La ségrégation entre les espèces du complexe Anopheles gambiae
Cycle de développement
Les anophèles sont des diptères holométaboles. Ils subissent des métamorphoses complètes. Leur cycle de développement comprend 2 phases : une phase aquatique et une phase aérienne.
Phase aquatique
Elle concerne les œufs, les larves et les nymphes. – Les œufs Les femelles d’anophèles pondent leurs œufs au vol à la surface de l’eau. Les œufs sont généralement fusiformes de couleur blanche au début puis brune. Ils portent deux flotteurs latéraux, ont une taille d’environ 0,5 millimètre de longueur et peuvent être jusqu’à 300 en une seule ponte. Ils éclosent 48h après l’oviposition et donnent naissance à la larve de stade I. – Les larves Elles sont aquatiques et mobiles. Leur évolution passe par 4 stades séparés par des mues. Leurs tailles varient entre 2 et 12 mm. Elles sont dépourvues de siphon respiratoire et respirent directement à la surface de l’eau grâce à des spiracles dorsaux. Au repos dans l’eau, elles ont une position horizontale, qui les différencient des larves des Culicinae. Elles se déplacent par saccades et se nourrissent par filtration à la surface de l’eau. La durée de vie larvaire est très variable selon l’espèce et les conditions du milieu (entre 1 à 3 semaines). A maturité, la larve de stade IV subit une métamorphose complète pour donner une nymphe. – Les nymphes C’est le dernier stade pré-imaginal. A la fin du stade larvaire IV, de nombreuses transformations se déroulent dont la lyse des muscles associée à l’élaboration d’un système adapté à la vie aérienne. La tête et l’abdomen sont fusionnés pour donner naissance à un céphalothorax globuleux. Les nymphes ne se nourrissent pas. Elles s’approvisionnent des réserves stockées durant le stade larvaire. Leur respiration est assurée par deux trompettes respiratoires situées à l’avant du céphalothorax. Leur durée de vie est de 24 à 48h. A maturité, la cuticule se fend longitudinalement et laisse apparaitre le moustique adulte à la surface de l’eau (Carnevale & Robert, 2009 ; Fouet, 2010).
Phase aérienne
Elle concerne les adultes (mâles et femelles). Après l’émergence, les adultes restent quelques instants à la surface de l’eau pour le durcissement de leur cuticule. Ils ont un corps constitué de trois parties : tête, thorax et abdomen. Le dimorphisme sexuel est très marqué avec les mâles qui se distinguent facilement des femelles grâce à la présence d’antennes plumeuses et d’un génitalia visible à l’extrémité de l’abdomen. L’accouplement se déroule dans des essaims formés par les mâles souvent 24 à 48h après l’émergence. Le cycle gonotrophique (succession de prise de repas sanguin, maturation des œufs et ponte) débute après l’accouplement et est répété plusieurs fois durant la vie de la femelle (Figure 1). Sa durée varie entre 2 et 3 jours selon le statut de la femelle (nullipare ou pare, respectivement pour les femelles n’ayant jamais pondu ou celles ayant pondu au moins une fois). Elle est également tributaire de l’espèce et des conditions du milieu comme la température (48h chez Anopheles gambiae à 23°C). Après l’accouplement la femelle part à la recherche d’un hôte (homme ou animaux) pour la prise d’un repas de sang (Figure 1). Les femelles ne sont inséminées en général qu’une fois dans leur vie. Elles possèdent une spermathèque où sont stockés les spermatozoïdes après l’accouplement (Carnevale & Robert, 2009). Figure 1 : Cycle de développement des moustiques du genre Anopheles (Carnevale & Robert, 2009)
Le complexe Anopheles gambiae
Composition
Le complexe An. gambiae a été décrit à la suite de plusieurs études utilisant différentes méthodes notamment l’étude de héritabilité de la résistance à la dieldrine, les croisements expérimentaux, la cytogénétique et plus récemment la biologie moléculaire (Davidson, 1956 ; Paterson, 1964 ; Coluzzi et al., 1979 ; Scott et al., 1993). C’est ainsi qu’actuellement une dizaine d’espèces sont connues dans ce complexe (Figure 2). Il s’agit des espèces d’eau douce An. gambiae s.s., An. coluzzii, An. arabiensis, des espèces d’eau saumâtres An. melas et An. merus, An. bwambae connu de sources minérales, d’An. quadriannulatus, d’An. comorensis et d’An. amharicus (Coetzee et al., 2013). Une nouvelle espèce a été découverte (An. fonteneilli) dans des zones forestières du Gabon en Afrique Centrale (Barron et al., 2019). Figure 2 : Présentation schématique du complexe Anopheles gambiae (Carnevale & Robert, 2009)
Distribution
Les espèces du complexe An. gambiae sont localisées en Afrique tropicale et à Madagascar (Figure 3). Les espèces An. melas et An. merus sont associées à l’eau saumâtre et sont présentes respectivement le long des côtes d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique orientale. An. quadriannulatus 7 est présent en Afrique du Sud-est et An. amharicus en Ethiopie. Les larves d’An. bwambae se trouvent exclusivement dans les eaux minérales du parc national de la forêt Semliki dans l’est de l’Ouganda. An. comorensis a été découvert au niveau des îles du Comores (Lanzaro & Lee, 2013). Anopheles gambiae, An. coluzzii et An. arabiensis sont les espèces les plus largement répandues car elles sont présentes dans presque toute l’Afrique tropicale : An. gambiae est présent en Afrique de l’ouest et en Afrique centrale et dans des îles de l’Océan indien. An. arabiensis est surtout une espèce des zones de savane alors que An. gambiae et An. coluzzii prédominent dans les zones plus humides mais peuvent aussi être retrouvées dans les zones sahéliennes (Lanzaro & Lee, 2013). Figure 3 : Répartition des espèces du complexe gambiae en Afrique (d’après Lanzaro & Lee, 2013). A: An. arabiensis (rouge); B: An. gambiae s.s. (vert); C: An. melas (bleu), An. merus 8 (orange) et An. bwambae (cyan); D: An. quadriannulatus (ancienne espèce A) (jaune), An. amharicus (ancienne espèce An. quadriannulatus B) (magenta) et An. comorensis (cyan encerclé)
Caractéristiques bioécologiques
Parmi les espèces du complexe gambiae, An. gambiae s.s., An. arabiensis et An. coluzzii sont les principaux vecteurs reconnus bien que le rôle vectoriel de certaines comme An. melas a été mis en évidence. Leur activité de piqûre est nocturne et commence souvent au crépuscule et se déroule toute la nuit jusqu’au petit matin avec un pic dans la seconde partie de la nuit entre 3h et 5h du matin (Carnevale & Robert, 2009). Les populations pré-imaginales d’An. gambiae se développent dans des collections d’eau souvent dépourvues de végétation (Betsi et al., 2012 ; Kindu et al., 2018). On les retrouve également dans les gites artificiels de grande taille particulièrement les rizières après repiquage et les bas fond à eaux stagnantes (Betsi et al., 2012). Ces gites sont en général à des pH acides ou neutres et à des températures relativement basses en comparaison à ceux des Aedes et des Culex (Koumba et al., 2018) et à des concentrations de sel inférieures à 30% à celle de l’eau de mer (Caputo et al., 2008). Dans la zone du Sahel, les densités les plus élevées sont observées pendant la saison des pluies (Faye et al., 1993). Le taux d’anthropophilie peut aller jusqu’à 74% pour An. gambiae (Diagne et al., 1994). An. arabiensis est souvent présent dans tous les bioclimats avec les fréquences les plus élevées dans les zones sub-humides, sèches et sub-arides (Leong Pock-Tsy et al., 2003). Ses taux d’anthropophilie peuvent varier jusqu’à 70% dans certaines localités, ce qui en fait un bon vecteur. Concernant An. melas, elle est retrouvée dans des eaux saumâtres près des littorales ou des zones côtières. Elle a une faible importance épidémiologique à cause de sa faible longévité (Diop et al., 2002)
Introduction |