Une lecture sur l’organisation spatiale des équipements et des services sanitaires
Théories de localisation des équipements et des services sanitaires : Méthodes et modèles
La localisation des équipements et des services sanitaires est une discipline transversale qui intéresse les chercheurs : géographes-aménageurs, économistes ou sociologues, mais aussi les pouvoirs publics. Nous examinerons donc dans un premier temps les méthodes de localisation telles qu’elles sont, ou devraient être pratiquées, dans le milieu professionnel. Puis dans un deuxième temps, nous étudierons les modèles de localisation, en particulier ceux qui prennent en compte la distance aux patients. Et enfin, dans un troisième temps, nous nous intéresserons à la localisation des praticiens privés en matière de critères d’implantation et facteurs d’attractivité des territoires. 1. Les méthodes d’aide à la décision de localisation des équipements et des services sanitaires. Il n’y a pas de méthode unique pour localiser un service de santé. Chaque région a suivi sa propre démarche, compte tenu de ses caractéristiques géographiques et démographiques, de l’état de l’offre de soins, des ressources humaines dont elle disposait et surtout de la manière dont a été conduite la concertation entre les acteurs. On peut néanmoins repérer deux grandes étapes : un bilan de prise en charge des besoins et une analyse prospective des changements à promouvoir qui conduiront, après négociation, a l’implantation du service. Le choix de localisation des équipements sanitaires est le résultat d’un compromis et d’options parmi un nombre plus ou moins grand de facteurs dont le poids et la diversité varient d’une situation à l’autre. On choisit ce qui convient le mieux à partir de ce que l’on veut et en fonction de ce qui est disponible. La localisation des équipements et des services sanitaires est influencée par les caractéristiques des établissements et par les caractéristiques des territoires qui sont :
Caractérisation de la population
Quelles sont les grandes catégories de population que l’on retiendra pour faire l’étude des besoins de la collectivité (localisation géographique, catégories sociales, bénéficiaires des soins…) ? R. Pineault et C. Daveluy (1986) ont utilisé deux concepts pour décrire la confrontation entre les besoins de la population et la logique de l’organisation. Utiliser une approche populationnelle, c’est partir des besoins de la population et adapter la répartition des services de soins de façon à y répondre de manière optimale. À l’inverse, l’approche institutionnelle ou encore organisationnelle considère que les offreurs de soins, c’est-à-dire les équipements et les services sanitaires, sont déterminants dans le processus de planification. La mission sociale de l’hôpital public telle qu’elle est définie en Algérie (soit l’accueil 24h/24 de toutes les clientèles, pour toutes les pathologies) légitime en premier lieu l’approche populationnelle. La loi prescrit donc de déterminer l’offre de soins pertinente pour chaque zone géographique, sans préciser l’identité des établissements chargés d’y pourvoir. Cette Partie I Présentation de l’aire d’étude et les théories de localisation des services approche est fondée sur une connaissance de la population et de ses lieux de vie. Les besoins en services ont été, et sont encore partiellement définis par l’application d’indices, ou de références techniques proposés par les experts médicaux. Mais cette méthode a ses limites en raison de l’imprécision des indices utilisés. On complète donc cette approche populationnelle par la description du champ d’attraction des services, qui contribuent eux aussi à la structuration de l’espace géographique, même si cette donnée est instable car liée au savoirfaire des praticiens au jour de la mesure de l’attraction. Un service de santé du secteur public se doit de prendre en charge toutes les populations dans le cadre de sa mission de service public. Il se référera donc plus fréquemment, au moins dans certaines disciplines, à une approche populationnelle. Un service privé s’inscrit plutôt dans une démarche commerciale et sera plus enclin à déterminer ses choix stratégiques à partir d’études de marketing. Ces deux approches de la planification ne sont pas opposées car on assiste dans tous les cas à un compromis entre les besoins de la population et le nécessaire ajustement avec les équipements et les services sanitaires existants et les ressources disponibles. Cette confrontation des deux approches en enrichissant le débat, a permis certainement de rendre plus opérationnel le découpage des secteurs sanitaires dans une optique de détermination de filières de soins. L’approche populationnelle est souvent considérée comme prioritaire en matière de localisation des services et équipements lourds. Si dans un périmètre d’accès de trente minutes, le bassin de population à desservir est jugé insuffisant compte tenu notamment de la présence d’autres offres concurrentes à proximité, on pourra refuser, par exemple, à un service sanitaire l’attribution d’un scanner.
Le fonctionnement des équipements et des services sanitaires existants : usage des indices
L’utilisation actuelle des services est-elle conforme d’un point de vue quantitatif aussi bien que qualitatif ? Une fois définie la zone pertinente d’analyse de la population, on procède généralement à l’observation du fonctionnement des équipements et des services existants. À partir du découpage de la carte sanitaire, on observe le nombre d’entrées dans les hôpitaux et cela conduit à l’estimation des lits nécessaires, compte tenu de la Durée moyenne de séjour (DMS) et du taux d’occupation des lits souhaitables. La première opération consiste à calculer la DMS dans la discipline considérée pour l’ensemble des équipements et des services publics et privés du secteur sanitaire (cette DMS s’obtient en divisant le nombre de journées réalisées en un an par le nombre d’entrées). Dans un second temps, on calcule les besoins en lits pour le secteur. En dernier lieu, les résultats obtenus permettent de fixer les indices lits/population qui empêcheront, le cas échéant, l’autorisation de lits dans des secteurs excédentaires. En pratique, on procède ainsi : Si la DMS du secteur est inférieure à la DMS nationale de la discipline, on retient cette première valeur dans le calcul, tenant compte du meilleur résultat réalisé dans le secteur par rapport au niveau national. Le nombre de lits nécessaires s’obtient en divisant le nombre de journées réalisées dans le secteur par le taux cible multiplié par 365 (nombre de jours de l’année). Par exemple, en 2012 dans le secteur sanitaire de la wilaya d’Annaba qui comprend 632 829 habitants, on a recensé 125 167 entrées, soit 485 641 journées d’une durée moyenne de 4 jours pour chaque entrée. Sur un an, il faut (485 641 /365) lits occupés à temps plein pour répondre à ce besoin. Compte tenu de la nécessité de souplesse dans la gestion des services, ce sont (485 641/365) x 0,85 lits qui sont nécessaires, soient 1130 lits. Si la DMS du secteur est supérieure à la DMS nationale de la discipline, le nombre de lits nécessaires s’obtient en multipliant le nombre d’entrées dans le secteur par la DMS cible (qui représente donc une valeur à ne pas dépasser), et en le divisant par le taux cible multiplié par 365. L’application stricte de cette technique de calcul est une première base de discussion et de réflexion. Elle permet de voir comment se positionnent les nouveaux équipements et services de santé les uns par rapport aux autres. Cette méthode permet de définir, toutes choses égales par ailleurs, des capacités de production de soins souhaitables pour une zone géographique donnée et déterminer la réorganisation de ces capacités entre équipements sanitaires. La technique des indices est également employée pour déterminer le besoin en services et équipements lourds dans chaque secteur sanitaire. Le volume d’actes techniques destinés à la population des secteurs sanitaires est relativement constant, cela justifie que l’on estime les besoins par le biais d’un indice peu différent selon les secteurs. Mais les capacités d’accueil en lits et places d’alternative à l’hospitalisation, ainsi que leur répartition au sein d’un secteur, sont insuffisantes pour assurer une répartition idéale des équipements et des services en raison de l’utilisation très inégale que les praticiens peuvent faire de ces lits. En dernière analyse, ce ne sont que des sommiers et des matelas, leur dénombrement ne fournit donc aucune indication sur l’intensité des soins qui y sont prodigués, ni sur les alternatives à l’hospitalisation, par exemple. D’autre part, ces lits sont regroupés dans des hôpitaux, leur plus ou moins grande concentration peut être déterminante sur la qualité des soins, compte tenu d’un effet de « masse critique » de soins à prodiguer (Jourdain et De Turenne, 1995). Les références techniques constituent donc un autre outil utilisé couramment en matière de planification. Élaborées par des groupes d’experts, elles se fondent sur l’état de l’art et contribuent, dans la démarche de planification, au diagnostic sur la qualité des équipements et des services existants.
Normes ou référentiels de qualité
Compte tenu de la population à desservir, quels sont les moyens minimums en personnel et matériel dont il faut disposer pour assurer des prestations de qualité acceptable ? Le système de références techniques et de normes joue un rôle important dans la répartition des équipements et des services sanitaires au niveau de chaque commune. En effet dans les différents domaines de l’activité hospitalière existent des normes ou des références qui résultent soit de textes réglementaires émanant du ministère de la santé, soit de recommandations édictées par divers organismes ou groupes de travail nationaux. Au niveau régional, les conseils régionaux, les différents comités techniques médicaux et les observatoires régionaux de la santé ont souvent œuvré au fur et à mesure de l’élaboration des cartes sanitaire pour fournir dans de nombreuses disciplines ou activités, des références régionales de bonne prise en charge du patient ou de rationalité en matière de répartition spatiale des équipements et des services. Pour les maternités, la référence d’une activité annuelle minimale de 400 accouchements pour assurer la qualité du service a été établie à partir du rapport d’un groupe d’experts réunis en 2008. Elle semble avoir été retenue dans la réflexion des cartes sanitaire et de leurs annexes mais est utilisée avec d’autres critères d’appréciation tels que le personnel médical et paramédical présent, l’accessibilité, le respect des normes techniques. Cette référence, qui peut arbitrairement conduire à la fermeture d’une petite maternité, sera parfois reconsidérée, c’est le cas de l’Algérie où on registre, entre 2011 et 2012, la fermeture de 28 maternités (MSPRH, 2014). En matière de chirurgie cardiaque, des normes de fonctionnement ont été imposées par la loi, notamment l’obligation de disposer au moins de deux chirurgiens de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire et de deux anesthésistes-réanimateurs. On peut enfin illustrer dans le domaine de l’hygiène hospitalière, les différentes notions évoquées. Le nombre d’infections nosocomiales détectées dans un établissement étant considéré comme indicateur, la référence se définit alors comme le taux de surinfection incompressible, l’optimum à atteindre. La norme, elle, décide en fonction du taux observé de la nécessité de mettre en place un programme de lutte spécifique. La connaissance de références techniques appliquées à un établissement n’est pas suffisante elle-même pour avoir une vision correcte du système de soins. Il faut tenir compte des complémentarités entre les différents niveaux du système de soins, afin d’apporter une réponse graduée aux besoins de la population.
Les niveaux du système de soins
Cette notion rappelle tout d’abord l’obligation de moyens. Les moyens n’étant pas réunis partout, il est nécessaire d’en appeler à un niveau supérieur, un niveau de référence. Ainsi les hôpitaux locaux -s’ils souhaitent poursuivre leur activité de médecine- doivent désormais passer une convention avec un ou plusieurs centres hospitaliers de référence dotés d’un plateau médico-technique complet : réanimation, services spécialisés, imagerie, laboratoire. La fonction du CHU confère en outre la responsabilité de l’enseignement, de la recherche, de l’innovation, des techniques de pointe, des activités hautement spécialisées, de certaines activités telles la chirurgie cardiaque, la neurochirurgie, les transplantations. Dans ces domaines, le CHU se présente comme l’établissement de référence. La notion de référent suggère l’idée d’une hiérarchie formalisée entre les différents établissements. L’organisation fonctionnelle du système de santé doit reposer sur un réseau d’établissements qui, selon l’importance de leurs plateaux techniques et de la population qu’ils ont à desservir, ne se retrouvent pas sur le même plan. La hiérarchie fonctionnelle doit conduire à l’assistance mutuelle et à une définition de l’utilisation en commun des moyens disponibles par zone de desserte. Sont donc définis, parmi les services de santé, les établissements de référence auxquels les autres font appel lorsque leurs moyens propres sont dépassés : l’hôpital de référence a des obligations vis- à-vis des autres hôpitaux du secteur. Deux conditions indissociables ont été posées, dans la plupart des régions, pour une telle reconnaissance : une population suffisante pour l’utilisation d’un plateau technique sophistiqué et un critère d’accessibilité pour assurer la prise en charge des urgences en toute sécurité. Cette fonction hospitalière de référence se calque souvent sur les activités dites structurantes (accueil des urgences, réanimation, obstétrique) et repose donc sur un plateau technique important (service d’accueil de toutes les urgences, réanimation, chirurgie et médecine spécialisée, gynéco-obstétrique, pédiatrie, imagerie [scanner, voire à terme IRM]) (Jourdain et De Turenne, 1995). La notion de référence oblige à définir un cahier des charges. Chaque secteur sanitaire se doit d’assurer un certain nombre de fonctions : la médecine (et ses spécialités telles la cardiologie, la cancérologie…), la chirurgie, l’obstétrique et la néonatalogie, les soins de suite et de réadaptation, les soins de longue durée, l’imagerie, l’accueil et le traitement des urgences et la réanimation. Ces fonctions au sein du secteur ont été, généralement, organisées en trois niveaux. Toutes les fonctions ne s’organisent pas obligatoirement sur les trois niveaux et un niveau peut être assuré par un seul établissement du secteur ou plusieurs organisés en réseau. Le cahier des charges définit donc les activités par niveau et donne des recommandations techniques de fonctionnement.
Stratégies et projets des acteurs
Quelle appréciation des besoins est faite par les acteurs et sur quels objectifs une mobilisation est-elle possible ? Les techniques d’organisation sanitaire constituent une référence pour juger de l’opportunité de projets de transformation du système de soins. Mais cette référence ne serait pas opérationnelle si elle ne trouvait pas d’écho dans le projet collectif d’un établissement. L’une des conditions à remplir pour cela est que les promoteurs intègrent dans leurs techniques d’organisation sanitaire la stratégie affichée par les établissements de soins. L’expérience menée a Annaba est intéressante à cet égard. Dans le cadre de l’élaboration de la carte sanitaire régionale, plus d’une dizaine de comités techniques régionaux ont été mis en place. Composés essentiellement de professionnels médicaux, ces comités techniques régionaux avaient pour mission d’établir des recommandations de bonnes pratiques médicales, de bonne distribution de soins et de diffuser leurs travaux sur la région. L’un de ces comités était particulier. Composé des directeurs d’établissement, il s’est adjoint des experts universitaires. Sa création traduisait le fait qu’au- delà des pratiques médicales, l’organisation d’ensemble de la santé nécessite des régulations entre la planification régionale et les projets stratégiques de chaque structure. En effet, les instruments prévus par la loi hospitalière dessinent une économie singulière et originale au sein des politiques de régulation des dépenses de santé mises en œuvre dans les pays développés : instruments de type macro-économique, la carte régionale d’organisation sanitaire profile sur le territoire régional, à partir d’objectifs de santé publique, les grandes orientations de la politique à mettre en œuvre, compte tenu de la structure de l’offre de soins, de la demande de santé existante et des différents projets d’établissements ; instrument de type micro-économique, le projet d’établissement et à l’intérieur de celui- ci le projet médical sont les moyens par lesquels les établissements affirment et énoncent leurs choix stratégiques et leurs spécificités, compte tenu des besoins de la population desservie, des orientations de la carte sanitaire, de la nature de la concurrence à laquelle ils sont confrontés, des perspectives de développement et de coopération ainsi que l’évolution des techniques médicales et des prises en charge. Les confrontations carte sanitaire -projet d’établissement sont prévues par la loi de façon explicite et implicite, qu’il s’agisse de : la mise en œuvre d’autorisations limitées dans le temps, l’approbation des projets d’établissements, la possibilité de modifier la carte sanitaire à tout moment, la possibilité de réaliser des contrats tripartites entre l’État, l’assurance maladie et les établissements privés, l’analyse des possibilités financières des établissements. Se profilent enfin en toile de fond de ces confrontations l’évaluation des établissements, des relations qu’ils établissent entre eux, des pratiques qu’ils mettent en œuvre, qu’il s’agisse des modes de faire (évaluations centrées sur le processus, l’efficience et l’efficacité) ou des raisons de faire (évaluations centrées sur l’utilité et la pertinence de l’objet évalué). Dès lors, il s’avérait nécessaire de formaliser une réflexion sur l’articulation projet d’établissements – carte sanitaire et de proposer des modes de gestion des relations visant à atteindre une mise en cohérence optimale de ces deux démarches.
Les finalités du système de soins
Quels sont les grands objectifs que l’on choisit de privilégier dans la région : traiter un problème de santé prioritaire, améliorer l’accès au service public hospitalier, privilégier la qualité de soins spécialisés ? Une dernière approche possible dans un processus de répartition consiste à s’intéresser aux finalités du système de soins, aux grands buts qu’il doit atteindre. La prestation de soins de qualité en est un exemple, la recherche de l’égalité de santé, ou du meilleur service pour un coût donné en sont deux autres, tout aussi fondamentales dans notre organisation des soins. La wilaya d’Annaba a ainsi réalisé son bilan du fonctionnement des services existants à partir de la sélection de quelques finalités qui ont été mesurées par une série d’indicateurs opérationnels et dont le résultat a été discuté avec les responsables d’établissements. La qualité est une finalité qui, de l’avis de tous, doit guider un processus de planification. Mais un examen plus approfondi de cette notion permet d’appréhender quelques-unes des difficultés que l’on rencontre pour la rendre opérationnelle. En matière de soins, l’OMS définit la qualité comme le critère permettant « de garantir à chaque patient l’assortiment d’actes diagnostiques et thérapeutiques qui lui assurera le meilleur résultat en termes de santé, conformément à l’état actuel de la science médicale, au meilleur coût pour un même résultat, au moindre risque iatrogénique, et pour sa plus grande satisfaction en termes de procédures, de résultats et de contacts humains à l’intérieur du système de soins ». L’OMS ajoute que la « qualité est sans doute le facteur qui contribue le plus à donner confiance dans le système de soins, chez les professionnels comme dans le public » (OMS, 2013). La notion de qualité est inscrite plusieurs fois dans la loi hospitalière en termes de soins de qualité, d’évaluation des pratiques et des professionnels pour une prise en charge globale du patient afin d’en garantir la qualité, de mise en œuvre, dans les services ou départements, d’actions pour développer la qualité et l’évaluation des soins. Les conditions techniques de fonctionnement fixées par décret dans le cadre de la délivrance des autorisations présagent d’un minimum requis. La qualité du service rendu et la qualité de l’organisation des soins sont deux aspects à entrevoir dans l’évaluation des pratiques que pose la loi hospitalière. Dans un document de l’OMS de 1988, Vuori précise les différentes dimensions de la notion de qualité en santé publique : 2. L’efficacité qui se définit comme le rapport entre l’impact effectif d’une prestation ou d’un programme dans un système et son impact potentiel total en situation idéale ; 3. La rentabilité qui considère les résultats de la prestation par rapport à son coût de production ; 4. La qualité scientifique et technique, qui est le degré d’application, dans les soins, des connaissances et des techniques médicales du moment ; 5. La satisfaction des consommateurs et des personnels soignants, c’est-à-dire la satisfaction que procurent aux consommateurs les prestations, les prestataires et les résultats des soins, et la satisfaction que procurent aux personnels soignants leurs conditions de travail ; 6. La continuité que caractérise un traitement global du patient considéré comme une entité humaine, sous la direction d’un responsable central. » (OMS, 1988). La qualité des soins et des services se mesure donc en fonction des résultats obtenus, compte tenu des ressources investies et de ce qu’il est possible de réaliser dans un contexte donné. Pour apprécier la qualité, il faut donc établir un lien entre une structure (ou des conditions), un processus (ou des façons de faire) et des résultats effectifs positifs ou négatifs. Par ailleurs, il importe de préciser clairement qui définit les critères de qualité : les consommateurs, les prestataires de soins, les administrateurs ou les décideurs ? Ces finalités peuvent se décliner en termes techniques, tenant compte des exigences énoncées par des experts. C’est le rôle des comités techniques que l’on retrouve dans pratiquement toutes les cartes sanitaires, dont une des fonctions est de proposer les références techniques nécessaires au bon fonctionnement du système de soins (Jourdain et De Turenne, 1995). 2. Les modèles de localisation des équipements et des services Ces modèles et schémas sont devenus au fil du temps, de plus en plus, complexes pour tenir en compte de nombreux facteurs qui interviennent dans la localisation d’une activité donnée ou régissent l’interaction spatiale. On se limitera cependant ici aux modèles classiques, les plus simples et les plus anciens des modèles. Ces modèles répondent souvent à un souci d’abstraction et de généralisation pour tenter de formaliser les logiques qui sous-tendent la localisation, l’allocation et l’interaction spatiales. Seule la connaissance vérifiée (fiable) assure la généralisation et dépasse la singularité et le cas exemplaire. Afin d’analyser les modèles de localisation des services, nous allons tout d’abord définir ce que l’on entend par « modèle », « localisation » et « service ».
Définition des notions
« Le modèle » Le modèle nous renvoie à trois sens : une représentation pour le substantif, idéal pour l’adjectif et une démonstration pour le verbe. C’est une représentation idéalisée de la réalité afin de faire apparaître certains de ses propriétés » (Ackoff 1962 et al cité par Haggett 1973). Le modèle est une représentation, une image formalisée, simplifiée et sensée d’une réalité, d’un système, d’une idée ou d’un fait dans le but de comprendre et d’agir. Dans son sens dynamique, le modèle est une reconstitution simplifiée d’un processus. C’est une référence, une norme, un schéma, une image représentative, une forme (patron, pattern). P. Haggett en a donné la définition suivante en 1965 : « Une représentation idéalisée du monde réel construite pour démontrer certaines de ses propriétés ». Il ajoutait à un autre emplacement « une représentation schématique de la réalité élaborée en vue d’une démonstration », ce qui résume l’essentiel. Le terme modèle provient de l’italien au XVème siècle, vient de moule : figure servant à reproduire, la racine est « med » qui signifie mesurer (médecine, méditer) ce qui invoque l’idée d’ajustement, d’évaluation et de mesure. A. Rey définit le modèle comme un «système représentant les structures essentielles d’une réalité», on retrouve ici l’idée d’essence, et d’essentiel beaucoup plus qu’une simplification. Modéliser, c’est saisir l’essentiel ! La simplification n’est qu’un moyen pour aller au but : comprendre, représenter, expliquer et agir. Les modèles doivent avoir du sens, en rapport de l’action humaine et du jeu des acteurs en place et non simplement une combinaison de variables. Même la description a besoin de modèles connus, sans quoi elle n’exprime rien (Brunet R. 2000), les mots utilisés véhiculent des modèles ou des images : usine, commerce, centre, ville… Même la singularité passe par la définition d’une identité qui n’est qu’une combinaison unique de traits généraux et universels. On peut distinguer plusieurs types de modèles selon le langage utilisé et le phénomène représenté : les modèles rhétoriques ou verbaux qui sont exprimés par un texte, le verbe ; les modèles mathématiques formalisés et exprimés par des formules (régression, analyse factorielle, modèle gravitaire, modèle de Von Thünen…), les modèles de systèmes permettant de représenter un système dans sa structure, ses interrelations, les modèles graphiques ou chorématiques pour représenter un espace, un champs géographique, une structure spatiale ; enfin les modèles iconographique, iconique et cognitif qui utilisent l’image et le dessin (courbe, profil, schéma, carte) (Belhedi, 2010). Ces différentes formes sont complémentaires : le modèle de localisation industrielle de A Weber s’exprime par une équation, un dessin ou un texte (définition littérale) à la fois. En outre, le modèle peut être statique ou dynamique, explicatif ou prescriptif. Ces modèles tentent de représenter la réalité en la simplifiant, allant à l’essentiel en laissant le bruit, le secondaire et les détails. C’est la réduction eidétique de Husserl, l’art d’aller à l’essentiel. Le modèle résume ainsi une structure fondamentale de la réalité, mais pas toute la réalité. Cette simplification, ou encore mieux cette réduction, stipule un choix sélectif des éléments et des paramètres retenus qui exprime un paradigme déterminé. Le modèle (spatial) a pour ambition d’expliciter la réalité (spatiale) en tant que structure et structuration à la fois, en termes d’affectation du sol, de dynamique des flux et d’interaction en ne retenant qu’un nombre limité de variables jugés les plus fondamentales. Cette simplification nous permet de comprendre les mécanismes de localisation, de dévoiler les logiques sous-jacentes et de pouvoir généraliser évitant ainsi le particularisme et l’empirisme des études de cas. Les modèles sont d’autant plus intéressants qu’ils débouchent sur des généralisations fécondes dépassent les cas particuliers ou les observations locales tout en les intégrant dans le schéma général du modèle sans les exclure.
Partie I Présentation de l’aire d’étude et les théories de localisation des services |