Etude de l’activité larvicide des extraits de trois plantes
Présentation des huiles essentielles
Le terme « Huiles essentielles » est un terme générique qui désigne les composants liquides et hautement volatiles des plantes, marqués par une forte et caractéristique odeur. Les terpènes (principalement les monoterpènes) représentent la majeure partie (environ 90%) de ces composants. Les huiles essentielles sont par définition des métabolites secondaires produits par les plantes comme moyen de défense contre les ravageurs phytophages. Ces extraits contiennent en moyenne 20 à 60 composés qui sont pour la plupart des molécules peu complexes (monoterpènes, sesquiterpènes,…). Il est admis que l’effet de ces composés purs Figure 13. Ocimum basilicum (Photo personnelle). Matériel et méthodes 15 peut être différent de celui obtenu par des extraits de plantes. Les huiles essentielles contiennent un nombre considérable de familles biochimiques (chémotypes) incluant les alcools, les phénols, les esters, les oxydes, les coumarines, les sesquiterpènes, les terpénols, les cétones, les aldéhydes, etc. Les propriétés insecticides sont essentiellement dues à la fraction d’huiles essentielles contenues dans la plante. Les huiles essentielles sont des substances odorantes obtenues à partir de plantes, par entraînement à la vapeur d’eau, par hydrodistillation ou par expression (De Billerbeck et al., 2002). Les HEs représentent une piste d’avenir et les recherches sur les extraits d’huiles sont nombreuses. Toutefois, la grande majorité de ces études portaient sur les moustiques, que ce soit sur l’effet répulsif de ces huiles ou sur leur effet larvicide (Ntonifor et al., 2006). Les plantes aromatiques sont parmi les insecticides les plus efficaces et les huiles essentielles constituent souvent la fraction bioactive des extraits de plantes (Shaaya et al., 1997). On peut considérer les huiles essentielles comme des bioinsecticides, agissant soit : Sur le système nerveux, ce qui provoque notamment la paralysie. Sur la respiration cellulaire : la cellule devient alors incapable d’absorber l’oxygène que lui fournit le système respiratoire. Sur le développement de l’insecte en bloquant sa mue, qui est une étape indispensable à sa croissance. Sur la formation de sa peau protectrice, la cuticule, ce qui le rend sensible aux diverses agressions du milieu. 2.8. Composition chimique des huiles essentielles La composition chimique de nombreuses huiles essentielles ont été décrites. Elles varient en fonction de différents facteurs, incluant le stade de développement des plantes, les organes prélevés, la période et la zone géographique de récolte (Delaquis et al., 2002 ; Gonny et al., 2004 ; Burt, 2004 ; Boti et al., 2006, Oussou et al., 2008). L’étude de la composition chimique est généralement effectuée par chromatographie en phase gazeuse (CPG) et par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (CPG-SM) (Salzer, 1977). Les huiles essentielles sont constituées principalement de deux groupes de composés odorants distincts selon la voie métabolique empruntée ou utilisée. Il s’agit des terpènes (mono et sesquiterpènes), prépondérants dans la plupart des essences, et des composés aromatiques dérivés du phénylpropane (El Haib, 2011). Matériel et méthodes 16 2.8.1. Monoterpènes Les monoterpènes sont les plus simples constituants des terpènes dont la majorité est rencontrée dans les huiles essentielles (90%). Ils comportent deux unités isoprène (C5H8), selon le mode de couplage « tête-queue ». Ils peuvent être acycliques, monocycliques ou bicycliques. A ces terpènes se rattachent un certain nombre de produits naturels à fonctions chimiques spéciales (El Haib, 2011).
Sesquiterpènes
Les sesquiterpènes sont des dérivés d’hydrocarbures en C15H22 (assemblage de trois unités isoprènes). Il s’agit de la classe la plus diversifiée des terpènes qui se divisent en plusieurs catégories structurelles, acycliques, monocycliques, bicycliques, tricycliques, polycycliques. Ils se trouvent sous forme d’hydrocarbures ou d’hydrocarbures oxygénés comme les alcools, les cétones, les aldéhydes, les acides et les lactones dans la nature (El Haib, 2011). 2.8.3. Composés aromatiques Une autre classe de composés volatils fréquemment rencontrée est celle des composés aromatiques dérivés du phénylpropane. Cette classe comporte des composés odorants bien connus comme la vanilline, l’eugénol, l’anéthole, l’estragole et bien d’autres. Ils sont davantage fréquents dans les huiles essentielles d’Apiaceae (persil, anis, fenouil, etc.) et sont caractéristiques de celles du clou de girofle, de la vanille, de la cannelle, du basilic, de l’estragon, etc (Bruneton, 1993). 2.9. Extraction et rendement des HEs par hydrodistillation L’hydrodistillation reste la technique d’extraction la plus utilisée et la plus rapide pour l’obtention des meilleurs rendements, sans altération des huiles essentielles fragiles. Son principe correspond à une distillation hétérogène qui met en jeu l’application de deux lois physiques (loi de Dalton et loi de Raoult) (El haib, 2011 ; El kalamouni, 2010). L’extraction a été faite au niveau du laboratoire de Biologie Animale à l’université de Tébessa par un hydrodistillateur de type clevenger. La collecte des plantes a été faite au mois de Février des années : 2013, 2014 et 2015 dans la région de Tébessa. Après séchage du matériel végétal à l’air libre et à l’ombre, 50g de la matière sèche de la partie aérienne des plantes avec 500 ml d’eau distillée sont introduit dans un ballon d’une capacité d’un litre, à fond rond et à 3 cols ou fioles, surmonté d’une colonne de 60 cm de longueur. Le tout sera mis sur une chauffe ballon à une température voisine de 100°C et raccordé avec le reste de l’appareil d’extraction (Fig. 14). Le mélange est porté à ébullition pendant 3 heures, pendant ce temps, la vapeur se dirige vers le col du cygne puis dans le réfrigèreant où elle se condense rapidement et tombe, dans l’ampoule de décantation, Matériel et méthodes 17 sous forme d’huile. Les huiles essentielles recueillies ont été filtrées en présence de sulfate de sodium (Na2SO4) pour éliminer les traces d’eau résiduelle. Elles sont ensuite récupérées et stockées à 4°C et à l’obscurité dans un flacon en verre, hermétiquement fermé et couvert du papier aluminium pour les préserver de l’air et de la lumière. La quantité d’huile obtenue est pesée pour le calcul du rendement (Mawussi, 2008 ; Tchoumbougnang et al., 2009).
Analyse des HEs par CPG-SM
L’analyse chimique des HEs a été réalisée par la chromatographie en phase gazeuse (CPG) et la chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (CPG-SM). Cette technique a été faite au centre de recherche scientifique et technique en analyses physicochimique (CRAPC) à Bou Smail (Tipaza, Algérie). L’analyse chromatographique en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (CPG/SM) est faite sur un chromatographe de type Hewlett Packard 6800 plus, couplé à un spectromètre de masse de type Hewlett Packard 5973 à impact d’électrons opérant en mode EI 70 eV. La colonne capillaire utilisée est de type VB-5 (30 m x 0,25 mm ; épaisseur du film R = PB / PA × 100 ou R = [ΣPB / ΣPA] × 100 Figure 14. Montage de l’hydrodistillateur de type Clevenger (Dris, 2014). Tébessa). Entrée de l’eau Réfrigérant Sortie de l’eau Ampoule à décanter Ballon à fond Chauffe ballon Eau aromatique Huile essentielle Matériel et méthodes 18 0,25 μm). Le gaz vecteur qui constitue la phase mobile est l’Hélium, réglé à un débit de 1 ml/min. La température de l’injecteur est de 250ºC, et l’injection se fait en mode Split. Initialement, la température du four est maintenue à 60ºC en isotherme pendant 8 min, puis son augmentation se fait graduellement à raison de 2ºC par min jusqu’à 250ºC. Pour le spectromètre de masse, la température de détection est de 250ºC. La fragmentation est effectuée par impact électronique sous un champ de 70eV, et une pression de 6,75Psi. Le volume injecté est de 0,2μl. L’appareil est relié à un système informatique gérant une bibliothèque de spectres de masse. Les constituants de chaque huile essentielle sont identifiés par comparaison de leurs spectres de masses avec ceux des produits de référence de bases de données Willey (Mclafferty et stauffer, 1994), NIST (NIST, 1999) aussi bien que par leurs indices de rétention calculés à l’aide d’alcanes C5-C18 comparés aux indices des produits de référence et des données de la littérature (Kondjoyan & Berdagué, 1996 ; Adams, 2001).
Traitement et bioessais
Les HEs dissoutes dans l’éthanol sont appliquées (1ml) sur des larves du quatrième stade nouvellement exuviées de C. longiareolata et de C. pipiens. Après un screening préalable, les HEs des 3 plantes ont été testées à différentes concentrations (Tableau 1). Trois répétitions comportant chacune 25 larves, ont été réalisées pour chaque concentration. Une série témoin négatif (les individus ne subissent aucun traitement) et une série témoin positif (les larves reçoivent 1ml d’éthanol) sont conduites en parallèle. Le traitement a été appliqué dans des pots contenant chacun 150 ml d’eau déchlorurée et de la nourriture pendant 24 heures, selon les recommandations de l’organisation mondiale de la santé (OMS, 1963). Après cette période, les larves sont rincées puis placées dans de nouveaux récipients contenants de l’eau propre et de la nourriture. Les mortalités ont été enregistrées après 24 heures d’exposition aux HEs puis corrigées selon la formule d’Abbott (1925), afin d’éliminer la mortalité naturelle. Les pourcentages de mortalités corrigées subissent une transformation angulaire selon les tables de Bliss (1938) in Fisher & Yates (1957). Les données ainsi normalisées font l’objet d’une analyse de la variance à un critère de classification et un classement des doses par le test HSD de Tukey. Enfin, la régression non linéaire exprimant le pourcentage de la mortalité corrigée en fonction du logarithme de la dose a permis d’estimer les concentrations létales (CL50 et CL90) ainsi que leurs intervalles de confiance.
I. INTRODUCTION |