IMPACTS DE L’EVOLUTION CLIMATIQUE RECENTE
DANS LES COMMUNES DE BONA ET DIACOUNDA
IMPACTS SUR L’ENVIRONNEMENT ET LES ACTIVITES SOCIO-ECONOMIQUES
Dans ce chapitre, nous cherchons à mettre en exergue les conséquences de l’évolution climatique récente sur l’environnement et les activités humaines. Ainsi, dans la zone d’étude, du point de vue hydrologique, suivant la dynamique des précipitations, les ressources en eau se sont drastiquement réduites. La pression sur les ressources forestières, à travers la coupe abusive, participe à la dégradation des sols, favorisant et accélérant ainsi le processus de ravinement qui entraîne l’ensablement des vallées. Cela se traduit par une dégradation et un appauvrissement des sols. L’effet du climat, combiné aux défrichements à des fins culturales, commerciales et d’habitation, conduit dès lors à une décimation des espèces végétales surtout celles à forte valeur ajoutée. Cet effet touche également la faune. Pour mieux appréhender les impacts de l’évolution climatique récente, nous aborderons d’abord ceux qui concernent le milieu physique, notamment les ressources hydrologiques de surface et souterraines, la couverture végétale et les sols puis nous analyserons les effets induits de ce phénomène sur les activités socio-économiques des populations.
Impacts sur le milieu physique
Les impacts sur le milieu physique seront axés sur l’étude des ressources hydrologiques, de la dégradation des sols et de l’évolution de la couverture végétale.
Impacts sur les ressources hydrologiques
Les conséquences sur les ressources en eau seront abordées sur deux volets. Ainsi, à l’analyse des effets sur les eaux de surface succédera une réflexion sur les manifestations de l’évolution récente du climat sur les eaux souterraines.
Impacts sur les eaux de surface
La chute des précipitations est usuellement suivie d’une diminution du débit des rivières ainsi que du taux d’humidité du sol qui, pris ensemble, constituent les différents facteurs de la sécheresse206. Cette idée est confortée par Sow A. A., 2007, qui soutient qu’il existe une corrélation étroite et parfaite entre les précipitations reçues et la lame d’eau écoulée dans un cours d’eau207. La variation interannuelle des précipitations influe sur les débits du 206 PETITJEAN O., 2008, Consulté le 01/10/2017 à 16h 33 mn. 207 SOW A. A., 2007, p. 759. 186 Soungrougrou et de ses marigots. D’ailleurs, la rupture intervenue en 1969 dans la chronique (1931 à 2015) de Sédhiou, et mise en évidence par le test de Pettitt, qui révèle une tendance à la baisse des quantités précipitées, a affecté négativement les modules annuels du Soungrougrou. Ainsi, même si parfois on constate des années ayant des précipitations supérieures à la moyenne de la chronique (années qui correspondent en effet à une hausse des modules), la baisse des modules annuels est devenue une réalité au-delà de 1969. Les années excédentaires correspondent à des débits élevés et, inversement, les années déficitaires coïncident avec des débits faibles. Dans les communes de Bona et de Diacounda, les précipitations restent l’unique moyen possible pour alimenter le Soungrougrou et ses affluents. Ainsi, suivant la dynamique pluviométrique mensuelle, on observe une augmentation des débits pendant l’hivernage et une baisse pendant la saison sèche (figure 49). Alors, nous pouvons observer selon le principe des deux saisons (saison des pluies et saison sèche), l’existence d’une période de hautes eaux et d’une autre de basses eaux208. Dans le bassin versant de Bounkiling, le débit moyen mensuel le plus élevé (1,09 m3 /s) est observé en octobre, par contre, dans celui du Soungrougrou, le débit moyen mensuel le plus élevé (0,17 m3 /s) intervient au mois d’août, moment où la pluviométrie est la plus abondante dans la zone (tableau 38). La diminution du débit, en saison sèche, est perceptible sur le Soungrougrou par un retrait des eaux qui ne se limitent que sur le lit du fleuve laissant la place à une vaste zone de tannes. Cette situation est visible aussi sur les marigots où le débit s’amoindrit considérablement et reste moins soutenu au-delà du village de Diacounda pour le marigot du même nom. A Boughary également, en fonction de la qualité de la saison des pluies, l’écoulement en saison sèche peut ou ne pas atteindre le village. La variation de la pluviométrie agit aussi sur le ruissellement qui, à son tour, détermine le niveau de remplissage des mares, utilisées par les éleveurs pour l’abreuvement du bétail. Ainsi, la sécheresse a entraîné une modification hydrologique significative. Les liens étroits entre les précipitations et les débits révèlent que la péjoration pluviométrique a des conséquences néfastes sur les écoulements.
Impacts sur les eaux souterraines
La disponibilité en eau souterraine reste fortement déterminée par le climat et la géologie. Les paramètres climatiques fondamentaux, comme les précipitations et les températures, conditionnent la quantité d’eau disponible pour l’écoulement en surface et la recharge de la nappe en un lieu donné. Par ailleurs, les caractéristiques de stockage et de flux de l’eau souterraine sont déterminées par les conditions géologiques du milieu210 . Dans les communes de Bona et de Diacounda, le système est formé du Continental Terminal (CT), de l’Oligo-Miocène (O-M) en continuité et l’ensemble repose sur un aquifère profond (le Maastrichtien). Ce système concerne d’ailleurs une zone plus vaste, du Ferlo à la Casamance (figure 50). Les puits villageois, traditionnels mais aussi modernes, atteignent la nappe du Continental Terminal à une profondeur généralement faible en Casamance211. Ces nappes sont captées aussi par les forages observés dans la zone. D’ailleurs, c’est dans la nappe Oligo-Miocène que le forage, installé dans le village de Bona depuis 1985, capte les eaux 209 DACOSTA H., 1989, p.168. 210 VISSIN E. W., 2007, p. 52. 211 DGPRE, octobre, 2015, p. 188 souterraines. Pour apprécier l’impact de l’évolution récente du climat sur les eaux souterraines, nous avons voulu travailler avec les données piézométriques de Bona mais nous nous sommes rendus compte que ces données n’existent pas à cause d’un manque de suivi. C’est pour cette raison, dans l’optique de résoudre la question, que nous avons jugé utile de travailler avec les données de Sédhiou qui se trouve dans le même système aquifère. Figure 50 : Hydrogéologie des eaux souterraines du Sénégal212 (source de données, DGPRE 2009) L’analyse de la figure 51 révèle une variation de la nappe souterraine. En effet, en 1979, dans la première décennie de la sécheresse dans la zone, le niveau statique obtenu, à l’aide des forages est de 24 m. Au creux de la sécheresse, c’est-à-dire dans les années 1980, le niveau statique a considérablement baissé. Ainsi, entre 1979 et 1981, le niveau statique a chuté de 9 m, soit un pourcentage de régression de -33 %. Par contre, avec le retour timide de la pluviométrie dans la décennie suivante, une augmentation de 33 % du niveau statique est observée. 212 DGPRE, octobre, 2015, p. 3. 189 Le niveau statique, déterminé à l’aide d’un piézomètre à Sédhiou, pour les années 1979 et 2015, montre un pourcentage de hausse de la nappe de 49 %. Nous tenons à révéler que le relevé du niveau piézométrique est effectué au mois de juin pour les deux années. Figure 51 : Evolution de la nappe souterraine à Sédhiou entre 1979 et 1991 En résumé, retenons que les nappes souterraines sont largement influencées et dépendent considérablement de la pluviométrie. Pendant la phase la plus aigüe de la sécheresse, la nappe a subi une diminution assez significative. Elle a toutefois augmenté lors de la décennie suivante. 1.2 Impacts sur les sols L’impact sur les sols se manifeste par leur état de dégradation. Ce phénomène est perceptible sur la rive droite du Soungrougrou et de ses marigots. Sur toute la zone inondable, en saison des pluies, on retrouve un mélange des eaux de pluie et des eaux salées qui se fait en faveur des dernières. En effet, le degré de salinité élevé du Soungrougrou, ainsi que l’acidité des sols, liés à la sécheresse des années 1970, qui s’est accentuée dans les années 1980, explique en partie la décimation de la mangrove et, par ailleurs, sa substitution rythmée par des tannes vifs et nus ou peu végétalisés à efflorescences salines (photo 28). C’est une dégradation chimique des sols des communes de Bona et de Diacounda qui est observée. Le résultat de ce processus a un effet catastrophique sur la biodiversité du sol. L’acidification correspond à un niveau avancé de la dégradation des sols lorsque les pH baissent en dessous 0 5 10 15 20 25 30 23/04/1979 29/07/1981 01/06/1991 Niveau statique en m 190 de 5. A ce stade de l’évolution, la toxicité de l’aluminium échangeable augmente le phénomène et entrave par conséquent le développement de la végétation213 . Photo 28 : a) Tanne nu à Bona, b) Tanne herbu à efflorescence saline à Diacounda (DIEDHIOU Y. D., janvier 2017) La disparition des formations végétales expose alors les surfaces rizicoles à l’intrusion marine qui finit par dégrader la nature et la qualité des sols. Le phénomène est accentué par le faible niveau de recharge de la nappe et sa salinisation. Ainsi, les rizières situées le long du Soungrougrou, cultivées par les femmes des communes de Bona et de Diacounda, sont dégradées et abandonnées (photo 29). Photo 29 : Rizières dégradées et abandonnées à Bona a, b, c et d (DIEDHIOU Y. M., janvier 2017) La salinisation des rizières affecte de nos jours négativement la production de riz qui est l’activité fondamentale des femmes dans ces deux communes. Cela met les populations dans 213 Etat de l’environnement du Sénégal, chapitre 6, p. 111. a b c d a b 191 une insécurité alimentaire et accentue leur degré de vulnérabilité. Cette situation est d’autant plus vraie que de la saison sèche à la saison des pluies, les femmes s’activent fortement, à travers plusieurs procédés, à rentabiliser leurs rizières. Toutefois, avec leur paupérisation, cela reste très difficile à réaliser. Un autre aspect de la sécheresse des années 1970 et de la dynamique climatique récente est l’intensification de l’érosion hydrique. D’ailleurs, selon les travaux du Centre de Suivi Ecologique (2005), ces deux communes appartiennent à la zone où l’érosion hydrique est modérée (figure 52). Même si le caractère modéré est de mise, force est de constater que le ravinement a atteint dans certains villages, des niveaux inquiétants.
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