«Peyotl » la plante « qui fait les yeux émerveillés »
Le petit cactus mexicain nommé Peyotl fut pendant longtemps employé en tant que plante sacrée par les Aztèques, qui le consommaient pour ses propriétés merveilleuses lors de cérémonies lui étant entièrement dédiées. Qualifié de « prototype des hallucinogènes américains » (88), c’est aussi l’une des plantes hallucinogènes les plus étudiées par le monde scientifique, et la mescaline, son principal composant actif, est l’une des premières drogues psychédéliques découvertes par les Européens. Mais ce cactus reste avant tout un acteur majeur de la religion des peuples autochtones du continent américain, véritable objet de culte élevé au rang de quasi-divinité.
Le genre Lophophora ne présente actuellement que deux espèces : Lophophora williamsii et Lophophora diffusa (Croizat) Bravo 1967. Ces deux espèces se différencient par leur morphologie, leur aire de répartition ainsi que par leur composition chimique (90). Au Mexique, L. diffusa est appelé « le peyotl de Querétaro » nom qu’il tire de son lieu d’origine, et est aussi utilisé à des fins magico- religieuses. Il est question de leur ajouter trois autres taxons, Lophophora viridescens, L. fricii, L. jourdaniana (91). A l’origine, il fut nommé Peyote zacatecensis (1615) par le botaniste espagnol et médecin du roi Philippe II, Francisco Hernández lors de la conquête des Amériques par les Espagnols. Puis Antoine Charles Lemaire (1800-1871), un botaniste français spécialiste des cactacées, l’appela Echinocactus williamsii (1845) en l’honneur d’un collectionneur anglais, sans toutefois décrire ce taxon. Mais la classification des Cactaceae fut révisée peu de temps après, et le genre Echinocactus fut clivé. En 1852, Engelmann plaça alors le Peyotl dans le genre Anhalonium. Le botaniste allemand Paul Christoph Hennings (1841- 1908) fut chargé plus tard par Louis Lewin d’étudier des boutons à mescal américains séchés, que l’on avait reconstitué avec de l’eau. Pensant avoir en main des spécimens différents de l’espèce type, il le nomma Anhalonium lewinii (1887) en l’honneur de Louis Lewin qui étudia en détail les propriétés C’est finalement le taxonomiste américain John Merle Coulter (1851-1928) qui le plaça dans le genre Lophophora en 1894, après l’avoir lui-même placé dans le genre Mammillaria quelques années auparavant. Ce terme, qui signifie « porteur de touffe » en grec, fait référence à la morphologie particulière des cactus qui composent ce genre. Coulter nomma ainsi le peyotl Lophophora williamsii. Enfin en 1969, E.F. Anderson clarifia définitivement la situation du petit cactus mexicain en établissant après de sérieuses études in situ et en laboratoire qu’il n’existait que deux espèces dans le genre Lophophora, à savoir L. williamsii et L. diffusa, les autres taxons n’étant en réalité que des synonymes.
Noms vernaculaires
Le mot « Peyotl » vient à l’origine de la langue Nahuatl des Aztèques, mais on ne connait pas véritablement sa racine étymologique. En effet, il existe à ce sujet trois théories (89,91,92) : On connait une multitude d’autres orthographes et de phonétiques différentes pour ce terme : peyote (surtout utilisé par les anglo-saxons), peiotl, peotl, pellote, peyotle, pezote, piotl … Il comprend également une tête juteuse et charnue appelée couronne qui est en fait la tige globulaire chlorophyllienne épigée (c’est-à-dire au-dessus du sol). C’est d’ailleurs cette couronne qui est consommée, crue ou séchée. Elle est généralement de couleur bleu-vert, pouvant varier du vert glauque au gris bleuté. Son aspect cendré résulte de la présence de pruine (couche cireuse légèrement poudreuse) sur son épiderme. Son apex forme une dépression souvent garnie d’une abondante touffe laineuse, où apparaissent les fleurs (90).
La tige présente typiquement une structure radiale de 5 à 15 côtes arrondies, délimitées par des sillons assez marqués, pouvant prendre différentes formes (droite ou sinueuse). Elles sont découpées horizontalement par des travées plus ou moins prononcées qui délimitent des protubérances appelées podarias. Chaque podarium présente en son centre une aréole circulaire duveteuse, qui produit des soies et des trichomes blancs et soyeux de 10 à 13 cm de long. Ces poils sont persistants, mais il est facile de les enlever, comme le font les amérindiens lors de la consommation de la couronne (91).
D’ailleurs, chez les amérindiens, il existe différents surnoms suivant la structure graphique du cactus : un gros cactus avec ses nombreuses protubérances latérales est appelé « Grand-père ». Pour les Huichols, lorsqu’il ressemble à une fleur de l’espèce Solandra, on le nomme kieri, et lorsqu’il ressemble à un maïs, il est appelé zea mays. Ces deux formes sont d’ailleurs très employées par les chamanes. Enfin, pour les indiens appartenant à la Native American Church, un peyote qui possède 12 à 14 côtes est appelé « Chef »
Appareil reproducteur et fécondation
De par son aspect particulier, il n’est pas rare de confondre le Peyotl avec son environnement naturel rocailleux (94). En effet, le cactus sacré affectionne les endroits secs et caillouteux des régions désertiques s’étalant du sud des Etats-Unis (région du Texas) jusqu’au centre du Mexique (89). La zone mexicaine du cactus comprend les états de Chihuahua, Coahuila, Nuevo León, Tamaulipas, Durango, Zacatecas et San Luis Potosí. Elle correspond à peu près au Haut Plateau Mexicain (bassin désertique) enclavé à l’Est et à l’Ouest par les chaînes montagneuses de la Sierra Madre Occidentale et la Sierra Madre Orientale (91). Les deux zones les plus représentatives de son habitat naturel sont le désert du Chihuahua et les plaines du Rio Grande. Le Peyote s’adapte à des conditions climatiques variées, ce qui explique sa grande aire de répartition et la variabilité de ses biotopes.
En général, il pousse sur sols poreux calcaires, sableux ou argileux riches en minéraux. Il se développe volontiers sous les arbrisseaux xérophytes qui lui fournissent un peu d’ombre et un microclimat favorable, comme les arbres mesquite (prosopis glandulosa), ou sous n’importe quelle touffe dense d’épineux. Sa principale source hydrique réside dans l’humidité atmosphérique, les précipitations étant plutôt rares et inconstantes dans ces régions (89,91,94). Plutôt solitaire au début de sa vie, le cactus hallucinogène peut former des groupements de plusieurs individus avec l’âge, en fonction de son génotype et des conditions environnementales (91). Il peut également devenir fortement cespiteux (c’est-à-dire croître en touffes compactes) après la récolte de sa couronne.