Les relations interactives entre le vécu familial, les motivations et les initiatives entrepreneuriales des femmes
Techniques utilisées
Dans ce travail, le choix porte exclusivement sur la méthode d’enquête qualitative. Parmi la diversité des méthodes qualitatives, les récits d’expérience encore appelés récits biographiques ou récits de vie ont été utilisés. L’exploitation et l’analyse des données secondaires ont fourni des informations complémentaires.
L’étude des données secondaires
Type de données recueillies L’exploitation des données socioéconomiques concernant les femmes a permis de replacer l’activité des femmes entrepreneures dans son contexte et d’avoir les informations nécessaires pour compléter l’analyse des déterminants familiaux. Ces données proviennent de sources diverses comme le recensement de 1976, et celui de 1988, qui ont un caractère national, l’Enquête Emploi, celle sur les Priorités, et 55 l’Enquête Sénégalaise Auprès des Ménages réalisés respectivement en 1991 et 1993 par la Direction de la Prévision et de la Statistique dans la région de Dakar. Ces données socio-économiques sur la population donnent des précisions sur les branches d’activité et l’occupation selon le sexe. Leur exploitation a permis une meilleure connaissance de l’évolution de la population active féminine et masculine de 1976 à 1991 et des taux d’occupation. Ces taux d’occupation qu’on trouve dans la population féminine active sont répartis en fonction du niveau d’instruction, du niveau de qualification, du statut matrimonial, etc. Ces données montrent que la population féminine a connu une rentrée massive dans la production des biens et services et qu’en quinze ans, l’effectif des femmes occupées a été multiplié par deux, soit une augmentation de 100%. Dans la même période, les effectifs masculins n’ont été multipliés que par 1,2. Ce qui est considéré comme un changement spectaculaire dans le rôle des femmes dans le monde du travail. Cette répartition de la population occupée selon le sexe montre que 45% des femmes actives occupées sont dans le secteur du commerce contre 18% pour les hommes dans le même secteur. Ces données sur la population active montrent que 52,3% des femmes occupées sont des indépendantes et 36% des femmes occupées sont des salariées, pendant que 29,7% des hommes occupés sont des indépendants et 42% de ce groupe sont des salariés. Avec ces données on s’aperçoit que 46% des femmes occupées dans la semaine sont dans le commerce contre 19% des hommes occupés. Ces chiffres montrent que les femmes sont devenues beaucoup plus présentes sur le marché du travail, mais elles sont davantage massées dans Je secteur des indépendants mais en particulier dans le commerce. Les données qui existent dans rEnquête Sur les Priorités donnent des informations relatives aux taux d’alphabétisation et au niveau d’étude. Elles révèlent que le taux d’analphabétisme est 51% de l’ensemble des personnes âgées de dix ans et plus. Mais il est de 68 % pour les femmes et de 32% pour les hommes. Ceci montre pourquoi les femmes s’orientent vers un secteur comme le commerce qui demande à certains égards moins de qualification que les autres domaines d’activité. En plus de cela il y a 56 une plus grande fréquence des femmes chef de ménage qui est expliquée par des raisons multiples. >- L’intérêt des données secondaires L’exploitation des sous fichiers de l’ESAM et l’ESP Cette étude sur les données existantes a permis de mieux connaître les secteurs d’intervention de ces femmes entrepreneures, de trouver des informations quantitatives sur les caractéristiques socio-économiques essentielles dans cette étude. Cette exploitation des données secondaires a beaucoup facilité la circonspection de notre problématique et une meilleure connaissance des activités des femmes entrepreneures et leur situation dans le contexte actuel. L’analyse comparative de certaines caractéristiques socio-économiques des femmes entrepreneures au Sénégal, est un angle d’analyse i.mportant mais difficile à faire dans les récits de vie. Une meilleure connaissance de la présence des femmes dans ce secteur d’activité est possible à partir des différeLltes enquêtes réalisées par la DPS (Direction de la Prévision et de la Statistique). L’Enquête sur l’Emploi et celle Sur les Priorités donnent une répartition de la population active en montrant les catégories socioprofessionnelles qui la composent. Dans ces enquêtes, j’expression ‘femmes actives indépendantes’ est plutôt employée pour désigner la catégorie d’acteurs que nous identifions ici comme des entrepreneures. Il faut noter cependant que ce groupe socioprofessionnel comprend aussi la catégorie des professions libérales composées du corps médical, de la justice et prestataires de services, etc. non pris en compte dans cette étude. L’exploitation des sous-fichiers de j’ESP et l’ESAM a pennis d’obtenir les proportions de femmes actives indépendantes, en tenant compte des variables socio-économiques comme: • l’âge • le niveau d’instruction • la situation matrimoniale 57 • la branche et le secteur d’activité • le lien avec le chef de ménage • les revenus • la situation dans le rapport conjugal Ces données quantitatives ont facilité la connaissance des caractéristiques dominantes dans le groupe des femmes ‘indépendantes’ ou ‘entrepreneures’. L’analyse comparative des données existantes permet de comprendre sur le plan macroéconomique et sociologique, les facteurs qui influencent d’une manière générale, l’orientation des femmes vers ce secteur d’activité. La vie et l’histoire des acteurs sociaux sont souvent influencées et même déterminées par des facteurs qui sont souvent comptés, mesurés et comparés par les spécialistes de la recherche. L’expérience des femmes entrepreneures est analysée à travers des variables comme le niveau d’instruction, le statut matrimonial, le niveau de vie, la branche d’activité. Ces données fournissent des possibilités de comparaison de ces données socioéconomiques et donnent des informations générales très utiles pour la connaissance de ce groupe d’acteurs. Il faut reconnaître cependant, que les données quantitatives sont insuffisantes pour rendre compte des rapports complexes qui existent entre l’entrepreneuriat des femmes et les processus socio-familiaux. V-3-2Les récits de vie Dans les récits de vie, le rapport établi avec la femme entrepreneure prend une autre tournure. Le chercheur ne le prend plus comme un simple objet de recherche à travers lequel, il cherche à recouper des variables mesurables, mais plutôt comme un informateur qui en sait plus que le chercheur. Les récits réalisés dans le cadre de cette étude sont en effet des récits d’expérience et relatent l’histoire professionnelle et familiale. 1. Le récit d’expérience d’une femme entrepreneure informe sur son vécu, ses capacités cognitives et psychologiques qui sont le soubassement de ses choix, ses orientations et ses décisions par rapport à une situation donnée. Ces récits permettent à la femme entrepreneure de parler de son expérience telle qu’elle est perçue et vécue avec les satisfactions, les points d’honneur les craintes, les angoisses et les efforts fournis. faut reconnaître avec Bertaux, (1980), que l’expérience est une interaction entre le moi et le monde. Le vécu et l’expérience de l’ individu informe en même temps sur les rapports socio-structurels et les représentations symboliques pour expliquer les phénomênes observés. A cet égard, l’étude biographique est une approche pertinente qui permet de relier l’expérience individuelle de la femme entrepreneure avec le contexte général et les questions posées par l’entrepreneuriat féminin. 2. Les récits d’expérience sont aussi des récits d’histoire professionnelle et familiale. Ils retracent la vie et l’histoire de l’auteur, mais ils ne peuvent être interprété et compris que s’ils sont placés dans l’environnement socio-historique de l’acteur en question. Les récits de vie sont ainsi des récits d’histoire qui permettent de connaltre l’itinéraire professionnel des femmes emrepreneures, allant du démarrage de sa première activité à ses projets dans le futur. Barry, C (1989) considère les biographies des femmes commc une importante connexion entre les micro interactions de l’ histoire sociale, les structures et les transformations macro politiques’. Les biographies sont donc annonciatrices des grandes tendances que promet ce monde de femmes entrepreneures en devenir. Les récits dévoilent nettement quels sont les déterminants qui risquent de conditionner l’évolution de ce secteur. Les biographies apparaissent comme une excellente technique permettant non seulement de compléter l’analyse comparative de données quantitatives mais surtout d’étudier les aspects qui restent insondables par la technique quantitative et qui pourtant affecte la société. Elles permettent de comprendre comment les liens au sein S9 de la famille agissent sur le devenir professionnel de la femme entrepreneure, son statut social et économique. L’analyse des informations est faite selon la grille comportant les éléments suivants: 1. Le statut matrimonial et le cycle de vie familiale 2. Les charges familiales et le niveau de responsabilité de la personne dans sa famille 3. Type de relation existant dans le noyau conjugal, l’attitude du conjoint vis-à-vis de l’activité professionnelle de sa partenaire 4. L’environnement social qui règne dans la famille. 5. Le rythme de progression de l’activité et le degré d’engagement de la personne dans son travail. Les biographies présentent les propriétés de l’individu mais également l’ordre dans lequel ces propriétés sont advenues à l’individu. Elles présentent un cycle de vie avec les étapes cruciales pouvant avoir une signification importante dans la vie de l’individu. Pour que le récit de vie puisse s’amorcer et plus encore pour quil s’épanouisse, il faut que la posture autobiographique ait été intériorisée et que l’on se prenne pour objet, que l’on se regarde à distance, que se forme une conscience réf1exive qui travaille sur le souvenir, que la mémoire elle-même devienne action comme le dit si bien Sertaux, D, (1980). Ce qui va changer dans cette enquête, c’est le rapport même entre le chercheur et son interlocuteur qui devient un informateur plus informé que lui sur le sujet. L’utilisation d’un guide a certes canalisé le discours de la femme entrepreneure. Mais ces récits ressortent la description d’un vécu concret et interprètent les interactions multiples qui font de ce vécu un phénomène social total. L’analyse de l’interaction entre la vie familiale et la vie professionnelle des femmes entrepreneurs n’est véritablement possible que dans les récits de vie. Elle permet de comprendre si le comportement agressif de certaines femmes dans ce mi lieu découle d’un changement du type de relation et de comportement au sein de la famille .
outils et instruments utilisés
Guide d’entrevue individuelle
Le guide comporte quatre rubriques essentielles permettant de cerner les aspects liés à la vie familiale des femmes entrepreneures d’une part et leur expérience et parcours professionnel d’autre part. Les informations collectées à partir de ce guide doivent conduire à l’analyse de l’interaction entre ces deux aspects de la vie des femmes entrepreneures. 1. Itinéraire et expérience La présentation de l’itinéraire de la personne dans le métier d’entrepreneur montre d’une manière détaillée comment celle-ci est arrivée à entrer dans ce métier. Elle montre également la nature de son activité et la durée de l’expérience qui peut expliquer le degré de performance ou de stagnation de l’activité. L’itinéraire de la femme entrepreneur élucide les transformations connues par l’entreprise ou la micro entreprise et les raisons qui expliquent ces mutations constatées. Cette partie de l’interview permet de montrer la provenance des femmes qui s’orientent vers ce métier. On peut donc savoir si elles se recrutent essentiellement dans la catégorie des femmes sans instruction ni formation professionnelle ou est-ce qu’il arrive qu’elles aient déjà exercé un travail salarié. 2. Expérience Cette partie de l’interview permet de parler avec la personne de son activité, de son expérience spécifique, et de sa stratégie de maintien dans le système. Ceci montre un profil et un modèle qui se différencient des autres pour des raisons multiples et qui tiennent selon nos hypothèses à des facteurs liés à la vie conjugale et familiale. C’est aussi dans cette partie de la discussion qu’on aborde les difficultés rencontrées par la personne dans son entreprise, son mode de gestion, sa clientèle et son approvisionnement? L’interviewée est amenée à discuter de ses projections dans le 61 futur et les perspectives qui se dessinent par rapport à l’avenir de son activité, ainsi que les opportunités qui favorisent son développement. Cette partie du guide donne à l’enquêtée l’occasion d’interpréter sa propre condition et de lui donner un sens. 3. Motivations Suivant nos postulats, la motivation entrepreneuriale des femmes explique à partir de son vécu familial de ses conditions d’existence dans la famille et la complexité des relations qui s’y trouvent. La femme entrepreneure qui est un acteur en situation agit dans son activité professionnelle et la développe en fonction des répondants favorables ou défavorables qu’elle trouve dans sa famille. Cette motivation doit être expliquée depuis le choix de la branche d’activité et les ambitions qui entourent son activité jusqu’aux dispositions prises par la personne pour réaliser une certaine performance. L’entretien à ce niveau porte sur la personnalité de l’entrepreneure en question son degré d’engagement dans sa profession et les sacrifices acceptés en terme de risque social et matériel. En terme de management, il évoque comment la femme s’investit dans la recherche de l’information et des bonnes occasions de sorte à ne pas les rater. L’étude des motivations cherche à savoir si les critères des femmes entrepreneures douées d’un esprit d’entreprise sont les mêmes que les critères conventionnels: le goût du risque, la persistance dans l’activité, la recherche de bonnes occasions, la confiance en soi et la planification et la gestion rigoureuse de cette activité.
PREMIERE PARTIE |