L’EFFET DU SOLVANT SUR LE MECANISME ET LA SELECTIVITE DES REACTIONS DE CYCLOADDITION
Les pyrrolidines et les pyrazolidines
Les pyrrolidines
Aspect chimique
La pyrrolidine, également appelée azolidine ou tétrahydropyrrole est un hétérocycle à cinq chainons, contenant un atome d’azote et quatre atomes de carbone(Schéma1.1). On retrouve ce noyau la plupart du temps monosubstitué en position 2, comme dans le cas de l’acide aminé proline. Cette amine secondaire basique confère à l’acide aminé proline des caractéristiques qui lui sont propres [1]. Schéma 1.1. Structure de la pyrrolidine simple La pyrrolidine simple est un liquide incolore qui est miscible avec l’eau et la plupart des solvants organiques. Il a une odeur caractéristique qui a été décrite comme ammoniacale.
Pyrrolidines extraits à partir de produits naturels
Les alcaloïdes extraits de plantes de type pyrrolizidines[2], renfermant le noyau pyrrolidine, sont parmi les premiers composés naturels reconnus comme étant cancérigènes. On retrouve aussi des molécules renfermant ce noyau dans la vie de tous les jours. En effet, la nicotine du tabac possède un noyau pyrrolidine N-méthylé substitué en position 2 par une pyridine (Schéma 1.2). C’est parmi les composés les plus connus de ce genre dans lequel, son isolation a été effectuée en 1828 à partir des feuilles de tabac par Posselt et Reimann [3], est connue pour ses propriétés stimulantes et sa capacité à interagir avec les récepteurs nicotiniques. En 1889, Liebermann isola à partir de feuilles de coca une nouvelle molécule pyrrolidinique, l’Hygrine [4]. Celui-ci est moins connu pour ses potentielles activités biologiques que pour être le précurseur d’alcaloïdes tropaniques tels que l’Hyoscyamine et la Scopolamine. La Preussin [5], quant à elle, fut isolée en 1988 par fermentation d’un champignon nommée « Aspergillus ochraceus ». Reconnue initialement pour ses activités antifongiques, une étude a démontré qu’elle avait aussi des effets cytotoxiques et d’inhibiteur de croissance sur les cellules cancéreuses [6]. Outre ces différents exemples de molécules isolées à partir de matières premières naturelles, il existe un composé pyrrolidinique directement présent dans le corps humain, la Proline. Cet acide aminé essentiel est aussi couramment utilisé en chimie organique. De plus, l’imine est un composé qui fut longtemps utilisé en médecine traditionnelle le long des côtes de la méditerranée pour soigner les maladies respiratoires [7]. Schéma 1.2.Molécules pyrrolidiniques extraits à partir de produits naturels .
Pyrrolidinessynthétiques à visées thérapeutiques
Le noyau pyrrolidine est omniprésent dans les produits pharmaceutiques à cause d’un large panel d’activités biologiques qui a poussé les chercheurs à s’intéresser à ce motif. De nos jours, le cycle pyrrolidinique est présent dans un grand nombre de molécules à visées thérapeutiques (Schéma 1.3). Les deux antihypertenseurs Fosinopril et Captopril vendu par la compagnie BristolMyers Squibb sont de bons exemples, ce qui montre bien l’importance de cet hétérocycle dans l’industrie pharmaceutique. Le Fosinoprilfut développé par Bristol-Myers Squibb puis commercialisé sous le nom de Capoten®. Par la suite, de nombreux dérivés de cette molécule ont été synthétisé et commercialisés, tel que la Zofenopril et l’Enalapril (Enaladex® et Vasotec®, respectivement). La Clemastine ou Meclastine est, quant à elle, un antihistaminique et un anticholinergique utilisé pour traiter différents symptômes liés à des crises allergiques (rhinite, prurit). La Sulpiride (Egonil®, Dogmatil® ou Syndenil®) est un puissant neuroleptique utilisé dans le cas de problèmes neuropsychiatriques. La Vildagliptine (Galvus®) est utilisé pour traiter le diabète du fait de sa capacité à inhiber la gliptine et ainsi à augmenter la sécrétion d’insuline. Leurs applications s’étendent aussi à d’autres domaines avec, par exemple, la Darifenacin, qui est commercialisée par Novartis sous le nom Emselex® (ou Enablex®), et est utilisée pour traiter des problèmes urinaires lié à des contractions inopportunes de la vessie. De plus, la Jonctum® est employée dans le cadre du traitement de problèmes mineurs de la peau tels que des brûlures légères .
Molécules pyrrolidinique en phase clinique
Les pyrrolidines chirales énantiopures sont toujours d’actualité. Certaines molécules renfermant ce noyau sont présentes en phase clinique pour le traitement de maladies importantes. C’est notamment le cas des deux composés présents au (Schéma 1.4), qui sont testés par les compagnies Novartis et GlaxoSmithKline pour le traitement du diabète type II. Ces deux composés sont en fait des inhibiteurs de haute affinité pour l’enzyme DPP IV (dipeptidylpeptidase IV) une enzyme impliquée dans la régulation de l’insuline . Schéma 1.4.Composés testés en phase clinique pour le traitement du diabète type II De plus, la compagnie Hoffman Laroche effectue présentement des tests cliniques sur une toute nouvelle molécule qui pourrait bien devenir la seule alternative de traitement pour les personnes atteintes du glioblastome, une forme quasi incurable de cancer du cerveau (Schéma 1.5). Schéma 1.5. Composé testé en phase clinique pour le traitement du glioblastome Les compagnies pharmaceutiques et les centres de recherches en chimie médicinales créent ainsi une forte demande pour la synthèse d’intermédiaires renfermant un noyau pyrrolidine chiral sous forme d’un seul énantiomère.
Utilisation comme catalyseurs
Les noyaux pyrrolidiniques sont des structures importantesen synthèse organique et sont présentés dans les structures de ligands polyvalents et organocatalysts. En effet, la Lproline s’est révélée être un catalyseur viable pour plusieurs synthèses asymétriques (Schéma 1.6) [10].La différence primordiale entre la proline et les autres acides aminés provient de son noyau pyrrolidine. C’est son amine secondaire, plus basique que les aminés des autres acides aminés, qui est à l’origine de cette différence. Elle favorise la formation d’énamines et d’imines plus que les autres acides aminés[11]. Dans certaines réactions, le naturel des catalyseurs tels que la L-proline n’ont pas démontré une bonne énantiosélectivitéet ont travaillé normalement seulement pour des substrats limités [12]. En conséquence, des efforts considérables ont été déployés pour le développement d’un nouveau typed’organocatalyseurs asymétriques. La pyrrolidine chirale est maintenant considérée comme l’un des meilleurs organocatalyseurs asymétriques de ce type qui a été largement utilisé en synthèse asymétrique (Schéma 1.7) [11]. Schéma 1.6. Synthèse asymétrique catalysée par la L-proline Schéma 1.7. Synthèse asymétrique catalysée par un dérivé pyrolidinique
Synthèse de pyrrolidines
Les pyrrolidines substituées peuvent être synthétisées de deux façons générales, soit par construction du cycle pyrrolidine ou par modification d’un substituant de la pyrrolidine déjà formé. Dans la première méthode, la plupart des formations de cycle conduisent à des produits racémiques, comme la photocyclisation de N-chloroamines et l’amination réductive [13]. D’autres méthodes conduisent à la formation de pyrrolidines chirales ; c’est le cas de l’addition 1,3-dipolaire d’ylures d’azométhines sur différents composés dipolarophiles, une bonne méthode de préparation pour une grande variété d’hétérocycles comme la pyrrolidine [14](Schéma 1.8). Schéma 1.8. Synthèse de pyrrolidine par réaction de CA32 entre un ylure d’azométhine et des oléfines 1.6.Etat d’artsur l’étude théorique de la pyrrolidine Yoshiki et ses collaborateurs [15] ont étudié la réaction de CA32 entre le btrifluorométhyl acrylamide et les ylures d’azométhines générées à partir de L-proline et de plusieurs aldéhydes. Ces réactionsont fourni les pyrrolizidines trifluorométhylées correspondantes avec une excellente diastéréosélectivité (> 20/1) dans tous les cas et une régiosélectivité modérée (jusqu’à 1 / 5.9). Un calcul DFT a également été examiné pour révéler l’origine de ces stéréosélectivités(Schéma 1.9). Schéma 1.9.Réaction de CA32 entre le b-trifluorométhyl acrylamide et les ylures d’azométhines Récemment, notre groupe [16] a étudié théoriquement la réaction de 32CA entre l’YA et le β-nitrostyrène (NS) au niveau de calcul ωB97XD/6-31G (d) (Schéma 1.10). Fait intéressant, cette réaction se procède par un mécanisme polaire dans lequel la formation d’une liaison hydrogène entre un nitro oxygène du NS et l’hydrogène N-H de l’YA est responsable de la sélectivité méta/endo conduisant à la formation de spiro [pyrrolidin-2,3′] oxindole comme le cycloadduct majoritaire, en accord avec les données expérimentales. Schéma1.10.Réaction de CA32 entre le 3-(benzylideneamino) oxindole et le NS Très récemment, Hamzehloueianet al[17]ont étudié théoriquement la réaction de CA32 de l’YA généré in situ à partir de dérivés de l’isatine et de la sarcosine avec le benzoimidazole-2-yl-3-phenylacrilonitrile (Schéma 1.11). Les auteurs ont utilisé le principe HSAB, l’analyse du PES et ELF et les indices de Parr pour l’interprétation de la régiosélectivité et la prédiction du mécanisme, dans lequel ils ont trouvé que cette réaction se procède par un mécanisme en une seule étape et en deux paliers. Schéma 1.11. Réaction de CA32 entre l’YA et le benzoimidazole-2-yl-3-phenylacrilonitrile
Les pyrazolidines
Aspect chimique
La pyrazolidine est un hétérocycle à cinq chainons, contenant deux atomes d’azote et trois atomes de carbone (Schéma1.12). A cause de la présence des hétéroatomes d’azote, cet hétérocycle a également les propriétés d’une base. On retrouve ce noyau dans plusieurs composés biologiquement actifs, en raison de leur capacité de former des liaisons hydrogène fortes par un ou les deux atomes d’azote. Schéma 1.12. Structure de la pyrazolidine simple Ces hétérocycles se caractérisent par la liaison N−N non extraite à partir des produits naturels, par conséquent, les médicaments et les produits pharmaceutiques à base de cet hétérocycle sont des produits synthétiques .
Pyrazolidinesà visées thérapeutiques
Lastructure du motif pyrazolidine se trouve dans plusieurs composés biologiquement actifs [19]. En effet, des molécules synthétisées ont montré un effet anti-inflammatoire, antidépresseur, activités anticancéreuses, antibactériennes et antivirales (Schéma 1.13). Parmi les dérivés de la pyrazolidine, la 3-Pyrazolidinone [20] est la plus populaire, elle se trouve dans la structure de plusieurs composés biologiquement actifs (Schéma 1.14).
Partie I: Etude bibliographique |