1948 l’année décisive l’occupation des territoires de Jérusalem-est et de la Cisjordanie en temps de guerre
Le lendemain de la proclamation de l’État d’Israël le 14 mai 1948, le conflit en Palestine devient régional. L’entrée des armées arabes dans la guerre contre Israël est la conséquence logique du mouvement de solidarité des pays du Moyen-Orient instauré politiquement par la Ligue arabe. C’est là son premier challenge militaire ainsi que le moment de tester sa solidité. Mais c’est également le moment pour les alliés secrets de mettre en pratique leur projet commun.
Apparaissent alors les complications réelles du double jeu entretenu par le roi transjordanien. En effet, en ce temps de guerre, la diplomatie secrète d’Abdallah s’avère difficile à gérer dans le cadre d’une intervention commune des pays arabes ; et son pragmatisme est miné par des facteurs émotionnels. Ainsi, la Ville sainte de Jérusalem concentrant l’attention de tous, les combats qui s’y déroulent mettent une pression considérable sur le Roi Abdallah qui, détenant l’armée arabe la plus puissante, est poussé à la libérer des mains israéliennes. Son entente avec les autorités sionistes est alors mise à mal. Cela dit, à la fin de l’année 1948, le Roi Abdallah est victorieux puisqu’il arrive à occuper la Cisjordanie et l’est de Jérusalem. Il scelle l’aboutissement de ses ambitions sur les territoires arabes de Palestine par le congrès de Jéricho, ce qui est reçu de manière contrastée dans les États arabes, et en particulier dans le milieu libanais francophone.
L’intervention en Palestine : les doutes des Arabes au profit du Roi Abdallah
Entre décembre 1947 et mars 1948, les Israéliens, agissant au sein du Stern, de l’Irgoun et de la Haganah, cherchent à sécuriser la zone qui leur est attribuée par le plan de partage. Cela passe par l’expulsion des populations arabes qui sont, elles, encadrées par les partisans de Hajj Amin al-Husseini, et aidées par l’armée de libération arabe à partir de janvier 1948. qui étaient simples soupçons et rumeurs se transforment en une réelle menace, et les États arabes se méfient considérablement des projets du Roi Abdallah dans la guerre. Ainsi, les chefs d’État arabes décident de former une armée de volontaires : l’Armée de libération arabe, dirigée par Fawzi al-Qawuqji, au lieu d’engager les armées régulières des États arabes. En effet, s’il était choisi d’investir les armées nationales, la Légion arabe aurait eu une place de premier plan. C’est ce que les chefs d’État arabes veulent éviter, en particulier le Gouvernement de toute la Palestine de Hajj Amin al-Husseini (créé le 12 janvier 1948) et celui de Choukri al-Kouatly. La Transjordanie accepte ce plan, et fournit du matériel et des hommes à l’armée de volontaires.
La découverte historiographique du « feu vert » britannique
Ces suspicions sont fondées, puisqu’ont effectivement lieu des négociations israélo- transjordanienne sur le partage de la Palestine qui impliquent l’incorporation de sa partie arabe au royaume d’Abdallah. D’autant plus qu’en février 1948, la Transjordanie obtient le « feu vert » de la Grande-Bretagne pour l’annexion transjordanienne de ces territoires. La publication des Mémoires de Glubb Pacha en 1958 révèle que le 7 février 1948, Tawfic Abu al-Huda, le Premier ministre de Transjordanie, rencontre en secret Ernest Bevin, le ministre des Affaires étrangères britanniques, à Londres.
Cela se passe dans le cadre des négociations anglo- transjordaniennes pour la révision du traité d’alliance. Glubb accompagne Abu al-Huda en tant qu’interprète, et c’est lui qui fournit l’unique document rapportant cet échange. En voilà les « Taufic Pacha exposa la raison de sa demande d’audience, tandis que je traduisais, phrase par phrase. Le mandat britannique sur la Palestine, dit-il, est sur le point de prendre fin. Les Juifs ont préparé un gouvernement qui sera prêt à prendre le pouvoir dès que le mandat aura expiré, le 15 mai. Mais les Arabes de Palestine n’ont fait aucun préparatif pour se gouverner eux-mêmes. Ils n’ont, dans le pays, pas de chefs capables d’organiser une administration. »
Bien que l’ouvrage de Glubb Pacha puisse être considéré comme une source fiable, il en reste qu’elle la seule à évoquer concrètement cet épisode de février 1948. Cet évènement est longtemps resté secret et les archives britanniques post 1978 ne le mentionnent pas. Cela peut s’expliquer par l’extrême embarras dans lequel la Grande-Bretagne se serait confinée à ce moment-là si cela avait été révélé.
En effet, la Grande-Bretagne est à l’ONU l’un des pays qui soutiennent le plus ardemment la solution du partage entre deux États, et donc implicitement la création d’un État palestinien. Mais à l’échelle locale, elle doit assurer ses intérêts : confier cette partie de la Palestine à son meilleur allié arabe est la solution la plus arrangeante. Si son approbation est révélée, elle serait décrédibilisée sur la scène internationale et perdrait facilement sa mainmise déjà réduite sur le Moyen-Orient.
Dans ce document, le brigadier Clayton affirme qu’au cours de sa dernière entrevue avec le Premier ministre transjordanien, il a remarqué que ce dernier avait un point de vue totalement différent des autres chefs d’État arabes. Il lui a émis certaines suggestions qui, si elles étaient mises en place, faciliteraient la mise en place du plan de partage des Nations Unies ; et les aideraient à garder leurs bases stratégiques en Transjordanie et en Palestine. Quand les forces britanniques évacueraient la Palestine, conformément à la décision des Nations Unies, la Légion arabe ferait de même. Elles cesseraient d’être actives mais resteraient dans le pays. Ensuite, le gouvernement transjordanien déciderait d’envahir la Palestine avec le prétexte de la libérer des sionistes. La seconde étape consisterait en « l’annexion à la Transjordanie.