Absorption de produits pharmaceutiques par les
organoclays
Groupe des molécules anioniques à pH de 7
Le diclofénac
Le diclofénac (Figure II-9) est une molécule appartenant à la famille des antiinflammatoires non-stéroïdiens. Le mécanisme d’action de la molécule permet l’inhibition de la synthèse de prostaglandine, un métabolite responsable de la transmission de signaux liés à la douleur. 88 Le diclofénac, possède des propriétés antalgiques, anti-inflammatoires et participe également à la réduction de la fièvre par son action sur l’hypothalamus par l’augmentation du flux sanguin dissipant la température. Dans l’organisme le temps de demi-vie est estimé à 2 heures. Le diclofénac est l’un des anti-inflammatoires et produits pharmaceutiques très largement consommés. Les quantités reportées par Garcia et al., (2013) font état de plusieurs dizaines de kg consommés par an pour l’Allemagne, la Suisse, la France et l’Espagne. Ceci en fait une molécule fréquemment détectée dans les cours d’eau et divers réseaux de traitements avec des taux de 100% et des concentrations allant de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de ng.L -1 (Soulier et al., 2011 ; Aminot et al., 2016). Le diclofénac di-aromatique de formule chimique C14H11Cl2NO2 possède une masse molaire de 296.14 g.mol-1 pour une solubilité très faible de 2.37 mg.L -1 dans l’eau à 25°C. Cependant, pour les besoin de l’étude, c’est le diclofénac sous forme de sel de sodium qui a été sélectionné. Ainsi, la masse molaire passe à 318.13 g.mol-1 pour une solubilité de 5.0 x 105 mg.L -1 . La polarisabilité du diclofénac est établie à 27.93 Å3 et le Log P est 4.51, ce qui caractérise un comportement particulièrement hydrophobe. Le pKa de l’acide fort est de 4.15. Un état de charge électrique négatif est donc majoritaire à un pH de 7. pH 0 2 4 6 8 10 12 DCF Speciation (%) 0 20 40 60 80 100 (0) (-) Figure II-9 : Structure moléculaire et diagramme de spéciation du diclofénac (DCF) en fonction du pH. La molécule peut être neutre (0) et/ou anionique (-) 89 b) Le gemfibrozil Le gemfibrozil (Figure II-10) est un composé de la classe des agents hypolipémiants. En agissant sur l’activité des enzymes intervenant dans le métabolisme lipidique, la molécule induit une réduction du taux de triglycérides conduisant in fine à une augmentation de l’élimination du cholestérol. Le gemfibrozil est utilisé dans les cas typiques d’hypercholestérolémies et d’hypertriglycéridémies. La dégradation de la molécule est plus rapide que celle du diclofénac avec un temps de demi-vie estimé à 1.5 heures. En raison d’une absence de données dans la littérature à notre connaissance concernant l’estimation de la consommation du gemfibrozil et afin d’avoir simplement un ordre de grandeur, celle-ci est ramenée à l’estimation pour la famille thérapeutique des agents hypolipémiants s’établissant à près de 6500 kg par an soit 0.61 DDJ pour 1000 habitants (Garcia et al., 2013). pH 0 2 4 6 8 10 12 GEM Speciation (%) 0 20 40 60 80 100 (0) (-) Figure II-10: Structure moléculaire et diagramme de spéciation du gemfibrozil (GEM) en fonction du pH. La molécule peut être neutre (0) et/ou anionique (-) Le gemfibrozil mono-aromatique de formule chimique brute C15H22O3 possède une masse molaire de 250.33 g.mol-1 , une solubilité très limitée de 11 mg.L -1 dans l’eau à 25°C, une polarisabilité de 28.90 Å3 et un fort Log P de 3.4. La molécule possède deux pKa ; néanmoins le premier est de -4.8 et le second est de 4.42. En condition acide, le gemfibrozil sera préférentiellement sous forme neutre et anionique en contexte plus neutre à basique. 90 c) L’ofloxacine L’ofloxacine (Figure II-11) est un antibiotique appartenant à la classe thérapeutique des fluoroquinolones. Tout comme la norfloxacine et la ciprofloxacine, le mode d’action de l’ofloxacine est similaire et consiste à réduire l’activité de l’ADN gyrase des bactéries entrainant une mort cellulaire. Les cas d’usages de l’ofloxacine sont également identiques aux deux précédents fluoroquinolones. Le temps de demi-vie est cependant plus élevé avec 9 heures. De ce que nous avons pu observer de la recherche bibliographique, la molécule d’ofloxacine a très peu fait l’objet d’études scientifiques d’estimation de la consommation et également de quantification dans l’environnement. À notre connaissance, seulement une étude a été trouvée mais celle-ci dénombre les prescriptions d’ofloxacine en domaine hospitalier et non à échelle d’une population entière (Politis et al., 2010). Nous pouvons toutefois avoir une idée de la consommation en se référant aux valeurs précisées pour la famille thérapeutique des quinolones estimées, par l’ANSM dans son rapport de novembre 2014, à environ 6 DDJ pour 1000 habitants. pH 0 2 4 6 8 10 12 OFX Speciation (%) 0 20 40 60 80 100 (+) (-) (+/-) Figure II-11:Diagramme de spéciation de l’ofloxacine (OFX) en fonction du pH. La molécule peut être cationique (+), zwitterionique (+/-) et anionique (-) Les données de quantifications sont également assez rares mais une étude en particulier met en avant une contamination sévère du compartiment aquatique en Inde avec des concentrations dépassant plusieurs mg.L -1 (Fick et al., 2009). 91 La molécule d’ofloxacine de formule chimique brute C18H20FN3O4 possède une masse molaire de 361.36 g.mol-1 et est composée de 4 cycles aromatiques. La solubilité de 2.8 x 105 mg.L -1 dans l’eau est assez élevée de même pour la polarisabilité qui est établie à 36.69 Å3 . Quant au Log P de -0.39, il fait état d’un comportement hydrophile. À l’instar de la norfloxacine et de la ciprofloxacine, l’ofloxacine possède deux pKa. Le premier est de 5.45 et le second est de 6.2. Ainsi, la molécule peut se retrouver sous forme cationique pour de faible pH et anionique pour des pH plus élevés. Le comportement zwitterionique est en revanche assez limité en gamme de pH. d) Le sulfaméthoxazole Le sulfaméthoxazole (Figure II-12) est une molécule antibiotique de la classe thérapeutique des sulfamides. La molécule est souvent utilisée en synergie avec le triméthoprime afin d’augmenter l’efficacité du traitement. Son mode d’action repose comme pour le triméthoprime sur un effet bloquant de la synthèse des bases nucléiques par une substitution des molécules nécessaires à la production de vitamine B9 avec le sulfaméthoxazole. Les cas d’usage du composé sont identiques à ceux pour le triméthoprime. Le temps de demivie est sensiblement similaire à celui de l’ofloxacine avec une estimation faite à 10 heures. pH 0 2 4 6 8 10 12 SMX Speciation (%) 0 20 40 60 80 100 (+) (-) (0) Figure II-12: Diagramme de spéciation du sulfaméthoxazole (SMX) en fonction du pH. La molécule peut être cationique (+), zwitterionique (+/-) et anionique (-) 92 La consommation du produit a été estimée à un plus de 10 x 104 kg par an soit environ 0.3 DDJ pour 1000 habitants (Besse et al., 2008 ; Garcia et al., 2013). En raison d’une importante consommation par la population, les fréquences de détection du composé dans le milieu naturel sont proches de 100% retranscrivant des pics de concentrations supérieurs à 600 ng.L -1 (Cantwell et al., 2018). Le sulfaméthoxazole bi-aromatique de formule chimique brute C10H11N3O3S possède une masse molaire assez contenue de 253.27 g.mol-1 , une solubilité de 459 mg.L -1 , une polarisabilité de 24.99 Å3 et un Log P de 0.89. La molécule possède deux pKa, l’un de 1.97 et le second de 6.16, attribuant un état de charge négatif au pH de 7. En condition acide, la molécule est principalement caractérisée par un comportement neutre ou positif.
Méthodes de caractérisation de la phase aqueuse
Spectroscopie Ultraviolet-Visible
La spectroscopie Ultraviolet-Visible (UV-V) est une technique simple à mettre en place et très répandue pour l’obtention de mesures quantitatives d’espèces ioniques ou moléculaires en solution. Elle se base sur les phénomènes réactionnels d’absorption de ces composés soumis à un rayonnement UV. Les liaisons entre atomes de certains groupements fonctionnels, telles les amines ou bien les cétones, sont réactives en UV et permettent d’obtenir des transitions électroniques responsables de la diminution de l’intensité du rayonnement incident via la loi de Beer-Lambert et donc des phénomènes d’absorption. Le spectre qui en résulte est donc la fonction qui relie l’intensité lumineuse absorbée et les longueurs d’ondes auxquelles l’échantillon a été soumis. L’information recherchée ici est l’évolution des concentrations des produits pharmaceutiques en solution après adsorption sur les différents adsorbants et la loi de BeerLambert (Éq 3) montrant la relation de proportionnalité entre l’absorbance et la concentration du composé en question dans l’échantillon. 𝐴 = 𝜀𝜆 ∗ 𝑙 ∗ 𝐶 où A désigne l’absorbance, 𝜀𝜆 le coefficient d’adsorption molaire (L.mol-1 .cm-1 ) à la longueur d’onde 𝜆, 𝑙 est l’épaisseur de la solution traversée en cm et 𝐶 la concentration molaire. Éq 3 93 L’appareil utilisé pour l’obtention des mesures d’absorbance est un spectrophotomètre UV-visible Evolution 220 à double faisceau (Thermo Scientific). Celui-ci est conçu sur un trajet optique dit normal, par opposition à inverse. En effet, il existe plusieurs types de spectrophotomètre dont la succession des modules diffère, amenant de ce fait des approches variées afin d’aboutir au spectre de l’échantillon. Dans notre cas, le faisceau lumineux émis par la source (une lampe xénon dont la gamme spectrale d’analyse est comprise entre 190 nm et 1100 nm) traverse en premier lieu un monochromateur avant d’être séparé en deux faisceaux distincts dont l’un continue sa course vers l’échantillon puis le détecteur, tandis que le second faisceau traverse un échantillon standard de contrôle dans le but de soustraire le bruit de fond au spectre de manière instantanée. Afin d’optimiser les temps d’analyses, la gamme spectrale est réduite aux longueurs d’ondes du proche UV c’est-à-dire entre 190 et 400 nm. Par ailleurs, un système Peltier équipe l’appareil afin de maintenir, au sein de la chambre accueillant les cuves en quartz, une température constante similaire à celle définie par le protocole analytique de l’interaction. Si la caractérisation des échantillons composés d’une seule molécule par spectroscopie UV-V est robuste et ne pose aucune difficulté expérimentale, le problème est tout autre pour des solutions poly-moléculaires. En effet, l’utilisation de la spectroscopie UV-Visible ne permet pas de quantifier avec satisfaction et précision deux molécules constituant une même solution. Pour y arriver, il est impératif que les longueurs d’onde d’absorbance propres aux deux molécules ne se superposent pas. Si tel est le cas, les réponses spectrales des deux molécules s’additionnent, empêchant de ce fait leur quantification respective. Il devient alors évident qu’il est quasi impossible d’utiliser cette technique lorsque la solution contient plusieurs molécules à faible concentration.
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