LA MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION CADRE DES NATIONS UNIES SUR LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES
Les principaux instruments juridiques internationaux sur le marché carbone
Dans une approche large, plusieurs conventions peuvent être invoquées dans la lutte contre les changements climatiques car incluant des dispositions pouvant avoir une incidence directe sur l’amélioration des conditions climatiques. Il s’agit de la Convention de Vienne sur la protection de la couche d’ozone, du protocole de Montréal sur les substances appauvrissant la couche d’Ozone, de la Convention sur la lutte contre la désertification et de la Convention sur le commerce des espèces de faune et de flore menacées d’extinction. 12 Toutefois, comme annoncé dans l’introduction, nous nous limiterons au noyau dur du régime pour nous intéresser à la CCNUCC et le PK (section1) et plus particulièrement au MDP introduit par ce dernier (section 2). 1. La Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques et le Protocole de Kyoto Face aux enjeux liés au réchauffement du climat global, la communauté internationale a adopté une série de textes juridiques dont les principaux sont la CCNUCC et le Protocole de Kyoto. Ces deux (02) textes qui sont le fruit de longs conciliabules (paragraphe 1), fixent des objectifs conformément aux enjeux globaux qu’ils incluent (paragraphe 2)
Historiques de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) et le Protocole de Kyoto
Historique et adoption de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) La CCNUCC résulte d’un long processus qui débuta bien avant la conférence de Rio de 1992. Alarmée par les prévisions scientifiques sur les modifications climatiques, la communauté internationale avait initié, en effet, une série de rencontres pour la reconnaissance d’une responsabilité majeure des pays industrialisés, pour la nécessité d’un appui financier et technologique en faveur de pays sous développés, sur l’importance des forêts comme puits d’absorption des gaz à effet de serre et, sur l’urgence de mettre en œuvre des mesures de prévention et de précaution. Après une conférence en 1980 et 1985 à Villach, à Bellagio en 1987, d’autres rencontres furent tenues à Toronto en 1988, à La Haye en 1989 et à Bergen en 1990. Ces conférences sont ponctuées par d’autres rencontres qui avaient pour objectif de mettre en place de régimes sectoriels, devant permettre la prise en charge de certains facteurs pouvant aggraver ou accélérer les changements climatiques. 13 Ainsi l’Assemblée générale des Nations Unies a pris un certain nombre de textes sur la question, notamment les résolutions 43/53 du 06 décembre 1988, 44/207 du 22 décembre 1989, 45/21 du 21 décembre 1990 et 46/169 du 19 décembre 1991 sur la protection du climat mondial pour les générations présentes et futures. Le 22 décembre 1990, l’Assemblée générale de l’ONU mit en place la résolution 45/212 portant création du Comité Intergouvernemental de Négociation pour une Convention Cadre sur les Changements climatiques (CIN / CCCC) qui s’est réunie quatre fois en 1991 et deux fois en 1992. Ces rencontres aboutirent à l’adoption le 09 mai 1992 à New York de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). Cette convention est toutefois, le fruit d’un compromis par lequel les négociateurs ont préféré, selon l’ambassadeur d’Argentine, Raoul Estrada Oyuela, « rechercher un large consensus qui a donné naissance à un traité global instaurant un cadre de référence à partir duquel les Etats parties élaboreront leur politique de lutte contre les changements climatiques » 15. Elle fût signée par plus de cent cinquante (150) pays lors de la conférence de Rio Janeiro sur la biodiversité de 1992. Elle entra en vigueur le 21 mars 1994. Juste après cette entrée en vigueur, la communauté internationale se rendit compte qu’en fait la politique volontariste à laquelle la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) invite les Etats n’est pas de nature à influencer positivement le processus du réchauffement climatique. 1.1.2. Historique et adoption du Protocole de Kyoto Ainsi en 1995 à Berlin, à la première Conférence des Parties (CdP), les signataires ont constaté que l’engagement des pays développés, visant à ramener en l’an 2000 leurs émissions de gaz à effet de serre à leur niveau de 1990, était insuffisant pour leur permettre de réaliser les objectifs fixés. Alors elles s’entendirent pour renforcer les obligations des pays développés et mirent en place un groupe de travail chargé d’établir des objectifs quantifiés de limitation et de réduction des gaz à effet de serre ; c’est le 15 Raoul Estrada Oyuela : Un plan d’action concret, nous en avons un : la Convention Cadre ; cité par Takia Nafissatou Carvalho ; Mémoire de DEA, FST/ISE année 2000-2001 ; p 10. 14 mandat de Berlin, qui à l’issue de huit (08) sessions a transmis à la troisième Conférence des Parties, qui s’est tenue en décembre 1997 au Japon à Kyoto, le texte devant servir aux discussions finales. C’est au cours de cette conférence que la décision fut prise de renforcer la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) par un protocole ouvert à la signature le 16 mars 1998. C’est le protocole de Kyoto qui est entré en vigueur le 16 février 2005. Il a été ratifié par cent quatre vingt trois (183) pays, à l’exception notable des Etats-Unis d’Amérique. C’est deux (02) textes fixent à différents niveaux des objectifs et impliquent des enjeux globaux. 1.2. Objectifs de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) et du Protocole de Kyoto La Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) fixe un certain nombre d’objectifs (A) rendus obligatoires par ceux fixés par le Protocole de Kyoto (B). 1.2.1. Objectifs et contenu de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) Selon l’article 2 de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), l’objectif principal est de « stabiliser…les concentrations de GES dans l’atmosphère à un niveau qui évite toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique ». Et ce, dans un délai suffisamment court « pour que les écosystèmes puissent s’adapter naturellement aux changements climatiques, que la production alimentaire ne soit pas menacée et que le développement économique puisse se poursuivre d’une manière durable ». L’article 3-1 ajoute l’obligation pour les parties de préserver le système climatique en respectant une série de principes conducteurs, comme celui d’une responsabilité 15 certes commune mais différenciée dans la lutte contre le réchauffement climatique16 et le respect du principe de précaution stipulé par l’article 3-3. Ainsi les parties ont pris une série d’engagements précis comme les inventaires des émissions anthropiques de gaz à effet de serre, l’élaboration de programmes nationaux de lutte contre les changements climatiques, ou encore selon l’article 4-1, l’intégration des considérations relatives au climat dans les autres politiques notamment économique. En particulier, il s’agit pour les pays développés17 d’adopter des politiques nationales et prendre les mesures voulues pour atténuer les changements climatiques, en limitant, selon l’article 4-2, les émissions de gaz à effet de serre et, donner des informations détaillées, notamment sur lesdites politiques « dans le but de ramener individuellement ou conjointement à leurs niveaux de 1990 les émissions anthropiques de dioxyde de carbone et d’autres gaz à effet de serre » d’ici 2000. D’un point de vue institutionnel, la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) a mis en place : – une Conférence des Paries (CdP)18, chargée d’élaborer des protocoles à la convention et de surveiller l’exécution par les parties de leurs obligations ; elle est assistée par un Secrétariat ; – l’Organe Subsidiaire de Conseil Scientifique et Technologique (OSCST) chargé de fournir à la CdP des conseils sur les questions scientifiques, technologiques et méthodologiques. Il joue ainsi le rôle important de lien entre l’information scientifique fournie par les sources expertes telles que le GIEC d’une part, et les besoins d’orientation politique de la CdP d’autre part ; 16 Le principe d’une responsabilité différenciée a été consacré simultanément à l’adoption de la CCNUCC dans le principe 7 de la déclaration de Rio. 17 Cités à l’annexe 1 de la CCNUCC. Il s’agit de trente six pays industrialisés ainsi que l’Union européenne. Les plus riches parmi ces pays sont repris à l’annexe II. 18 La CdP 15 s’est tenue au Danemark, à Copenhague entre le 07 et le 18 décembre 2009 qui s’est terminé par un échec. (Nous y reviendrons dans la deuxième partie). 16 – l’Organe Subsidiaire pour la mise en application qui a pour rôle d’aider la Convention Cadre des Nations Unies des Changements Climatiques à suivre et évaluer l’application effective de la Convention, notamment, les inventaires d’émissions des pays membres, les mécanismes financiers et administratifs mis en œuvre. Ces organes travaillent ensemble également sur des sujets transversaux touchant l’ensemble de leurs domaines d’expertise : renforcement des capacités, notamment dans les pays en voie de développement, mis en œuvre du Protocole de Kyoto etc. Ces organes sont ouverts à la participation de toutes les Parties et les gouvernements envoient souvent des représentants qui sont experts dans les domaines respectifs de chaque organe. Dans le but de lui donner une dimension plus contraignante, la CCNUCC a été renforcée par le Protocole de Kyoto. 1.2.2. Objectif et contenu du Protocole de Kyoto Adopté le 11 décembre 1997, le Protocole de Kyoto est un traité international visant la réduction des GES, dans le cadre de la CCNUCC. Les Etats parties à ce protocole se rencontrent annuellement depuis 1995. Son objectif premier est de concrétiser, par des dispositions contraignantes à caractère technique, les engagements des parties à la convention. Il fixe des objectifs quantifiés de réduction des émissions de GES repris sur une liste19. Les émissions de ces GES doivent diminuer entre 2008 et 2012 de 5,2% par rapport au niveau atteint en 1990. Ces obligations ne concernent toutefois, que les seuls pays industrialisés énumérés à l’annexe 1 de la CCNUCC. Les pays en développement n’étant pas tenus de réduire leurs émissions. La mise en œuvre des objectifs de réduction du Protocole de Kyoto est variable, en effet, en fonction de la situation de chaque pays à partir de 1990. Ainsi une distinction est faite entre les pays en transition vers une économie de marché qui sont soumis à un 19 L’annexe A du PK cite les GES suivants : dioxyde de carbone (CO2), méthane (CH4), oxyde nitreux (N20), Hydrofluorocarbones (HFC), hydrocarbures perfluorés (PFC) et hexafluorure de soufre (SF6). 17 régime d’obligations différentes de celui des autres pays développés dont les engagements commencent à être exécutés à partir de 1990. Sur le plan institutionnel, le Protocole de Kyoto prévoit également un dispositif institutionnel relatifs aux organes subsidiaires, au Secrétariat, au processus consultatif multilatéral, au règlement des différends, au vote des parties, à l’adoption d’amendements et d’annexes, aux possibilités de réserves, de dénonciation et aux conditions d’entrée en vigueur. Le Protocole de Kyoto met en place par ailleurs, différents mécanismes de flexibilité pour une application collective entre les parties. D’abord, il y a le mécanisme des permis négociables selon lesquels les parties figurant à l’Annexe B du protocole peuvent procéder entre elles à des échanges de droits d’émissions pour remplir leurs engagements. Ensuite, il y a l’application conjointe qui permet aux pays de l’annexe 1 et pays en transition de la Convention Cadre des Nations Unies pour les Changements Climatiques (CCNUCC) de mettre en commun des activités et des projets de réduction de GES. Enfin, il y a le mécanisme pour un développement propre qui permet aux pays en développement d’accéder à un développement durable à la faveur d’activités matérialisées par des Réduction d’émissions certifiées (REC).
Première partie : Etat de la réglementation sur le marché carbone |