L’européanisation des notions tenant à l’exécution du mandat d’arrêt européen
L’étendue du contentieux de l’exécution du mandat témoigne des difficultés de mise en œuvre de cet outil de coopération. Elles tiennent, pour l’essentiel, à un manque de clarté textuelle que la Cour va devoir renforcer. Européaniser les notions tenant à l’exécution du mandat permet à la Cour d’encadrer les questions relatives à la Justice pénale. L’exécution du mandat peut s’envisager en deux phases. La première est celle qui précède la remise. Lors de cette étape, l’État d’exécution doit rendre sa décision de procéder ou non à la remise de l’intéressé aux autorités d’émission du mandat. La seconde est celle de la remise. Ainsi, elle a pu se prononcer sur des mesures liées à l’exécution de la peine décidée par les États et justifiant l’exécution d’un mandat en vue de l’accomplissement de cette sanction (Paragraphe 1). Les aspects relatifs à la remise et à l’État d’exécution devant procéder à la remise ont également été développés par la Cour en vue de garantir, autant que possible, l’automaticité de la remise ainsi que les droits fondamentaux des individus (Paragraphe 2).
L’autonomie conceptuelle et la redéfinition des notions tenant à l’exécution de la peine et du mandat d’arrêt européen
En vue d’assurer une application uniforme de la décision-cadre et pour répondre aux critiques étatiques relatives à l’insuffisance du texte ou aux revendications souverainistes liées à la primauté des protections nationales en matière de droits fondamentaux, la Cour se livre à un important travail de clarification voire d’autonomisation conceptuelle. S’agissant des questions relatives à l’exécution du mandat, son intervention relève davantage d’un travail d’interprétation. Elle ne peut européaniser des concepts propres aux droits pénaux nationaux. Toutefois, et dans l’optique de développer l’espace pénal européen, elle s’immisce dans cette sphère interne pour préciser les contours de la décision-cadre et permettre une application uniforme du mandat. 380. Ainsi, elle aura l’occasion de se prononcer sur le droit à un recours juridictionnel effectif en tranchant l’épineuse question de l’extension du consentement à la remise à des infractions autres que celles ayant motivé cette remise (A). En outre, et toujours pour assurer le respect des droits fondamentaux, il lui a été demandé de se définir la notion de « détention » (B) et sur le respect du principe non bis in idem lors de la mise en œuvre du mandat (C).
Un mandat fut émis par les autorités britanniques le 25 septembre 2012 à l’encontre de Jérémy F., ressortissant britannique, pour enlèvement d’enfant. Arrêté en France, il ne s’est pas opposé à sa remise sans pour autant renoncer à la règle de spécialité. Les autorités françaises ont procédé à sa remise le 12 octobre 2012. Mais le 22 octobre 2012, les autorités d’émission du mandat ont adressé une demande d’extension du mandat afin d’obtenir le consentement des autorités françaises pour juger Monsieur F. pour des faits commis au Royaume-Uni avant sa remise et pouvant constituer une infraction autre que celle qui avait motivé cette remise. L’autorité judiciaire française compétente a décidé, le 15 janvier 2013 d’accorder son consentement à la demande d’extension de la remise, mais l’intéressé a saisi la Cour de cassation française contre cette dernière décision. La juridiction suprême de l’ordre judiciaire français a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité, saisissant ainsi le Conseil constitutionnel afin de savoir si l’article 695-46 du Code de procédure pénale est conforme au principe d’égalité devant la justice et au droit à un recours juridictionnel effectif. Le Conseil constitutionnel français a ensuite saisi la Cour de justice afin de savoir si les articles 27, paragraphe 4 et 28, paragraphe 3, sous c) de la décision-cadre s’opposent à ce que les États membres prévoient un recours permettant de suspendre l’exécution de la décision de l’autorité judiciaire qui statue, sous trente jours à compter de la réception de la demande, afin de donner son consentement soit pour qu’une personne soit poursuivie, condamnée ou détenue pour une infraction commise avant sa remise et autre que celle qui a motivé sa remise, soit pour la remise d’une personne à un État membre autre que l’État membre d’exécution. En d’autres termes, la Cour devait se prononcer sur la conformité d’un recours interne visant à suspendre l’exécution permettant l’extension de la remise à la règle de spécialité. Le consentement de l’autorité d’exécution du mandat doit intervenir dans les trente jours suivant la réception de la demande. Dans le cas soumis à la Cour, le délai a été respecté. Le Conseil constitutionnel français craignait en revanche un dépassement du délai prévu par la décision-cadre dans l’hypothèse où un recours permettrait de suspendre la décision des autorités françaises autorisant l’extension du consentement à la remise. Il justifie par ailleurs le choix de ce renvoi par les risques de divergences d’appréhension et d’application de la notion de « décision définitive » visées aux articles 27, paragraphe 4 et 28, paragraphe 3, sous c).