Contribution de l’information géographique aux métiers de l’assurance pour la gestion des événements d’ampleur
POINT DE VUE DE L’ASSUREUR
Ce premier chapitre présente le contexte industriel dans lequel se positionne ce travail de recherche en peignant une esquisse de l’état actuel et des évolutions pressenties du secteur de l’assurance dommage en France. Les deux premières sections décrivent le paysage de ce marché en France en insistant sur la pression inhérente à l’arrivée de nouvelles contraintes législatives avant de s’attarder sur les tendances du marché des catastrophes naturelles et d’aborder, succinctement, le rôle de la réassurance en France. Il s’agit du contexte général de ces travaux. Les deux dernières sections introduisent, quant à elles, les grands principes de financement des risques catastrophiques puis s’intéressent plus précisément à la gestion, par une société d’assurance, de ces événements en soulignant les enjeux qui gravitent autour de cette problématique. Il s’agit du contexte industriel spécifique des présents travaux.
L’ASSURANCE DOMMAGE EN FRANCE ET SES EVOLUTIONS LATENTES
D’une manière générale, différents types de contrats d’assurances coexistent. Historiquement segmentés en contrats d’assurance vie et contrats d’assurance dommage, il convient de distinguer les contrats d’assurance de personnes et de choses. Schématiquement, l’assurance existe pour l’ensemble des aléas touchant à la propriété d’un bien meuble ou immeuble, à la vie, à la santé… La seule condition d’éligibilité à l’assurance d’une chose est le risque encouru qui doit nécessairement répondre à certains critères d’assurabilité.
Rapide panorama des métiers de l’assurance
L’assurance consiste en une gestion collective des risques assurés en constituant des mutualités les plus homogènes possibles au sein desquelles chaque risque assuré apporte une contribution à l’équilibre de l’ensemble (FFSA, 2010). Se pose alors la question de l’assurabilité d’un risque. En pratique, est assurable un dommage causé par un événement aléatoire dont son occurrence est statistiquement homogène sur un territoire et ses conséquences répartissables sur l’ensemble des contrats délivrant la garantie en question. Les assurances de dommages englobent divers types de risques garantis indépendamment ou non par des contrats dont les principaux sont : o les dommages aux biens (code civil : « les dommages aux biens résultent du fait d’un tiers, volontaire ou non, qui a pour résultat une perte de valeur ou la perte d’une chance, d’un bien ou d’un droit appartenant à celui qui s’en plaint »), o les responsabilités (code civil : « l’assurance responsabilité couvre les dommages causés aux tiers. L’assurance responsabilité garantit l’assuré contre les recours exercés contre lui par des tiers recherchant sa responsabilité en tant que victimes pour obtenir réparation du préjudice qui leur a été causé »), o les pertes pécuniaires, par exemple les pertes d’exploitation à la suite d’un incendie. Les risques non-vie sont gérés selon le procédé de répartition, c’est-à-dire que les primes acquises, versées à la souscription d’un contrat, permettent de payer les sinistres qui seront déclarés au cours de l’année suivant la date de souscription. A ceci, s’ajoute l’existence de sinistres à déroulement long ou tardif dont le règlement peut s’étaler sur plusieurs années notamment ceux faisant l’objet de recours en justice. En conséquence, il convient alors de provisionner des fonds afin d’être en mesure de régler ces sinistres ultérieurement. Les risques peuvent, dans un premier temps, être segmentés en deux catégories : o les risques de masse ou de fréquence qui concernent, pour l’essentiel, le marché du particulier. Du point de vue de la tarification, l’emploi de démarche consistant à se servir de la vision de la sinistralité antérieure (en termes de volume et coût moyen) pour déterminer celle à venir s’avère être très largement répandue. Malgré son caractère jugé stable et sécuritaire du point de vue de l’architecture tarifaire (Thourot P. et Fougère F., 2006), l’année 2009 a été témoin d’une dérive de la sinistralité sur le marché IARD (risque non-vie) et notamment sur le segment automobile à hauteur de + 8% (FFSA, 2010) par rapport à ce qui était escompté. o les risques plus spécifiques, plus volatils par nature comme ceux du marché de l’entreprise. L’estimation des risques qu’ils représentent ne peut être cantonnée à une approche historique à partir d’indices. La tarification de cette catégorie du risque relève bien souvent d’un traitement au cas par cas ainsi que la visite des lieux de risque par un expert (ingénieur des risques et préventeur). Il faut préciser que ces risques sont soumis au principe indemnitaire (code civil : « l’assurance relative aux biens est un contrat d’indemnité ; l’indemnité due par l’assureur à l’assuré ne peut pas dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre ») interdisant de fait à l’assuré la réalisation d’un bénéfice grâce à l’assurance. Il s’agit en clair de ne compenser que le préjudice subi réellement. Dans le cadre de ces travaux, le contexte est restreint au périmètre d’assurance IARD hors risques de responsabilité et l’intérêt se focalise principalement sur le périmètre des particuliers notamment l’habitation (dont le détail est donné dans la figure 1-1) ainsi que la branche entreprise parce qu’ils sont directement impactés par les effets des catastrophes d’origines climatique ou technologique. Point de vue de l’assureur – 32 – Figure
Répartition des garanties au sein des contrats multirisques habitation en 2009 (source : FFSA, 2009).
Zoom sur le portefeuille MRH
L’année 2009 enregistre une croissance marquée du marché MRH (Multi Risque Habitation) (+ 4,7 %). Fait remarquable : la charge sinistre agrégée a connu une augmentation spectaculaire (+ 25,7 %) soutenue par l’occurrence d’événements climatiques d’envergure durant le premier semestre 2009 (Tempête Klaus, grêle du 25 mai…) ainsi que par la recrudescence des vols. Nonobstant ces conditions climatiques défavorables et par nature imprévisibles, l’année 2009 semble confirmer la tendance haussière de la sinistralité puisqu’il s’agit de la cinquième année consécutive où une dégradation de la sinistralité est observée.
Zoom sur le portefeuille dommages aux biens professionnels
La part des marchés des dommages aux biens des professionnels a connu une légère croissance en 2009 s’établissant autour de 1,1 %. A noter que le marché risque industriel est resté stable. Le secteur dans son ensemble a enregistré une augmentation de la fréquence des incendies combinée à une chute du coût moyen, la dégradation de la sinistralité des grands risques a été limitée à 2 %, a contrario des assurances ACPS (Artisans, Commerçants, Prestataires de Services) qui ont subi une hausse importante de 15 %. Quoi qu’il en soit, l’année 2009 amplifie un sentiment qu’une large partie des professionnels des métiers de l’assurance partage : l’avènement des catastrophes naturelles en tant que péril numéro un concernant la volatilité des comptes de résultats du secteur dommage aux biens. En poussant la réflexion un peu plus loin, il devient possible d’avancer que les procédés, normes préventives et constructives ainsi que le lieu de construction sont des facteurs majeurs que l’assureur se doit de maîtriser ou, a minima, de garder à l’esprit comme moyen de contrôle de la sinistralité notamment sur le marché des biens des particuliers.
Les assurances des risques d’entreprises
Comme évoqué précédemment, les risques propres au marché des entreprises se caractérisent par une plus grande volatilité que les risques du marché des particuliers. Il est bien entendu possible d’établir des jalons pour la tarification selon la taille de l’entreprise et surtout son type d’activité mais, ceux-ci ne permettent évidemment pas de segmenter le risque réellement encouru par telle ou telle entreprise. Cela s’explique par la nature des risques couverts que ce soit le risque industriel en lui-même (incendie, explosion, …), le risque technique (comme le bris de machine), les risques spéciaux relatifs à l’activité de l’entreprise (risque de contamination et de rappel de produits), les risques sur les flottes automobiles, la responsabilité civile pour les salariés, le transport, les atteintes à l’environnement, la construction, le risque informatique… Le socle de la prime en entreprise se fonde en France sur la modélisation de la prime pure (produit d’une fréquence par un coût moyen avant chargement des différents frais commerciaux, taxes et autres) dont la méthodologie est décrite dans le Traité des Risques d’Entreprises (TRE) et qui s’adosse sur une segmentation fine des activités industrielles. C’est sur cette base que le « visiteur des lieux de risque » module ce tarif selon les observations réalisées in situ (mode de chauffage, état des installations électriques, sécurité du lieu, proximité d’autres installations à risque ou de particuliers…). La proximité directe d’un environnement constitué d’habitations ou de biens constitue un véritable enjeu puisqu’il s’agit d’appréhender la possibilité de réalisations de sinistres par effet « domino » concernant, par exemple, la propagation d’un sinistre ayant démarré sur son site assuré à d’autres installations proches, engageant ainsi la responsabilité de l’exploitant et de facto, celle de l’assureur. Une des différences majeures observées sur ce segment par rapport à celui des particuliers et des ACPS, concerne principalement le volet prévention notamment en incendie avec l’existence au sein des sociétés d’assurance d’ingénieurs/visiteurs des risques chargés de concevoir et de proposer, comme condition sine qua none à l’acceptation du risque au sein de son portefeuille, des systèmes de prévention comme un réseau de sprinkler. L’assureur endosse ainsi un rôle de préventeur. Ainsi le dimensionnement de la prime d’assurance se fonde sur une approche de type expert nécessitant une analyse approfondie des risques latents auxquels est exposée une entreprise. Cependant, il faut préciser que même si les assureurs possèdent une véritable expertise pour certains risques et particulièrement l’incendie, force est de constater qu’il n’en est pas de même dans d’autres domaines comme par exemple le risque inondation. D’une manière générale, la souscription en habitation fait appel à des procédés parfois lourds sans commune mesure avec ceux déployés usuellement pour les risques de masse. Il est évident que les montants de prime en habitation ne permettent pas, ne serait-ce que d’envisager, la mise en place de tels procédés. Une autre spécifié du secteur de l’entreprise concerne les montants engagés à la souscription de certains risques pouvant atteindre plusieurs dizaines voire centaines de millions d’euros. En conséquence, différents procédés sont mis en pratique afin de répartir les risques (coassurance) ou tout simplement de les transférer (réassurance). Point de vue de l’assureur – 34 – Il faut également insister sur le fait que la souscription de grands risques en termes financiers nécessite, de la part de l’assureur, de disposer de réserves suffisamment importantes afin d’être solvable en cas d’occurrence de sinistres atteignant les pleins de souscription. Pour des raisons de modèles économiques, de solvabilité, force est de constater que le marché des grands risques suit une tendance à la concentration des risques et reste l’apanage quasi exclusif des plus grands assureurs mondiaux. Ceux-ci demeurent aujourd’hui les seuls organismes capables de répondre aux exigences, en termes de modèle de solvabilité, de la directive européenne en la matière.
INTRODUCTION |