Calcul de Facteurs d’Intensité de Contrainte (FIC)
Le concept de Facteur d’Intensité de Contrainte (FIC) est très important dans les ap- plications, car il intervient dans les critères indiquants le risque de propagation d’une fissure déjà existante. En pratique, on calcule les FIC par un post-traitement, à partir du déplacement de la structure fissurée (lui-même obtenu préalablement via une méthode numérique). Ces méthodes peuvent être classées en deux catégories :Dans ce chapitre nous proposons deux méthodes originales de calcul de FIC définies pour le modèle de Kirchhoff-Love. La première se propose d’exploiter l’une des caracté- ristiques de la variante dite « global non-smooth functions and integral matching », présen- tée dans le chapitre précédent. La présence des singularités exactes dans la base élément fini permet de déduire une estimation des FIC. Cette méthode, très simple, ne nécessite pas de post-traitement. Cette méthode est locale, et ne nécessite aucun calcul.
Signalons que le fait de développer des méthodes pour le modèle de Kirchhoff-Loveest assez différent de ce qui est utilisé dans les codes industriels. Par exemple, dans le code SAMCEF, le modèle de Mindlin est utilisé, et le fond de fissure est modélisé locale- ment par le modèle d’élasticité tridimensionnelle. Ainsi, les concepts de mécanique de la rupture utilisés sont ceux définis sur ce modèle, bien que l’intégrale-J soit définie pour leCe chapitre est découpé en deux sous-parties. Dans la première, nos méthodes de cal- culs de FIC sont présentées. La seconde partie est consacrée aux expériences numériques. Deux cas-tests sont présentés. Les résultats de nos méthodes appliquées à ces cas-tests sont ensuites présentés et analysés.
Cette partie sur les FIC présente plusieurs intérêts. D’abord, c’est une application des méthodes formulées au chapitre précédent. Il est toujours intéressant de montrer les développements d’une méthode. Mais dans notre cas de figure, c’est aussi une manière de compléter l’exposé des méthodes XFEM que nous proposons. De même que le coût de calcul et la précision ont été étudiées, nous tâchons de montrer maintenant que nos formulations permettent d’évaluer les FIC de manière satisfaisante.
Première méthode : estimation directe
L’expression du déplacement singulier dans le modèle de Kirchhoff-Love (1.83) ou (3.5) montre qu’en présence de fissure il n’y a que 2 modes singuliers, dont la présence est quantifiée par la valeur des FIC K1 et K2. Or, dans la deuxième formulation XFEM proposée au chapitre précédent, nommée “global nonsmooth functions and integral mat- ching”, il est possible de prendre comme enrichissement singulier les deux fonctions Gl(3.9), dont l’expression est identique aux deux modes singuliers. Ainsi, dans la partie du domaine Ω1 contenant le fond de fissure, la solution numérique est exprimée par :On peut voir facilement que les coefficients cl peuvent être des approximations va- lables des deux FIC, à un coefficient multiplicatif près. En effet, dans le modèle de Kirchhoff-Love, la définition mathématique des FIC estr et en passant à la limite, tous les termes réguliers s’annulent, et ne resterons que les coefficients cl, à un facteur multiplicatif près. Ainsi ces coefficients coïncident bien avec la définition des FIC.
Il n’existe pas résultat théorique de convergence pour cette méthode. Signalons tout de même trois référence ignificatives,dontes 2 dernières concernent le problème de l’élasticité bidimensionnelle.La référence [42] montre la convergence théorique d’une méthode d’estimation de FIC très proche de la notre. Il s’agit de la méthode dite de « Singular Function Method », introduite dans le courant des années 1970. C’est une simple méthode d’élément fini clas- sique, où la base élément fini est enrichie par la singularité du problème traité. La diffé- rence principale est que le support de la singularité s’étend sur tout le domaine. la solution numérique uh s’écrit donc comme la sommeAinsi, après résolution du système linéaire, les coefficients cj approchent les FIC. Or, dans [42], le cas d’un opérateur elliptique général appliqué à un domaine présentant un nombre arbitraire de coins est traité. Pour le cas de l’opérateur bilaplacien avec une fissure (cas d’un coin d’ouverture 2π), le résultat prouvé indique que l’erreur sur les FIC ainsi calculés est en O(La référence [30] concerne le cas de l’élasticité bidimensionnelle. Une résultat théo- rique de convergence y est donné, pour une méthode d’estimation “directe” de FIC relati- vement proche de la notre. La formulation XFEM de [30] utilise un degré de liberté avec support global pour chaque singularité, multiplié par une fonction dite “cutoff”, notée χ, très régulière. Cette fonction est définie par deux cercles de rayons r0 et r1, telle que :
Dans [11], une méthode numérique assez proche de celle que nous proposons est testée, sur un problème d’élasticité bidimensionnelle. Cette méthode utilise la variante XFEM nommée “adding enrichment on each node” dans le chapitre précédent, (ou “geo- metrical enrichment” dans [14] et “XFEM with fixed enrichment area” dans [15, 30]). Sauf qu’au lieu de définir un zone d’enrichissement de rayon fixe, les auteurs selec- tionnent de une à trois couches de noeud entourant le fond de fissure.Trois maillages sont utilisés, de pas de maillage divisé par deux à chaque fois. Pour une seule couche de noeud enrichis, l’erreur sur les FIC oscille autour de 15 %. Le raffine- ment de maillage n’améliore pas significativement la précision, car l’erreur ne baisse pas en O(h). En raffinant une deuxième couche d’élément, l’erreur tombe globalement à 1 %, et avec la troisième couche, au-dessous de 1 %. Toutefois, on peut nettement voir que le raffinement de maillage n’assure pas une baisse stricte de l’erreur. Ainsi, la convergence de la méthode numérique n’est pas avérée.