L’évolution du régime constitutionnel de la liberté de communication avec le numérique
À travers la jurisprudence dite de l’« effet cliquet » le Conseil constitutionnel a effectué une protection renforcée de certaines libertés et droits483. Pour cette raison, il existe souvent un lien à une « notion de mémoire de non-retour en arrière »484. Un seuil « anti-retour » devrait aujourd’hui s’appliquer pour les lois relatives à la libre communication numérique et à l’accès à internet. En effet, et au vu de son importance, on pense que la liberté de communication bénéficie d’une nouvelle composante fondamentale, le droit d’accès à internet (Section I) cette nouvelle composante constitutionnelle pourrait conduire à hausser la protection constitutionnelle de l’ensemble de la chaîne de l’information, notamment les correspondances numériques des journalistes (Section II).
Le droit d’accès à internet une nouvelle composante de la liberté d’information
La décision Hadopi 1 comme point de départ. L’accès à internet, aujourd’hui très diffus dans la société, est devenu une composante de la liberté de communication et d’expression numérique au sens de la jurisprudence constitutionnelle 485 . La liberté de communication, énoncée à l’article 11 de la Déclaration de 1789, fait l’objet d’une jurisprudence constante par le Conseil constitutionnel486. Lorsqu’on analyse la jurisprudence constitutionnelle on peut constater que cette liberté implique aujourd’hui, eu égard au développement d’internet et à son importance pour la participation à la vie démocratique et à l’expression des idées et des opinions, la liberté d’accès aux services de communication au public en ligne. On assiste à la modernisation de l’information par les communications.
L’existence de différences entre les réseaux sociaux. On pense qu’il existe une plus grande dangerosité avec Facebook, Instagram et Twitter avec les communications et informations numériques, notamment à cause de leur propagation bien plus forte que d’autres réseaux sociaux. Par conséquent on part de l’hypothèse selon laquelle les personnes choisissent expressément sur quel réseau social ils préfèrent s’exprimer en vue de la recherche du (grand) partage de leur publication. Twitter, Facebook, Instagram, LinkedIn… ont chacun des différences qui en font leurs caractéristiques intrinsèques. De plus, dans la majeure partie des cas les internautes choisissent de s’exprimer sur Facebook ou sur Twitter à cause d’autres critères, par exemple en fonction du nombre de mots qu’ils ont à diffuser, en effet sur Facebook il est possible d’écrire des phrases plus courtes que sur Twitter. Notons que sur Twitter le « ton » est souvent plus sérieux, on y trouve de nombreuses déclarations officielles et quotidiennes de personnalités politiques parmi lesquelles par exemple celles du Président des États-Unis d’Amérique Donald Trump. Le réseau Twitter parait être comme plus ouvert sur l’extérieur, notamment en favorisant le partage sur les autres plateformes numériques, mais Facebook permet de faire de la publicité, contrairement à Twitter. Ce réseau pourrait donc être qualifié de plus dangereux que Facebook car il permet d’atteindre facilement et rapidement un plus grand nombre d’utilisateurs, mais aussi de relais médiatiques utilisant Twitter et décuplant les publications par la répétition à la radio et à la télévision. Par conséquent la dangerosité de Twitter serait liée à une puissance de propagation du tweet difficilement contrôlable. La manière dont le juge constitutionnel développe et défend les droits et libertés montre une conception de ceux-ci qui tend à limiter le pouvoir du législatif et de l’exécutif, conformément aux acquis historiques. Cette conception laisse place à une jurisprudence constructive permettant la recherche de l’effectivité des libertés protégées. Selon la logique du principe d’indivisibilité des libertés, ces dernières peuvent être analysées comme un ensemble tout en sachant qu’il existe au sein des libertés plusieurs catégories487. C’est notamment le cas de la liberté d’expression qui peut englober d’autres importantes libertés telle la liberté d’information, la liberté de religion, la liberté syndicale, la liberté artistique, elle peut être qualifiée de liberté pragmatique. L’essor de la communication numérique a accentué la perspective de nouvelles méthodes de communication avec par exemple les hashtag (A).
L’hashtag dans la communication numérique, un encadrement nécessaire.
On a noté que dans l’arsenal législatif français aucune disposition encadre expressément l’hashtag. Cependant, en tant que moyen de communication et d’expression, il est soumis aux dispositions de l’article 11 de la Déclaration de 1789 qui protège la liberté d’expression des citoyens en tant que : « l’un des droits les plus précieux de l’homme », mais qui avertit qu’il peut répondre des abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. Tous les moyens de communications sont concernés, les réseaux sociaux sur internet n’y dérogent pas. Des hashtags tels « #UnBonJuif », « #AntiNoir », ou « JeSuisKouachi » sont apparus sur Twitter. Ces hashtags illicites sont à la fois sanctionnés par la loi du 29 juillet 1881 sur la presse qui réprime les délits de diffamation raciale, ainsi par la loi du 13 novembre 2014494. En effet, un hashtag incitant à la haine, faisant l’apologie du terrorisme ou ayant un caractère raciste, antisémite, homophobe, engage la responsabilité de son auteur. Ces atteintes sont courantes car les sites hébergeurs des réseaux sociaux (souvent) vérifient les messages postés par les internautes qu’a posteriori et (souvent) uniquement à la suite de signalements. Dans un arrêt du 12 octobre 2015, la Cour d’appel de Montpellier a condamné un fonctionnaire de la police nationale à la suite de propos injurieux et diffamatoires tenus à l’encontre de ses supérieurs hiérarchiques sur un blog hébergé par le site d’information Mediapart 495 . Concernant l’hashtag « #UnBonJuif » qui apparaissait dans plusieurs tweets antisémites, Twitter a été mis en demeure par des associations. Ces associations souhaitaient que Twitter agisse rapidement pour l‘effacer et révéler l’identité des auteurs des propos litigieux496. L’hashtag #JeSuisKouachi en référence aux frères terroristes ayant commis l’attentat contre Charlie Hebdo, a été tweeté plusieurs dizaines de milliers de fois497. À ce titre, l’hashtag comme moyen d’expression et de communication, peut être sanctionné sur la base de diverses dispositions pénales et civiles relatives à la protection des droits fondamentaux.