Etudes numérique et expérimentale des phénomènes de propagation d’un incendie le long d’une façade
BIBLIOGRAPHIE SCIENTIFIQUE
La problématique liée aux feux de façade n’est pas récente. En effet, comme nous avons pu le voir précédemment, en France, le premier document réglementaire relatif à la propagation du feu via les façades est l’arrêté du 10 septembre 1970. Ce document est intitulé : « Classification des façades vitrées par rapport au danger d’incendie ». Cependant, la recherche sur ce sujet au sein du CSTB est plutôt expérimentale et basée sur des essais réalisés sur le banc d’essai LEPIR2. En revanche, un grand nombre de recherches expérimentales, à différentes échelles, a été mené à travers le monde durant ces 30 dernières années avec notamment les études à petite échelle avec les feux de nappes en interactions avec un mur vertical pour caractériser les feux de parois seules [3] ou parallèles [4][5]. Plus tard, l’utilisation de brûleurs verticaux afin de simuler une flamme sortant d’un 28 compartiment a permis d’affiner les connaissances sur les flammes pariétales et permis de développer des modèles empiriques servant à caractériser ce type de flamme. Pour plus de détails sur les études menées sur ce type de configuration le lecteur peut se référer à la thèse de Coutin [6]. Les études les plus récentes ont intégré une façade et un compartiment dans lequel est placé le foyer primaire, ainsi, les échanges au niveau de l’ouverture peuvent également être pris en compte et étudiés. Ce type de configuration se rapproche d’un aspect plus réaliste de la propagation verticale d’un incendie de compartiment à un autre compartiment, via la façade du bâtiment. Et comme cela a été précisé dans le chapitre précédent, il s’agit du scénario le plus dangereux pour a propagation de l’incendie via une façade. Dans le domaine numérique, un grand nombre d’études a été mené, en particulier afin d’analyser les systèmes constructifs et leur influence sur les flammes extérieures. Cependant, la plupart des études disponibles dans la littérature traitent le sujet au cas par cas. En effet, les codes de calculs permettent de modéliser un très grand nombre de situations et l’influence de nombreux paramètres peut ainsi être analysée. Cette revue bibliographique se scinde en deux parties, l’une dans laquelle les recherches expérimentales menées à travers le monde seront présentées et l’autre proposant différentes études numériques réalisées jusqu’à aujourd’hui.
RECHERCHES EXPERIMENTALES
Un grand nombre d’études expérimentales relatives à la propagation du feu en façade peut être trouvé dans la littérature. Mais, en général, elles s’attachant à décrire les phénomènes observés en fonction du type de façade. Les différents travaux réalisés permettent en effet de mieux comprendre le comportement des flammes le long d’une paroi verticale, qu’elle soit combustible ou non, l’objectif étant de définir au mieux les paramètres géométriques de la flamme, c’est-à-dire sa hauteur, sa largeur et son épaisseur en fonction des caractéristiques du foyer primaire et de la configuration du compartiment (ou plus précisément de son ouverture). En effet, les travaux de Kawagoe [7] ont montré que la quantité d’énergie pouvant être libérée à l’intérieur du compartiment (et donc par conséquent la part libérée à l’extérieur) dépendait essentiellement des dimensions de l’ouverture qui contrôle l’apport en air frais. Ainsi, à partir de ces paramètres, les actions thermiques telles que le flux reçu par la paroi ou les températures de surface peuvent être déterminées. D’autres études, expérimentales, essaient d’identifier les paramètres influant le plus sur la propagation d’un feu de façade, ceci dans le but de prendre des mesures constructives afin de limiter la propagation d’un incendie d’un étage à un autre via la façade. Dans cette partie, différents travaux sélectionnés seront décrits afin de mieux comprendre le contexte de cette thèse.
Travaux de Yokoi
Les travaux de Yokoi [8] sur la propagation du feu d’un étage à l’autre sont aujourd’hui très connus. En s’appuyant sur des essais réalisés à différentes échelles, il s’est 29 appliqué à décrire les écoulements chauds sortant d’un compartiment en feu à travers une ouverture. Dans un premier temps, il s’est intéressé aux courants chauds ascendants issus d’une source de chaleur ponctuelle ou linéique. Les résultats obtenus lui ont permis de déterminer, par une analyse dimensionnelle, l’évolution de la température et de la vitesse ascendante en un point quelconque de l’écoulement lorsque la source de chaleur est connue. Par la suite, il a étendu ses travaux à une source circulaire puis à une source rectangulaire. Cette dernière permettant d’estimer l’évolution de la température au-dessus d’une maison en feu. Cette méthode peut être appliquée pour calculer la hauteur jusqu’à laquelle une protection contre le feu est nécessaire sur un immeuble, lorsque celui-ci est entouré de maisons. Finalement, Yokoi réalise des essais afin d’étudier la propagation du feu par l’extérieur du bâtiment. A partir des résultats obtenus lors de cette campagne, il a proposé une description théorique de l’écoulement de gaz chauds issus d’un compartiment en feu. En effet, ces essais ont permis de montrer que la distribution de la température le long de l’axe des flammes extérieures correspond à celle à l’écoulement d’un gaz chaud issu d’une source de dimension finie. Cependant, dans les études menées par Yokoi, la puissance libérée à l’extérieur du compartiment est très faible voire négligeable. Les écoulements étudiés peuvent être assimilés à des panaches thermiques sortant par une ouverture. Le cas de feu sous ventilé avec sortie de flamme importante n’a donc pas été étudié. 1.4.1.2 Etudes réalisées par FireSert (Irlande) Les études menées au FireSert (Université de Ulster) sur la problématique des feux de façades ont débuté dans les années 2000 sous la direction de Delichatsios. Ainsi, Lee [9][10][11] s’est intéressé au feu de compartiment avec sortie de flamme à petite échelle. Le banc d’essai est composé de boites cubiques de 50 cm de côté. Ces boîtes peuvent être agencées de façon à obtenir un compartiment plus ou moins profond (dans la limite de 3 boites équivalant à une profondeur du compartiment de 1.5 m) possédant une ouverture à dimensions variables sur la face avant. Un brûleur à gaz (GPL) peut être positionné au centre de chaque boîte à l’intérieur du compartiment. La face avant est prolongée par un mur d’environ 1.0 m de haut (pour une hauteur totale de 1.5 m). Les essais menés par Lee ont pour objectif d’étudier l’influence des dimensions de l’ouverture, du compartiment ainsi que la position du foyer sur la hauteur de flamme et le flux reçu par la façade. En faisant varier ces paramètres pour des puissances allant de 30 à 60 kW, ces essais ont permis dans un premier temps, en utilisant la formule de Kawagoe, de déterminer la puissance maximale pouvant être libérée à l’intérieur du compartiment en condition de feu sous-ventilé. Pour ces feux, la température à l’intérieur du compartiment ne dépend pas de la puissance totale mais seulement des dimensions du compartiment (et des propriétés thermiques des parois) et de l’ouverture. De plus, ces essais ont permis d’établir des corrélations liant la hauteur de flamme aux caractéristiques géométriques de l’ouverture et aux paramètres du foyer. Ces travaux seront complétés par la suite par ceux de Tang [12] et aboutiront à l’expression suivante permettant de déterminer la hauteur d’une flamme sortant d’un compartiment en feu sous-ventilé ( ) : 30 ( √ ) ⁄ ( ̇ √ ) (1.1) avec la hauteur du plan neutre de l’écoulement à l’ouverture. A et h sont respectivement la surface et la hauteur de l’ouverture. A partir de la formule de Kawagoe, la puissance libérée à l’extérieur du compartiment ( ̇ ) peut être déterminée. Les variables , et représentent la masse volumique, la chaleur spécifique et la température du milieu ambiant qui entourent le feu. Ce type de corrélation peut être très utile dans le domaine de l’ingénierie afin de collecter de manière simple et rapide des informations sur le risque de propagation du feu d’un étage à l’autre. Cependant, ces corrélations étant obtenues à partir d’essais réalisés à une échelle bien inférieure à celle d’un incendie réel, il est nécessaire de les valider pour des échelles supérieures. Pour compléter ses travaux, Lu [13][14][15][16] s’est également intéressé à l’effet « cheminée » en étudiant l’influence de la présence de parois latérales au niveau de l’ouverture sur la hauteur de flamme. La configuration étudiée est donnée par la Figure 1.4-1. En faisant varier la distance (D) entre les parois et ce, pour différentes dimensions d’ouverture et de puissances du feu, il a pu établir une relation permettant d’estimer la hauteur de flamme ( ) en fonction des paramètres géométriques de l’ouverture, du foyer, de la hauteur de flammes sans paroi latérale ( ), mais également en fonction de la largeur des parois latérales (L) et de leur distance de séparation (D). { [ ( )]} (1.2) Lu a introduit les grandeurs et qui permettent de décrire le rapport des forces d’entrainement latérale et frontale. Ces deux grandeurs sont calculées à partir des dimensions de l’ouverture. Ainsi, représente la largeur de la flamme et son épaisseur. Il est cependant important de noter que ces corrélations sont obtenues à partir d’essais à petite échelle et pour des foyers très faibles. Ainsi, pour être totalement validées, il est nécessaire de les vérifier sur des configurations plus représentatives d’incendie réel, que ce soit par l’utilisation d’outils numériques ou au moyen d’essais expérimentaux à grande échelle.
Travaux de Yoshioka et Nishio
Alors que les travaux réalisés au FireSert étaient orientés vers des essais à petite échelle sur des façades inertes dans le but d’étudier le comportement des flammes à l’extérieur du compartiment le long d’une paroi verticale, les études de Yoshioka [17][18] et Nishio [19] abordent un tout autre aspect du risque incendie en façade. En effet, ils se sont principalement intéressés aux revêtements de façade combustibles représentatifs des systèmes utilisés sur les bâtiments. En réalisant des séries d’essais à échelle intermédiaire, ils ont pu comparer le comportement au feu de différents systèmes sélectionnés et ainsi proposer quelques solutions techniques permettant de retarder ou de limiter la propagation verticale du feu. Il s’agit d’une configuration assez simple. Le local où est situé le foyer primaire mesure 780 × 800 × 900 mm et la façade ou spécimen testé mesure environ 4.0 m. Les flammes extérieures sont obtenues en utilisant un brûleur à gaz (450 × 450 mm) situé au fond du compartiment permettant de simuler un feu généralisé d’une puissance d’environ 300 kW. L’utilisation de ce type de foyer permet un contrôle relativement précis du débit calorifique ainsi qu’une bonne répétabilité des essais comme c’était le cas pour les essais de Tang et de Lu. La durée d’exposition de chaque système est identique (environ 20 minutes). Des mesures de flux et de température de surface dans l’axe au-dessus de l’ouverture sont réalisées à différentes hauteurs. Les résultats obtenus pour chaque système de façade combustible sont comparés les uns avec les autres mais également avec un essai à blanc sans façade combustible. Dans un premier temps, Yoshioka s’est intéressé aux systèmes d’isolation thermique par l’extérieur (ITE) à base de polystyrène expansé (EPS) appelé ETICS en testant des paramètres tels que l’épaisseur de la couche d’isolant, le traitement au niveau des embrassures, des ouvertures ou l’utilisation de certains matériaux afin de protéger l’isolation au niveau du linteau. Les premiers résultats ont montré que l’épaisseur de l’isolant avait une influence non négligeable. En effet, l’augmentation de la quantité de combustible en façade participe largement à la propagation du feu. Les températures mesurées peuvent doubler et les flux reçus par la façade quadrupler lorsqu’on passe d’une façade non-combustible à une épaisseur de 300 mm d’EPS. Cependant, il a été mis en avant que l’utilisation d’une bande 32 horizontale de 150 mm de haut de laine de roche permet de considérablement diminuer le risque de propagation si celle-ci est placée directement au-dessus de l’ouverture. On peut également observer que lorsque l’épaisseur de la couche d’isolant est inférieure à 50 mm, aucune augmentation de la propagation du feu n’est observée. L’auteur précise cependant que ces résultats ne signifient pas nécessairement que cette épaisseur est toujours sécuritaire. En effet, il faudrait pour cela tester des configurations complémentaires en augmentant par exemple le débit calorifique du foyer primaire. Les auteurs sont conscients que la puissance du foyer utilisée est largement inférieure en comparaison de celle des essais LEPIR II ou des essais SP Fire 105. Nishio a également réalisé une série d’essais sur des échantillons de divers systèmes de façades combustibles tels que des panneaux sandwich, des panneaux composites (avec ou sans panneaux photovoltaïque placés dessus, revêtement bois, etc…), ceci afin d’étudier leur influence sur la propagation du feu via la façade. Des essais avec un débit calorifique plus important de 600 kW ont été également réalisés. Peu de conclusions sont apportées. Il est suggéré qu’une propagation du feu le long d’une façade combustible ne pourrait pas avoir lieu sans un apport d’air suffisant. Ainsi, les façades ventilées peuvent présenter un risque plus important de propagation. De plus, l’utilisation de matériaux combustibles possédant des propriétés d’auto-extinction semble être efficace pour lutter contre ce phénomène. Par conséquent, afin d’établir des critères de sécurité pour évaluer la propagation du feu, il est nécessaire de mener une étude plus approfondie avec plusieurs spécimens et pour des feux plus puissants. Une analyse visuelle post-essai de la surface endommagée par le feu permet également de mettre en évidence les façades les plus susceptibles de propager un incendie verticalement et horizontalement, ainsi que l’apparition de goutte enflammée pouvant engendrer un départ de feu aux étages inférieurs. Enfin, la méthode d’essai proposée par les auteurs a été soumise à l’Association Japonaise de Normalisation (JSA) en Novembre 2013 afin d’être normalisée au Japon. La facilité de mise en œuvre de ce banc d’essai a permis de tester un grand nombre de configurations. Cependant, le débit calorifique du foyer primaire à l’intérieur du compartiment est très largement inférieur à celui des essais réglementaires réalisés à travers le monde et n’est donc pas très représentatif d’un feu dans un bâtiment. Les résultats obtenus par ces chercheurs ont permis de mettre en évidence l’influence de l’utilisation d’isolation combustible dans les systèmes de façades actuelles et des solutions permettant de limiter le risque incendie ont été proposées. Cependant, l’utilisation de systèmes de façade complexes (multi-composants) ne permet pas d’étudier des phénomènes primaires du développement du feu le long d’une façade et des mécanismes de propagation. En effet, ces études avaient pour objectif de développer une méthode d’évaluation des systèmes afin de mettre en place un essai réglementaire.
1. INTRODUCTION GENERALE ET REVUE BIBLIOGRAPHIQUE |