L’IMPACT DE L’ESSOR LEGISLATIF SUR LA PROCEDURE RELATIVE AU MANDAT D’ARRET EUROPEEN
L’Union se veut plus rassurante et prend conscience des limites de la décision-cadre 2002/584 instaurant le mandat d’arrêt européen. Pour permettre une coopération effective et une réduction du contentieux relatif à l’exécution du mandat d’arrêt européen, il convient d’édicter des normes toujours plus détaillées afin de limiter les risques d’interprétation divergente entre États membres dues, notamment, à des traditions juridiques différentes. Cet essor législatif sur les procédures pénales et plus particulièrement sur la mise en œuvre du mandat d’arrêt européen a donc vocation à apporter un cadre plus circonstancié. Cette évolution législative doit favoriser une certaine harmonisation de la mise en œuvre du mandat d’arrêt européen tout en gardant à l’esprit qu’il faut « ordonner le multiple sans le réduire à l’identique »949. L’harmonisation législative se trouve à mi-chemin entre le rapprochement et l’unification, étant précisé que l’unification n’est qu’un vœu pieux.
Dans cette optique, le recours à la directive est alors déterminant. Si elle suscite quelques interrogations quant à sa transformation doute, au regard du contentieux étudié, qu’elle se révèle être un véritable instrument d’harmonisation. Cela tient à la nature même d’une directive. L’article 288 TFUE prévoit que « la directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ». Elle est un instrument législatif comportant uniquement une obligation de résultat incombant aux États qui gardent alors, en théorie, une certaine autonomie quant à la mise en œuvre du dispositif. Il leur appartiendra ensuite de la transposer dans leurs ordres juridiques internes dans le délai qu’elle prévoit afin de leur conférer effet direct et force en loi pénale950, il ne fait pas decontraignante. Logiquement, moins la directive sera précise et détaillée, plus la marge d’interprétation laissée aux États lors de la transposition sera grande et plus le risque de divergences d’application sera accru. Ce qui, in fine, portera atteinte à l’effectivité de la mesure véhiculée par la directive et plus largement du droit de l’Union européenne. S’agissant des procédures pénales, la multiplication des directives et les références mutuelles que l’on y retrouve ou leurs contenus toujours plus complets, réduisent considérablement la marge d’autonomie des États.
Elle sert également au principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice conformément à l’article 82 TFUE. Ainsi, l’Union peut adopter des mesures visant à faciliter la mise en œuvre de ce principe et de garantir une coopération judiciaire. Ces mesures doivent « a) établir des règles et des procédures pour assurer la reconnaissance dans l’ensemble de l’Union, de toutes les formes de jugements et de décisions judiciaires ; b) à prévenir et à résoudre les conflits de compétence entre les États membres ; c) à soutenir la formation des magistrats et des personnels de justice ; d) à faciliter la coopération entre les autorités judiciaires ou équivalentes des États membres dans le cadre des poursuites pénales et de l’exécution des décisions »951. L’article 82 TFUE s’inscrit clairement dans une logique d’harmonisation législative en matière de procédure pénale et c’est dans cette dynamique que s’analyse le contentieux du mandat d’arrêt européen. Le Parlement et le Conseil peuvent établir des règles minimales pl’unanimité, après approbation du Parlement européen »952. Ainsi il semble clair que plus la norme sera précise, plus la marge d’interprétation laissée aux États s’amenuisera et servira l’harmonisation pénale européenne. La décision-cadre 2002/584 en est le témoin, car elle manquait de netteté au point de contraindre les États à solliciter à de multiples reprises la Cour de renvoi en interprétation. Les réponses apportées par la Cour encourageront le législateur à statuer sur les aspects lacunaires de la directive pour renforcer l’arsenal procédural pénal de l’Union. Cet essor législatif emportera alors deux conséquences. Il permettra de renforcer la décision-cadre instituant le mandat au moyen ortant sur « a) l’admissibilité mutuelle des preuves entre les États membres ; b) les droits des personnes dans la procédure pénale ; c) les droits des victimes de la criminalité ; d) d’autres éléments spécifiques de la procédure pénale, que le Conseil aura identifiés préalablement par une décision ; pour l’adoption de cette décision, le Conseil statue àde directives successives sans parvenir à pallier totalement les lacunes du texte initial ce qui conduira les États à soulever de nouvelles questions à la Cour faisant ainsi évoluer le contentieux et le droit de l’Union en faveur du développement de la coopération pénale européenne et de la protection des droits fondamentaux au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice.
L’incidence de l’impulsion législative relative au mandat d’arrêt sur les droits procéduraux
Dans un contexte de lutte contre la criminalité transfrontière et de développement d’outils de coopération pénale européenne, le renforcement des droits fondamentaux par l’Union européenne est attendu notamment par les États qui martèlent régulièrement l’incomplétude de la protection accordée par le droit de l’Union. L’essor législatif débuté en 2008 et relatif aux procédures pénales et notamment au mandat d’arrêt européen vient renforcer la construction de l’espace pénal européen, mais un des obstacles majeurs de cette construction est sans doute la barrière de la langue. Si les frontières physiques entre États sont dépassées pour permettre une libre circulation générale, il reste que l’Union est marquée par des traditions culturelles et juridiques variées. Et le multilinguisme devient alors un élément identitaire de la construction européenne. Aussi, le législateur avait prévu à l’article 8, paragraphe 2 de la décision-cadre de 2002 que le mandat devait être traduit dans la langue officielle ou une des langues officielles de l’État membre d’exécution. De plus, les demandes et recueils du consentement à la remise dans le cadre de la procédure d’exécution du mandat d’arrêt européen doivent être traduits conformément dans la langue officielle ou les langues officielles de l’État membre.
S’agissant de la sphère pénale et plus particulièrement du respect des droits fondamentaux à l’occasion de la mise en œuvre de procédures pénales de coopération européenne, la question du langage et du multilinguisme occupe une place de plus en plus importante. Or ce pluralisme peut aussi constituer un obstacle à l’accomplissement de la coopération pénale au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Souvent négligée, longtemps oubliée par les institutions européennes, la problématique liée à la traduction et à l’interprétation interpelle de plus en plus, à tel point que la CEDH est venue apporter quelques précisions quant à l’obligation de traduction et d’interprétation dans les procédures pénales, et ce afin d’être en conformité avec les exigences du procès équitable garanties à l’article 6 de la Convention. En effet, l’article 6, paragraphe 3 de la Convention prévoit le droit à un interprète. Tout accusé a le droit de se faire assister gratuitement par un interprète afin de pouvoir comprendre la langue utilisée par la procédure dans l’État concerné. Ainsi il pourra au mieux préparer sa défense. Sur ce point, les juges de la CEDH ont eu l’occasion de rappeler que la gratuité du recours à l’interprète n’était pas dépendante de l’issue du procès955 et dès le commencement de la procédure956. Garantir un droit à l’interprétation dès le début de l’enquête et pour toute la durée de la procédure de poursuite est fondamental pour permettre à l’intéressé d’être informé de la nature et de la cause de l’accusation afin de préparer au mieux sa défense, de connaître ses droits et donc de se conformer aux exigences posées aux articles 5 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Les juges de la CEDH tendent à proposer une interprétation extensive de l’article 6 et notamment du paragraphe 3 afin d’offrir une protection plus aboutie du droit au procès équitable. Ainsi on peut déduire de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, une recherche d’effectivité de la protection des droits et le rôle de la traduction .