MODELISATION HYDROLOGIQUE DU HAUT BASSIN VERSANT DU FLEUVE
PPROCHE THEORIQUE DE LA RECHERCHE
Cette partie du travail aborde dans un premier temps la problématique et la justification du choix du sujet, la revue littéraires et la clarification des concepts. Elle présente ensuite les différents paramètres du milieu physique et les caractères de l‘environnement socio-économique du bassin du fleuve Sénégal.
La problématique
L’ampleur des problèmes climatiques et hydrologiques dans le monde entraîne une globalisation des techniques d’observations et des méthodes d’analyses. Afin d’établir un diagnostic pertinent et de concevoir des stratégies adaptatives opérantes, nous devons utiliser des outils pertinents tels que les modèles pluies-débits (Kouamé et al., 1995 ; Andréassian, 2002 ; Ardoin et al., 2002 ; Varado, 2004 ; Le Lay , 2006). Ces modélisations peuvent se faire selon divers niveaux d’agrégation, depuis une approche globale jusqu’à un schéma distribué. La définition des moyens à mettre en œuvre pour l’exploitation optimale des ressources en eau suppose de pouvoir en dresser un inventaire. Pendant longtemps, cet inventaire reposait sur une hypothèse très forte, celle de l’évolution du climat. L’analyse des chroniques montre des ruptures de non-stationnarité (Hubert et al, 1987, Hubert et al.,1989) sur une bonne partie de l’Afrique tropicale au nord de l’équateur en général (Nicholson, 1979 et 1986; Fontaine, 1985, 1986 et 1990; Leroux, 1970 et 1988; Janicot, 1989 et 1990; Janicot et Fontaine, 1993; Moron, 1992). La principale rupture se situe vers les années 1970 et marque le début d’une période déficitaire (Dessouassi, 1997; Vissin, 1998 et 2001 ; Vissin et al., 2003). Après 1970, sur l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest, la pluviométrie a, en moyenne, baissé de 180 mm par rapport à la période antérieure (Tapsoba, 1997). L’impact de cette modification sur le régime hydrologique et sur la production agricole a fortement contribué à la dégradtion des indicateurs d’occupations du sol. C’est dans ce cadre que les écoulements ont connu une baisse de 50 % en moyenne au Sahel (Mahé et Olivry, 1995) et près de 40 % dans la zone soudanienne (Afouda et Adisso, 1997; Paturel et al., 1997a et 1997b; Paturel et al., 1995). Cette variation du régime hydrologique a contribué en partie à la problématique de surdimensionnement des ouvrages (les grands barrages) en afrique de l’ouest d’où la possibilité de révision des normes hydrologiques. De façon générale, la variabilité des écoulements est amplifiée par rapport à celle des pluies (Vissin et al., 2003 et 2006). Dans le h a u t bassin du fleuve Sénégal (affluents du Bafing et du Bakoye) par exemple, le débit moyen annuel a baissé de 66 % entre 1924 et 1988, pour une diminution du volume pluviométrique annuel de seulement 18 % sur la même période (Olivry, 1993). La superficie en eau libre du lac Tchad était d’environ 6000 km² avant 1972 ; elle n’est plus actuellement que de 1 700 km² (IRD, 1999 et 2001). Créé en 1972, l’OMVS a défini un programme d’infrastructures régionales devant permettre la maîtrise des ressources en eau du bassin. Les enjeux de la gestion résident dans la recherche d’un équilibre entre les différents usages de l’eau qui se répartissent schématiquement entre : les usages traditionnels (pêche, élevage et agriculture de décrue) ; les équilibres écologiques (forêts, ressources halieutiques, faune terrestre, etc.) ; le soutien d’étiage (énergie hydroélectrique, agriculture irriguée et navigation). Dans le souci de répondre au défi du développement, les États du Mali, de la Mauritanie de la Guinée et du Sénégal ont procédé, dans le cadre de l’OMVS, à l’aménagement progressif du bassin du fleuve Sénégal en y érigeant les ouvrages de Diama (1985) et de Manantali (1988) et Felou (2013). Il est prévu de construire d’autres barrages dans la partie du haut bassin du fleuve Sénégal. La gestion de ces trois ouvrages est assurée par deux sociétés autonomes : la Société de gestion du barrage de Diama (SOGED) et la Société de gestion du barrage de Manantali (SOGEM). L’OMVS doit veiller à ce que la gestion des trois barrages assure : la production électrique, le développement de l’agriculture, la fourniture d’eau aux populations et à terme la navigation fluviale, tout en minimisant les impacts négatifs sur l’environnement : la culture de décrue – la pêche – le pâturage – la forêt – les réserves d’eau et sur la santé des populations du bassin. A partir de ces constats, il paraît donc nécessaire de pouvoir analyser les fluctuations des précipitations à moyen terme et de les traduire en termes de ressources hydriques disponibles dans le haut bassin versant du fleuve Sénégal. L’un des problèmes posés est de savoir si, à partir des paramètres caractérisant un contexte climatique (la pluviométrie, la température moyenne, l’humidité relative, l’ensoleillement…) et la modification des états du sol, on peut déterminer l’impact climatique sur les ressources en eau. La redistribution des eaux de pluie étant conditionnée par plusieurs facteurs environnementaux : le relief, la végétation et la nature du sol. L’évaluation de l’impact des fluctuations climatiques sur le bilan hydrologique suppose de pouvoir quantifier l’influence de ces différents éléments dans le haut bassin du fleuve Sénégal.
Justification de l’étude et Travaux antérieurs
Du début des années 1970 à la fin des années 1990, le climat de la zone sahélienne et 13 soudanienne (domaines où se situe l’essentiel du bassin du Sénégal) était marqué par des déficits pluviométriques et hydriques chroniques. Malgré la légère hausse de la pluviométrie et de l’hydraulicité moyenne des cours d’eau, on constate sur la longue durée qu’on est encore dans une séquence sèche, marquée par une variabilité dans le temps et dans l’espace. Les enjeux climatiques deviennent des défis écologiques, du fait de la pressions accentuée sur les ressources du bassin — l’eau mais aussi les terres agricoles, les forêts, la faune sauvage, les stocks de poissons, les mines. Cette pression résulte d’abord de la démographie galopante, mais aussi des énormes besoins de développent, l’espace OMVS étant composé de pays faisant partie des plus pauvres du monde. Le bassin du fleuve Sénégal fait ainsi face aux mêmes problèmes environnementaux auxquels sont confrontés les autres bassins fluviaux africains situés au mêmes latitudes (bassins de la Gambie, du fleuve Niger, du Volta et du lac Tchad). Le déboisement, le surpâturage, l’ensablement, la perte de biodiversité végétale et animale, etc. peuvent se poser avec plus ou moins d’acuité ici et là, mais font partie du décor commun à tous les bassins de la zone, y compris le fleuve Sénégal. Il s’ajoute à cela que le fleuve Sénégal est, à travers ses aménagements hydroagricoles (et en particulier les grands barrages), l’un des bassins fluviaux sahéliens les plus profondément modifiés du fait de l’intervention humaine. Partagé entre quatre (04) pays : le Sénégal, le Mali, la Mauritanie et la Guinée Conakry, l’hydrosystème du haut bassin du fleuve Sénégal sert de site d’étude. Il a été choisi parce qu’il présente un contraste de climat : le climat Guinéen, le climat sub-soudanien, le climat nord soudanien et le climat sahélien. Ce contraste climatique engendre des problèmes environnementaux (la désertification, le cycle de sécheresse et l’irrégularité des précipitations) et des problèmes socio-économiques (l’insécurité alimentaire, la pauvreté….) accrus. De plus, cet hydrosystème présente un réseau hydrographique très perturbé par des ouvrages hydrauliques de grandes ampleurs (barrages de Manantali et Felou), et constitue donc un espace d’analyse intéressant pour déterminer les impacts climatiques sur les potentialités hydriques en milieu tropical. La présence d’infrastructures hydrauliques dans la zone d’étude modifie le régime hydrologique du bassin (Kane, 1985). C’est dans ce cadre que la présente étude consiste à établir les relations qui existent entre la variabilité climatique, les états de surface et les écoulements. Ce qui justifie le choix du thème et de la zone d’étude. Sans être exhaustif, nous rappelons quelques-uns des travaux qui paraissent significatifs et qui 14 intéressent aussi bien notre domaine que notre zone d’étude. Nous présentons les grands traits de ces différents travaux. La thèse de Sow A. A. (1984), s’intéresse aux débits écoulés par le fleuve Sénégal. Il s’agit d’une étude hydrologique de l’ensemble du bassin du fleuve Sénégal. Après une description du cadre physique et climatique, il étudie les bilans hydrologiques pour les périodes 1951-1980 et 1970-1980, les variations de l’abondance moyenne annuelle et les régimes fluviaux saisonniers pour la période 1903-1980. La thèse de Didier Orange (1990), la question de la dynamique du fouta djalon est étudiée a partir de la géochimie des eaux qui drainent ce vieux paysage latéritique guinéen. Pour une lame d’eau moyenne précipitée de 1380 mm/an, l’écoulement annuel est de 380 mm/an, soit un déficit d’écoulement de 75%. Les bilans de transports des matières dissoutes et particulaires sont calculés sur les bassins en amont du sénégal, de la gambie et du niger. Il étudie la composition chimique des eaux et des matières en suspensions, la granulométrie et la minéralogie du bassin. Et il determine des modèles de qualité des eaux de surface, basés sur les relations débits-concentrations. Il propose une nouvelle méthode pour expliquer l’acquisition de la charge solide des eaux fluviales en utilisant les sommes cumulées des flux liquides et solides exportés. Les bilans de l’érosion mécanique et chimique qui affecte les differents bassins versants du fouta djalon. Enfin, il détermine l’influence des fluctuations hydroclimatiques sur la dynamique actuelle de ces paysages ouest africains et, notamment, sur l’intensité de l’altération. Dione O, (1996). Cette thèse sert de référence et est spécialement consacrée à l’étude hydroclimatique des hauts bassins des fleuves Sénégal et Gambie. Il analyse la dynamique hydrologique des hauts bassins de ces deux fleuves en rapport avec les modifications climatiques observées. La corrélation entre climat et eau a permis à l’auteur de retracer la dynamique et l’évolution récente de la sécheresse et son impact sur l’évolution hydrologique des hauts bassins des fleuves Sénégal et Gambie. Kane A, (1997), s’est intéressé à la dynamique fluviale, un peu après la mise en eau des barrages de Diama et de Manantali. A partir des observations et mesures, il met en évidence les principaux changements intervenus dans l’hydrologie, la morphologie, la géochimie et la sédimentologie dans le delta et la basse vallée du fleuve Sénégal, et essaie de montrer les répercussions de ces modifications sur les aménagements hydro-agricoles. Cette thèse a été réalisée dans le cadre du programme de recherche EQUESSEN de l’IRD. 15 Ardoin-Bardin, (2004) : Cette thèse essaye d’apporter des éléments de connaissance quant aux manifestations de la variabilité du climat et son lien avec celle des ressources en eau. Elle évalue l’impact du changement climatique sur les écoulements de grandes fleuves d’Afrique de l’Ouest et Centrale (Sénégal, Gambie, Sassandra, Logone-Chari) en se basant sur les sorties de Modèles de Circulation Générale. Cette étude s’est appuyée sur les données atmosphériques, climatiques, hydrologiques et les caractéristiques des états de surface. Sambou S, (2005), dans sa thèse a abordé la question de la gestion et de la planification des ressources en eau de même que la définition de stratégies de lutte contre les dégats provoqués par les inondations nécessitent des modèles de plus en plus perfectionnés. Même si les modèles déterministes représentent le mieux la dynamique des processus hydrologiques, leur application se heurte à des difficultés liées à une description suffisamment précise sur la fiabilité des données du bassin versant. Sow A.A, (2007), dans sa thèse de Doctorat d’Etat a essayé, sur la base des données pluviométriques et hydrologiques existantes, de faire le point sur les ressources en eau disponibles dans le bassin continental de la Gambie (y compris l’ensemble des affluents de la Gambie) et celui de la Falémé. Cette dernière constitue le troisième affluent important du Sénégal avec une longueur de 92 km en territoire guinéen.
INTRODUCTION GENERALE |