INFECTIONS URINAIRES NOSOCOMIALES

INFECTIONS URINAIRES NOSOCOMIALES

Physiopathologie des infections urinaires nosocomiales (IUN)

. Mécanismes d’acquisition en l’absence de sonde L’arbre urinaire est normalement stérile, à l’exception de la flore de l’urètre distal qui est diverse et reflète à la fois la flore digestive (entérobactéries, streptocoques, anaérobies), la flore cutanée (staphylocoques à coagulase négatives, corynébactéries) et la flore génitale (lactobacilles chez la femme) .[72] Les IUN en l’absence de sonde ont le même mode de survenue que les infections urinaires (IU) communautaires. En effet, ces dernières sont de mécanisme « ascendant », à partir de la flore urétrale, pouvant envahir la vessie, le rein et la prostate chez l’homme ; excepté les rares pyélonéphrites d’origine hématogène. [71] Or, l’arbre urinaire n’est pas sans défenses contre les IU. Ainsi, l’urètre lui-même fait obstacle à l’inoculation intravésicale[123] de part sa longueur, protégeant ainsi l’homme plus que la femme. La croissance des germes de l’urètre dans le milieu vésical est rendue difficile par les caractéristiques physicochimiques de l’urine normale : osmolarité, Potentiel Hydrogène (pH), teneur en acide organique . En cas de colonisation bactérienne, trois facteurs concourent à éviter l’invasion de la muqueuse vésicale[71]:  la présence d’inhibiteurs de l’adhésion bactérienne à la surface de l’urothélium tels que : la protéine de Tamm-Horsfall [glycoprotéine appartenant à la famille des protéines ancrées à la membrane par un groupement glycosyl-phosphatidyl-inositol, elle est présente chez l’homme dans la branche large ascendante de l’anse de Henlé et la partie proximale du tube contourné distal[115], les mucopolysaccharides ;  l’existence d’un effet bactéricide local de mécanisme inconnu, mais indépendant de la réponse inflammatoire (polynucléaires, cytokines) 12 et de la réponse immunitaire (humorale et cellulaire) [78-134].  un processus d’exfoliation des cellules urothéliales infectées[145]. Quant aux reins, ils sont protégés par le mécanisme antireflux de la jonction urétérovésicale, tandis qu’un effet antibactérien des sécrétions prostatiques a été démontré [134]. Il en ressort donc que la survenue d’une IU implique[71] : soit une absence des défenses de l’hôte, qui correspond aux IU « compliquées », c’est-à-dire favorisées par une anomalie fonctionnelle ou organique de l’arbre urinaire ou un terrain particulier ; soit le développement dans la flore urétrale d’une bactérie particulièrement virulente dite « uropathogène », correspondant aux IU « non compliquées», c’est-à-dire survenant sur un appareil urinaire sain (dans ce cas la virulence du germe joue un rôle primordial). Ce facteur d’uropathogénicité est surtout lié à l’adhésion bactérienne au niveau de l’arbre urinaire. En effet, l’adhésion des bactéries aux cellules uroépithéliales apporte deux avantâges sélectifs pour le développement de l’infection urinaire : elle permet aux bactéries, d’une part de résister au flux urinaire, et d’autre part d’assurer un contact étroit avec les nutriments présents à la surface cellulaire. C’est ainsi que la migration d’Escherichia coli le long des voies urinaires en dépit du flux urinaire requiert l’attachement de structures spécifiques sur des récepteurs à la surface des cellules épithéliales. Cette interaction moléculaire doit être supérieure aux forces de répulsion électrostatique liées aux charges négatives des surfaces cellulaires et bactériennes[108] . Chez Escherichia coli seule une minorité des souches de la flore digestive est douée d’uropathogénicité par production d’une ou de plusieurs adhésines (ou fimbriae ou pili). Le type 1 permet la colonisation urinaire basse et le type P, plus rare, l’induction de pyélonéphrite par 13 modification du péristaltisme urétéral[71-123] . NB : les Pili P sont spécifiques au tractus urinaire. On les appelle « Pili P » car le récepteur est une molécule complexe, contenant du galactose, que l’on retrouve aussi au niveau de l’antigène de groupe sanguin P[126] 

Mécanismes d’acquisition en présence de sonde

Quatre modes d’acquisition des IUN sur sonde ont été décrits, pouvant s’associer chez un même patient, avec deux modes nettement prééminents : la voie endoluminale et la voie extraluminale péri-urétrale [71].

Acquisition par voie endoluminale

Il s’agit des IU ou colonisations survenant à cause des bactéries qui gagnent la vessie via la paroi interne de la sonde vésicale. Ces bactéries proviennent du sac collecteur, dont la contamination peut se produire lors des déconnexions de la sonde et du tuyau du sac collecteur ou de la vidange des urines du sac. Ce mode de contamination était dominant lors de l’utilisation des sondes à « systèmes ouverts », qui drainait l’urine dans un seau à l’air libre[71- 56]. L’apparition des sondes à « système clos » a diminué les infections d’origine endoluminale de façon drastique, cependant la part de cette voie dans les IUN reste diversement évaluée[71] .

Acquisition lors de la mise en place de la sonde

Malgré des mesures d’asepsie strictement respectées, les bactéries colonisant le périnée et l’urètre sur ses derniers centimètres peuvent être introduites directement dans la vessie lors du sondâge, entraînées par la surface externe de la sonde[71-127] .De ce fait, on peut qualifier cette 14 voie « d’extraluminale précoce, à l’insertion » (par opposition à la voie « extraluminale» tardive, par action capillaire)[71] .

Acquisition par voie extraluminale ou péri-urétrale

Ce mode de contamination implique des bactéries d’origine digestive, qui colonisent le méat, puis migrent progressivement vers l’urètre et la vessie par capillarité dans le fin film muqueux contigu à la surface externe de la sonde

.Acquisition par voie lymphatique ou hématogène

Dans des études prospectives de suivi quotidien de la flore, il a été constaté que certaines bactériuries sur sonde surviennent en l’absence de toute colonisation préalable de l’urètre et du sac collecteur, malgré un parfait respect du système clos, et après de nombreux jours de sondâge (ce qui innocente la procédure de mise en place) ; de ce fait, il a été formulé l’hypothèse d’infections d’origine hématogène ou lymphatique à partir d’une source endogène à distance. Cependant, l’importance de ce mode d’acquisition reste inconnue[71-56-89] .

Infections urinaires (IU) après cystoscopie et autres manoeuvres intravésicales

Les données de la littérature sont certes pauvres ici, mais on peut envisâger deux mécanismes d’acquisition : d’une part l’introduction de la flore urétrale lors du geste (comme pour les sondâges « en aller-retour »), d’autre part, une contamination exogène, en particulier en cas de désinfection imparfaite d’un matériel réutilisable

Infections urinaires (IU) après lithotritie extracorporelle

Même chez les malades dont les urines ont toujours été apparemment stériles, la destruction de calculs peut libérer des germes uropathogènes. 4.3.Infections urinaires (IU) du diabétique En effet, les IUN surviennent fréquemment chez le diabétique. Plusieurs facteurs semblent contribuer à cette prédisposition : le dysfonctionnement vésical secondaire à la neuropathie diabétique ; l’atteinte vasculaire et son retentissement sur la barrière cellulaire et les défenses locales ; la glycosurie altérant l’activité des polynucléaires et la phagocytose ; l’incidence plus élevée de manoeuvres urologiques chez ces patients [71-38]. 4.4.Infections urinaires (IU) de la femme enceinte : L’infection urinaire est la complication médicale la plus fréquente de la grossesse. Elle peut survenir à tout âge de la grossesse. La gravité des pyélonéphrites aiguës gravidiques impose de dépister les infections urinaires systématiquement de la femme enceinte au moyen des bandelettes urinaires et traiter les bactériuries asymptomatiques. Elle est d’une gravité particulière pour la mère et pour le fœtus.

Diagnostic des IUN

Cystite La cystite aiguë se reconnaît facilement sur la base de trois signes : • Brûlures et douleurs mictionnelles • Pollakiurie • Impériosité mictionnelle. 16 Chez une femme adulte, la présence des deux premiers signes, associés à l’absence de prurit et de pertes vaginales, donne une probabilité de cystite aiguë supérieure à 90% . Outre ces trois signes classiques, la conférence de consensus française indiquait l’absence de fièvre, l’absence de douleurs lombaires (évocatrices d’une pyélonéphrite) et la présence éventuelle d’une hématurie macroscopique. L’hématurie est fréquente (environ 30% des cas) et ne constitue pas un signe de gravité de l’infection. Ces signes peuvent survenir de façon plus ou moins brutale. Ils peuvent être isolés ou associés entre eux. Devant des symptômes et signes de cystite, une évaluation complémentaire est importante, à la recherche de facteurs dits de gravité, de risque ou de complication. Cette évaluation repose essentiellement sur l’interrogatoire et va conditionner la nécessité ou non de réaliser des examens complémentaires, les modalités du traitement et du suivi. En présence de symptômes et signes typiques d’une cystite aigu et en l’absence de facteurs de gravité, de risque ou de complication, signant le diagnostic de cystite aigu simple, la réalisation d’examens complémentaires n’est pas nécessaire. En cas de doute diagnostique ou en présence de facteurs de gravité, de risque ou de complication, évoquant le diagnostic de cystite aigu compliquée, la réalisation d’examens complémentaires adaptés peut être nécessaire .

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
1. Historique
2. Rappel anatomique
3.Physiopathologie des infections urinaires nosocomiales (IUN)
3.1. Mécanismes d’acquisition en l’absence de sonde
3.2. Mécanismes d’acquisition en présence de sonde
3.2.1.Acquisition par voie endoluminale
3.2.2.Acquisition lors de la mise en place de la sonde
3.2.3.Acquisition par voie extraluminale ou péri-urétrale
3.2.4.Acquisition par voie lymphatique ou hématogène
4.Cas particuliers
4.1.Infections urinaires (IU) après cystoscopie et autres manoeuvres intravésicales
4.2.Infections urinaires (IU) après lithotritie extracorporelle
4.3.Infections urinaires (IU) du diabétique
4.4.Infections urinaires (IU) de la femme enceinte
5. Diagnostic des IUN
5.1.Cystite
5.2.Pyélonéphrite aiguë simple
5.3.Prostatite aiguë
6. Mécanismes de la résistance bactérienne aux antibiotiques
6.1. Mécanismes biochimiques
6.2.Mécanismes génétiques
7. Facteurs de risque des infections urinaires nosocomiales (IUN)
7.1. Facteurs intrinsèques
7.2. Facteurs extrinsèques
7.2.1. Sondâge urinaire
7.2.1.1. Altération des moyens de défense vésicale
7.2.1.2. Perturbation du transit urinaire
7.2.1.3. Production d’un biofilm
8. Moyens de défense
8.1. L’urètre
8.2.L’urine
8.3. La miction
8.4.Les secrétions prostatiques antibactériennes
8.5. Les immunoglobulines urinaires (IgA sécrétoires)
8.6. Les facteurs vésicaux
9. L’examen cytobactériologique des urines (ECBU)
9.1. Recueil des urines
9.2.Conditions de prélèvement des urines
9.3.Méthodes de prélèvement
9.3.1. Chez le patient sondé
9.3.2.Chez le patient non sondé
9.4.Transport et conservation
9.5. Réalisation de l’examen cytobactériologique des urines
9.5.1.Examen macroscopique
9.5.2.Examen microscopique
9.5.3.Bactériurie
9.5.4.Leucocyturie
9.5.5.Uroculture
9.5.6.Interprétation des résultats
9.5.7.Identification
9.5.8.Antibiogramme
DEUXIEME PARTIE
10. Cadre d’étude
11. Patients et méthodes
11.1. Patients
11.1.1. Population d’étude
11.1.2. Critères d’inclusion
11.1.3. Critères de non inclusion
11.2. Méthodes
11.2.1. Types d’étude et période
11.2.2. Les paramètres étudiés
12. L’analyse des données
12.1. Incidence des infections urinaires nosocomiales
12.2. Caractéristiques de la population étudiée
12.2.1. Répartition selon l’âge
12.2.2. Répartition selon le sexe
12.2.3. Répartition selon la durée de séjour
12.2.4. Répartition selon les antécédents
12.2.5. Répartition selon le motif d’hospitalisation
12.2.6. Répartition selon l’intervention chirurgicale
12.2.7. Répartition selon le sondage urinaire
12.2.8. Répartition selon la symptomatologie
12.3. Profil bactériologique des IUN
12.3.1. Répartition des germes isolés à l’ECBU
12.3.2. Profil de résistance des différents germes
12.3.2.1. Profil de résistance de Escherichia Coli
12.3.2.2. Profil de résistance de Pseudomonas aeruginosa
12.3.2.3. Profil de résistance de Klebsiella pneumoniae
12.3.2.4. Profil de résistance de Proteus mirabilis
12.3.2.5. Profil de résistance de Staphylococcus aureus
12.3.2.6. Profil de résistance de Klebsiella oxytoca et Enterobacter cloacae
13. Traitement et évolution
DISCUSSION
14.La fréquence des infections urinaires nosocomiales
15.Caractéristiques de la population étudiée
15.1. L’âge
15.2. Le sexe
15.3. La durée d’hospitalisatio
15.4. Les antécédents
15.5. Les motifs d’hospitalisation et l’interventions chirurgicales
15.6. Le sondâge urinaire :
15.7. Symptômatologie de l’IUN
16. Profil bactériologique des infections urinaires
16.1. Identification des germes isolés responsables des IUN
16.2. Le profil de résistance des souches isolées aux antibiotiques
16.2.1.Résistance d’E. coli aux antibiotiques
16.2.2. Résistance de Pseudomonas aeruginosa aux antibiotiques
16.2.3. Résistance de Klebsiella pneumoniae aux antibiotiques
16.2.4. Résistance de Proteus mirabillis aux antibiotiques
17. Traitement
18. Evolution
CONCLUSION.

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