«tout tuyau» aux techniques alternatives une affaire de spécialistes
De tout temps, l’homme à canalisé les eaux, évitant certains points et déterminant leur exutoire dans le milieu naturel. Cette anthropisation s’est poursuivie et complexifiée ne serait-ce que par l’imperméabilisation croissante des villes. La gestion des eaux pluviales est donc indispensable dans le bon fonctionnement de la ville. Historiquement, les eaux pluviales font l’objet d’un système de régulation depuis l’installation des hommes en villages, notamment pour éviter toute stagnation synonyme de maladies liées à ces milieux humides. Rapidement un réseau de canalisations enterrées prend le relais pour optimiser ces transferts vers un exutoire naturel, souvent un cours d’eau. Avec l’arrivée de l’eau courante dans les habitations, les eaux usées dont elles sont la suite sont alors collectées dans ces mêmes canalisations. Progressivement durant le XXème siècle, les eaux usées sont collectées séparément pour être épurées en station d’épuration avant rejet au milieu naturel. La gestion de ce système se complexifiant, la profession se spécialise et l’optimisation des techniques est confiée à des spécialistes de l’hydraulique urbaine.
Depuis les années 1970, trois phénomènes vont conduire la profession à s’interroger sur cette gestion des eaux dans un système « tout tuyau » : l’imperméabilisation des sols liée à l’urbanisation croissante augmente les volumes mis en jeu et provoque des inondations de quartiers pouvant aboutir à des victimes humaines. Par ailleurs, l’importance de la voiture dans nos modes de vie conduit à construire voiries et parkings imperméables, collectant vers le réseau de voiries les sous-produits de la voiture : métaux lourds et hydrocarbures variés. Dans le même temps, l’écologie, la prise de conscience mondiale de la finitude de la planète Terre, et la nécessité de la protéger, met en lumière la dégradation des milieux récepteurs par les eaux pluviales.
La nécessaire alternative au « tout tuyau »
La gestion des eaux pluviale s’opère avec une série d’ouvrages permettant de réguler les eaux météoriques depuis leur point de chute, jusqu’au point bas du bassin versant, exutoire naturel de ces eaux. Par définition, un système de gestion des eaux pluviales a trait au devenir des eaux de pluie une fois qu’elles ont touché le sol. Elles s’y infiltrent naturellement en fonction de sa perméabilité. Le surplus s’écoule selon les plus fortes pentes jusqu’au point bas, dessinant ainsi un bassin versant. Pour éviter son accumulation, une série de caniveaux, de tuyaux, la canalisent vers un point bas choisi. La pluie est un phénomène naturel, phase essentielle du grand cycle de l’eau, par lequel l’eau contenue dans l’atmosphère se condense en gouttes d’eau qui rejoignent le sol par gravité. La pluie est mesurée en millimètres d’eau par unité de surface (m²) et par unité de temps (heure, jour ou année le plus usuellement).
utilisent la notion de « temps de retour ». Une pluie décennale correspond à un évènement qui a lieu statistiquement une fois tous les 10 ans, sur la base de chroniques de relevés les plus complètes possible. Mais cette définition ne rend pas assez compte du caractère statistique du phénomène : deux pluies décennales peuvent être observées la même année sans que cela ne choque les spécialistes. En revanche, les habitants impactés par les inondations provoquées par ces pluies n’apprécient que modérément les subtilités des statistiques. On peut alors préférer une autre approche, qui précise qu’une pluie décennale a une chance sur 10 de se produire une année donnée. En matière de gestion des eaux pluviales, la notion de temps de retour est primordiale car elle fixe le dimensionnement des ouvrages. Pour avoir un ordre de grandeur, la figure 5 dresse la carte de l’intensité (en mm d’eau par jour) des pluies cinquantennales. Selon les régions, cette donnée est très variable, s’échelonnant de 100 mm/jour dans le bassin parisien à 400 mm/jour sur les contreforts des Cévennes4. Ces chiffres sont à comparer aux pluviosités annuelles : en zone méditerranéenne, la pluie cinquantennale représente près de la moitié de la moyenne annuelle. Autre illustration, lors des inondations catastrophiques que la ville de Nîmes a subies en 1988, il a été mesuré en certains points jusqu’à 700 mm en 24 heures. Il a plu ce jour-là en 1 jour, ce qu’il pleut en 1 an !
Les hommes ont toujours cherché à canaliser les forces hydriques, par la création d’ouvrages dimensionnés à partir de la connaissance des volumes d’eaux mis en jeu et du coefficient de ruissellement. Dans un premier temps, le diamètre des tuyaux étaient définis de manière empirique. A Paris, les travaux entrepris par Belgrand imposaient que ces réseaux soient visitables, soit d’une hauteur minimale de 1,20 mètre (Chouli 2006). Une avancée notable intervint en 1949 avec la promulgation de la directive CG 1333 dite « Caquot » (du nom de son auteur) qui calculait les volumes d’eau en fonction du temps de retour de la pluie (pluies décennales, trentennale, cinquantennale et centennale), et du coefficient de ruissellement. Cependant, en l’absence de chroniques suffisamment longues, les calculs statistiques donnant les temps de retour n’ont pu être déterminés qu’à partir des données de la station météorologique de Paris-Montsouris. Ainsi, jusqu’en 1977, date de parution d’une nouvelle directive, tous les réseaux pluviaux français ont été dimensionnés sur la pluie décennale parisienne (Desbordes 2009) ! Il est par ailleurs intéressant de noter que cette circulaire « impose » aussi la pluie décennale comme référence pour le dimensionnement des réseaux. Il s’agit là d’un seuil, déterminé empiriquement par les hydrologues et qui régente la sécurité des habitants vis-à-vis des débordements, sans que le maire, responsable de la sécurité de ses habitants, n’y soit associé.