Étude des performances d’un gravimètre atomique
absolu
Eléments théoriques sur l’interféromètre atomique
Ce chapitre présente les outils théoriques essentiels de notre interféromètre atomique. Le principe des transitions Raman stimulées est brièvement présenté, de même que la réalisation d’un interféromètre atomique à partir des séparatrices cohérentes. Le calcul du déplacement lumineux total dans le cas particulier de ces transitions à deux photons sera plus détaillé. Nous rappelons ensuite la dénition de la fonction de sensibilité, car elle constitue un outil mathématique récurrent dans l’étude du gravimètre. Nous nous appuyons en eet sur ce formalisme dans la suite, pour la mesure des bruits de phase ou pour la détermination des eets systématiques. Nous terminons le chapitre en écrivant le déphasage dans le cas général où la résonance Raman n’est pas respectée.
Transition Raman
Une transition Raman stimulée est un processus à deux photons, où le changement d’état interne est lié de façon équivalente au changement d’impulsion. Nous discuterons plus loin l’avantage de cet aspect. Les atomes alcalins se prêtent très bien aux transitions Raman : leurs deux sous-niveaux hyperns sont métastables, si bien que la cohérence du processus ne sera jamais limitée par la cohérence du système. Considérons un atome dans un état atomique pur, éclairé simultanément par deux faisceaux lasers, dont la diérence de fréquence concorde avec la diérence de fréquence des états inférieurs (g. 2.1). Les lasers sont accordés sur une transition optique avec un niveau d’énergie virtuel |ii. On dénit ainsi le désaccord Raman ∆ entre la pulsation du laser R1 et la transition électronique |fi → |ci : ∆ = ω1 − (ωi − ωf ) (2.1) Si l’atome, d’impulsion p, est initialement dans l’état métastable fondamental |fi, il diuse un photon du champ classique E1(r, t) ∝ e i(ω1t−k1.r+φ1) et acquiert l’impulsion ~k1 du champ. Le photon est diusé par émission stimulée dans le champ E2(r, t) ∝ e i(ω2t−k2.r+φ2) . Par conservation de la quantité de mouvement, il acquiert cette fois l’impulsion −~k2. L’impulsion totale de l’atome à l’issue de la transition est donc p 0 = p + ~ke, où ke = k1 − k2. Fig. 2.1 Gauche : diagramme énergétique en lambda d’un atome alcalin. Droite : schéma de la séparation cohérente eectuée par une transition Raman stimulée. Si les lasers sont contra-propageants, les deux impulsions sont dirigées dans le même sens, et le module de l’impulsion totale est égal à la somme des modules. La vitesse supplémentaire communiquée aux atomes, dans le cas du Rubidium 87, est ainsi d’environ deux fois la vitesse de recul vrec, soit 1,2 cm/s. La condition de résonance exacte entre les lasers est dictée par la conservation de l’énergie au cours du processus, entre les situations initiale et nale : ~ω 0 1 + ~ωf + p 2 2m = ~ω 0 2 + ~ωe + (p + ~ke) 2 2m (2.2) que l’on peut écrire en fonction de la diérence de pulsation des lasers à résonance, ω 0 1 et ω 0 2 : ω 0 1 − ω 0 2 = ωe − ωf + p.ke m + ~ke 2 2m = ωHFS + ωD + ωrec (2.3) où l’on a déni les pulsations ωHFS de l’écart de structure hyperne, ωD du désaccord Doppler et ωrec du déplacement de recul. Dans le cas général, où la diérence de fréquence des lasers ne satisfait pas la condition de résonance Raman, le désaccord δω est déni par : ω1 − ω2 = ω 0 1 − ω 0 2 + δω Lorsque le désaccord Raman ∆ est grand devant la largeur naturelle Γ des transitions, l’état excité |ii est très peu peuplé et l’émission spontanée est négligeable [37, 38]. Dans ce cas, la cohérence de la superposition des états métastables n’est pas limitée par Γ, et on montre que le système des équations de Schrödinger se ramène à celui d’un atome à deux niveaux |fi et |ei [39]. Le vecteur décrivant l’état du système à un instant t s’écrit alors en fonction des amplitudes de probabilité Cf et Ce dans chaque état propre : |Ψ(t)i = Cf (t)|fi + Ce(t)|ei. En eectuant le changement de variable Ck = cke −iωkt , le système des équations couplées se met habituellement sous la forme : c˙f = −i µ δωf cf + Ω ∗ e 2 e i(δω t+φ) ce ¶ c˙e = −i µ Ωe 2 e −i(δω t+φ) cf + δωe ce ¶ (2.4) où les décalages δωf et δωe correspondent aux déplacements lumineux induits par les deux champs électriques sur les niveaux d’énergie hyperns, qui s’écrivent : δωf = |Ωf1| 2 4 ∆ + |Ωf2| 2 4 (∆ − ωHFS) δωe = |Ωe1| 2 4 (∆ + ωHFS) + |Ωe2| 2 4 ∆ (2.5) Les fréquences de Rabi décrivant l’interaction d’un champ k (k = 1 ou 2) avec un niveau électrique |ji (j = f ou e) sont dénies par : Ωjk = − 2 ~ hi|d.²kE 0 k |ji (2.6) où ²k représente la polarisation du champ. Le système 2.4 fait aussi apparaître la diérence de phase φ = φ1 − φ2 entre les lasers, et la pulsation de Rabi eective : Ωe = Ωf1 Ω ∗ e2 2∆ (2.7) On dénit alors les déplacements lumineux diérentiel δωLS1 et moyen µLS1 (pour Light Shift à 1 photon), et la pulsation de Rabi généralisée comme : δωLS1 = δωe − δωf µLS1 = δωe + δωf ΩR = q Ω2 e + (δω − δωLS1) 2 (2.8) La résolution du système 2.4 est bien connue [37]. Elle mène aux équations d’évolution suivantes, pour les amplitudes de probabilité Cf et Ce : Cf (t0 + τ ) = ½µcos ΩRτ 2 − i cos θ sin ΩRτ 2 ¶ Cf (t0) −i ei((ω1−ω2)t0+φ) sin θ sin ΩRτ 2 Ce(t0) ¾ e −i(µLS1−δω+2ωf ) τ 2 Ce(t0 + τ ) = ½ −i e−i((ω1−ω2)t0+φ) sin θ sin ΩRτ 2 Cf (t0) + µ cos ΩRτ 2 + i cos θ sin ΩRτ 2 ¶ Ce(t0) ¾ e −i(µLS1+δω+2ωe) τ 2 (2.9) où est introduit le paramètre θ, déni par cos θ = δω − δωLS1 ΩR et sin θ = |Ωe| ΩR . Pour illustrer ce résultat, considérons les probabilités de présence dans chaque état hypern, en supposant que l’atome est initialement dans l’état |f, pi, soit Cf (t0) = 1 et Ce(t0) = 0 : |Cf (t0 + τ )| 2 = 1 − Ω 2 e Ω2 R sin2 ³ ΩR τ 2 ´ |Ce(t0 + τ )| 2 = Ω 2 e Ω2 R sin2 ³ ΩR τ 2 ´ (2.10) Nous obtenons des oscillations de Rabi entre les populations des deux états de la superposition, comme pour un atome à deux niveaux. Deux cas nous intéressent particulièrement. D’abord une impulsion de durée τπ/2 telle que ΩRτ = π/2, où la répartition des populations est équiprobable. L’état nal s’écrit |ψi = 1 √ 2 (|f, pi + |e, p + ~ke), où les paquets d’onde s’éloignent l’un de l’autre du fait de leur diérence d’impulsion ∆p = ~ke. Une telle transition Raman, dite `π/2′, est l’équivalent atomique d’une séparation 50/50 par un cube polarisant en optique. De façon similaire, une transition `π’ désigne une impulsion dont la durée (ou la fréquence de Rabi) est deux fois plus grande. Dans ce cas, le transfert de population est complet, et tous les atomes arrivant dans l’état |f, pi sont dééchis dans l’état |e, p + ~kei. Ce sont ces deux types de transitions que nous utilisons pour réaliser l’interféromètre.
Les transitions Raman stimulées comme séparatrices atomiques
Sélectivité en vitesse
D’après la condition de résonance 2.3, nous obtenons la largeur de la distribution en vitesse sélectionnée par une transition Raman stimulée. Soit ∆ω la largeur de l’excitation, déterminée d’après la probabilité de transition (éq. 2.10) par la durée τ de l’impulsion. Nous avons ainsi : δv c = ∆ω ω1 + ω2 Cette sélectivité en vitesse assure le monochromatisme des fonctions d’onde dans l’espace des impulsions. Pour assurer un bon contraste de l’interféromètre, il est donc important de disposer d’un échantillon atomique dont la distribution en vitesse est au moins plus étroite que la largeur sélectionnée par les transitions Raman. La distribution en vitesse des atomes dans le nuage thermique est gaussienne. Pour déterminer la largeur sélectionnée δv dans un tel nuage par une transition de durée τ et de fréquence de Rabi Ωe, nous utilisons la relation suivante [37] : P(τ, v) = 1 √ 2πσv e − (v − v0 + 2vrec) 2 2σ 2 v × Ω 2 e Ω2 e + (kev) 2 sin2 µq Ω2 e + (kev) 2 τ 2 ¶ (2.11) Considérons l’exemple d’une transition π de durée τπ = 30 µs, sur un nuage dont la température vaut Tat = 2, 5 µK, c’est-à-dire dont la demi-largeur en vitesse σv = p kBTat/m est d’environ 2, 6vrec = 1, 6 cm/s. Dans ce cas, pour la distribution en vitesse sélectionnée, la demi-largeur à mi-hauteur est 0, 6 cm/s ‘ vrec, ce qui correspond à une température eective dans la direction de la sélection de 0, 8 µK.
Interféromètre atomique
Nous obtenons un interféromètre atomique similaire à un interféromètre optique de Mach-Zehnder grâce à une séquence temporelle de trois transitions Raman. Une première impulsion des deux lasers contrapropageants π/2 sépare les deux composantes de la fonction d’onde. Après une durée T, une impulsion π, deux fois plus longue que la première, les redirige l’une vers l’autre. Les deux paquets d’onde se rejoignent au bout d’un nouveau laps de temps T, et une dernière impulsion π/2 permet de les faire interférer (g. 2.2). L’eet d’une transition Raman seule sur une fonction d’onde peut être modélisé par une matrice, tirée des équations 2.9. Nous supposons dans ce paragraphe que le désaccord total δω − δωLS1 est nul, et un éventuel désaccord sera abordé plus loin (p. 26). Soit V (t0) le vecteur désignant la fonction d’onde initiale, composé des deux amplitudes de probabilité Cf (t0) et Ce(t0). Le vecteur V (t0+τ ) issu d’une transition .
1 Introduction |