SYNTHESE DE L’ANALYSE TECTONO-SEDIMENTAIRE DES DEPOTS CRETACES
Les bassins sédimentaires sont des objets majeurs pour reconstituer la dynamique de la terre. L’analyse de l’enregistrement sédimentaire dans les bassins sédimentaires permet de reconstituer l’histoire de ces bassins incluant les mécanismes de formation, les processus d’érosion et de production de matériel détritique depuis les zones d’érosion vers les zones de dépôt, et surtout la tectonique.
Qu’est-ce que l’enregistrement sédimentaire ?
La sédimentologie a une position centrale pour la compréhension de l’histoire de la planète car elle se situe à la croisée des interactions entre géosphère-hydrosphère-atmosphère-biosphère par l’intermédiaire du sédiment. En effet, le sédiment est le produit de l’érosion mécanique, biologique et chimique de la géosphère soumise aux attaques de l’atmosphère et de l’hydrosphère qui transportent ensuite le sédiment détritique vers les zones sous-marines où il se mélange aux produits de la biosphère. Cette position stratégique confère à la discipline tout son intérêt mais aussi toute sa complexité. Les conditions de sédimentation dépendent de nombreux facteurs variables dans le temps et souvent interdépendants. Les marges passives représentent des zones réceptacles qui permettent l’accumulation des strates sédimentaires successives. La succession verticale des faciès et des surfaces permet de déduire les évolutions latérales des environnements de dépôts dans le temps. Le temps s’enregistre soit sous forme de sédiment soit sous forme de surface de discontinuité (au sein du sédiment). L’observation et l’analyse des séries sédimentaires dans leur état de préservation actuel, l’identification des séquences au sein des séries permet la reconstitution des paléoenvironnements et des paléogéographies qui vise à comprendre l’évolution spatio-temporelle des modes et des conditions d’accumulation des sédiments et des facteurs qui les contrôlent : types de sédiments, milieu de dépôt, géométrie des dépôts…
Hiérarchisation des facteurs influençant la sédimentation
Au moins une douzaine de facteurs ont été identifiés depuis longtemps, comme ayant une influence majeure sur la distribution des faciès et leur variabilité. On peut citer parmi les facteurs principaux : le climat, l’hydrodynamisme, la tectonique, les zones sources, l’altération, l’érosion, le transport, l’eustatisme, la morphologie, la physicochimie, l’activité biologique, la compaction, la diagenèse…Reading (1996) cite par exemple • les apports ; • le climat ; • la tectonique et la subsidence ; • la variation du niveau marin ; • le forçage orbital ; • les processus sédimentaires intrinsèques ; • les processus physiques ; • l’activité biologique ; • la chimie de l’eau ; • le volcanisme ; • la sédimentation normale et catastrophique ; • les taux de sédimentation-préservation. L’un des problèmes fondamental en sédimentologie est de déterminer quelle est l’importance relative de ces facteurs et quel est leur impact sur l’organisation sédimentaire. On cherche à distinguer des facteurs de premier, deuxième ou de troisième ordre. Plusieurs raisonnements peuvent être proposés pour hiérarchiser ces facteurs, on peut raisonner : 1) À partir du sédiment : l’observation des caractéristiques des séries sédimentaires et l’analyse du fonctionnement des systèmes sédimentaires, permet d’identifier un certain nombre de paramètres qui influencent directement la sédimentation. Il s’agit, par exemple, du flux sédimentaire, de l’accommodation, des caractéristiques de transport. Les facteurs sont classés en fonction de leur nature interne ou externe au système (allocyclisme/autocyclisme). Les facteurs allocycliques sont dus à des variations des paramètres externes au système sédimentaire. Les facteurs autocycliques sont liés aux processus internes du système sédimentaire.L’autocyclicité est fonction du type de dépôts : certains types de dépôts enregistrent plus facilement que d’autres les phénomènes autocycliques (lobes deltaïques par opposition aux boues déposées au large). Les allocycles sont caractéristiques des milieux protégés de la dynamique de surface comme les bassins océaniques. Dans cette catégorie on cite souvent l’eustatisme, la tectonique et les apports sédimentaires (Vail, Colin et al. 1987 ; Lafont, 1994…), ou le climat, la tectonique, et les compositions chimiques Einsele (1991). En fait, la notion d’allocyclisme-autocyclisme n’est pas très simple. Un même facteur peut être classé, selon les auteurs, comme allocyclique ou autocyclique (c’est le cas, par exemple, des apports ou de l’hydrodynamisme). Sous un même terme, on a donc des acceptions et des classifications très différentes voire opposées. 2) À partir des causes : les variations des paramètres orbitaux et de la géodynamique profonde sont reconnues. La difficulté est de déterminer de quelle manière ces variations se répercutent sur la sédimentation aux différentes échelles (globale, régionale, locale). 3) À partir du type d’influence : certains facteurs influent sur le contexte général de la sédimentation (sans variation dans le temps), d’autres sont caractérisés par leur variabilité cyclique ou acyclique, d’autres par leur nature aléatoire. Ainsi à la suite de la révolution qu’a apportée la stratigraphie séquentielle à la compréhension du remplissage des bassins sédimentaires, la majorité des auteurs reconnaît trois facteurs de premier ordre, variables dans le temps, responsables du contrôle de l’architecture stratigraphiques des bassins silico-clastiques (Vail, Colin et al. 1987 ; Jervey, 1988 ; Posamentier, Jervey et al. 1988a ; Posamentier et Vail, 1988b ; Guillocheau, 1990, 1995 ; Lafont, 1994…) (figure 1) : 1. l’eustatisme (variations absolues du niveau marin) ; 2. les mouvements du substratum (subsidence au sens large et compaction) ; 3. le flux sédimentaire. Figure 1 : Facteurs contrôlant l’expression et l’enregistrement des séquences de dépôts. L’accommodation étant définie comme la combinaison de l’eustatisme et de la tectonique, la description des architectures stratigraphiques repose alors sur l’étude du rapport entre taux d’accommodation A et flux sédimentaire (figure 2) (Jervey, 1988 ; Posamentier et al. 1988, van Wagoner et al. 1988). L’accommodation représente l’espace total ouvert à la sédimentation dans le bassin ; c’est donc l’espace compris entre le substratum et le niveau réel de la mer, soit la somme de l’espace créé par la subsidence et par l’eustatisme. Cet espace disponible au sein du bassin va ensuite être comblé, complètement ou en partie, par le flux sédimentaire qui générera les séquences de dépôt. Figure 2 : Notion d’architecture stratigraphique (Homewood & al. 2000). Elle est fonction de l’espace disponible pour l’accumulation des sédiments (A) et du volume de ces sédiments (flux sédimentaire S).
Contexte général
Théâtre de nombreuses recherches essentiellement paléontologiques depuis plus d’une quinzaine d’années, la région de Berivotra, dans le bassin de Mahajanga, est devenue mondialement célèbre par les différents Dinosaures qui y ont été découverts conjointement par l’équipe de David Krause, Université de Stony Brook (USA), et le DPAB de l’Université d’Antananarivo. L’approche consiste à prendre en compte le système sédimentaire dans son ensemble montrant ainsi que la sédimentologie est naturellement impliquée dans les mêmes débats que la géomorphologie, la stratigraphie, la tectonique et la géochimie, tel le rôle de l’érosion dans la dynamique des chaînes de montagnes, et les couplages entre érosion, surrection et climat par exemple. Les résultats et conclusions présentés dans ce mémoire s’intéressent surtout à la problématique de l’agencement particulier des dépôts liés à la présence ou non des fossiles ainsi que l’accumulation quasi exclusive de fossiles de Dinosaures dans les « faciès de type 2 » de Rogers R.R et al. 2000, 2007, du Crétacé de Berivotra. 2.2 Géomorphologie Le bassin de Mahajanga présente plusieurs paysages (figure 3) : La grande plaine alluviale est marquée par des formations indurées qui déterminent des lignes parallèles de cuestas dont les plus importantes sont celles des calcaires crétacés et éocènes. Ces dernières délimitent des zones déprimées dont les revers forment des plateaux faiblement inclinés en direction de la mer. Notons la cuesta du Maestrichtien de Berivotra qui marque la géomorphologie de la partie ouest du bassin ; La zone côtière est le siège d’importants sédiments alluvionnaires produits de la forte érosion en amont. On assiste à la mise en place d’une large bordure de vases à mangroves ; Dans le Sud, les causses de l’Ankara, du Kelifely et de Namoroka présentent une morphologie karstique
1 INTRODUCTION |