Dépistage du diabète gestationnel selon
les recommandations de l’IADPSG
Historique et aperçu des différentes recommandations internationales et critères diagnostiques du DG avant 2010
Les critères diagnostiques du DG ont été établis initialement il y a plus de 40 ans et ensuite modifiés progressivement (tableau III). 4.2.1. Critères d’O’ Sullivan [114] C’est le fruit d’une étude réalisée à Boston en 1954 par O’ Sullivan et Mahan. C’est cette étude qui a introduit la notion de test de dépistage par HGPO. Les résultats obtenus après un suivi de 8 ans de femmes ayant présenté une anomalie de la tolérance au glucose au cours de leur grossesse, ont établi les premiers seuils glycémiques d’HGPO considérés comme pathologiques au cours de la grossesse. Ces seuils ont permis, en réalité, de définir des patientes considérées comme étant à haut risque de développer un DT2 après un DG. Cette méthode évalue mal le risque de complications materno-fœtales à court terme. Le test de dépistage comprend deux étapes : on parle de dépistage en deux temps. 23 · 1e étape : HGPO 50g On réalise une glycémie 1h après une charge orale à 50 g de glucose, quelle que soit l’heure du dernier repas. Le résultat conditionne la conduite à tenir : – Lorsque la glycémie est inférieure à 1,40 g/L, on considère que la patiente ne présente pas de trouble du métabolisme glucidique. – Lorsque la glycémie est supérieure à 2,00 g/L : le diagnostic de DG est directement posé – Si la glycémie est comprise entre 1,40 et 1,99 g/L, on parle de résultat positif et la deuxième étape s’impose. · 2éme étape : HGPO 100g Consiste à la réalisation d’une HGPO à 100g de glucose chez une patiente à jeun avec mesure de la GAJ, GH1, GH2, GH3. Le diagnostic de DG est porté si deux valeurs au moins sont supérieures ou égales aux seuils de positivité définis qui sont : 0,90g/L à jeun; 1,65g/L à 1h; 1,45g/L à 2h et 1,25 g/L à 3h (tableau IV). 4.2.2. Critères du NDDG [105] En 1979, le National Diabetes Data Group (NDDG) propose une première adaptation des seuils de positivité de l’HGPO. Il s’agissait en fait d’une conversion de 14% des seuils proposés par O’Sullivan et Mahan. Cette conversion était expliquée par l’évolution des techniques de dosage: le plasma étant préféré au sang veineux total. On obtenait alors les seuils suivants : 1,05g/L à jeun ; 1,90g/L à 1h ; 1,65g/L à 2h et 1,45 g/L à 3h (tableau IV). 4.2.3. Critères de l’OMS 1980 [148] Lors du congrès mondial de 1980, l’OMS a établi une stratégie commune de dépistage des différents types de diabète. Les experts proposaient la réalisation d’une HGPO à 75g de glucose avec mesure de la glycémie à jeun, puis 2h après l’ingestion de glucose. Les seuils de positivité retenus étaient une GAJ supérieure ou égale à 1,40 g/L et/ou une GH2 supérieure ou égale 2,00 g/L (tableau V). 24 Appelée dépistage en un temps, cette méthode était moins longue et permettait une réduction du délai de diagnostic et de ce fait, une réduction du retard à la prise en charge. Avec en plus une meilleure tolérance. Tableau III : Principales recommandations internationales avant 2010 sur le dépistage et le diagnostic du DG Année/ Sociétés Méthodes Critères diagnostiques 1964 O’Sullivan [114] HGPO 50/100g (2temps) 2 valeurs ≥ aux seuils 1979 NDDG [105] HGPO 50/100g 2 valeurs ≥ aux seuils 1980 OMS [148] HGPO 75g (1temps) 1 valeur ≥ aux seuils 1982 Carpenter et Coustan [35] HGPO 50/100g 2 valeurs ≥ aux seuils 1999 OMS [146] HGPO 75g 1 valeur ≥ aux seuils 2001 ACOG [6] HGPO 50/100g Idem Carpenter et Coustan 2002 ADA [9] HGPO 50/100g ou HGPO 75g 2 temps : idem Carpenter et Coustan 1 temps : 1 valeur ≥ aux seuils 2005 HAS [69] Pas de recommandations. Rapport de synthèse 2008 NICE [66] HGPO 75g Idem OMS 1999 2008 USPTF [133] HGPO 50/100g Idem Carpenter et Coustan
Critères de Carpenter et Coustan
En 1982, Carpenter et Coustan utilisant toujours la méthode en deux temps proposaient une nouvelle adaptation des valeurs de positivité de l’HGPO. Les seuils sont recalculés à partir des seuils proposés par O’Sullivan et Mahan en retirant 0,05 g/L à chaque valeur puis en appliquant le facteur de correction de 14%. Le diagnostic de DG était retenu lorsqu’au moins deux des glycémies suivantes étaient obtenues: GAJ supérieure ou égale 0,95 g/L, GH1 supérieure ou égale 1,80 g/L, GH2 supérieure ou égale 1,55 g/L et à GH3 supérieure ou égale 1,40 g/L (tableau IV). 25 Tableau IV : Critères diagnostiques du DG après une charge orale de 100 g de glucose O’Sullivan [114] 1962 NDDG [105] 1979 Carpenter et Coustan [35] 1982 Glycémie à jeun ≥ 0,90 g/L ≥ 1,05 g/L ≥ 0,95 g/L Glycémie à 1heure ≥ 1,65 g/L ≥ 1,90 g/L ≥ 1,80 g/L Glycémie à 2 heures ≥ 1,45 g/L ≥ 1,65 g/L ≥ 1,55 g/L Glycémie à 3 heures ≥ 1,25 g/L (sang veineux) ≥ 1,45 g/L (plasma) ≥ 1,40 g/L (plasma) Un DG est défini par au moins 2 mesures au-dessus du seuil indiqué 4.2.5. Critères de l’OMS 1999 [146] L’OMS fixe en 1999 de nouveaux seuils de positivité pour l’HGPO à 75 g : GAJ supérieure ou égale 1,26 g/L et GH2 supérieure ou égale 1,40 g/L. Cependant, ces valeurs seuils sont basées sur le risque de survenue de complications micro et macro-vasculaires et non sur les risques de complications périnatales. Tableau V : Critères diagnostiques du DG après une charge orale de 75 g de glucose OMS 1980 [148] OMS 1999 [146] ADA 2002 [9] Glycémie à jeun ≥ 1,40g/L ≥ 1,26g/L ≥ 0,95g/L Glycémie à 1 heure ≥ 1,80g/L Glycémie à 2 heures ≥ 2,00g/L ≥ 1,40g/L ≥ 1,55g/L Un DG est défini par au moins 1 valeur au-dessus du seuil indiqué 4.2.6. Autres recommandations Plusieurs sociétés savantes ont proposé des recommandations pour le dépistage et le diagnostic du DG en se basant soit sur la méthode en un temps ou deux temps avec des seuils diagnostiques différents (tableau III). La Haute Autorité de Santé (HAS) en France dans un rapport de synthèse sur le dépistage et le diagnostic du DG publié en 26 2005 a recensé plus de onze recommandations internationales avec des seuils et des stratégies de diagnostic du DG variant d’un pays à un autre [69]. Par ailleurs la HAS concluait dans ce rapport que les données de la littérature scientifique ne permettaient pas de conclure sur les meilleures stratégies de dépistage et de diagnostic du DG, ni sur les modalités de leur réalisation. L’ampleur des controverses conduisant à ne pas faire de recommandations dans l’attente d’études complémentaires
Recommandations de consensus 2010 pour le dépistage et le diagnostic du diabète gestationnel
Etude Hyperglycemia And Pregnancy Outcome (HAPO) [96] Initiée en 2002, elle avait pour objectif de déterminer le seuil glycémique qui serait associé aux complications materno- fœtales caractéristiques du DG.
Méthodologie
Il s’agit d’une étude multicentrique, internationale (quinze centres dans neuf pays) en double aveugle ayant recruté 28 562 femmes. Elles étaient âgées de plus de 18 ans, avec une grossesse unique non issue d’une procréation médicale assistée et sans diabète connu. La stratégie de dépistage du DG consistait à la réalisation d’une HGPO de 75 g sur deux heures à la date la plus proche de 28 SA (24-32 SA). Finalement, 23 316 grossesses ont été analysées. Les critères de jugement principaux de l’étude étaient la césarienne, le poids de naissance supérieur au 90éme percentile pour l’âge gestationnel, la morbidité néonatale (hypoglycémie) et l’hyperinsulinisme fœtal (C Peptide sérique au cordon au-dessus du 90éme percentile). Les critères secondaires étaient l’accouchement prématuré (avant 37 SA), la dystocie des épaules ou un traumatisme lors de la naissance, la nécessité d’un passage en réanimation néonatale, l’ hyperbilirubinémie et la pré- éclampsie. L’analyse statistique a étudié l’association entre la GAJ, la GH1, la GH2, et les critères principaux et secondaires après ajustement sur les facteurs confondants.
Résultats
Il y avait une association entre la GAJ et les critères principaux, sauf l’hypoglycémie néonatale, ainsi qu’avec les critères secondaires, hormis le séjour en réanimation et l’hyperbilirubinémie. Les GH1 et GH2 étaient associées à tous les critères principaux et secondaires. L’étude mettait également en évidence une relation linéaire entre les GAJ, GH1 et GH2 et les plis cutanés au-dessus du 90éme percentile. Il était important de remarquer que les complications du DG étaient augmentées pour des chiffres glycémiques considérés jusqu’alors comme normaux chez la femme enceinte. En résumé, l’étude HAPO montre qu’il existe une relation continue et linéaire entre la morbidité materno-fœtale et les niveaux glycémiques, aussi bien pour les analyses en continu que pour les analyses par classes. Ce qui explique qu’il a été difficile de définir des seuils de glycémie pour la définition du DG, comme cela avait été envisagé initialement. Par ailleurs, l’étude des donnés des centres pris individuellement montre l’existence de différences dans la fréquence et le diagnostic du DG. Ces différences pourraient être expliquées par certaines caractéristiques de la population de chaque centre de la cohorte HAPO.
Elaboration du consensus de l’International
Association of Diabetes Pregnancy Study Group (IADPSG) [95] Comme nous l’avons vu, les critères de dépistage et de diagnostic du DG jusque-là utilisés n’étaient pas établis en fonction de la morbidité materno-fœtale à court terme, et ont été par conséquent régulièrement remis en cause. En outre, les complications associées aux différents niveaux d’intolérance au glucose pourraient être expliquées par des facteurs de confusion, comme l’obésité, l’âge de la mère ou des complications médicales associées, qui ne sont pas toujours pris en compte en analyse multi-variée. Aussi, la volonté internationale d’uniformiser ces critères a conduit à la création en 1998 du groupe d’étude IADPSG. Ce groupe réunit 220 experts de 40 pays différents et associe de multiples sociétés savantes. L’IADPSG inspiré des résultats de l’étude HAPO, a proposé en mars 2010 des recommandations de consensus sur le dépistage et le diagnostic du DG.
Méthodologie
Les critères retenus pour déterminer les seuils diagnostiques du DG sont les suivants : un poids de naissance supérieur au 90éme percentile pour l’âge gestationnel, un taux de C peptide au cordon à la naissance supérieur au 90éme percentile et un pourcentage de masse grasse du nouveau-né supérieur au 90éme percentile. Pour déterminer les nouvelles valeurs seuils, l’IADPSG a défini comme valeurs glycémiques de référence, les valeurs moyennes de la GAJ (0,81 g/L), de la GH1 (1,34 g/L) et de la GH2 (1,11 g/L) définies dans l’étude HAPO. A ces valeurs glycémiques moyennes, a été ajouté l’écart glycémique correspondant à une augmentation du risque de complications, telles que la macrosomie et l’hyperinsulinisme, de 75 %. Le choix de cet OR à 1,75 était arbitraire.
INTRODUCTION |