L’EXPRESSION DU SACRÉ DANS LA LITTÉRATURE
ORALE SEEREER
LE SACRÉ ET LES INSTITUTIONS SOCIALES
L‟homme, en tant qu‟être social, ne s‟épanouit convenablement qu‟en vivant dans une communauté, un univers avec lequel il entretient d‟étroites relations. La stabilité de la société est tributaire d‟une organisation rigoureuse et d‟une répartition des tâches et des rôles. La tradition seereer enseigne un art de vivre basé sur l‟observance des lois et des pratiques instituées. Garants de la morale et de la justice, les esprits ancestraux sont les premiers législateurs dans la société seereer. Êtres sacralisés, tout outrage à leur égard est un sacrilège passible d‟une sanction. Le pacte scellé avec les ancêtres implique des obligations, des interdits, des observances, des tabous, des rites qui rythment la vie sociale, politique voire économique et maintiennent les liens avec le passé. La justice seereer est quasi indissociable de celle de Dieu ; car elle est constituée de différentes juridictions et de pouvoirs impliquant à la fois les hommes et les esprits ancestraux. Dieu unique (Roog Seŋ) reste le superviseur suprême, comme le soutient Henri Gravrand lorsqu‟il écrit : « La preuve que Dieu est le juge suprême de la personne et du groupe, se trouve dans l’appel à la justice de Dieu et les institutions judiciaires traditionnelles. » (1990 : 303). Il peut, dans certaines circonstances, intervenir de façon explicite pour approuver ou désapprouver une conduite. Ainsi, les phénomènes naturels sont interprétés comme des manifestations du divin. La morale seereer est, de ce fait, étroitement liée au sacré.
Le fondement religieux de la morale
La conception de l‟homme et de l‟univers détermine fondamentalement le comportement, la manière d‟être du Seereer en particulier. Ainsi, la relation de l‟homme à ses semblables est envisagée comme un maillon d‟une chaîne reliant plusieurs composantes : d‟abord l‟homme et la nature à laquelle il se connecte par la contemplation ; ensuite l‟homme et l‟animal qui favorisent une identification dont l‟aboutissement est le totémisme. La dernière, et non la moindre, est le rapport de l‟homme à l‟homme, son semblable. De là découlent les concepts fondamentaux de la sociologie tels que la parenté, la fraternité, l‟alliance, l‟autorité. Chacune de ces notions implique en effet un certain nombre d‟obligations et exige des comportements indispensables à la pérennisation de l‟ordre, gage de stabilité sociale. Le sacré occupe, ici ou ailleurs, une place privilégiée dans les institutions sociales 238 et politiques comme le souligne Antonios Paparizos qui écrit : « sous cet angle le mythe est constitué d’institution, de cristallisation et ainsi de régulation quotidienne des relations de l’homme avec les puissances supérieures ou avec l’ordre cosmique. Relations qui lui permettent d’expliquer sa présence et son destin dans le monde, sa vie et sa mort, et de se justifier. » (1989 :232). Le mythe se veut une parole de légitimation efficace astreignant les acteurs des différents pouvoirs à une série d‟obligations qui réglemente leur exercice. Le roi, le maître de terres (laman), le patriarche du clan lignager ont des devoirs à l‟égard de leurs prédécesseurs trépassés devenus la plupart des Esprits ou bien à l‟égard des êtres surnaturels avec lesquels l‟ancêtre a scellé un pacte pour être autorisé à s‟installer, à exploiter les terres, à habiter. On peut dès lors supposer que les rapports sociaux, les activités politiques, voire professionnelles, tout comme les rapports humains, sont nourris par une forte pensée religieuse. De fait, le « contrat social » dont parle Rousseau équivaut, pourrait-on dire, en pays seereer au mbaax (la tradition) avec ses espaces et ses seuils tabous et ses interdits. Ici, le permis et l‟interdit ne se fondent pas uniquement sur une logique strictement humaine, aussi cohérente ou pertinente soit-elle. Le rationalisme semble insuffisant pour instaurer des relations sociales indispensables à l‟équilibre de la vie communautaire. Les ancêtres, d‟une manière ou d‟une autre, interviennent en permanence dans la vie quotidienne qui exige une harmonie entre les différentes logiques. À ce propos Robert Pignarre écrit « Entre la loi morale et la loi religieuse, il y a concordance ». (1964 : 19)
Une loi édictée par les esprits ancestraux (mbaax cosaan)
Dans la société traditionnelle seereer, les normes sociales sont sacralisées, du fait de leur origine mythique. Le laman, maître de terres, est tenu au respect scrupuleux de ses promesses d‟abattre les arbres concédés tout en veillant à épargner le tamarinier où vivent le serpent et la gueule tapée : – « Ndax ka waagiro god taxar lakas o xaƴana in sooɓ ne? I layong neen o faafit adna. Mboolo ne refna meene ! Xan i mbi’anong mboolo ne xupuuna. O yungatoor uf wo fu xa taanuf !» Ta lay: – « I nda godkatinum Kene godkatinum ! » Traduction – « Peux-tu abattre les autres arbres et nous laisser ce tamarinier ? Si tu le fais, nous te confierons un secret qui pourra t‟aider à réussir ta vie. Ta communauté qui se trouve ici, Nous ferons en sorte qu‟elle se développe davantage, Que tu vives longtemps entouré de tes petits-fils. » Saa-Njogo répondit : – « Je n‟abattrai donc pas ce tamarinier! » Ce tamarinier-là, je ne l‟abattrai pas! 195 ». L‟arbre sauvé par ce contrat cesse d‟être une réalité ordinaire et l‟interdiction de l‟abattre ou de l‟élaguer devient une règle observée de génération en génération. Les descendants de l‟ancêtre sont tenus de vénérer le tamarinier, d‟y faire des libations. L‟attitude de l‟individu à l‟égard du sacré est justifiée par une loi dont le garant est l‟esprit de l‟ancêtre ou ses divers avatars. Il en est ainsi par exemple de la proscription de consommer les nouvelles récoltes sans en avoir, au préalable, fait offrande aux Esprits. Te ref sooɓ naa refna xuur olaa. A juurax maak ala andoona o leng Refeer o labe. xoox seek a fadel o ñaam, Dibeer a ta qetka ma. Njuur no in foop. I sog o ñaamo kaaf qas ge. Traduction « Ainsi est l‟esprit du tamarinier situé dans la cuvette Objet de libations fastes, Qui n‟ont rien avoir avec le rite chretien. À la période des prémices, La communauté se retrouvait un dimanche sur les lieux. En présence de tous les villageois, on procédait aux libations Avant de déguster le nouveau mil. » (Le tamarinier blanc,V136-V142) Outrepasser la règle, c‟est s‟exposer au courroux de l‟esprit tutélaire qui sanctionne la faute. Les esprits ancestraux sont ainsi supposés être les premiers justiciers. Ils veillent au respect strict des lois. Comme le confirme d‟ailleurs Antonios Paparizos qui en fait 195 In : Le tamarinier blanc, V91-V 98. 240 allusion en soutenant : « Les hommes savent comment se comporter envers les dieux et de quelle façon ces derniers s’adressent à eux » (op., cit., p. 232). C‟est du reste le cas lorsque dans le récit « Le tam-tam qui saigne », le tam-tam sacré communique ses intentions aux hommes : O ɗeetlooxangaa a timisanga sax, ruu kaɓneero na ndok ale ta jiin. A ndetayo it boo mbind ne doxaa, Famb re dalfo suto a dalo ret maana. Too guu xewɗuna iit, gun na gara it kaa fakwaa. Keene tax ta layeego: – «Jam saambe” jiinkee o baalal !» Keene daal te andum de. Traduction « Si au crépuscule on tardait à éclairer la case, il résonnait. jour, la maison prit feu, Le tam-tam quitta la concession et alla ailleurs. Lorsqu‟un événement important était imminent, on l‟entendait résonner. C‟est pourquoi on disait : « Jam Saambe196 ne se fait jamais entendre sans raison ! » (V163-V169). La sacralité du tam-tam, tout comme la défense de voir son contenu s‟inscrivent dans le dualisme des choses qui, dans les croyances traditionnelles, ont toujours un sens nocturne et un sens diurne. Le sens diurne correspond à l‟apparence, au visible et par conséquent à ce que le commun des mortels peut distinguer. Le sens nocturne renvoie à l‟occulte, à l‟invisible, du moins pour les non initiés. C‟est le domaine de l‟ésotérisme régi par des règles immuables dont la transgression engendre des conséquences fâcheuses. Le tam-tam fétiche, gage de sécurité, disparaît à cause de la transgression des interdits : Too famb re jegɗay o fakooɗ um, a jegɗay o gadoor um. Ne a qanq ale fakteeguuna foo dik um fop daal. Famb re mosee jeɓ o foto el. Keene fop moseeran o jeɓ. Geena taxu dimaas 24 novembre 1996 Raaga famb re mo’u. 196 Jam Saambe : « Paix de Saambe » c‟est ainsi les habitants appellent leur tam-tam sacré. 241 Traduction « Le tam-tam avait sa propre baguette et sa propre ceinture Identiques à celles que l‟oryctérope utilisait en son temps. Le tam-tam n‟a jamais accepté d‟être photographié, C‟était interdit. Le dimanche 24 novembre 1996, Le tam-tam a disparu » (V206-V211). L‟honnête homme dans la philosophie seereer est d‟abord celui qui se conforme à la coutume des anciens, la loi morale ancienne (o mbaax). C‟est ainsi que comme dans le récit « L‟esprit protecteur du matriclan », le clan bénéficiait d‟une protection mystique tant qu‟il ne transgresse pas. To nun ando it le fangool fana Ndoofeen ndee na gayaa a in boo ndiik. Ba nu saɗaaro dara too fat nu jigo goor fu joom. Nda it ba tooño oleng. Traduction « Sachez cela et transmettez-le à la famille. Sachez aussi que l‟esprit qui veillait sur Ndofène veille toujours sur nous. Ne craignez donc rien et soyez honnêtes et courageux !197 » L‟obéissance à la loi édictée par l‟Esprit tutélaire était un gage de sécurité et d‟harmonie avec soi-même et avec autrui ; d‟où cette assertion de Gravrand : « la loi morale est en réalité la loi des puissances transcendantes et celle de l’Etre suprême 198 » . C‟est de cet aura qu‟a bénéficié le saltigi, cet « homme-Dieu » 199 aux pouvoirs extraordinaires qui joue un rôle essentiel dans la vie spirituelle de la communauté200 . À la fois devin et desservant de rites, il se doit d‟être d‟une moralité irréprochable pour répondre aux exigence de sa fonction et gagner la confiance de la population dont il est la béquille mystique. Le mensonge, la tricherie sont des vices incompatibles à sa mission. « Ils ne commettaient point l‟adultère ! Ils ne se livraient point à des combines malsaines ! Voilà pourquoi Dieu daignait leur parler, Leur faire don de certains pourvoirs. Dieu n‟aime pas la souillure201 » (Bagar et Jeegaan, l’héritage précoce de la lance sacrée : V 1005-V1009) L‟exercice de ses fonctions était subordonné à un usage judicieux de son savoir soutenu par une rectitude morale, comme le recommande la tradition (mbaax) : respecter la tradition et mourir dans la tradition (naa mbaax, xon na mbax) 202. Cette conscience collective détermine la scène du sacré des rencontres de divination annuelles (xooy) où « il prend la parole pour révéler ce que le rêve lui enjoint de dire sur le déroulement de l‟hivernage et les perpectives de l‟hivernage203 ». Le saltigi dès lors est une vedette accueillie par des éloges du genre : « Ee, Saltigi ! Layi ta xool ! Bar a nuk ! » Traduction « Eh, saltigi ! Enonce haut et clair ta parole ! Qu‟elle ne soit pas obscure ! » .
Un espace du sacré concédé
L‟espace dans les récits de type mythologique signifie par sa dimension symbolique. L‟errance de l‟ancêtre, dans « La fontaine délicieuse », est motivée par la quête d‟une terre dont les vertus et les promesses sont annoncées par un halo qui la signale et le guide. A ret nu saate faa na layeel o Njuurbel. Ta dalfo sip o Njuurbel. Ree ta sipna o Njuurbel, A ɓaat o ga’aa o fiɗel olaa. A yengaa ta ɓaat oga’aa ceeneer alaa. Ta dalfo reef o fiɗel ola soo a gar a Ndiɗoor alene. Traduction « Il arriva un jour dans un site appelé Ndiourbel. Et il s‟arrêta à Ndiourbel. Après son installation à Ndiourbel, Il entrevit le halo d‟un feu allumé. Chaque nuit, il voyait le halo lumineux. Alors, il prit la direction du feu et arriva à Ndiɗoor.» (V2-V7) Dans la plupart des cas, le laman dispose de l‟espace après avoir scellé un pacte avec les Etres qui l‟habitaient. Dans « Le tamarinier blanc », par exemple, la gueule tapée et le serpent sont les premiers habitants du lieu. Les descendants de l‟ancêtre sont soumis à des obligations envers les êtres co-fondateurs qui justifient les libations auprès du tamarinier mythique. Le laman, maître de terres, en a une connaissance profonde. Le droit d‟usage ne s‟acquiert qu‟au prix du consentement des êtres supérieurs trouvés sur les lieux. L‟ancêtre fondateur ne peut les déguerpir sans en payer ce prix : c‟est le début d‟un pacte à pérenniser et à réactualiser par des rites bien définis. « La cité revêt, comme le souligne Bultmann, un caractère sacré et la relation qui unit le citoyen à la cité constitue, à proprement parler, sa religion laquelle trouve son expression dans les cultes d’État. » 205 En effet, les croyances de la population du village de l‟ancêtre Njaata Nguy sont liées directement ou indirectement au tamarinier, au varan et au serpent. Les prescriptions les concernant définissent en grande partie les pratiques religieuses, en l‟occurrence, les invocations en cas de besoin individuel ou collectif. C‟est ainsi que naît la conscience d‟une communauté de sang et de destin. Saa-Ndiogo, comme la plupart des maîtres de terres (laman) sereeer, a légué à sa descendance des pratiques et des croyances qui codifient leur relation avec l‟environnement également caractérisé par le dualisme sacré/ profane. Le domaine foncier est spirituellement chargé dans la mesure où les esprits, le varan de terre, et le serpent délimitent les différents espaces : l‟espace profane, compatible avec les activités ordinaires de la vie sociale et l‟espace sacré réservé aux êtres supérieurs. Le laman lègue à ses enfants des terres pour les activités agricoles et les pratiques religieuses aux fondements des actions quotidiennes. La terre étant sacralisée par la parole ou le geste, son usage est réglementé par des droits et des obligations coutumiers. Comme écrit A. Faye : « Le premier feu allumé par les lamans est symbole de vie et de commencement 205 Bultmann, Le Christianisme primitif, Paris, Payot, 1969, p. 121. 244 d’un âge ; il est un instrument de délimitation du territoire et de pouvoir lignager, et une implantation des structures sociales, juridiques, politiques qui informent la société agraire. » (1996 : 116) Il convient de préciser que les personnages, Saa-Njoojo et Ngenwar Pouye respectivement dans « Le tamarineir blanc » et dans « L‟œuf du detarium senegalensis », sont des propriétaires de terres non en vertu du feu, mais de la hache qui joue le même rôle. C‟est le feu qui délimite le terroir et la hache défricheuse de l‟espace qui confèrent aux descendants les droits dont ils jouissent. Dans sa fonction politique et sociale, le maître de terres est souvent secondé par un desservant des rites (yaal pangool) présidant aux cérémonies rituelles. « Le droit de la hache étant de nature patrilinéaire, le fils aîné du détenteur en héritait de plein droit. » (Henri Gravrand 1983 : 191). Cette règle de dévolution de pouvoir de la gestion des terres a une dimension religieuse qu‟il importe alors d‟expliciter. La fertilité de la terre ne dépend pas toujours de la vaillance du paysan ; elle est aussi produite par l‟Esprit qui prescrit les conditions de son utilisation. La transgression des règles édictées peut entraîner des dommages préjudiciables à l‟individu et au groupe. Il est donc évident que la législation est subordonnée à une pratique religieuse qui la rattache au monde surnaturel. La randonnée carnavalesque des femmes de Ngalagne206 dans le récit « La fontaine délicieuse », par exemple, par son déroulement dramatique, s‟inscrit dans cette logique religieuse ; on a affaire ici à « un culte en commun » destiné à résoudre un problème public. La procession débridée d‟un désordre institué est très significative : le travestissement de « ces femmes qui ne s’habillent pas comme à l’accoutumée » correspond au désordre primitif que les femmes reprennent par la danse207 les attitudes sauvages à l‟image des Ménades qu‟Euripide décrit dans ces lignes des Bacchantes : « Elles mettent des couronnes de lierres, de chênes de smilax fleuri. L’une prend un thyrse, en frappe un rocher d’où sort un liquide comme la rosée ; une autre abaisse sa férule vers le sol et là le dieu fait jaillir une source de vin… » 208. Ainsi, ce spectacle inédit revêt un 206 Village situé à quelques kilomètres sur la route de Diakhaw. 207 « La danse, écrit Curt Sachs, est le premier né des arts. La musique et la poésie s’écoulent dans le temps, les arts plastiques et l’architecture modèlent l’espace. Mais la danse vit à la fois dans l’espace et dans le temps. Avant de confier ses émotions à la pierre, au verbe, au son, l’homme se sert de son propre corps pour organiser l’espace et rythmer le temps. » in Wold history of dance, 1937. 208 Euripide, Les Bacchantes, Paris, Éditions Gallimard et Librairie Générale, 1968, p. 71. 245 caractère sacré et comme dit G. Balandier, « la dérision jouée se transforme en un drame sacré, et parfois « sauvage » ou régressif en certaines de ses manifestations 209». D‟abord on assiste à un travestissement collectif, à une liesse de la gent féminine qui, dans la société seereer préislamique, pouvait s‟enivrer un peu comme les Ménades. Cette ivresse symbolisait un inversement de l‟ordre, pour mieux le préserver. Il s‟agissait plutôt d‟une ferveur collective, une communion avec les forces de la nature, un combat avec l‟ancêtre dont la tombe était un lieu de culte. Les femmes seereer, elles, cherchent dans ce récit, outre le jaillissement de l‟eau de la source, la reprise des pluies en vue d‟un bon hivernage. Lorsque les incantations se lèvent l‟élément liquide surgit de façon miraculeuse. La procession féminine est liée à la question de la fécondité dans la société seereer (R. Ndiaye 1986). Cette expédition carnavalesque entreprise est toujours pratiquée en vue de s‟assurer un bon hivernage. Et Senghor de dire dans Hosties noires : « Comme lorsque, bonnes femmes de sérères, vous déridiez le dieu aux troupeaux de nuages Pétaradant des coups de fusil par-dessus le cliquetis des mots paragnessés ». (Senghor 1990 : 81). Pendant les semailles, par exemple, les tâches sont réparties suivant les attributs symboliques respectifs : l‟homme creuse des sillons, la femme qui symbolise la fécondité sème les graines pour qu‟elles germent et mûrissent, comme il est dit dans cette prière : « Yaasam diig a jag ! Kuu duufeena a sax ! Kuu saxna a foor !» Traduction « Que l‟hivernage soit bon ! Que ce qui est semé germe ! Que ce qui a germé mûrisse ! » La mort de celle qui est atteinte par le jet d‟eau semble relever de l‟évolution, au fil du temps, d‟une pratique qui, dans sa première phase, était caractérisée par un sacrifice 209 G. Balandier, Le pouvoir sur scènes, Paris, 2006. 246 humain. Elle renverrait au mythe de Bida auquel le récit seereer semble s‟apparenter d‟assez loin. Il s‟agissait pour les principaux acteurs de la randonnée rituelle qui sont des femmes, de participer jusqu‟au don de soi, de résoudre un problème de survie au moyen d‟invocations collectives autour du puits sacré. Le village de Ngalagne doit son peuplement en partie à la présence de « La fontaine délicieuse», un élément fédérateur aux fonctions sociales et religieuses incontestables. Rappelons qu‟à la veille de l‟hivernage, chaque famille prélevait un échantillon des semences sacrées découvertes au fond du puits210 : A ga’angaa kaaf a nangaa maykaa ta suto kaaf, A ref a areen na maykaa ta sut areen. Ta soɓ a ñaaw, kon a ñaaw na maykaa . O kiin o kiin a at den ax a nduufitkin. Keene kaa fi’egun
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