CROISSANCE ECONOMIQUE ET POLLUTION DE L’ENVIRONNEMENT EN AFRIQUE
Flux d’IDE et cadre institutionnel
Dans cette section nous présentons l’évolution des investissements directs étrangers (IDE) et le cadre institutionnel en ASS. Toutefois, il serait intéressant de montrer d’abord l’évolution de ces investissements dans le monde et dans les régions en développement en vue de permettre une analyse comparative. 7 Cité par Asie du (2013) 15 1.1 Tendances des Investissements Directs Etrangers Dans cette section nous présentons l’évolution des IDE dans le monde, les économies en développement et en Afrique sub-saharienne. – Monde Les dernières décennies ont été marquées par l’intégration des économies et l’augmentation des flux financiers internationaux, notamment les investissements directs étrangers.
Depuis le début des années 90 on a assisté à une forte progression des flux d’IDE dans le monde, ils sont passés de 204 milliards de dollars US en 1990 à 1429 milliards de dollars US en 2017 dans le monde (CNUCED, 2019). Le graphique ci-dessous montre cette évolution. Source : auteur à partir des données de la CNUCED (2019) Sur la période 1990-2000, l’évolution des entrées mondiales d’IDE a connu une croissance régulière grâce aux politiques de libéralisations entamés aussi bien par les pays développés que par les pays en développement, hormis la période 1990-1991 marquée par une diminution de l’ordre de 25%. Ces entrées d’IDE ont atteint un montant record historique de 1300 milliards de dollars US en 2000. Après ce record de l’année 2000, les flux d’IDE ont connu une baisse durant les trois années suivantes (2001, 2002, 2003). Graphique I-3 : évolution des flux entrants d’IDE (millions USD) dans le monde 16 baisse s’expliquait essentiellement par la faible croissance économique enregistrée dans la plupart des régions du monde et par les crises récurrentes (céréalières et financières mondiales). La dépréciation des valeurs boursières, la diminution des bénéfices des sociétés, le ralentissement du processus de restructuration dans certains secteurs et la fin des programmes de privatisation dans certains pays y ont également contribué. La forte chute du montant des fusions-acquisitions internationales a joué un grand rôle dans cette baisse générale.
Dès l’année suivante (2004), la tendance s’est inversée sous l’effet d’une forte augmentation de l’investissement étranger direct (IDE) à destination des pays en développement. Les flux mondiaux d’IDE se sont légèrement redressés en 2004 à 692 milliards de dollars. Cette tendance à la hausse des flux d’IDE va se poursuivre jusqu’en 2007. En effet, après quatre années consécutives de croissance (2003-2007), les IDE vont s’établir à 1893 milliards de dollars, dépassant ainsi largement le record historique de 2000. Cette hausse s’explique dans une large mesure par la croissance économique relativement élevée et les bons résultats des sociétés enregistrés dans de nombreuses parties du monde.
Les bénéfices réinvestis ont représenté 30 % environ des entrées totales d’IDE en raison de la hausse des profits des filiales étrangères, surtout dans les pays en développement. Le montant record des IDE en 2007 était aussi dû, dans une certaine mesure, à la forte dépréciation du dollar par rapport aux autres monnaies importantes (CNUCED, 2008). Toutefois, les flux mondiaux d’IDE ont été gravement perturbés par la crise financière et économique de 2008. Ainsi, les flux d’IDE dans le monde ont connu des baisses de 16 % en 2008 et de 37 % en 2009 avant de repartir à la hausse à partir de 2010 jusqu’à 2012. Ces flux vont diminuer de nouveau entre 2012 et 2014 à cause la fragilité de l’économie mondiale, l’incertitude des investisseurs quant aux politiques publiques et les fortes tensions géopolitiques (CNUCED, 2015). Ils rebondiront en 2015 pour atteindre 1921 milliards, leur plus haut niveau depuis la crise économique et financière mondiale de 2008-2009 (CNUCED, 2016). La chute observée les années 17 suivantes (2016 et 2017) tient en partie à une diminution de 22 % de la valeur nette des fusions-acquisitions internationales. – Economies en développement Les flux d’investissements directs étrangers à destination des pays en développement ont considérablement augmenté aussi à partir des années 90. Cette augmentation se justifie par les politiques de libéralisation initiés par ces PED. Ces IDE sont passés de 34 milliards de dollars US en 1990 à plus de 670 milliards en 2017, soit une hausse de 1970% (Banque mondiale, 2019).
Source : auteur à partir des données de la Banque Mondiale (WDI, 2019) Cependant cette évolution des flux d’IDE dans les économies en développement est différente selon les régions aussi bien en terme de flux que de pourcentage du total mondial (graphique ci-dessous). La répartition reste dominée largement par l’Asie, vient ensuite l’Amérique et l’Afrique ferme la queue. 0 100000 200000 300000 400000 500000 600000 700000 800000 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Graphique I-4 : évolution des flux d’IDE dans les économies en développement 18 Source : auteur à partir des données de la CNUCED (2019) Source : auteur à partir des données de la CNUCED (2019) Par ailleurs, les flux d’IDE vers les pays en développement ont augmenté en 2014 pour atteindre le taux de 55% des entrées mondiales (voir tableau 1 cidessous). Cette augmentation s’est surtout concentrée en Asie. Les flux d’IDE à destination de cette région ont progressé de 9 % pour atteindre près de 465 milliards de dollars US, soit plus des deux tiers du total des entrées dans les pays en développement.
Cette hausse a été constatée dans toutes les sousrégions, à l’exception de l’Asie occidentale, où les entrées d’IDE ont diminué Graphique I-5 : évolution par région des IDE entrants dans les économies en développement (millions de dollars US) Afrique Amérique Asie 0 5 10 15 20 25 30 35 40 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Graphique I-6 : flux entrants d’IDE en pourcentage du total mondial Afrique Amérique Asie 19 pour la sixième année d’affilée, en partie à cause de la nouvelle dégradation de la situation en matière de sécurité. Les flux d’IDE à destination de l’Afrique sont demeurés inchangés à 54 milliards de dollars. L’Afrique du Nord a connu une baisse de ses flux mais celle-ci a été compensée par l’augmentation des flux vers l’Afrique sub-saharienne. Les entrées d’IDE dans les pays de l’Amérique latine et des Caraïbes ont baissé de 14 % à 159 milliards de dollars, après quatre années consécutives de hausse (CNUCED, 2015). Notes : PD : Pays Développés ; PED : Pays en Développement Source : auteur à partir des données de la CNUCED (2019) – Afrique et Afrique sub-saharienne L’Afrique n’est pas restée en marge de la compétition vis-à-vis des IDE, les flux d’IDE en direction de l’Afrique ont été multipliés par près de 20 au cours de la période 1990-2015, passant de quelques 2,845 milliards de dollars américains à 55,633 milliards de dollars US. En Afrique sub-saharienne, ils sont passés de 1,228 milliards de dollars US en 1990 à 46 milliards en 2015.
En effet, la réception des IDE par le continent africain, notamment l’ASS a commencé vers les années 70 même s’ils sont restés relativement très faibles sur la période 1970-1980 (voir graphique 7). C’est à partir de la décennie 1980, qu’il y a eu une légère hausse des flux d’IDE, que l’on peut attribuer dans une certaine mesure à la mise en œuvre des programmes d’ajustements structurels qui ont conduit à la privatisation de certaines entreprises publiques. La période la plus importante est la décennie 1990, marquée par la démocratisation dans plusieurs pays, durant laquelle les flux d’IDE à 20 destination de l’Afrique ont connu une croissance exponentielle. Les flux d’IDE entrants dans la région depuis le début des années 2000, sont principalement dus à l’envolée des marchés des produits de base, à la rentabilité croissante des investissements, à l’amélioration du climat des affaires (CNUCED, 2008) et la relative stabilité politique dans certains pays africains. La région a également été touchée par la crise économique et financière de 2008, ceci explique la baisse des IDE entre 2008 et 2010. Quant à la baisse observée à partir de 2015, elle est due à la baisse des cours des matières premières qui a commencé en 2014. Le graphique suivant représente l’évolution des IDE en Afrique et Afrique sub-saharienne entre 1970 et 2017. Source : auteur à partir des données de la CNUCED (2019) Toutefois, l’ASS demeure non seulement très marginalisée en termes d’IDE par rapport aux autres régions en développement, mais les entrées d’IDE diffèrent également selon les pays ou les sous-régions.
Par exemple, en 2012 les quatre cinquièmes des IDE dans la région étaient destinés à quinze pays8 seulement, le Nigéria et le Mozambique arrivant en tête. Venaient ensuite l’Afrique du Sud, le Ghana, le Congo et le Soudan (recevant chacun plus de 2 milliards de dollars américains). Les flux les plus importants concernent soit les secteurs dans lesquels la région bénéficie d’un avantage comparatif (tels 8Afrique du Sud, Angola, Congo, RD Congo, Ethiopie, Ghana, Kenya, Madagascar, Mozambique, Nigéria, Ouganda, Rwanda, Soudan, Tanzanie, Zambie. 0 10000 20000 30000 40000 50000 60000 70000 Graphique I-7 : évolution des flux d’IDE en Afrique et ASS (millions de dollars US) IDE ASS IDE Afrique 21 que les ressources naturelles et l’agriculture), soit les domaines où il existe un besoin d’investissement et où les rendements sont élevés, tels que la construction (Banque Mondiale, 2014). Les pays émergents (Brésil, Chine, Inde, Afrique du Sud et, plus visiblement, la Malaisie) s’imposent progressivement comme une source importante d’IDE en Afrique, d’autant plus que les sources d’IDE traditionnelles parmi les pays de l’OCDE sont en diminution et que le transfert de technologies Sud-Sud tend à être moins coûteux. Le graphique qui suit montre l’évolution des IDE en ASS par sousrégion.
Source : auteur à partir des données de la CNUCED (2019) 1.2 Le cadre institutionnel en ASS En ASS, le contexte institutionnel diffère d’un pays à un autre, la région se caractérise de manière générale par une faiblesse institutionnelle perceptible à différents niveaux. En ce qui concerne la stabilité, même si nous observons un peu d’amélioration dans la plupart des pays de la région, toutefois on note quelques foyers de tension (Guinée-Bissau, Togo, Guinée, RD Congo, Soudan, Soudan du sud, etc.). Ces dissensions sont généralement dues à l’absence d’alternance politique et au manque de transparence des élections et dans la gestion des ressources publiques. Graphique I-8 : évolution des flux d’IDE (millions USD) par sous-région en ASS Afrique Australe Afrique Centrale Afrique de l’Est Afrique de l’Ouest 22 La situation sécuritaire de la région demeure également très préoccupante notamment avec la présence de groupe terroristes dans trois des quatre sousrégions de l’ASS. Il y a Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), qui opère au Maghreb et en Afrique de l’Ouest (Mali, en Mauritanie, au Niger et au Burkina Faso). Il y a également Boko Haram qui sévit particulièrement en Afrique de l’Ouest (Nigéria et Niger) et du Centre (Cameroun et Tchad). En fin les Shebabs qui agissent en Afrique de l’Est notamment en Somalie et au Kenya. Ces groupes constituent des véritables facteurs d’instabilité dans ces zones avec un grand risque de contagion aux pays voisins.
C’est donc l’Afrique australe seulement qui est épargnée de cette problématique. Ceci expliquerait peutêtre son meilleur score en termes de sécurité et Etat de droit de l’indice Mo Ibrahim (tableau 2 ci-dessous). Tableau I-2 : situation de sécurité et d’Etat de droit en ASS Régions Score/100 Afrique sub-saharienne 50,8 Afrique australe 63,4 Afrique centrale 41,2 Afrique de l’Est 43,9 Afrique de l’Ouest 54,8 Source : Mo Ibrahim 2015 Les autres aspects liés à la gouvernance ne sont pas en reste, des importants défis sont à relever. En matière de corruption par exemple, les pays de l’ASS sont généralement les plus mal classés. En effet, Transparency International (2018) dans son rapport relatif à l’indice de perception de la corruption (IPC) montre qu’il n’y a que quatre pays de l’ASS (Seychelles, Botswana, le Cap Vert et le Rwanda) dans le top 50 du classement et le premier n’arrive qu’à la 28ème place (Seychelles). Elle indique également que parmi les 20 pays les plus corrompus au monde, 11 sont de l’ASS (voir le tableau 3 suivant). La corruption est endémique en ASS et pourrait constituer un véritable frein à la performance économique de la région.
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