Cosmologies spatialement homogènes en théories
tenseur-scalaires
L’interét des champsé scalaires
La naissance de la premiere th èorie tenseur-scalaire Les champs scalaires ont une longue histoire comme le montre l’article de H. Brans[1] dont nous nous sommes servis pour écrire cette section. Celle-ci commence par une tentative d’intégration de la théorie newtonienne et de son potentiel scalaire dans une théorie de la relativité restreinte que nous n’aborderons pas ici, en passant par les théories de Kaluza-Klein et les nombres de Dirac pour aboutir à la première théorie tenseur-scalaire de Jordan, Brans et Dicke. C’est la naissance de cette dernière que nous allons raconter. L’objectif des théories de Kaluza-Klein était d’unifier la gravitation avec l’électromagnétisme. Pour cela l’idée est d’introduire le 4-potentiel électromagnétique dans la métrique en rajoutant une cinquième dimension à l’espace-temps[2]: la courbure en un point de l’espace-temps désormais à 5 dimensions y engendre ce que l’on perc¸oit comme étant les forces gravitationnelles et électromagnétiques. Cette cinquième dimension est compactifiée à l’échelle de Planck et est donc inobservable. O`u se cache le champ scalaire de cette théorie? Si l’on considère des indices (M,N) variant de 0 à 4 et des indices (µ,ν) variant de 0 à 3, la 5 métrique de Kaluza-Klein définie par les fonctions gMN est composée de: – la 4-métrique habituelle, représentée par les fonctions métriques gµν – le 4 potentiel électromagnétique qui est contenu dans les fonctions métriques gµ4 = g4µ – et enfin une composante g44 choisie constante. La constance de la fonction g44 est une hypothèse de Kaluza qui fut plus tard abandonnée apparemment en premier[3] par Jordan[4] puis par Thiry[5]: il montra que la composante g44 correspondait en fait à un champ scalaire. Pour cela, il écrivit l’ensemble complet des équations de champs pour le tenseur de Ricci, RMN = 0 qui se réduit alors à équations d’Einstein avec matière, 4 équations de Maxwell et une équation d’onde pour le champ scalaire, cette dernière n’ayant rien à voir avec la gravitation ou l’électromagnétisme. Pour retrouver la théorie d’Einstein-Maxwell standard, on s’aperc¸oit qu’il faut alors choisir de manière ad hoc g44 = 4G, o`u G est la constante de gravitation, associant ainsi le champ scalaire à cette constante. C’est alors qu’intervint Dirac[6]. A partir de l’ˆage de l’Univers Tu tel que défini par les mesures de la constante de Hubble en 1938 et d’une échelle de temps atomique Ta naturellement définie par les échelles de temps e 2/m ou h/m ¯ , o`u e est la charge de l’électron et m est la masse d’un électron ou d’un nucléon, il définit le rapport de temps t ≡ Tu/Ta ≈ 40. Puis, Dirac décide de regarder le rapport sans dimension des forces électriques et gravitationnelles. Il définit alors le nombre γ ≡ e 2/(km2 ) ≈ 40 avec k = 8πG. Il définit également le rapport entre la masse de l’Univers Mu et une masse atomique standard m soit µ ≡ Mu/m ≈ 80. Pour Dirac, la manière dont ces nombres naturels et sans dimension se regroupent doit avoir une raison physique qui le conduit à développer un modèle cosmologique pour lequel µ ≈ t 2 et γ ≈ t, c’est-à-dire tel que ces deux quantités varient avec le temps, impliquant ainsi que µ/(tγ) ≈ 1 et donc 1/k ≈ M/R (2.1) M et R étant la masse et le rayon de l’Univers. Cette dernière égalité soulève alors la question de savoir si la constante de gravitation est une vraie constante ou si elle est déterminée par la distribution de masse dans l’Univers. L’association du champ scalaire des théories de Kaluza-Klein à la constante gravitationnelle et la possible variation de cette dernière due à l’hypothèse (2.1) de Dirac, firent penser à Jordan que le champ scalaire pourrait être une généralisation d’une constante de gravitation qui serait en fait variable. Brans et Dicke motivés par les idées de Mach sur l’inertie ainsi que Sciama, arrivèrent à des conclusions similaires sur une possible variation de G. Cependant ce fut Jordan et ses collaborateurs qui firent les premiers un pas supplémentaire décisif en séparant le champ scalaire de son contexte multi dimensionnel. Dans toutes ces théories, le champ scalaire φ vaut approximativement l’inverse de la constante de gravitation: 1/k ≈ φ Ce choix est motivé par l’hypothèse (2.1) qui montre que 1/k pourrait être une variable et satisfaire une équation de champ. Si maintenant on écrit l’action de la Relativité Générale, il vient δ Z (R + kLm) √ −gd4x = 0 Le couplage de k, quantité variable, directement au Lagrangien de la matière Lm, fait que les particules ne suivent plus les géodésiques de l’espace-temps en l’absence de toute autre force que la force gravitationnelle. Afin de remédier à ce problème, on divise l’action par k et on obtient finalement: δ Z (φR + Lm) √ −gd4x = 0 L’équation des géodésiques est donc sauve mais le champ scalaire modifie évidemment l’énergie du champ de gravitation et implique des effets observables. L’action ci-dessus n’est pas encore satisfaisante. En effet, elle ne donne pas lieu à une équation pour φ qui nous permettrait de connaˆıtre sa dynamique. Pour cela, il nous faudrait une action de la forme: δ Z (φR + Lφ + Lm) √ −gd4x = 0 et puisque les équations de champs sont habituellement du second ordre, il est probable que Lφ = L(φ,φ,µ). Un choix naturel semble être Lφ = −ωφ,µφ,νg µν, o`u ω est une constante. Cependant ω devrait avoir la même dimension que la constante de gravitation et le choix final est donc Lφ = − ω φ φ,µφ,ν g µν Nous obtenons ainsi la forme de l’action de la théorie de Jordan-Brans-Dicke[7], la première théorie tenseurscalaire: δ Z (φR − ω φ φ,µφ,νg µν + Lm) √ −gd4x = 0 On peut alors appliquer le principe variationnel sur cette action afin de trouver les équations de champs dont l’équation pour le champ scalaire. Ainsi, pour un champ faible et pour une coquille sphérique de masse M et de rayon R, l’Univers étant vide de par ailleurs, cette équation donne: φ ≈ φ∞ + 1 4π(2ω + 3) M R Si φ est identifié avec l’inverse de la constante de gravitation et que φ∞ est choisi égal à zéro, on retrouve l’hypothèse de Dirac (2.1). Le début des années 80 a profondément modifié les raisons de considérer des champs scalaires: les idées de Guth sur l’inflation donnèrent naissance à des champs scalaires appelés inflatons tandis que l’émergence de nouvelles idées en physique des particules donnèrent naissance aux dilatons qui seront abordés dans la section suivante. Le modèle d’alors de la cosmologie souffre de nombreux problèmes conceptuels: pourquoi l’Univers semble t’il si plat? Comment des régions causalement séparées au début des temps peuvent elles être si semblables aujourd’hui? Guth[8] remarqua qu’ils seraient partiellement résolus si, aux époques primordiales, il y avait une période d’inflation avec une expansion exponentielle de l’Univers. Pour cela, la première idée est d’introduire une constante cosmologique mais les observations montrent que sa valeur actuelle serait 0 fois plus petite que celle prédite aux époques primordiales: c’est le problème de la constante cosmologique. Une manière de le résoudre est de considérer un nouveau champ scalaire appelé inflaton tel que Lφ = φ,µφ,ν g µν − U(φ) dont le couplage avec lui même est décrit par le potentiel U qui joue alors le rˆole d’une constante cosmologique variable. Depuis la fin des années 90, la présence de ce potentiel a trouvé de nouvelles raisons d’être avec la détection par deux équipes[9, ] indépendantes de l’accélération de l’expansion de l’Univers. L’une des explications les plus en vogue de ce phénomène serait la présence d’un champ scalaire quintessent, c’est- à-dire dont la densité et la pression sont liées par une équation d’état semblable à celle d’un fluide parfait et dont l’indice barotropique serait négatif. Il en résulterait une pression du champ scalaire négative qui serait à l’origine de cette nouvelle et récente période d’accélération de l’expansion.
Les champs scalaires en physique des particules
L’introduction de champs scalaires en cosmologie obéit également à des raisons profondes liées à la physique des particules. Afin de les appréhender, nous allons en exposer quelques points importants. Cette section s’inspire d’un article de Zel’dovich[] destiné à vulgariser le concept de champs scalaire. Les théories physiques les mieux établies par l’expérimentation reposent sur des champs vectoriels et tensoriels. Un champ de vecteurs est une distribution spatio-temporelle de 4-vecteurs: à chaque point de l’espace en chaque instant est associé un vecteur. Citons quelques champs de vecteurs couramment utilisés en physique et aux propriétés très différentes: – Le plus évident est bien sˆur le champ électromagnétique. Ce champ de vecteurs est neutre (le photon n’a pas de charge) et non massif et cette interaction est donc à porté infinie. – Le champ de vecteurs des bosons W et Z responsables de l’interaction faible est massif, ce qui signifie qu’elle est à courte portée et instable: ces particules se désintègrent en paires d’autres particules. – Le champ de vecteurs des gluons, responsable de l’interaction forte, est massif et avec une charge. Les gluons sont eux même une source pour d’autres champs de gluons menant au confinement des quarks et au fait que les gluons comme les quarks ne peuvent exister librement. Les seules particules stables sont ainsi des combinaisons de quarks et d’antiquarks ou des combinaisons de trois quarks. Il existe d’autres types de champs que les champs vectoriels. Ainsi dans la liste ci-dessus ne figure pas la description de la force gravitationnelle qui ne repose pas sur un champ de vecteurs mais sur un champ de tenseurs. Comme on le voit, tous ces champs correspondent à des particules: ainsi les champs de vecteurs correspondent à des particules avec un spin 1¯h, h¯ étant la constante de Plank divisée par 2π, et les champs de tenseurs à des particules (gravitons) de spin 2¯h. Les particules de spin entier sont des bosons et, contrairement à celles ayant un spin demi entier et qui sont des fermions, elles n’obéissent pas au principe d’exclusion de Pauli. Les champs scalaires quant à eux correspondent à des particules de spin zéro et sont donc également des bosons. Historiquement, la première raison d’introduire un champ scalaire en physique des particules est due à Yukawa, qui imagina un champ avec une masse au repos afin d’expliquer les forces nucléaires. La courte portée des interactions nucléaires correspondait à des mésons ayant une masse de l’ordre de 0 à 200 Mev prédite par Yukawa. On découvrit effectivement des mésons π avec une masse de 0 Mev. L’avenir des champs scalaires semblait donc tout tracé. Cependant, les prédictions détaillées de la théorie scalaire furent désavouées par l’expérience. Les pions étaient bien des bosons mais composés d’un quark et d’un antiquark. Le renouvellement de l’intérêt pour les champs scalaires vint d’une idée complètement différente de celle de Yukawa: la renormalisation. Le développement de l’électrodynamique quantique commenc¸a vers la fin des années 40. L’approximation de base pour les muons et les électrons dans un atome ou un champ magnétique est donnée par la théorie de Dirac. Les électrons ont un spin, une charge et un moment définis. Cependant, pour une meilleure approximation, il est nécessaire de tenir compte de processus virtuels: un électron dans son état de base ne peut émettre un photon réel car il n’a pas l’énergie requise. Mais il peut émettre un photon virtuel puis le réabsorber rapidement. Ceci est permis par le principe d’incertitude d’Heisenberg à partir du moment o`u la conservation de l’énergie n’est pas violée. De la même manière, on peut imaginer la création et l’annihilation de paires virtuelles d’électron-positron dans le champ électrostatique du noyau. Ces processus ne changent pas qualitativement la physique: il y a toujours un état de base de l’électron et un champ électrostatique. Mais les propriétés quantitatives sont très légèrement changées lorsque l’on prend en compte ces processus virtuels: à première vue, les équations semblent contenir une infinité d’intégrales à cause du nombre infini d’états possibles des particules virtuelles. Cependant, il fut réalisé que des processus similaires arrivaient pour les électrons libres comme pour les liés, que la quantité mesurée est la différence entre les énergies de ces deux types d’électrons et que la différence entre deux intégrales infinies est une intégrale finie. Cette procédure fut appelée renormalisation et montra l’importance des particules virtuelles. Par la suite, on commenc¸a également à s’intéresser aux corrections du second ordre pour la force faible mais cette fois, la renormalisation ne marcha pas pour les particules massives vecteurs de cette force: les infinis ne disparaissaient pas. Notons que cette masse est nécessaire pour expliquer la désintégration β et le rˆole des particules W et Z. C’est là que l’idée des champs scalaires revint en force. Plutˆot que d’imposer directement une masse aux bosons, on suppose que le champ de vecteurs les représentant interagit avec la charge d’un champ scalaire massif, c’est-à-dire possédant un potentiel, la charge décrivant l’interaction avec le champ de vecteurs. Ce champ scalaire est le champ de Higgs-Englert qui eurent l’idée d’introduire un potentiel de la forme V (φ) = k(φ 2 − φ 2 0 ), permettant ainsi la renormalisation. Ce champ seulement caractérisé par une masse et qui correspond comme expliqué plus haut à un boson, donne leur masse aux particules qui interagissent avec lui. On espère une détection de la particule de Higgs dans le futur LHC vers 2008. D’autres raisons peuvent être évoquées concernant la présence de champs scalaires de nature différente de celle du boson de Higgs. Sans rentrer autant que précédemment dans les détails signalons par exemple que les théories de supersymétries prédisent l’existence de plusieurs champs scalaires. Ces théories postulent l’égalité entre les degrés de liberté fermionique et bosonique: à chaque boson (dont celui de Higgs) correspond un fermion et vice-versa. Ceci ne peut être réalisé qu’en ajoutant des degrés de libertés supplémentaires via des champs scalaires dont les potentiels peuvent être tout à fait différents de celui imaginé par Higgs (par exemple des champs scalaires complexes). Généralement ces champs scalaires sont appelés dilatons. Les particules supersymétriques pourrait être des constituants essentiels de la matière noire. En particulier le plus léger des neutralinos, un état résultant d’une mixture de plusieurs particules supersymétriques, pourrait être la plus légère des particules antisymétriques et un candidat pour la théorie de la matière noire froide. Pour une introduction aux théories de supersymétrie, on pourra se référer au livre de Gordon Kane[], ”Supersymmetry, unveiling the ultimate laws of Nature”. Tout ceci démontre, nous l’espérons, l’intérêt de considérer des champs scalaires
I Introduction |