VULNERABILITE ET ADAPTATION DES TERRITOIRES AUX EFFETS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE
Concepts relatifs à l’espace : échelle, contenu, complexité
Différents concepts sont à usage multiples, souvent par plusieurs disciplines et généralement en dehors de leur champ d’application initial. Leurs significations sont complexes ou floues. Ces définitions tirées de la revue documentaire sont adaptées à nos travaux ou discutées par rapport à nos observations ou confrontées suivant des points de vue de différents auteurs. Le premier concept que nous mobilisons est l’espace. C’est un concept polysémique pouvant même être caractérisé par une dispersion sémantique. Parler de l’espace en géographie revient à faire l’épistémologie de la discipline, alors que l’objet est partagé avec plusieurs disciplines. Sociologues et économistes étudient des territoires communs : la ville, la campagne. Dans la pensée d’un géographe, l’espace renvoie à une réalité d’une banale évidence dans la mesure où l’objet de la discipline se rapporte exclusivement à l’élément qui lui donne son nom : Géo, la Terre ! « Penser l’espace » équivaut d’abord à « penser la Terre », espace de référence pour tous ceux qui se réclament de la géographie (Thiaw, 2009). L’espace Terre constitue cependant une entité faite d’éléments emboîtés, aux dimensions, aux spécificités et aux 26 dynamiques très particulières, au point de justifier une réduction des échelles de perception pour prétendre les étudier. Le souci de cette conceptualisation est donc de cibler des espaces typiques non sans interaction dont la géographie s’occupe régulièrement : l’espace urbain et l’espace rural. Ceci revient à identifier un espace terrestre de référence. L’espace et le temps constituent deux éléments au cœur de la géographie qui s’intéresse aux aspects spatiaux de la vie des sociétés, aux connaissances de l’espace et aux pratiques spatiales. Le géographe a toujours eu une vision spatiale des faits qu’elle exprimait à travers d’autres concepts tels que le lieu, la région…. Et pendant longtemps, la géographie s’en est tenue à la description des faits observés. Paul Vidal de la Blache définit la géographie comme la science des lieux et non des hommes. Les espaces géographiques empiriques sont autant que possible calqués de l’espace terrestre à travers ses différentes caractéristiques tandis que les espaces géographiques théoriques se fondent surtout sur les théories d’autres disciplines telles que l’économie. L’espace est ainsi un concept très usité par les géographes auxquels on a pourtant reproché de ne pas l’avoir suffisamment défini. Dauphiné (1978) souligne que « la généralisation des mots espace géographique est récente. Bailly et Béguin (1998) ont également relevé l’absence de définition du concept dans le dictionnaire de géographie relativement ancien de Georges (1970) qui définit pourtant la géographie comme science de l’espace géographique. »4 La géographie, depuis ses origines, a identifié plusieurs espaces à significations différentes : L’espace absolu, espace relatif, espace perçu, espace vécu. L’espace géographique est un modèle d’espace construit, selon les géographes, pour formaliser scientifiquement les caractéristiques de l’espace terrestre qui est également un espace produit, car portant constamment l’empreinte des hommes, des sociétés, des cultures. Il n’y a pas de société sans espace qui lui soit propre, un espace d’identification. Dans ce travail sur le concept d’espace est indissociable de celui de territoire qui lui confère une échelle, une dimension, un contenu. Le territoire est un espace géographique qualifié par une appartenance juridique : territoire national, ou par une spécificité naturelle ou culturelle : territoire montagneux, territoire linguistique. L’espace est un continuum et la notion de territoire est associée la reconnaissance de limites ou de frontière qui peut être nécessaire ou arbitraire. Comme le note Lima (2005) : « Découpage, espace et territoire forment un triptyque à géométrie variable. A fortiori, quand les espaces de vie de la population sont impliqués dans la fabrique de territoires, le schéma classique du passage linéaire de l’espace au territoire est compromis ». En France, l’apparition en force du concept de territoire est liée à différentes mesures politiques et de gouvernance majeure. Dans les années 1960-1970 durant lesquelles l’aménagement du territoire, très conquérant en France, s’est développé, l’État en occupant une position majeure a créé une réelle distance entre l’échelle de planification et d’intervention nationale et le développement local. Dès cette époque, des tentatives de prise en compte des besoins locaux émergent, autour des Programmes d’action. Les années 1980 et la décentralisation entraînent une focalisation sur les différents échelons issus de la décentralisation, substituant à la notion de territoire celle de collectivité territoriale, qui isole à la fois les pratiques et les représentations (Brunet, 1990). A la fin des années 1990, avec la mise en place de la Loi d’orientation, d’aménagement et de développement durable du territoire (LOADDT 99), dite « Loi Voynet », le territoire est ainsi reconnu à travers sa fonction fédératrice des acteurs locaux et des institutions. Le Berre, (1992). Le définit par « la portion de la surface terrestre délimitée et aménagée par une collectivité selon ses besoins ; il contient l’idée d’autorité s’exerçant sur une surface dont les limites sont reconnues, et celle d’utilisation et d’aménagement par un groupe social qui se l’approprie ; définition assez proche des concepts de terroir et finage. L’utilisation d’un grand nombre des composantes du territoire par l’aménagement du territoire pour réaliser ses objectifs est aujourd’hui une constante qui anime d’importants débats impliquant plusieurs disciplines, or, la ville est au cœur de cette problématique (Diop, 2004). L’aménagement du territoire couvre une réalité plus vaste. Il s’agit, d’une politique qui implique une mise en valeur rationnelle de l’espace et l’utilisation optimale des ressources naturelles en vue d’un développement économique plus harmonieux. Trois territoires sont étudiés dans cette thèse et constitue des échelons administratifs politique conformément à la loi (96-02) portant Code des Collectivités du Sénégal. Sur le plan spatial à des aires géographiques urbaine et rurale définies sur le plan administratif et juridique. En plus de leur spécificité, en tant que collectivités, les Communes et Communautés rurales sont investies de prérogatives leur permettant de développer des stratégies de gestion.
Interaction de ces concepts dans notre travail
Les différents concepts présentés occupent une place centrale dans nos travaux. La difficulté est qu’ils sont en général polysémiques et leur complexité est enrichie par l’émergence de nouvelles disciplines. Certaines notions tel que « espace » ont souvent paru par définition élémentaire ou banale dans notre discipline qu’est la géographie. La recherche de précision nous a conduits à travailler sur des territoires aux limites plus moins précises que sont les Communes et les communautés rurales, des espaces institutionnels. Des espaces institutionnels qui se localisent cependant sur des espaces plutôt influencés par des facteurs géographiques, les zones littorales. Le retour à la citoyenneté et à la politique de développement local qui inclut un ensemble d’acteurs justifie également cet intérêt à une approche territoire de cette recherche. Le territoire renvoie à une relation entre espace et société marquée également par une certaine historicité. La concrétisation de certaines notions telles que vulnérabilité, adaptation, ou résilience se heurte à bien des difficultés.
Concepts relatifs à l’environnement et aux ressources
Ils constituent deux concepts qui occupent une place centrale dans nos travaux à travers les composantes des territoires et des perturbations analysées. Ils présentent les potentialités et sont aussi récepteurs des impacts des perturbations. Au niveau institutionnel, en France et au Sénégal, la question environnementale fut pendant longtemps rattachée au Ministère de l’agriculture dans différents pays tels que la France, le Sénégal. Le concept peut paraître flou et polysémique, mais elle se précisera progressivement en prenant en charge différentes préoccupations. Le voisinage, l’entourage habituel d’une personne, milieu dans lequel il vit, l’ensemble des éléments naturels et artificiels qui conditionnent la vie humaine ont constitué les contenus des concepts. C’est ainsi qu’on peut retrouver de multiples définitions du concept d’environnement : Harant et Jarry (1964) insistant sur l’objet, le considère comme l’ensemble des facteurs biotiques (vivants) ou abiotiques (physico-chimiques) de l’habitat. Son étude relève de l’écologie Ternisien (1971) insiste plutôt sur l’impact unidirectionnel « Ensemble, à un moment donné, des agents physiques, chimiques et biologique et des acteurs sociaux susceptibles d’avoir un effet direct ou indirect, immédiat ou à terme, sur les êtres vivants et les activités humaines Hirschhorn (1997) insiste sur les relations réciproques « influences et conditions extérieures affectant la vie et le développement d’un individu et d’une communauté, notamment l’air, l’eau et le sol, et rapports de ces éléments avec tous les êtres vivants. ». En effet, l’environnement est d’abord une question de relations. Il est défini dans le Dictionnaire Le Robert, 1990 comme “L’ensemble des conditions naturelles et culturelles susceptibles d’agir sur la naissance et le développement des organismes vivants et des activités humaines.” Vaillancourt (1995) le présente comme « un système organisé, dynamique et évolutif de facteurs naturels (physiques, chimiques, biologiques) et humains (économiques, politiques, sociaux, culturels) où les organismes vivants opèrent et où les activités humaines ont lieu, et qui ont de façon directe ou indirecte, immédiatement ou à long terme un effet ou une influence sur ces être vivants ou sur les activités humaines à un moment donné et dans une aire géographique défini. » Sur le plan biophysique, l’environnement est constitué d’écosystèmes complexes et en interrelation. Certaines de leurs composantes sont recherchées par l’homme pour ses usages propres de consommations et d’aménité. Elles constituent ainsi des ressources Georges et Verger (2006) relèvent l’évolution de l’usage du concept emprunté à l’écologie. Le terme jadis banalisé et utilisé pour désigner les marges d’une installation humaine, résidentielle ou productive entra dans le vocabulaire politique et de l’évaluation des qualités ou des nocivités de l’espace géographique. Il est aujourd’hui appliqué à l’observation des effets des activités humaines de tous ordres sur leur entourage par un renversement du terme qui dans la science de la nature procède de l’étude de l’action du milieu. Les études d’environnement prennent place dans la politique de gestion et d’aménagement du territoire. Plusieurs échelles d’analyse ont été proposées pour caractériser l’environnement biophysique à l’échelle locale tels que les territoires, les paysages, les écosystèmes, etc. (Richard, 1975, Bertrand, 1978) La dimension sociale de l’environnement englobe les individus, les familles, les communautés, les organisations et institutions ayant des modes de fonctionnement, de régulation et d’interactions sociales différenciés. Ce qui dénote l’importance de la diversité et l’emboitement des niveaux d’échelles impliqués dans les relations sociétés et environnement. La traduction en politiques de préoccupations environnement est marquée par La Loi N° 2001-01 du 15 janvier 2001 portant Code de l’environnement du Sénégal qui définit l’environnement comme « l’ensemble des éléments naturels et artificiels ainsi que des facteurs économiques, sociaux et culturels qui favorisent l’existence, la transformation et le développement du milieu, des organismes vivants et des activités humaines ». Le code de l’environnement du Sénégal dès son article premier précise sa place et les responsables de sa gestion. « L’environnement sénégalais est un patrimoine national, partie intégrante du patrimoine mondial. Sa protection et l’amélioration des ressources qu’il offre à la vie humaine sont d’intérêt général et résultent d’une politique nationale dont la définition et l’application incombent à l’Etat, aux collectivités locales et aux citoyens. Tout individu a droit à un environnement sain dans les conditions définies par les textes internationaux, le présent Code et les autres lois de protection de l’environnement. Ce droit est assorti d’une obligation de protection de l’environnement ». 35 L’étude et la compréhension de problèmes environnementaux intègrent les notions d’échelles ; en effet les entités restent très variables. Si certaines, du fait de leur grandeur ne donnent qu’une vue suggestive des phénomènes traités, les précisions sont plus apportées par des échelles réduites. Les échelles de perception de l’environnement peuvent être schématisées selon leur niveau d’occurrence, les ensembles territoriaux concernés et les acteurs impliqués. En dehors de la perception, l’appréciation de l’environnement peut être mise en parallèle – les territoires en comparaison avec les acteurs.
AVANT PROPOS |