ANALYSE DES INEGALITES D’ACCES ET D’UTILISATION DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION
DYNAMIQUE DU SECTEUR DES TIC EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE
Les technologies de l’information et de la communication (TIC) ont connu une forte croissance ces dernières décennies en Afrique. Cependant, cet essor présente de fortes disparités entre les différents pays d’Afrique subsaharienne. Ces disparités s’expliquent fondamentalement par des niveaux différenciés de développement économique et social des pays du continent. L’objet de ce chapitre est de présenter le contexte du secteur des TIC et d’évaluer les effets de celui-ci sur les économies africaines au sud du Sahara. Cette perspective est utile pour comprendre la trajectoire du continent dans le cadre des efforts à fournir pour améliorer l’accès et l’utilisation des TIC. Le chapitre est organisé en trois sections. Dans la perspective d’une analyse comparative du secteur des TIC entre les différents pays l’état de la diffusion des TIC en termes d’équipements et d’accès aux infrastructures TIC sera fait (Section 1). Seront ensuite présentées les réformes du secteur, intervenues dans le cadre de la libéralisation, et qui apparaissent comme une condition préalable à la diffusion et à l’utilisation efficace des TIC (Section 2). Enfin, ces mutations intervenues dans le secteur des télécommunications qui créent un environnement propice au développement et à la promotion des TIC seront analysées, ce qui permettra de mettre en exergue les performances dudit secteur dans les économies des pays africains au sud du Sahara (Section 3).
Etat de la diffusion des TIC en Afrique subsaharienne
L’Afrique subsaharienne, en dépit de nombreux efforts relatifs au développement des infrastructures liées aux TIC, demeure relativement en retard comparativement aux autres régions du monde (UIT, 2009). Toutefois, le continent africain s’est distingué par rapport au reste du monde dans l’adoption de la téléphonie mobile qui est en forte expansion. L’objet de cette section est de faire un état des lieux de la diffusion des différents segments des technologies de l’information et de la communication.
La téléphonie fixe
Malgré la libéralisation du secteur des télécommunications, le segment de la téléphonie fixe n’a pas connu, de manière générale, une forte progression durant les deux dernières décennies. La 11 diffusion des lignes téléphoniques fixes a pratiquement stagné sur la période 2000-2018 pour l’ensemble des 18 pays retenus, exclusion faite de l’Afrique du sud, du Botswana et la Namibie où les taux de diffusion de cette technologie évoluent de façon décroissante sur la période. Cette situation s’explique d’une part, par la lourdeur des investissements nécessaires pour l’installation et la mise en services des réseaux de téléphonie fixe et, d’autre part par le développement du segment de la téléphonie mobile. La téléphonie fixe n’a pas connu un développement fulgurant à partir des années 2000 à cause d’un manque de concurrence sur le marché de la téléphonie dont le monopole est quasiment détenu par l’opérateur historique de chacun des pays considérés (Figure 1).
La téléphonie mobile
Le marché de la téléphonie mobile est nettement plus concurrentiel que celui de la téléphonie fixe sur le continent africain (PMC, 2007). La diffusion de la téléphonie mobile dans l’ensemble des pays de la région évolue selon une tendance haussière sur la période 2000-2018. En effet, trois groupes de pays se distinguent. Le premier groupe caractérisé par une très forte progression. Il s’agit notamment de l’Afrique du sud et du Botswana. Le second groupe est marqué par un rythme de progression moindre ainsi qu’un troisième groupe constitué de pays tels que, l’Ethiopieavec un rythme de progression très faible par rapport aux autres (figure 2). Ce dynamisme du segment de la téléphonie mobile s’explique principalement par une libéralisation de ce marché mobile qui, en favorisant la concurrence, a permis de réduire significativement les coûts, d’améliorer les services offerts aux consommateurs et d’attirer les investissements directs étrangers. Figure 2: Evolution du taux de diffusion de la téléphonie mobile en Afrique subsaharienne sur la période 2000- 2018 (%) Source : UIT /ICT Indicators Database 2019. 1.1.3. L’Internet L’Internet se développe plus vite mais n’a pas connu une forte pénétration au sein des populations africaines au sud du Sahara. Sur le continent, moins de 5% de la population utilise l’Internet, contre une moyenne de 23 % à l’échelle mondiale (PMC 2010). Une analyse détaillée des taux de diffusion de l’Internet montre d’énormes disparités entre pays. En effet, sur la période 2000-2009, la diffusion de l’Internet a presque stagné pour l’ensemble des pays où son taux de diffusion se situe en deçà de 10 %. En revanche, à partir de 2009, on assiste à un accroissement des taux de diffusion de l’Internet de certains pays. Deux groupes de pays se distinguent par l’évolution de leurs courbes de diffusion : un premier groupe constitué du Botswana, de la Namibie, du Nigéria, de la côte d’ivoire, du Sénégal et du Lesotho, avec des taux compris entre 10 % et 50 %. Un second groupe est composé des pays ayant des taux de diffusion qui se situent en dessous de 10 %. Il s’agit de l’Ethiopie, du Mozambique, du Bénin, de la Tanzanie, du Rwanda, de l’Ouganda et du Cameroun. Toutefois, l’Afrique du sud se détache nettement de ces deux groupes de pays à partir de 2009 avec un accroissement exponentiel de sa courbe de diffusion de l’Internet réalisant ainsi des taux de diffusion compris entre 10 % et 57 % (Figure 3). Figure 3: Taux de pénétration de l’Internet sur la période 2000-2017 Source : UIT, 2019. Le taux moyen de pénétration de l’Internet reste relativement faible dans la région (UIT, 2010). Ce phénomène s’explique par le fait que les taux de pénétration dans certains pays sont corrélés au niveau d’accès des TIC dans les ménages. Mais de façon générale en Afrique, l’accès aux équipements informatiques est très limitéà cause du faible niveau de revenu des populations. Les cybercafés demeurent le principal endroit où l’on utilise l’Internet dans la plupart des pays africains (PMC, 2010). Des efforts importants ont été fournis par les gouvernements et leurs partenaires pour promouvoir la connectivité de l’Afrique. Cependant, dans certains pays en développement notamment, ceux de l’amérique latine et de l’Asie, la situation de pénétration de l’Internet est différente de celle observée dans les pays africains. EnAmérique latine, il n’y a que le Pérou qui n’a pas atteint le taux de pénétration de l’Internet de 50 %, tous les autres pays, notamment l’Argentine et le Brésil ont atteint ces trois dernières années des taux de pénétration de l’Internet de plus de 70 % du. La même situation s’observe en Asie où la Malaisie et la Corée ont presque frolé les 100 % de pénétration de l’Internet. Sur la même période, le taux de pénétration du Viet Nam avoisine 70 % (Figure 4). Figure 4: taux de pénétration de l’Internet (%) dans certains pays en développement Source : ITU, World Telecommunication/ICT Indicators Database, Août 2021.
Les interconnexions numériques en Afrique
La connectivité des pays de l’Afrique subsaharienne est inégalement assurée tant au niveau interne qu’au niveau externe. Les pays situés sur le littoral sont les mieux connectés comparativement à ceux de l’intérieur du continent. Divers projets ont été initiés (quelques autres en cours) pour palier le faible niveau d’interconnexion sur le continent. La mise en place de cette interconnexion dépend inéluctablement des infrastructures numériques d’interconnexion, notamment des câbles sous-marins, des satellites et de la fibre optique. Les liaisons par satellite et par fibre optique constituent une solution technique pour assurer l’accès universel de tous les usagers aux services numériques des télécommunications et aux TIC.
Les différents projets d’interconnexion de l’Afrique avec le reste du monde
Beaucoup de projets d’amélioration de l’accès aux TIC ont été initiés pour assurer d’une part, la connectivité entre les pays africains et, et d’autre part, entre l’Afrique et le reste du monde. 0,0 10,0 20,0 30,0 40,0 50,0 60,0 70,0 80,0 90,0 100,0 Argentina Brazil Peru Malaysia Korea (Rep. of) Viet Nam 2017 2018 2019 2020 15 Parmi ceux-ci figurent les projets visant la connectivité des zones urbaines aux zones rurales à l’intérieur de chaque pays. Il s’agit : – du projet PANAFTEL (Pan African Telecommunication) adopté en 1967 par la commission économique européenne visant à mettre en place un réseau de 43.000 km de liaison par faisceaux hertziens ; 8.000 km de câble sous-marin et des stations terrestres du système Intelsat installés dans 41 pays africains. – du projet AFSAT (African Satellite) qui a pour but d’interconnecter 12 pays africains et qui a reçu la contribution significative de la Commission Economique européenne et de l’Union Africaine des Postes et des Télécommunications (UAPT). – Du projet AFROSAT proposé par l’UAPT Toutes ces tentatives mutualisées ont abouti à la mise en place de RASCOM (Regional African Satellite Communications), un projet commun, qui fut adopté par les ministres du transport, de communications et de la planification de 44 pays africains réunis à Abuja au Nigeria en février 1991. Le projet RASCOM parvient actuellement à couvrir une grande partie de l’Afrique du Nord et de l’Afrique subsaharienne par les systèmes Intelsat et Arabsat. Par ailleurs, d’autres satellites complètent cette couverture africaine pour assurer des retransmissions téléphoniques ou des transmissions de chaînes de télévision. Il est à noter que le problème majeur de ces liaisons par satellite est le coût d’installation des points de connexions nationaux que la plupart des pays africains ne peuvent pas supporter. En ce qui concerne par exemple les tarifs d’accès à Internet, l’Afrique subsaharienne reste la sous-région la plus coûteuse au monde : le coût d’une connexion haut débit y est d’environ 100 USD pour 110 kilobits/seconde alors que pour le même type de connexion en Europe et en Asie centrale, le coût revient à 20 USD alors qu’en Amérique latine et aux Caraïbes, il s’établit à 7 USD (Thibeault. E., 2011). Pour pallier cette cherté, des initiatives destinées à améliorer la connectivité de l’Afrique à l’Internet ont été lancées à travers le déploiement de la fibre optique par câbles sous-marins en provenance d’Europe, de l’Amérique du sud et de l’Amérique du nord. Plus précisément des projets ont été lancés pour connecter le continent au reste du monde (Tableau 1). La mise en place de ces projets, selon Cisco System (2008), va accroitre le débit de 120 fois supérieur à son niveau actuel grâce au déploiement de la fibre optique via l’installation des câbles sous-marins et diminuer les tarifs d’accès à Internet en Afrique de 10 % à 20 % (Thibeault E., 2011).
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