LA RESOLUTION DES CONFLITS EN AFRIQUE
COMMENT APPREHENDER LA RESOLUTION DES CONFLITS EN AFRIQUE ?
La question de la méthodologie a pour finalité de mieux déterminer d’une part le type de conflits concernés par notre étude (Paragraphe 1 ) et d’autre part la méthode de recherche qui lui sera appliquée (Paragraphe 2 ).
Typologie des conflits interafricain
Plusieurs classifications ont été proposées par les chercheurs qui se sont intéressés à la question des conflits africains. Pour Onyeledo Godwin Collin les différends interafricains sont de nature politique, ethnique et politico-idéologique. Quant au professeur Charles Rousseau, il estime que les différends sont de nature juridique (lorsqu’il s’agit de demander l’application ou l’interprétation du droit existant) ou d’ordre politique (lorsqu’une des parties demande la modification du droit existant ). Serge Sur, La sécurité internationale et l’évolution de la sécurité collective ,Trimestre du monde n° , 92, p.1. Onyeledo (G. C. ), Le règlement des conflits africains dans le cadre de l’O.U.A.,Thèse d’université Toulouse, 66, p.41. Rousseau ( C. ), Droit international public, Paris, Précis Dalloz, 8ème éditio,n 87, p.5. Mais, la classification à laquelle nous adhérons est celle qui répartit les conflits interafricains entre les crises inter étatiques (A) et les différends intra étatiques(B). A/ Les crises inter étatiques. Mettant aux prises deux ou plusieurs Etats, les conflits inter étatiques, après avoir émaillé les relations inter africaines au lendemain des indépendances, sont devenus plus rares. Ces crises étaient motivées par des divergences idéologiques ou par la délimitation des frontières. Outre ces conflits, les Etats africains sont régulièrement secoués par des crises internes B/ Les différends intra étatiques. Ce sont les disputes qui se déroulent à l’intérieur des frontières d’un Etat déterminé. Mettant aux prises le gouvernement de l’Etat et des insurgés qui sont très souvent des citoyens de cet Etat, la crise infra étatique oppose parfois un ensemble de factions se disputant le contrôle de l’appareil gouvernemental. Mais, l’objet de la dispute peut aussi concerner la revendication d’une autonomie, d’un Etat. Ce sont les conflits de sécession. Dans le cadre de la lutte pour l’indépendance certaines crises ont opposé des puissances coloniales à des groupes nationalistes. Ces derniers types de conflits qui sont internes aux puissances colonisatrices ne seront pas examinés eu égard à leur extranéité par rapport au cadre de l’étude Toutefois, il faut tout de suite préciser que du fait de l’évolution des relations internationales marquée par une mondialisation des rapports entres nations, il n’y a plus de conflit interne stricto sensu. En effet, toute crise interne est traversée par une dynamique de soutiens ou d’appuis extérieurs aux belligérants. La classification des conflits ne suffit pas pour saisir leur dynamique si une méthode de recherche définie ne leur est pas appliquée. Paragraphe 2: L’approche méthodologique. Les conflits en Afrique ont été souvent abordés sous un angle juridique. Il s’est souvent agi d’examiner l’effectivité des normes sensées résoudre ces conflits. Bien que méritoire, cette méthode de recherche se limitant aux seuls textes, ignore les efforts pour résoudre les crises inter africaines, les obstacles et les difficultés. La résolution des conflits est une activité éminemment politique (A) dont l’étude selon une méthodologie propre à la science politique paraît être plus appropriée (B) A/Résolution des conflits et domaine politique. L’activité que constitue la résolution des conflits est de nature sociale par son cadre et sa finalité. Elle se déroule à l’intérieur de sociétés humaines même s’il s’agit d’une activité qui intéresse plusieurs sociétés. Le but est de d’assurer la paix et la stabilité comme l’attestent tous les traités de paix et les constructions institutionnelles comme la Société des Nations ou l’Organisation des Nations Unies: paix au seul bénéfice des sociétés politiquement organisées. Mais le lien de cette activité avec la politique devient évident lorsque des autorités ou des institutions investies de pouvoirs de commandement ou de coordination s’investissent dans la recherche de la paix. Elles édictent alors des règles en principe obligatoires et mettent en œuvre-parfois- des sanctions. En second lieu, lorsque éclate un conflit, se pose toujours le problème de la violence légitime. L’histoire de l’Etat a été selon la formule de Max Weber celle d’une « monopolisation de la violence légitime ». Dés lors que la force est utilisée par un Etat dans les relations internationales ou par un groupe d’individus sur la scène interne, la problématique de sa légitimité appelle une réponse dont les implications politiques résident dans le changement de l’ordre étatique interne, des rapports de force internationaux ou des deux à la fois. Combien de fois a-t-on vu un conflit entre Etats déboucher sur un coup d’état dans l’un d’entre eux? C’est ainsi que les guerres en Erythrée et dans l’Ogaden ont été les causes du coup d’état de 74 en Ethiopie. De même les coups d’état en Mauritanie 78 et en Somalie ( 69 par le général Syad Barre ) ont été largement imputés aux aventures guerrières dans lesquelles ces deux pays s’étaient lancés. Cette portée politique des crises inter africaines justifie en définitive une approche par une méthode appropriée. B/ Résolution des conflits et approche systémique. L’approche politique s’efforcera d’analyser les crises et non pas de les décrire. A cet égard, nous ne ferons pas état de tous les conflits. Quelques-uns seulement seront évoqués. Un tel choix s’explique par le fait qu’à l’analyse les crises africaines présentent des traits communs; il n’y a donc aucun intérêt à énumérer ces conflits. Leur étude privilégiera donc la démarche synchronique plutôt que la méthode diachronique. Ensuite, la méthode de recherche privilégiera la méthode de David Easton considérant l’objet de la recherche comme un système qui reçoit des demandes et des soutiens, leur apporte des réponses qui à leur tour suscitent de nouvelles demandes. S’appliquant à notre sujet, nous utiliserons ce cadre théorique pour sa commodité et son efficacité heuristique, mais ce ne sera pas une raison pour exclure d’autres types d’approches notamment l’analyse juridique. Néanmoins, au-delà de l’adoption de ce cadre d’étude du sujet, il y’a lieu de préciser que l’approche que nous utiliserons sera essentiellement pratique. En effet, la multitude des conflits interafricains et la situation critique dans laquelle ils ont plongé le continent nécessitent une orientation de la réflexion vers un pragmatisme qui soit utile. C’est ce qui explique cette dimension pratique attachée à l’étude de notre sujet. Globalement, cette méthode nous amène à considérer la résolution des conflits africains comme une demande qui a suscité une pluralité de réponses dont nous donnerons la justification à travers un bilan critique (première partie ). Mais ce bilan ne suffit pas car il ne se démarquerait sans doute pas de la vision, du tableau sombre du continent africain, dressé par les afro pessimistes. C’est pourquoi, des propositions seront formulées dans le sens d’une esquisse de perspectives pour le règlement des conflits interafricains (deuxième partie ). Easton ( D ), Analyse du système politique, trad. Paris, Armand Collin, 74,486pp.
BILAN CRITIQUE DE LA RESOLUTION DES CONFLITS EN AFRIQUE
La résolution des conflits en Afrique est énonciative de paradoxes. En effet, responsabilité première de l’Organisation des Nations Unies, la responsabilité du maintien de la paix en Afrique est souvent imputée à l’Organisation de l’Unité Africaine : c’est le premier paradoxe. L’article premier paragraphe 1er de la charte de San Francisco énonce clairement que l’un des buts de l’organisation est de «maintenir la paix et la sécurité internationales ». C’est la raison pour laquelle l’ONU a une prééminence sur les organisations régionales tant par l’étendue de ses pouvoirs que par son autorité sur celles-ci. La charte des Nations-Unies confère à l’organisation mondiale de larges pouvoirs dans les domaines du maintien de la paix et de la sécurité. Si son chapitre VIII consacré aux accords régionaux ne comporte que trois articles, les chapitres VI et VII respectivement relatifs au règlement pacifique des différends et à l’action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression en totalisent dix neuf (). Mais c’est la nature de ces pouvoirs qui permet de mieux mesurer leur étendue. En effet, aux termes de l’article 34 de la charte, le Conseil de Sécurité à qui l’article a délégué la responsabilité du maintien de la paix et de la sécurité internationales, «peut enquêter sur tout différend ou sur toute situation. afin de déterminer si sa prolongation semble devoir menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales ». Ainsi, il apparaît que les pouvoirs de l’O.N.U ne souffrent d’aucune limitation géographique, culturelle, sociale ou ethnique. Quant à l’autorité de l’O.N.U sur les organisations régionales, elle est consacrée par la charte de San Francisco de plusieurs manières. Tout d’abord l’article 53 de la dite charte affirme nettement la primauté de l’organisation universelle par deux séries de dispositions. Les premières concernent l’utilisation par l’O.N.U des accords ou organismes régionaux pour l’application des mesures coercitives prises sous son autorité. En ce sens, l’organisme régional n’est qu’un ‘‘simple agent’’ qui devra rendre compte au Conseil de Sécurité seul habilité à déterminer l’opportunité, l’étendue et la fin de la coercition. Concernant les secondes, l’O.N.U autorise l’action coercitive des organisations régionales. Cette règle qui ne s’applique pas aux cas de légitime défense, ressemble fort bien à celle de droit interne qui exproprie les citoyens de la violence. Ensuite, l’article 35 permet à tout Etat membre ou non d’une organisation régionale d’attirer l’attention du Conseil de Sécurité ou de l’Assemblée générale sur une situation ou un différend. Cette compétence de l’O.N.U vaut alors même que l’organisation régionale était déjà saisie de la situation ou du différend.
Introduction |