme des espèces de type Ni-H et Ni-Ethyl cationiques qui sont actives en oligomérisation de l’éthylène. Dans ce cas, le mécanisme d’oligomérisation décrit est de type Cossee-Arlman (ou polymérisation dégénérée) et la distribution des produits en terme de longueur de chaine suit en général une loi mathématique de Schulz-Flory. De plus ces systèmes sont souvent très isomérisants de la double liaison, démultipliant le nombre de produits formés. Le procédé industriel développé par Phillips permet la dimérisation de l’éthylène en butènes-2. Le système employé est un sel de NiII activé par l’EADC en présence de la phosphine PBu3.[1] Etant donné que les espèces supposées actives sont cationiques, elles doivent être aisément observables par SM. Cette étude devrait nous permettre d’observer les formes actives des complexes de Ni et d’étudier leur réactivité.
Caractérisation de complexes de NiII-halogénure par ESI-HRMS
Comme cela a été mentionné dans le chapitre précédent, nous disposons d’un spectromètre de masse possédant un analyseur de masse hybride de type piège ionique et FT-ICR qui permet de faire de la caractérisation par Spectrométrie de Masse Haute Résolution (HRMS) et de la fragmentation CID (Collission Induced Dissociation). L’analyseur de masse FT-ICR nous a permis, dans un premier temps, de caractériser par HRMS des complexes de NiII de type [Ni(PP)(X)2]. Le mode d’ionisation utilisé ici est de type electrospray (ESI) en mode positif. Les solvants de choix pour l’analyse MS, en utilisant une source ESI, sont en général des solvants polaires et/ou protiques (MeOH, H2O, ACN) qui permettent d’avoir une bonne ionisation et donc un courant de spray stable. Cependant généralement le méthanol et l’eau ne peuvent pas être utilisés pour l’analyse de complexes de coordination. Pour notre étude nous avons dans un premier temps décidé d’étudier un mélange Toluène/Dichlorométhane. Les meilleurs spray (stabilité + intensité du signal) ont été obtenus avec un mélange 90/10 (Tol/DCM) sachant que nous avons également considéré des mélanges 50/50 et 75/25. Ainsi, les complexes C26-C33 ont été analysés à 400 ppm dans un mélange 90/10 Tol/DCM .
Observation d’intermédiaires issus de l’activation du NiII-halogénure par l’EADC
Après avoir pu caractériser un certain nombre de complexes de NiII par HRMS, nous nous sommes focalisés sur l’étape d’activation d’un complexe du NiII par l’EADC. Nous avons décidé de faire notre étude du mécanisme d’activation sur le complexe C26. En réacteur semibatch, comme attendu, le complexe C26 activé par l’EADC permet la dimérisation de manière similaire au procédé Phillips. En effet, la nature des produits formés suit une distribution de Schulz-Flory avec un quantité importante de C4 (91,2 %pds) et une faible sélectivité en butène- 1 (26,3 %pds dans la coupe C4)L’activation du complexe de C26 a été réalisée en boîte à gants avec 15 équivalents d’EADC dans 2 mL de toluène. La solution a ensuite été agitée pendant environ une minute puis quenchée avec 2 mL d’acétonitrile. Le mélange obtenu a ensuite été analysé directement en SM. Le spectre de masse obtenu est présenté dans la Figure 96. Les différentes espèces ont été caractérisées par HRMS. Dans tous les cas, les écarts relatifs par rapport aux m/z théoriques sont inférieurs à 1 pm.