DEVELOPPEMENT DE L’ELAEICULTURE
ANALYSE DES STRATEGIES DU DEVELOPPEMENT DE LA FILIERE PALMIER A HUILE A MADAGASCAR
Par définition, une stratégie est une tactique c’est-à-dire une ligne de conduite qui indique les voies à suivre pour pouvoir atteindre les objectifs fixés et les cibles visés, déterminée par une approche ou un raisonnement. L’analyse des stratégies consiste alors à sélectionner la meilleure stratégie qu’on devrait appliquer en vue de la réalisation des objectifs souhaités. Pour le cas du palmier à huile à Madagascar, plusieurs facteurs d’influences méritent d’être passés en revue et analysés avant de procéder au choix et à la formulation des stratégies à intégrer dans la politique de développement de la filière, dont le montage nécessiterait beaucoup plus de temps, de concertation et d’études plus approfondies.
Facteurs d’influences
Les facteurs d’influences sont des éléments constituant des contraintes, des opportunités, des atouts, des faiblesses qu’il faut tenir compte dans les stratégies pour la mise en œuvre d’un programme de développement. Ces éléments peuvent être ainsi des éléments 5 Le taux d’extraction est en moyenne de 20% du poids du régime pour l’huile de palme et de 4% pour l’huile de palmiste, en mode d’extraction industriel. défavorisants ou favorisants relatifs à différents domaines : la production, les technologies, le milieu humain, l’environnement, etc…
Modalités techniques
Au-delà des performances climatiques que les différentes régions du pays disposent, d’autres facteurs organisationnels peuvent influencer la productivité du palmier à huile ainsi que la performance de son exploitation. Il s’agit notamment des modalités techniques relatives aux systèmes d’exploitation, au rythme de plantation et aux modes d’extraction de l’huile de palme.
Les systèmes d’exploitation
Jusqu’aux années 80, la grande plantation industrielle, constituée de plusieurs centaines voire des milliers d’hectares, associée à une huilerie de transformation de grande capacité, fut le système d’exploitation le plus fréquemment mis en œuvre par les pays producteurs, surtout en Malaisie et en Indonésie. Cette tendance à programmer de grands investissements est moins forte dans les pays moins développés, notamment en Afrique, qui s’orientent plutôt vers des projets de plus petite taille comme le système de plantation villageoise. La mise en exergue des avantages et inconvénients de ces deux systèmes permettra d’apprécier leur opportunité pour le cas de Madagascar. a) La plantation industrielle D’une manière générale, ce système présente beaucoup d’avantages mais également d’inconvénients, en particulier, dès que l’on s’éloigne des conditions optimales d’exploitation. Avantages : concentration géographique et organisationnelle : le regroupement des activités, notamment des services généraux, a pour effet de diminuer les charges, 15 économie d’échelle : l’augmentation du volume produit doit se traduire par une diminution des coûts de production, d’une meilleure pondération des charges fixes, accès direct au marché international : les décisions commerciales liées aux opportunités du marché sont faciles à prendre du fait de la régularité et du volume de production. Inconvénients : • nécessité d’une bonne organisation et d’une forte capacité de gestion du fait de l’étendue de la zone de production la productivité de la palmeraie qui varie selon les parcelles et dans le temps, • manque de flexibilité : le changement des paramètres de fonctionnement définis au départ, comme la chute des cours du produit, fait dériver la performance de l’exploitation, • impact sur l’environnement : création induite mais rarement maîtrisée d’une agglomération rassemblant plusieurs centaines d’habitant sur un site limité dans l’espace et concentré autour de l’usine d’extraction. Pour le cas de Madagascar, malgré l’existence de superficies aptes et disponibles à l’elaeiculture relativement élevées, la création de grande plantation industrielle peut rencontrer des difficultés d’ordre écologique et pédologique. En effet, la localisation et l’implantation d’une palmeraie de 5 ou 10 000 ha plus ou moins d’un seul tenant et réunissant les conditions voulues s’avèrent impossibles dans les zones favorables le long du littoral Est. L’occupation des sols afférente à ces zones montre, effectivement, la prédominance d’une couverture forestière intense et des zones de culture disséminées. D’autre part, à l’instar des deux plantations industrielles existantes à Tamatave et à Antalaha, l’exploitation d’un grand domaine se trouve confrontée à un problème d’insuffisance de main d’œuvre due à l’instabilité de celle-ci. Ce problème n’est d’ailleurs pas inconnu dans le domaine de l’agriculture intensive à Madagascar, comme c’en est le cas dans la zone de production rizicole du Lac Alaotra . Il risque cependant de porter préjudice à toute programmation sachant que la culture du palmier à huile utilise beaucoup de main d’œuvre pour les travaux d’entretien et de récolte.
La plantation villageoise
Ce système de plantation se rencontre surtout en Afrique, et principalement en Côte d’Ivoire où il représentait plus de 50% des superficies cultivées en palmier à huile : ce qui lui valait, au début des années 80, la place du premier exportateur africain et celle du troisième exportateur mondial d’huile de palme7 . Appliqué au cas malgache compte tenu du contexte qui prévaut au niveau de l’ensemble du secteur agricole, ce système aurait comme avantages : de stabiliser la population agricole locale, donc d’intensifier l’activité agricole sachant que la culture itinérante de riziculture sur brûlis est une des pratiques rencontrées le long du littoral Est, de favoriser l’émanation et la création des organisations paysannes, telles que les coopératives ou les groupements de planteurs, car les planteurs sont dans l’obligation de s’y mettre afin d’assurer toutes les opérations en aval de la production (transformation, commercialisation,…) pour avoir un niveau acceptable de rentabilité, de promouvoir le système de financement du monde rural dans la mesure où avant l’entrée en production, qui est de 3 ans, le planteur doit y recourir pour pouvoir couvrir les frais d’implantation et d’entretien de sa plantation, de créer une classe paysanne prospère et propriétaire de l’exploitation, ayant accès aux avantages d’une agriculture de grande échelle et de marché, remplaçant celle de subsistance traditionnelle. Ce système, pour être efficace et performant, doit cependant faire face à quelques contraintes qu’il faudrait tenir compte : • la nécessité d’un réseau d’encadrement assez intense et dense pour assurer le suivi du respect des itinéraires techniques requis, surtout lors des premières années de plantation, 7 C. JANNOT, « Oil Palm in Africa », Bulletin BUROTROP n°19, Fév. 2003. 17 • le besoin de formation des planteurs villageois concernant les modalités des techniques et de gestion d’une plantation, • l’adhésion de la population rurale concernée face à la concurrence des autres cultures industrielles ou de rente, comme le café, la vanille, le girofle, le canne à sucre, etc…, qui prédominent dans les zones favorables identifiées. Concernant la taille de l’exploitation, calculée sur la base des besoins en main d’œuvre par hectare et par année en période de croisière pour les travaux d’entretien et de récolte, un planteur ne disposant que de sa seule force de travail manuel ne peut exploiter une superficie excédant 3 hectares, soit 429 plants de palmier, toutes choses égales par ailleurs. La mise en place d’un système de plantation villageoise dépend donc étroitement de la disponibilité en main d’œuvre, c’est-à-dire du nombre d’exploitant, dans la zone d’implantation malgré l’existence d’une superficie favorable et disponible à la culture du palmier à huile. Ceci nécessiterait donc une étude socio-économique assez approfondie pour pouvoir évaluer la capacité d’accueil de la zone d’intervention choisie.
Le rythme de plantation
A la différence des cultures annuelles, les cultures pérennes se prêtent bien à une véritable planification à long terme du capital végétal. La date d’entrée en production et la durée de vie productive du palmier à huile, qui peut aller jusqu’à 30 ans, étant connues, le rythme de plantation déterminera la régularité de la pyramide des âges des arbres, leur âge moyen, donc les espérances de production, toutes choses égales par ailleurs. En plus, le rythme de plantation déterminera les financements nécessaires au renouvellement des arbres, les conditions d’exploitation, notamment le système de collecte et le besoin en huilerie, et surtout les résultats financiers : incidence des frais financiers et des amortissements. Théoriquement, un programme de plantation devrait être échelonné sur une période suffisamment longue pour que la production soit maintenue au niveau souhaitable, sans à-coups et sans que le renouvellement ne nécessite des financements disproportionnés à la marge brute d’autofinancement dégagée. Une mauvaise programmation des plantations signifie donc, à terme, des difficultés d’exploitation et de financements.Cependant, certains impératifs, notamment industriels, peuvent imposer un rythme de plantation relativement rapide les premières années pour utiliser au mieux la capacité d’usinage de l’huilerie de transformation mise en place. La maîtrise du rythme de plantation et, par voie de conséquence, le maintien d’un rapport adéquat entre cultures en rapport et cultures non en rapport est un élément essentiel de la réussite de tout programme de plantation, qu’il soit conduit dans le cadre d’une petite plantation villageoise ou d’un grand domaine industriel. A noter que, concernant la durée de vie effective des palmiers, aucune étude n’a encore démontré l’existence d’une relation entre la baisse du potentiel productif et l’âge de la plante. Par contre, les difficultés de collecte liées à la taille des arbres sont indéniables et peuvent justifier la replantation anticipée, par exemple à partir de la vingtième année d’exploitation.
Les modes d’extraction
Corollairement à la tendance des systèmes de plantation, les modes d’extraction de l’huile de palme sont adaptées à ceux-ci : l’extraction industrielle pour les grandes plantations et l’extraction artisanale pour les plantations villageoises. Une troisième version intermédiaire existe également et commence à se faire une place pour traiter les fruits de palme : c’est l’option mini-huilerie. Chacune de ces modes d’extraction utilise le procédé classique qui consiste à extraire séparément l’huile de palme, provenant de la pulpe du fruit de palme, et l’huile de palmiste contenue dans l’amande de celui-ci. En plus de leurs principales caractéristiques, données en Annexe IX, les particularités de ces trois modes d’extraction sont décrites successivement ci-après avec leurs avantages et inconvénients respectifs. a) L’huilerie industrielle Vers le début de la décennie 70, tous les programmes de plantation furent axés sur les grandes unités de 5 à 10 000 ha accompagnées d’huileries d’une capacité de 40 à 60 Tonnes de Régime (TR) par heure. Les paramètres et caractéristiques techniques font que l’huilerie industrielle possède une meilleure productivité, donc plus performante, par rapport aux autres, surtout du point de vue de capacité de traitement, notamment de celui du taux d’extraction qui est supérieur à 21%. D’autre part, la faible consommation en énergie et en main d’œuvre de cette unité a comme conséquence la réduction des frais d’usinage, donc la diminution du coût de production, qui se répercute favorablement sur le prix de revient de l’huile brute de palme constituant le produit final. Enfin, l’huilerie industrielle se démarque des autres unités par la qualité de l’huile produite présentant un faible taux d’acidité. Ce résultat provient en fait de la rapidité de transformation, de la récolte des régimes jusqu’à la sortie de l’huile brute, due à l’automatisation du process. L’inconvénient majeur pour l’implantation d’une telle unité dans les pays en voie de développement, comme Madagascar, est le coût élevé des structures annexes qui doivent faire partie de l’ensemble. En effet, outres les installations techniques nécessaires à la production d’huile, un ensemble d’éléments lui sont obligatoirement associés et affectent lourdement le coût d’établissement. Il s’agit en fait des infrastructures sociales et économiques suivantes : voies de désserte, magasin, école, dispensaire, laboratoire… b) L’extraction artisanale Les unités correspondantes travaillent de façons extrêmement simples, voire rudimentaires, et appliquent des procédés et des matériels non directement dérivés de l’industrie d’extraction classique. En effet, les techniques mises en œuvres diffèrent essentiellement sur deux points : (i) l’atelier d’extraction travaille sur fruits égrappés et non sur régimes, et (ii) la clarification est réalisée par ébullition des jus bruts. La suppression des étapes de stérilisation et d’égrappage n’a pas pour seule conséquence une diminution significative du rendement, au niveau du taux d’extraction, mais provoque également une forte augmentation de l’acidité des fruits entre la récolte et la cuisson qui ne fait qu’aggraver la dégradation de la qualité de l’huile Les avantages de ce système d’extraction sont nombreux, dont : l’implantation, qui ne nécessite pas de gros moyens mais de quelques installations rudimentaires : des récipients de récupération, une presse manuelle, l’exploitation, qui requiert une main d’œuvre importante, sans aucune qualification, si bien que le système a un impact favorable sur l’emploi en zone rurale, 20 les coûts de production, qui sont faibles du fait de l’inexistence de charges de structure et financière et du faible coût des facteurs principaux : matière première et main d’œuvre. Par contre, ce mode de production présente des inconvénients de taille qui touchent plusieurs domaines : faiblesse du rendement : le faible taux d’extraction correspond à une perte importante en quantité d’huile, médiocrité du produit obtenu : la suppression des étapes de stérilisation et la pratique de laisser fermenter les régimes afin de faciliter l’égrappage, entraînent une élévation du taux d’acidité des fruits et, par conséquent de l’huile obtenue, grave impact sur l’environnement : les artisans ne se préoccupent pas de diminuer la pression de leurs activités comme les rejets d’eaux polluées dans les rivières, le développement d’odeurs nauséabondes, mais surtout la surexploitation des essences forestières pour satisfaire les besoins en bois de chauffe.
I. INTRODUCTION |