La participation du public dans les études d’impact en environnement
L’EVOLUTION DE LA QUESTION DE LA PARTICIPATION DU PUBLIC
La question de la participation du public dans les affaires de la cité a longtemps été posée. J.J.Rousseau dans « du contrat social » indiquait déjà que le pouvoir en place constitue un condensé du pouvoir de tous les citoyens. Et que dans une véritable démocratie, le détenteur du pouvoir est le peuple appelé souverain primaire. Les citoyens ne pouvant tous exercer cette souveraineté, ils délèguent leur pouvoir à un nombre restreint d’élus qui l’exercent à leur place. Ainsi, tous les citoyens ont leur mot à dire dans la gestion de la cité. Plusieurs déclarations universelles et conventions internationales ont abordé le thème de la participation du public dans la gestion des affaires publiques Parmi les textes les plus connus on peut citer : La Déclaration universelle des droits de l’homme, dans son article 21 indique que : « Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays (…).. » La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 qui affirme dans son article 6 que: « La loi est l’expression de la Volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leur représentants, à sa formation (…) ». La Déclaration de Stockholm du 16 juin 1972, le principe de la participation du public dans le domaine de l’environnement a été clairement défini. 23 Dans sa recommandation 97 de son plan d’action, les états sont vivement encouragés à faciliter « la participation du public à la gestion et au contrôle de l’environnement » et « à prévoir les moyens de stimuler la participation active des citoyens ». Le plan d’action de Vancouver issu de la conférence sur les établissements humains de 1976 qui consacre les recommandations 49 à 53 à la participation, en déclarant que « la participation populaire est un droit qui doit appartenir à tous les secteurs de la population ». C’est ensuite la Charte mondiale de la nature, adoptée le 28 octobre 1982 qui affirme le principe de manière à la fois plus nette et plus solennelle : « Toute personne aura la possibilité (…) de participer, individuellement ou avec d’autres personnes à l’élaboration des décisions qui concernent directement son environnement ». Elle précise également que tous les éléments nécessaires à la Planification seront portés à la connaissance du public pour qu’il puisse effectivement être consulté et participer aux décisions. En 1988 a été adoptée la convention d’Aarhus qui est largement reconnue comme le premier instrument international à promouvoir l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement. Mais c’est à partir de 1992 avec la déclaration de Rio que le principe de participation a été réellement consacré et mieux vulgarisé. En effet, dans son principe 10 il a été indiqué, que « la meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient. Au niveau national, chaque individu doit avoir dûment accès aux informations relatives à l’environnement que détiennent les autorités publiques, y compris des informations relatives aux substances dangereuses dans la communauté, et avoir la possibilité de participer au processus de prise de décisions. Les Etats doivent faciliter et encourager la sensibilisation et la participation du public en mettant les informations à la disposition de celui-ci ». Le chapitre 40 de l’Agenda 21, vient ensuite compléter ce principe 10 en insistant sur la nécessité d’associer l’ensemble des groupes sociaux afin de permettre la réalisation d’un développement durable et d’une protection intégrée de l’environnement. Mais aujourd’hui, c’est probablement dans le domaine de la protection de l’environnement que l’on retrouve la plus grande intensité et la plus grande diversité de participation publique aux décisions (BAPE, 2003). Ces directives et recommandations pour une participation effective du public dans le domaine de l’environnement ont été reprises dans les procédures d’EIE. 24 Les études d’impact en environnement passent nécessairement par la participation du public. Elle renferme plusieurs enjeux réels pour les pays, notamment ceux en voix de développement dont le Sénégal. Ainsi, nous verrons dans la partie suivante quels sont les enjeux de la participation du public pour le Sénégal.
les différentes formes de participation du public dans les EIE
Différentes formes de PP peuvent être applicables aux différentes phases du processus d’ÉIE. L’information L’information consiste à donner des éléments à la population concernée, sur les projets à venir ou en cours. « L’Information du public est un flux d’information unidirectionnel du promoteur du projet en direction du public ». En technique de communication, l’information peut être portée à la connaissance de la population à travers différents supports: bulletin d’information, brochure de présentation du projet, site Internet, articles de presse, réunions publiques, etc. La consultation « La consultation constitue un flux d’informations bidirectionnel entre le promoteur du projet et le public y inclus l’opportunité pour le public d’exprimer ses vues et ses propositions. » C’est est un processus par lequel les décideurs demandent l’avis de la population afin de connaître leur opinion, leurs attentes et leurs besoins, avant une prise de décision concernant le projet mais aussi à n’importe quel stade de l’avancement d’un projet. « Cette étape est très importante car le maître d’ouvrage s’engage normalement à écouter, à éventuellement modifier son projet, voire à y renoncer intégralement » (BAPE, 2003). La concertation La concertation est un échange entre le promoteur et le public. C’est un processus qui permet de trouver un consensus pour dissiper tout mal entendu et d’arrondir les angles avant la prise de décision sur un projet. La concertation peut être engagée très en amont de la décision, dès l’idée de projet. 25 Débat public ou audience publique dans certains pays Le débat public, est une étape dans le processus décisionnel. Selon certains, il n’est ni le lieu de la décision ni même de la négociation, mais un moment de dialogue au cours duquel la population peut s’informer et s’exprimer librement sur le projet. La conciliation – médiation La conciliation et la médiation sont des moments très importants souvent négligés dans le processus d’EIE. Ils consistent à confronter les points de vue lorsqu’il y a divergence d’opinion autour d’un projet. Il y a la volonté des participants d’aboutir à une solution ou un consensus majoritaire et vise la conclusion d’un accord. L’intervention d’un tiers neutre est quelquefois nécessaire. La coélaboration et la codécision : Ces notions correspondent aux formes les plus poussées de participation, avec pour la codécision un véritable partage du pouvoir de décision. Elles n’existent pratiquement pas encore au Sénégal. Une démarche telle que celle des budgets participatifs relève de cette notion : les élus, la société civile, les experts et populations travaillent et décident ensemble des priorités d’affectation du budget d’investissement de la collectivité.
QUELQUES ENJEUX DE LA PARTICIPATION DU PUBLIC DANS LES EIE
AU SENEGAL. 26 Aujourd’hui, il existe encore certains penseurs qui doutent de l’opportunité de la PP dans la prise de décision dans les EIE. Mais la plupart des chercheurs s’accordent sur les enjeux réels de cet outil, notamment pour les pays en développement comme le Sénégal. Les principaux arguments avancés par les réfractaires à la participation du public dans les EIE sont de trois ordres : l’efficacité, la contribution négative et l’efficience. Au plan de l’efficacité, le public ne maîtrisant pas les aspects techniques du projet, peut avoir une contribution nulle sur la prise de décision. Le public peut avoir une contribution négative du fait qu’il peut avoir des intérêts propres localisés et ne prend pas en compte l’intérêt collectif. C’est le cas avec la communauté rurale de Diass qui rejette le centre d’enfouissement technique3 en occultant les intérêts nationaux. Au plan de l’efficience, le débat se pose en terme de coût de la participation du public dans un contexte de sous développement de notre pays et des délais supplémentaires dans la mise en œuvre du projet. A coté de ces arguments qui doutent de l’opportunité de la PP dans les EIE, plusieurs enjeux majeurs de la PP ont été notés et qui peuvent être regroupés en trois thèmes (enjeux liés à la démocratie, à environnementaux, et aux enjeux socio-économiques)
Enjeux liés à la démocratiques
La participation du public est un des principes fondamentaux de la démocratie. Il est généralement admis que la démocratie est un mode de gouvernement où le peuple exerce la souveraineté. Le peuple doit impérativement participer à la prise de décisions dans tous les projets ou les programmes qui le concernent dans son pays. C’est pourquoi, la participation du public évolue souvent à l’image du niveau de la démocratie des pays. Dans certains pays occidentaux, on utilise souvent désormais, le terme « démocratie participative » qui est définie comme un modèle politique alternatif. Il recouvre des concepts permettant d’accroître l’implication et la participation des citoyens dans le débat public et la prise de décisions politiques qui s’en suit. Des concepts comme la démocratie participative ou démocratie locale ont d’ailleurs vu le jour du fait que, l’humanité est de plus en plus consciente que le domaine de l’environnement est un secteur très sensible, et que certaines actions de l’homme peuvent désormais remettre en cause la survie de l’espèce humaine sur Terre. Aussi, les résultats de recherche des scientifiques sur l’état de la planète exposés lors des grandes conférences internationales sur l’environnement ont fini par convaincre les plus sceptiques sur l’état d’avancement de la dégradation de notre environnement et des menaces encourues par les populations. Cela a causé une certaine perte de confiance des populations dans les pays développés sur la manière dont les politiques gèrent leur environnement. D’où l’accroissement du désir des citoyens à être informés et à participer directement aux prises de décisions sur l’environnement. Nous avons assisté à la mise en place dans certains pays, de groupes organisés pour mieux défendre l’environnement et éclairer les populations sur les risques réels que peuvent engendrer des projets et aménagements sur l’environnement. D’où un renforcement de la démocratie dans ces pays car les populations, s’engagent dans la gestion de leur cité. Contrairement à ces pays développés ou émergents, qui ont une longue expérience démocratique participative locale, où la participation du public est bien effective sous toutes ses formes au niveau des différentes instances de prise de décision, le Sénégal à l’instar de beaucoup de pays africains est un pays où la démocratie est naissante. Ces pays ont longtemps été colonisés par des puissances européennes. Après la décolonisation, les élites africaines, en s’emparant des pouvoirs du colonisateur, avaient ainsi hérité ou reproduit le modèle constitutionnel de la métropole coloniale, mais privé de son esprit et de son contexte. Selon THIAM (1993), cette appropriation malhabile a favorisé l’entrée de l’Afrique dans la période de l’autoritarisme sous ses différentes formes (monopartisme, coup d’État militaire, la patrimonialité, la présidence à vie, le populisme militariste, etc.) au nom de la création de l’Etat-nation et du projet de développement mentaliste. Sacrifiant ainsi la démocratie qui, doit être selon le président américain Abraham Lincoln, « le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple ». Ces administrations se traduisent par une centralisation de tous les pouvoirs décisionnels par l’Etat
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