Aspects épidémiologiques, cliniques et prise en charge de l’acné au service de dermatologie de l’EPS1 IHS
granzyme B
Physiopathologie de l’acné : Quatre facteurs principaux jouent un rôle important dans la physiopathologie de l’acné : la séborrhée, les modifications du canal pilosébacé, Propionibacterium acnes et l’inflammation.
La séborrhée
Il n’existe pas d’acné sans peau grasse ou séborrhée. Une corrélation a pu être établie entre le type de lésions acnéiques et la sécrétion de sébum au niveau du visage, les lésions inflammatoires étant plus nombreuses sur les joues, là où la quantité de sébum est plus importante. En revanche aucune corrélation n’a pu être mise en évidence entre l’excrétion du sébum et le développement des comédons. Au cours de l’acné, la production de sébum ne peut s’expliquer par un trouble hormonal. Le taux de testostérone est le plus souvent normal. Les anomalies se situent donc ailleurs dans la peau, parce qu’il existe une hypersensibilité à différents récepteurs, une hyper-réactivité à des systèmes enzymatiques assurant la production intracellulaire 7 d’androgènes dans les glandes sébacées et/ou les kératinocytes ou une action directe ou indirecte de P. acnes.
Hypersensibilité de différents récepteurs
Les récepteurs aux androgènes sont les premiers à avoir été identifiés. La testostérone circulante est transformée sous l’effet de la 5 réductase de type 1 en dihydrotestostérone, qui va alors se fixer sur un récepteur spécifique de la glande sébacée, activant alors les gènes responsables de la production du sébum. D’autres récepteurs maintenant connus sont capables d’induire aussi une séborrhée. En effet la glande sébacée se comporte comme un système endocrinien périphérique indépendant exprimant des récepteurs : • Récepteurs aux neuromédiateurs. La substance P est libérée en quantité abondante par les terminaisons nerveuses situées autour des follicules pilo-sébacés lors du stress. • Récepteurs à la corticotrophin releasing hormone (CRH) dont la production est stimulée par P. acnes et lors d’un stress • Récepteurs à l’α-melanocyte stimulating hormone (α-MSH) intervenant dans la lipogénèse, le métabolisme des androgènes et la libération de cytokines. • Récepteurs PPAR (α, β, γ) peroxisome proliferator activated receptor, qui sont des récepteurs hormonaux intranucléaires formant des hétérodimères avec les récepteurs RXR. Ils interviennent comme régulateurs dans la différenciation des sébocytes et la lipogénèse. • Récepteurs de l’IGF1 (insulin-like growth factor) et des récepteurs à l’histamine 1. Figure 2 : facteurs intervenants dans la sécrétion de sébum
Rôle de P. acnes sur la production de sébum
Récemment Linuma et al. [38] ont montré que Propionibacterium acnes participe directement à l’augmentation de la production de sébum dans la glande sébacée. Lorsque des sébocytes de hamster sont mis en contact avec de l’insuline et différentes fractions de P. acnes, on constate alors la formation de gouttelettes lipidiques et la synthèse de triglycérides (triacylglycérols). Tout se passe comme si P. acnes stimulait la production de sébum dans les glandes sébacées, il s’agit là d’un rétro-contrôle. P. acnés est luimême stimulé par l’hyperséborrhée.
Rôle du sébum
Le sébum des patients acnéiques produits par la glande sébacée contient en grande quantité un mélange de squalènes, d’esters de cire et de triglycérides. Il favorise la prolifération de P. acnes et lui apporte les nutriments dont il a besoin. 9 Plusieurs hypothèses ont été émises pour tenter d’expliquer le rôle du sébum dans la survenue de l’acné [71]. Une des hypothèses avancées est que la séborrhée favoriserait une diminution de la perte en eau épidermique, avec comme conséquence une réduction de l’effet protecteur vis-à-vis des infections cutanées et une augmentation de la prolifération de germes dans le follicule pilo-sébacé. Le sébum de l’acnéique se révèle irritant du fait de la transformation des triglycérides dans le follicule pilo-sébacé par les enzymes de P. acnes en acides gras libres pro-inflammatoires et des peroxydes de squalènes qui libèrent des cytokines pro-inflammatoires (leucotriènes B4) par les kératinocytes.
La formation du comédon
Elle est secondaire à la modification de la prolifération et de la différenciation des kératinocytes résultant des modifications de la régulation de l’expression de certaines molécules comme les intégrines kératinocytaires, la fillaggrine, l’involucrine ou certains types de kératines. Certaines de ces modifications sont influencées par P. acnes. C’est ce qu’a montré Akaza et al. [1] dans une étude récente in vitro dans laquelle P. acnes favorise la différenciation des kératinocytes en diminuant l’expression de K1 et de K10 et en augmentant l’expression d’interleukines, de K17 et de transglutaminase. Au cours de l’acné, le FGFR2 (fibrobroblast growth factor receptor) serait impliqué dans la différenciation des kératinocytes, alors que l’IGF1R (insulin-like growth factor) en régulerait la prolifération. Les kératinocytes possèdent aussi des systèmes enzymatiques leur permettant de métaboliser les androgènes et le cholestérol. La composition du sébum semble également jouer un rôle déterminant. En effet, la séborrhée modifie le taux des acides gras libres dans le canal pilo-sébacé. Le 10 rapport squalène-cires sur acide linoléique qui se trouve augmenté par dilution, favorise les troubles de la différenciation des kératinocytes. L’interleukine-1α tient aussi une place capitale. In vitro l’IL1α induit la formation de comédons sur des follicules pilo-sébacés obtenus par microdissection et maintenus en culture pendant 7 jours. Cette action peut être inhibée par un antagoniste du récepteur de l’IL-1α. In vivo la présence d’IL-1α est observée en peau saine autour des follicules pileux et dans les comédons. Les comédons contiennent suffisamment d’IL-1α pour initier une réponse inflammatoire lorsqu’elle est libérée dans le derme. La formation du comédon fait suite à la desquamation anormale des kératinocytes qui, en présence de sébum et de P. acnes, obstruent l’orifice du canal pilo-sébacé et forment le bouchon corné. 2.1.2.3. Propionibacterium acnes : un acteur clé Il s’agit d’une corynébactérie anaérobie, Gram positive, saprophyte normal de la peau, dont le rôle dans la survenue de l’acné est soupçonné depuis de très nombreuses années sans être l’élément spécifique de cette maladie. L’identification de sous- groupes de P. acnes a permis de mieux appréhender son rôle et d’expliquer l’exacerbation de certaines acnés, ainsi que le nombre croissant d’infections profondes postopératoires, en particulier oculaires ou traumatiques signalées depuis ces dernières années [72]. De nombreuses publications ont montré l’importance du rôle clé de ce germe dans l’acné, maladie dans laquelle il semble agir plus par son action pro inflammatoire qu’infectieuse, aucune corrélation entre le nombre de bactéries et l’intensité de l’acné n’ayant pu être démontrée. – P. acnes initie la réaction inflammatoire dans le follicule pilosébacé, assure sa diffusion et son maintien au cours de l’acné. – P. acnes est capable de former un biofilm en s’entourant de polysaccharides extracellulaires, pour former une colle biologique 11 et augmenter son adhérence aux kératinocytes et par ce biais participer à la formation du comédon. – P. acnes stimule l’immunité humorale par l’activation du complément, par les voies classiques et alternes (C5α), induisant la production de facteurs chimiotactiques qui attirent les polynucléaires neutrophiles. Les hydrolases libérées entraînent la rupture de l’épithélium folliculaire et souvent une inflammation. Des enzymes sont produites (lipases, protéases, hyaluronidases), entretenant la réaction inflammatoire. – Récemment, l’action de P. acnes sur des Toll like récepteurs (TLR) a permis d’avancer dans la compréhension de ses multiples fonctions. P. acnes augmente l’expression des TLR2 ou TLR4 à la surface des kératinocytes et des monocytes intensément, et rapidement. Cette activation se traduit par la production de cytokines pro-inflammatoires IL1α, IL8, IL2, de GM-CSF, TNFα, par l’expression de β-défensines par les kératinocytes et la sécrétion de métalloprotéases. – P. acnes peut provoquer un stress oxydatif par une nouvelle voie indépendante des TLR, source d’inflammations, entraînant apoptose, nécrose des kératinocytes et production d’anions superoxyde – Les kératinocytes et les sébocytes produisent des métalloprotéinases (MMP) : gélatinases, collagénases, stromélysines, matrilysines, qui sont des endopeptidases responsables de la diffusion de l’inflammation et de la formation des cicatrices. P acnes augmente la production de MMP2, MMP9 et MMP13. – P. acnes produit des coproporphyrines, qui sont révélées en lumière de Wood, facilitent le comptage des comédons, ont un pic 12 d’absorption à 415 nm et dont les retombées thérapeutiques semblent intéressantes. – P. acnes stimule l’immunité humorale par le biais d’anticorps. – Enfin, il existe d’autres facteurs influençant la croissance et le comportement P. acnes.
1. Introduction |