IDENTIFICATION DE RICKETTSIES PATHOGENES CHEZ LES TIQUES IXODIDES

IDENTIFICATION DE RICKETTSIES PATHOGENES
CHEZ LES TIQUES IXODIDES

Généralités sur les rickettsioses

Les rickettsioses représentent des maladies infectieuses causées par des rickettsies. Elles sont associées aux arthropodes, essentiellement les tiques, mais aussi les poux, les puces (Aubry, 2009 et 2010). D’après Aubry (2009 et 2010), on distingue trois grands groupes :  Le groupe Typhus comprend Rickettsia prowazekii et Rickettsia typhi ;  Le groupe Orientia qui comprend des rickettsies proches de la bactérie Orientia tsutsugamushi ;  Le groupe Boutonneux regroupant des pathogènes du genre Rickettsia, responsables de la fièvre boutonneuse méditerranéenne, de la fièvre pourprée des montagnes rocheuses, de la fièvre à tiques africaine, de la fièvre vésiculeuse ou rickettsialpox et de la fièvre boutonneuse à puces. La taxonomie des rickettsies a été modifiée par le développement des techniques de biologie moléculaire (Aubry, 2009 et 2010). En 1989, il a été montré que le genre Rickettsia appartient au sous-groupe alpha des protéobactéries (Weisburg et al., 1989) et à la classe des Rickettsiaceae (Renvoisé & Raoult, 2009) (Tableau 1). Sur la base des caractères phénotypiques, les rickettsies pathogènes du genre Rickettsia sont classiquement séparées en deux groupes (Halos, 2005) : – les bactéries du groupe typhus qui ont une localisation exclusivement intracytoplasmique, – celles du groupe boutonneux localisées dans le cytoplasme et le noyau des cellules infectées. Des études génomiques ont montré que les rickettsies du groupe boutonneux possèdent le gène ompA qui est absent ou non exprimé chez celles du groupe typhus (Halos, 2005). Du fait de leur développement strictement intracellulaire (Figure 1), la culture des Rickettsia sur milieu inerte n’est pas possible, mais la plupart des espèces poussent en cultures cellulaires (Raoult & Roux, 1997). Identification de rickettsies pathogènes chez des tiques ixodides de la Zone de Keur Momar Sarr (Louga), Sénégal 4 Mémoire de Master II en Parasitologie, FST-UCAD, 2011 Figure 1 : Cellule infectée par des Ricckettsia Source : http://ifr48.timone.univ-mrs.fr/Fiches/FBM.html Tableau 1 : Position systématique des rickettsies du genre Rickettsia Domaine Bacteria Phylum Proteobacteria Classe Alpha-proteobacteria Ordre Rickettsiales Famille Rickettsiaceae Genre Rickettsia Les premiers cas de rickettsioses ont été rapportés en Afrique du Nord par Conor & Bruch (1910) et en Afrique du Sud par McNaught (1911) puis Sant’Anna (1912). Tous les cas de fièvre pourprée observés en Afrique sub-saharien étaient considérés comme des cas de fièvre boutonneuse méditerranéenne encore appelée «Spotted Fever Mediterrenean (SFM) » due à Rickettsia conorii (Gear, 1938), malgré l’avis contraire de Pijper (1936). Depuis longtemps, on a pensé que la fièvre boutonneuse méditerranéenne était la seule rickettsiose connue en Afrique (Socolovschi et al., 2008). Cependant, un nouveau cas de rickettsiose due à Rickettsia africae affilié au groupe de la fièvre pourprée ou «Spotted Fever Group (SFG) » a été décrit au Zimbabwe chez une femme de 36 ans (Kelly et al., 1992). Cet agent pathogène R. africae était identique aux souches de Rickettsia isolées chez les tiques Amblyomma variegatum collectées en Ethiopie (Philip et al., 1966) et Ambryomma hebraeum, provenant du Zimbabwe (Beati et al., 1995). R. africae a été, par la suite, identifiée par la technique de Polymérase Chain Reaction (PCR) dans plusieurs pays d’Afrique sub-saharienne notamment Identification de rickettsies pathogènes chez des tiques ixodides de la Zone de Keur Momar Sarr (Louga), Sénégal 5 Mémoire de Master II en Parasitologie, FST-UCAD, 2011 au Niger, Mali, Burundi et Soudan (Parola et al., 2001), au Tchad et en Ethiopie (Mura et al., 2008) et dans beaucoup de pays d’Afrique Equatoriale et du Sud (Cazorla et al., 2008). Rickettsia aeschlimannii isolée chez la tique Hyalomma marginatum marginatum collectée au Maroc en 1997, a été considérée comme un agent pathogène du groupe de la fièvre pourprée (Beati et al., 1997 ; Parola et al., 2005). Cet agent pathogène avait été détecté par PCR au Zimbabwe chez la tique Hyalomma marginatum rufipes, au Portugal chez H. marginatum marginatum (Béati et al., 1995), en Egypte chez H. impeltatum (Loftis et al., 2006), au Sénégal chez les tiques H. marginatum rufipes, H. truncatum et Rhipicephalus evertsi evertsi (Mediannikov et al., 2010). Rickettsia conorii l’agent pathogène de la fièvre boutonneuse méditerranéenne est un complexe de quatre sous-espèces génétiquement identiques (Renvoisé & Raoult, 2009). Il s’agit de Rickettsia conorii conorii, R. israelensis, R. caspia et R. indica (Zhu et al., 2005). Cette rickettsie est transmise par la tique brune du chien, Rhipicephalus sanguineus. R. israelensis est l’agent étiologique de la fièvre boutonneuse d’Israël (Zhu et al., 2005), mais de nouveaux cas isolés en Italie et au Portugal font penser que sa distribution géographique est beaucoup plus large (Renvoisé & Raoult, 2009). La fièvre d’Astrakhan est causée par R. caspia (Zhu et al., 2005). La maladie sévit autour de la mer caspienne, mais sa distribution pourrait être plus vaste. La bactérie R. indica est l’agent suspecté de la fièvre à tiques indienne «Indian tick typhus» (Renvoisé & Raoult, 2009). Rickettsia felis est l’agent causal de la fièvre boutonneuse à puces (Desenclos & Lecollinet, 2009). Il a été identifié pour la première fois en 1918 chez des puces de chat, Ctenocephalides felis, puis en 1990 (Aubry, 2009 et 2010). R. felis a été détecté chez des puces dans de nombreuses régions du monde telles que l’Europe (Capelli et al., 2009), l’Asie (Jiang et al., 2006), l’Afrique du Nord et Sub-saharienne (Bitam et al., 2006 ; Sakal et al., 2008), l’Amérique du Nord et du Sud (Labruna et al., 2007 ; Reif & Macaluso, 2009), et plusieurs cas de rickettsiose à R. felis ont d’ailleurs été récemment décrits en Afrique (Socolovschi et al., 2010). 

Les fièvres boutonneuses à tiques

Elles ont en commun l’apparition d’une fièvre et d’une escarre (lésion cutanée en plaque) après une piqûre de tiques (Aubry, 2009 et 2010 ; Renvoisé & Raoult, 2009), de frissons, de myalgies et de céphalées (Socolovschi et al., 2008). Les tiques vectrices sont des ixodides (ou tiques dures) qui sont les vecteurs des rickettsies du groupe boutonneux. Ce sont des acariens hématophages. Chacun des 3 stades de développement de ces tiques (larves, nymphes, adultes mâle et femelle) ne prend qu’un repas Identification de rickettsies pathogènes chez des tiques ixodides de la Zone de Keur Momar Sarr (Louga), Sénégal 6 Mémoire de Master II en Parasitologie, FST-UCAD, 2011 sanguin. L’épidémiologie des rickettsioses à tiques est liée aux caractéristiques écologiques et comportementales des tiques vectrices. Les fièvres boutonneuses à tiques comprennent prés de 20 espèces de rickettsies qui peuvent infecter l’homme (Aubry, 2009 et 2010). On distingue :  La fièvre boutonneuse méditerranéenne, encore appelée « mediterranean spotted fever » (MSF) due à R. conorii (Renvoisé & Raoult, 2009), est une maladie urbaine et périurbaine, endémique dans le pourtour méditerranéen, mais elle peut aussi survenir en Europe centrale et en Afrique centrale et du Sud. C’est une maladie saisonnière estivale. Les symptômes durent 12 à 20 jours et l’amélioration clinique survient après 48 heures de traitement.  La fièvre à tiques africaine, Elle est la principale rickettsiose en Afrique subsaharienne (Renvoisé & Raoult, 2009). Le plus souvent les patients atteints sont des hommes adultes. La fièvre à tiques africaine est donc une des étiologies de fièvre au retour de voyage, à évoquer systématiquement après un séjour en zone d’endémie (Renvoisé & Raoult, 2009). Il est important de préciser que l’élévation des titres sérologiques est plus tardive que dans les autres rickettsioses (Brouqui et al., 2007).  La Fièvre pourprée des montagnes rocheuses, est due à Rickettsia rickettsii. Elle est décrite dans tous les Etats-Unis et dans certains pays d’Amérique centrale et du sud (Estripeaut et al., 2007). Les cas surviennent à la fois dans les zones rurales et urbaines, pendant la période d’avril à septembre. Il n’y a généralement pas d’escarre au niveau de la zone de piqûre (Aubry, 2009 et 2010). La fièvre pourprée des montagnes rocheuses est la plus sévère des rickettsioses à tiques et reste potentiellement mortelle (Aubry, 2009 et 2010).

Eléments d’épidémiologie

Vecteurs et réservoirs des Rickettsia du groupe boutonneux Les Rickettsia se maintiennent dans les populations de tiques par la transmission transtadiale et transovarienne. Ainsi, la tique joue le rôle de vecteur et de réservoir de la bactérie. Les Rickettsia se multiplient dans pratiquement tous les organes de leur hôte invertébré y compris les ovaires et les oocytes chez la femelle (Aubry, 2009 et 2010). Le taux d’œufs infectant d’une femelle de tique infectée par une souche de Rickettsia varie sous l’influence de facteurs encore inconnus (Raoult & Roux, 1997). Chaque espèce de rickettsie est étroitement liée à son vecteur et l’identification morphologique des tiques est d’une grande importance. La tique du chien, Rhipicephalus sanguineus, est le principal vecteur du complexe Rickettsia conorii agent pathogène de la fièvre boutonneuse méditerranéenne (R. conorii subsp. conorii, israelensis, caspia et indica) (Renvoisé & Raoult, 2009). Récemment, les travaux de Mediannikov et collaborateurs (2010) ont montré la présence de R. conorii chez la tique Rhipicephalus evertsi evertsi, au Sénégal. La tique Rh. evertsi evertsi a été également impliquée dans le maintien de certains rickettsies telles que, Rickettsia africae et Rickettsia aeschlimannii (Mediannikov et al. 2010). R. aeschlimannii a pour vecteur principal les tiques Hyalomma marginatum marginatum, H. marginatum rufipes (Renvoisé & Raoult, 2009) et H. impeltatum (Loftis et al., 2006). Le genre Amblyomma est un vecteur potentiel (A. variegatum, A. hebraeum et A. lepidum) de R. africae (Socolovschi et al., 2008). 

 

L’importance des rickettsioses, comme celle de la plupart des maladies à tiques, reste mal connue. Des données ponctuelles provenant de campagnes d’épidémiosurveillance permettent d’avoir un aperçu de l’importance de ces maladies. Au Sénégal, une étude récente a montré une prévalence élevée de Rickettsia africae chez la tique A. variegatum (Mediannikov et al., 2010). Des données en provenance de divers pays d’Afrique (Mali, Burkina Faso, République Centrafricaine, Zimbabwe) ont montré une forte prévalence d’anticorps chez le malade (Aubry, 2009 et 2010). De plus, une rickettsie récemment reconnue pathogène, Rickettsia aeschlimannii a été détecté à Dielmo et Ndiop, chez la tique Hyalomma marginatum rufipes avec une incidence supérieure à 51,3% (Mediannikov et al., 2010). Les tiques Rhipicephalus evertsi evertsi et Boophilus annulatus pouvaient être porteuses de cette nouvelle rickettsie pathogène très peu connue (Mediannikov et al., 2010). Ces tiques (A. variegatum, H. marginatum rufipes, Rh. evertsi evertsi et B. annulatus) peuvent piquer accidentellement l’homme (Walker et al., 2003). L’incidence connue de la fièvre boutonneuse méditerranéenne chez l’homme est de 0,7% des cas de rickettsioses observés dans les villages de Dielmo et Ndiop (Mediannikov et al., 2010).

Répartition géographique des rickettsioses à tiques

Les hypothèses expliquant la dissémination des rickettsioses transmises par les tiques reposent sur le concept de coévolution entre micro-organismes pathogènes, la tique et de l’animal hôte (Parola & Raoult, 2001). Les rickettsioses à tiques sévissent dans des zones optimales pour le développement de la tique vectrice et des hôtes réservoirs. Le maintien des infections dans de nouvelles régions dépend de la présence de tiques et d’hôtes susceptibles de porter l’infection et qui peuvent assurer la survie de l’agent pathogène (Halos L, 2005).  L’homme peut aussi jouer un rôle important dans la dispersion des rickettsioses en modifiant l’habitat des tiques ou par le transport d’animaux sur de longues distances. Ainsi, l’introduction de bétail en Guadeloupe et en Inde, en provenance du Sénégal a entrainé la présence d’A. variegatum, vecteur de R. africae agent de la fièvre à tiques africaine, dans ces pays où la maladie est devenue endémique dans les années 30 (Hoogstraal, 1956). En Afrique, la répartition des rickettsioses (Figure 2) est peu connue surtout en Afrique de l’Ouest, plus particulièrement au Sénégal où des études récentes ont montré la présence de certains Rickettsia dont Rickettsia aeschlimannii, Rickettsia mongolitimonae, Rickettsia massiliae et Rickettsia conorii (Mediannikov et al., 2010). 

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
I.1. Généralités sur les rickettsioses
I.2. Les fièvres boutonneuses à tiques
I.2.1. Eléments d’épidémiologie
I.2.1.1. Vecteurs et réservoirs des Rickettsia du groupe boutonneux
I.2.1.2. Importance
I.2.1.3. Répartition géographique des rickettsioses à tiques
I.2.2. Signes cliniques
I.3. Généralités sur les tiques ixodides vectrices des rickettsies
I.3.1. Bio-écologie
I.3.2. Position systématique
I.3.3. Morphologie générale
I.3.4. Cycles des tiques ixodides
I.3.4.1. Cycle de développement
I.3.4.2. Cycles parasitaires
CHAPITRE II : MATERIEL ET METHODES
II.1. Zone d’étude
II.2. Matériel biologique
II.3. Matériel de collecte
II.4. Matériel de laboratoire
II.5. Méthodes de collecte des tiques ixodides
II.6. Méthodes d’étude au laboratoire
II.6.1. Lavage des tiques ixodides
II.6.2. Détermination morphologique
II.6.3. Analyses moléculaires
II.6.3.1. Extraction de l’ADN de tiques
II.6.3.2. Amplification par PCR
II.6.3.3. Migration et révélation des produits PCR amplifiés
II.6.3.4. Le séquençage
CHAPITRE III : RESULTATS ET DISCUSSION
III.1. Résultats
III.1.1. Echantillonnage et détermination morphologique
III.1.2. Détection des Rickettsia par PCR
III.1.3. Caractérisation génétique des Rickettsia
III.2. Discussion
III.2.1. Prévalences de l’infection chez des tiques ixodides
III.2.2. Circulation des rickettsies dans la zone d’étude
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE

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