Interprétation du spectre primaire des électrons cosmiques de très haute énergie

Composition chimique et abondances

La composition chimique des rayons cosmiques primaires nous fournit des informations importantes sur leurs sources et leur propagation dans la Galaxie. Elle nous renseigne également sur l’évolution chimique de l’Univers. Tous les éléments naturels figurant dans le tableau périodique sont présents dans les rayons cosmiques, approximativement dans les mêmes proportions que ceux du système solaire.
La composition chimique du rayonnement cosmique est connue jusqu’à environ 1014 eV, énergie limite pour les mesures directes. 85% des rayons cosmiques sont des protons, 12% des noyaux d’hélium et 1% des noyaux plus lourds (Z > 2). On y trouve aussi environ 1% d’électrons. La comparaison de la composition élémentaire mesurée pour les rayons cosmiques avec celle du système solaire montre quelques différences importantes . Les abondances des rayons cosmiques sont mesurées grâce à des satellites et des ballons stratosphériques. Les abondances dans cette figure sont exprimées par rapport à celle du Si (abondance = 100 ). Pour la plupart des éléments, les abondances relatives dans les rayons cosmiques et les abondances moyennes du système solaire sont similaires.

Origine et accélération des rayons cosmiques

Au contraire des neutrinos et des rayons-γ qui pointent directement vers leurs sources, les rayons cosmiques ne portent pratiquement aucune information sur leur origine car, en raison de leur charge électrique, ils sont déviés par les champs magnétiques interstellaires.
En conséquence, le flux des rayons cosmiques au niveau de la Terre est pratiquement isotrope. L’anisotropie pourrait être un indicateur de l’existence de sources ponctuelles pour les rayons cosmiques mais ceci n’est prévue que pour des énergies supérieures à 1018 eV.
Cependant, le spectre d’énergie et la composition chimique des rayons cosmiques observés au niveau de la Terre fournissent quelques informations intéressantes sur leur origine et leur accélération dans l’Univers. Les candidats pour les sources de rayons cosmiques galactiques doivent apporter une énergie assez puissante pour assurer une densité d’énergie de l’ordre de 1 eV/cm3, à l’instar des supernovæ, pulsars, étoiles à neutrons, systèmes binaires, noyaux actifs de galaxies (AGN) et sursauts gamma.
Un des problèmes majeurs en physique des astroparticules est la recherche des mécanismes par lesquels les particules cosmiques sont accélérées jusqu’à des énergies extrêmes. Le mécanisme d’accélération doit reproduire le spectre d’énergies typique des rayonnements, lequel a la forme d’une loi en puissance (∝ E−γ). Il doit également reproduire les abondances chimiques observées du rayonnement cosmique et être capable d’accélérer les particules jusqu’à environ 1020 eV. Les mécanismes d’accélération peuvent être classés comme dynamique, hydrodynamique et électromagnétique. Dans certains modèles, l’accélération est purement dynamique, par exemple, dans le cas où l’accélération a lieu à travers les collisions de particules cosmiques avec des nuages. Les modèles hydrodynamiques peuvent impliquer l’accélération de couches entières de plasma aux vitesses élevée.

Observations des électrons cosmiques

Les positrons et les électrons ne constituent qu’une petite fraction de l’intensité des rayons cosmiques mesurés près de la Terre. L’étude expérimentale des électrons cosmiques a longtemps été reconnue comme un outil puissant pour l’enquête sur la production des rayons cosmiques et leurs accélération ainsi que leur transport et leurs interactions dans le milieu interstellaire. Elle permet aussi de valider les modèles de propagation des rayons cosmiques. L’observation directe de toute la composante électronique (électrons et positrons) depuis des énergies de 1 GeV jusqu’à quelques TeV, a été réalisée grâce à des expériences très sophistiquées (ballons stratosphériques et satellites). Cependant le problème des flux faibles de particules qui survient à très haute énergie nécessite des techniques indirectes (expériences au sol) avec des zones de détection efficaces beaucoup plus grandes que l’instrument lui-même.
En 1950, Critchfield et al. firent la première tentative d’une observation directe des électrons primaires . Ils effectuèrent les observations en utilisant une chambre à brouillard multi-plaques avec plusieurs plaques de plomb d’une épaisseur totale de 1.1 longueur de radiation 4 à une profondeur atmosphérique de 20 g/cm−2. La première détection directe d’électrons cosmiques fut réalisée par Earl en 1961 suite à un vol de ballon pendant 12 h à une altitude moyenne de 4.5 g/cm−2 . Le détecteur était une chambre à brouillard à plaques multiples avec des plaques de plomb d’une épaisseur totale de 1.1 longueur de rayonnement. Earl mesura le flux d’électrons cosmique au-dessus de 0.5 GeV. Meyer et Vogt effectuèrent également, dans la même période, des vols en ballon de 10 h au-dessous de 3-5 g/cm−2 de l’atmosphère résiduelle et observèrent également des électrons cosmiques primaires . En utilisant des scintillateurs plastiques avec photo-multiplicateurs et des plaques de plomb, ils obtinrent les limites inférieure et supérieure du flux d’électrons au-dessus de 0.025 GeV.
Par la suite, les électrons cosmiques au-dessus de 10 GeV furent observés par plusieurs groupes . Ils rapportèrent les premières mesures des électrons jusqu’à 300 GeV en utilisant des piles d’émulsion nucléaire à une altitude de 10.2 g/cm−2 pour 5.8 h de vol en 1963, et une altitude de 6.0 g/cm−2 pour 60.1 h de vol en 1966.
Dans les années 1970 et 1980, beaucoup de groupes essayèrent des mesures sur une gamme d’énergie plus élevée en utilisant des calorimètres électroniques ou bien des piles d’émulsion passives . Afin d’identifier le bruit de fond formé de protons cosmiques, différentes méthodes furent alors utilisées, à l’exemple des calorimètres de grande profondeur, des compteurs de gaz-Cerenkov, des techniques de temps de vol, des détecteurs du rayonnement de transition et de l’inspection visuelle des plaques d’émulsion. Ces premières expériences mesurèrent le flux des électrons et de positrons séparément jusqu’à environ 300 GeV.

Milieu interstellaire local

L’espace entre les étoiles n’est pas vide comme on l’a cru pendant longtemps, mais contient du gaz et des poussières qui forment une fraction substantielle de la masse de notre Galaxie et d’une partie des autres galaxies. Il existe même du gaz et peut-être des poussières entre les galaxies (matière intergalactique), au moins dans les amas de galaxies.
Le milieu interstellaire local est la zone sphérique centrée sur le système solaire de rayon ∼ 200 pc. L’image habituellement acceptée est que le soleil est situé à la frontière d’un petit nuage chaud ayant une densité d’hydrogène nHI ∼ 0.1 cm−3 et une température T ∼ 104 K . Cette zone est appelée nuage interstellaire local (LIC). Autour d’elle, il existe éventuellement de nombreux autres petits nuages, mais le tout est plongé dans une région de densité anormalement basse par rapport au reste du milieu interstellaire : c’est la bulle locale (nHI ∼ 0.01 cm−3 , T > 105 K) dont le rayon à partir du soleil est au moins égal à 50 pc. Cette bulle est elle-même en contact avec une autre super-bulle bien connue (Loop I) où la densité de la matière interstellaire est toujours très faible, généralement inférieure à celle du gaz résiduel dans les meilleurs vides obtenus en laboratoire. Néanmoins, cette matière est observable car elle finit par affecter les ondes électromagnétiques, notamment la lumière, au cours de leurs longs trajets 1 .

Table des matières

Introduction générale 
1 Rayons cosmiques 
1.1 Bref historique
1.2 Spectre d’énergie
1.3 Composition chimique et abondances
1.4 Origine et accélération des rayons cosmiques
1.5 Études expérimentales
1.5.1 Détection directe
1.5.2 Détection indirecte
1.5.3 Exemples
1.6 Observations des électrons cosmiques
2 Propagation des rayons cosmiques galactiques 
2.1 Approche générale
2.1.1 Milieu interstellaire local
2.1.2 La Galaxie (Voie Lactée)
2.2 Diffusion
2.2.1 Description microscopique
2.2.2 Description macroscopique
2.3 Équation de transport des rayons cosmiques
2.4 Modèles de propagation
2.4.1 Le modèle de la boîte qui fuit (Leaky Box Model)
2.4.2 Le modèle de diffusion
2.4.3 Autres modèles
2.5 Codes numériques
3 Électrons cosmiques de haute énergie 
3.1 Interactions des électrons cosmiques avec le milieu interstellaire
3.1.1 Émission synchrotron
3.1.2 Diffusion Compton inverse
3.1.3 Perte d’énergie par ionisation
3.1.4 Rayonnement de freinage ou bremsstrahlung
3.1.5 Pertes adiabatiques
3.1.6 Perte totale d’énergie
3.2 Résultats expérimentaux et anomalies
3.2.1 Spectre d’énergie des électrons cosmiques primaires
3.2.2 Fraction de positrons
3.3 Modèle conventionnel
3.3.1 Diffusion des électrons dans la Galaxie
3.3.2 Prédictions pour les électrons cosmiques
3.4 Interprétation des anomalies
3.4.1 Sources astrophysiques
3.4.2 Matière noire
3.5 Simulation Monte Carlo
3.5.1 Faisabilité
3.5.2 Procédure Monte Carlo
3.5.3 Résultats et discussion
Conclusion générale 
Publications et communications 
Bibliographie

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