Sorption et transport réactif d’ions dans des monolithes de silice fonctionnalisés aux hexacyanoferrates
Décontamination des effluents radioactifs liquides
Une introduction générale sur les déchets radioactifs solides et liquides, avec notamment leur origine et leur classification est proposée en Annexe 1. Seule la partie relative aux effluents liquides qui constitue le cadre de la thèse est développé dans ce chapitre.
Composition des effluents
Les effluents aqueux radioactifs sont en majeure partie issus de l’industrie électronucléaire, mais proviennent aussi des activités de recherche, de la défense ou d’autres domaines tel que le médical. Ils sont caractérisés par leur salinité (comprise entre 10 g.L-1 et 100 g.L-1 ) principalement due à la présence de nitrate de sodium, de calcium, de potassium et de magnésium. Ces éléments sont présents naturellement dans les eaux et sont accompagnés de chlore, sulfate, bore, fer et aluminium en proportions variables. Ces déchets aqueux peuvent également contenir des matières en suspension et des traces de composés organiques (EDTA, solvants, …). Trois familles de contamination sont distinguées : les émetteurs α, les émetteurs β-γ. Les temps de demi-vie des principaux contaminants sont reportés dans le Tableau 1. Tableau 1 : Principaux radionucléides présents dans les effluents FA-MA et leur temps de demi-vie. 1 an 29 ans pour 90Sr 5 ans pour 60Co Le 137Cs et le 90Sr représentent les principaux contaminants des déchets radioactifs et leur extraction sélective constitue un préalable à la diminution des volumes de matières contaminées. Leur période d’environ 30 ans les rend particulièrement radiotoxiques et ce temps est considéré comme trop long pour laisser la décroissance se faire naturellement sans envisager de traitement. De plus, la décontamination de ces effluents est rendue complexe par la présence de fortes concentrations d’alcalins et d’alcalino-terreux en solution (Na+ , K + , Ca2+, Mg2+ , etc..), pouvant posséder des propriétés chimiques similaires à ces radioéléments, rendant la séparation plus difficile par les procédés d’extraction sur phase solide. A noter que ce 137Cs marque la limite des radionucléides à vie courte. — Plusieurs types de procédés peuvent être utilisés selon la nature et la quantité des éléments radioactifs présents dans les effluents. Les traitements existants sont chimiques (coprécipitation, échange d’ions et adsorption), électrochimiques, membranaires ou évaporatoires. Parmi tous les types de procédés existants, les plus utilisés industriellement pour le traitement de volume important de déchets sont l’évaporation et les traitements chimiques.
Les procédés de traitement des effluents FA-MA
Ces traitements consistent à extraire la radioactivité de la phase liquide pour la concentrer sous la forme d’un solide de plus faible volume en vue du stockage. En moyenne un colis de déchets est composé en volume de 15 % de déchets pour 85 % d’emballage/enrobage.
L’évaporation
L’évaporation consiste à chauffer l’effluent jusqu’à sa température d’ébullition afin d’éliminer l’eau et de concentrer la radioactivité dans un volume réduit. Les concentrâts ainsi obtenus ont une concentration en sel de l’ordre de 300 g.L-1 et parfois jusqu’à 750 g.L-1 . Selon la composition chimique du concentrât, celui-ci est soit vitrifié, soit compacté puis cimenté. Bien qu’elle soit efficace, cette technique reste très énergivore. De plus, tous les effluents ne sont pas compatibles avec ce procédé par exemple : les effluents de forte salinité (entartrage), les effluents contenant des composés organiques pouvant former des mousses ou encore une réaction violente avec les nitrates, mais aussi les effluents contenant des chlorures, sulfates et phosphates qui engendrent des problèmes de corrosion à haute température.
Les traitements chimiques
• Les procédés de référence à La Hague et Marcoule Les procédés de traitements chimiques permettent de traiter les effluents incompatibles avec le traitement par évaporation. Il arrive que l’effluent subisse un processus d’évaporation en amont. Les traitements chimiques consistent à ajouter dans l’effluent des réactifs permettant de piéger les radionucléides ciblés dans une phase solide. A l’issue de ces traitements, deux phases sont obtenues : une phase liquide appauvrie en radioéléments et une phase solide enrichie en radioéléments. Le solide est alors récupéré par filtration ou décantation, puis séché et enfin incorporé dans une matrice de confinement spécifique en vue d’un stockage en tant que déchet ultime. Un schéma du traitement chimique du césium ( 137Cs) et du strontium ( 90Sr), mis en œuvre dans les Stations de Traitement des Effluents Liquides (STEL) à la Hague et Marcoule, est reporté sur la Figure 1. Figure 1 : Schéma du procédé chimique actuellement mis en œuvre à la Hague et Marcoule pour décontaminer les effluents FA-MA en 137Cs et 90Sr. Trois mécanismes peuvent être sollicités pour réaliser le transfert des contaminants de la phase liquide vers la phase solide : la coprécipitation, l’adsorption, et l’échange d’ions. Bien adapté au traitement de grands volumes d’eaux contaminées notamment en césium et en strontium, ce procédé présente néanmoins le désavantage de générer des volumes de boues relativement importants, de l’ordre du pourcent du volume d’effluents traité. Ces boues sont ensuite conditionnées en matrice cimentaire. Des études récentes menées au CEA ont montré l’impact des paramètres de procédé, tels que le mode et débit d’introduction des réactifs et le mélange, sur la coprécipitation du strontium par le sulfate de baryum. Un modèle de coprécipitation a été élaboré qui a conduit à la conception d’un réacteur innovant : le réacteur/décanteur continu [5]. Ce réacteur, breveté, est constitué de deux zones : la partie inférieure est agitée mécaniquement et chicanée, tandis que la partie supérieure de plus grand diamètre a pour fonction de réaliser la séparation liquide/solide Figure 2 [6, 7]. De ce fait, la phase solide est retenue dans la zone de réaction et sort lentement de la partie inférieure du réacteur avec un temps moyen de séjour bien plus élevé que celui de la phase liquide. Cela crée dans la zone de réaction une forte concentration de la phase solide et une excellente efficacité de décontamination. Dans des conditions opératoires similaires, ce réacteur permet d’atteindre un facteur de décontamination en césium de l’ordre de 1500, soit 25 fois plus élevé qu’en réacteur continu classique. Pour un facteur de décontamination en strontium de 400 (soit 4 fois plus important que celui généralement nécessaire pour satisfaire les normes de rejet industriel), le volume de boues générées peut être diminué d’un facteur 2,5 par rapport à un procédé classique. Figure 2 : Schéma du réacteur/décanteur. • Un procédé alternatif : le procédé en colonne garnie Pour pallier les inconvénients liés à l’utilisation de ces types de procédés précédemment expliqués, avec notamment la formation de grandes quantités de boue, un procédé alternatif est envisagé. Il s’agit du procédé de traitement en colonne avec des matériaux échangeurs d’ions qui permet une décontamination poussée tout en minimisant le volume de déchets secondaires. Cette technique compacte est utilisée avec succès dans des conditions très variées de salinité ou d’acidité grâce au choix d’un support très sélectif. Cependant, cette technique n’est généralement mise en œuvre que lorsque la composition de l’effluent est parfaitement définie et stable dans le temps. En effet, une variation de la composition de l’effluent peut avoir une grande influence sur l’efficacité et la durée de vie de l’échangeur. Le procédé en colonne est ainsi utilisé dans de nombreux cas de traitement « à la source », c’est-à-dire lorsqu’un effluent ne constitue pas un assemblage de divers effluents dont la composition chimique et radiochimique varie dans le temps. La description de ce procédé est détaillée dans la partie suivante.
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