Mise en évidence de l’entrée cellulaire du virus Nipah par macropinocytose
La glycoprotéine d’attachement G
La glycoprotéine d’attachement G est longue de 604 acides aminés pour le virus Hendra, et 602 pour le virus Nipah (Wang2001). Elle est composée de quatre parties : Une queue cytoplasmique constituée des 50 premiers acides aminés (ou moins, selon le codon Methionine de départ) Un domaine transmembranaire unique des 23 acides aminés suivants Une «tige» (entre les acides aminés 83 et 182), conservée entre les virus Nipah et Hendra. au sommet du domaine extra-cellulaire de la tige, une tête globulaire (entre les acides aminés 183 et 602). C’est à la surface de cette tête globulaire que se trouve le domaine d’interaction avec le récepteur des virus Nipah et Hendra. Cette tête globulaire se présente sous forme de six feuillets β organisés en clef grecque et enroulés en hélice. Elle ressemble énormément à la plupart des protéines d’attachement des Morbillivirus, en particulier l’Hémagglutinine du virus de la rougeole, ainsi qu’avec la glycoprotéine HN des respirovirus. L’attachement au récepteur se fait grâce a un canyon hydrophobe au centre de l’hélice, bordé par les acides aminés E533 et Y504, qui sera détaillé plus loin (Bowden2008)(Guillaume2006). Comme indiqué plus haut, l’homologue fonctionnel de G chez le virus de la rougeole est la glycoprotéine H. Mais la glycoprotéine G des Henipavirus ne possède pas d’activité hémagglutinante comme les souches vaccinales de Morbillivirus, et contrairement aux autres Paramyxovirus elle ne possède pas non plus d’activité neuraminidase bien que sa structure en 3 dimensions soit conservée avec les neuraminidases virales, bactériennes et eucaryotiques (Wang2001). Les Glycoprotéines G des Hénipavirus possèdent 8 sites de glycosylation potentiels, dont 5 sont utilisés (Asn 306, 378, 417 481 et 529). Elles possèdent aussi 7 ponts di-sulfures, les même que ceux observés sur la glycoprotéine HN des respirovirus. A la surface du virus, elles sont retrouvées oligomérisées grâce ses hélice β1 et β6, principalement sous forme de tétramères et associées aux trimères de glycoprotéines F (Wang2001)(Bowden2008) 62 Figure 15 : Vues de coté (en haut à gauche) et de dessus (en bas) de la tête globulaire de la glycoprotéine G du virus Nipah. Schéma de la protéine dans son ensemble (en haut a droite). PDB par JPM Langedijk (Guillaume2006) 63 β 4 β 3 β 2 β 1 β 5 β 6
Le récepteur cellulaire des Hénipavirus : l’éphrineB2
L’éphrineB2 est une protéine trans-membranaire de 333 acides aminés appartenant à la famille des Récepteurs Tyrosine Kinase (RTK). Elle permet la transmission de signaux bidirectionnels, c’est à dire qu’elle est à la fois ligand et récepteur. Ses molécules partenaires sont principalement l’EphB4 et l’EphB2, parfois l’EphB1. Concernant la nomenclature, on parle de récepteur Eph et de ligand éphrine, bien que l’un et l’autre soient à la fois récepteur et ligand (Holmberg2002)(Kobayashi2007). L’éphrineB2 est une protéine très importante lors du développement précoce, principalement au moment de la neurogénèse et de l’angiogénèse. On la trouve aussi associée au système immunitaire. D’une manière générale, c’est une molécule clef du chémotactisme et de la motilité cellulaire. En 2005, l’équipe de Benhur Lee a démontré que l’éphrineB2 était le récepteur du virus Nipah (Negrete2005) Ces résultats ont été confirmés la même année par l’équipe de Christopher C. Broder qui a démontré que l’éphrineB2 est aussi le récepteur du virus Hendra (Bonaparte2005). De plus l’éphrineB3, une protéine dérivée de l’éphrineB2, peut aussi servir de récepteur mais de moindre affinité (Negrete2005) L’éphrineB2 est excessivement conservée au cours de l’évolution. L’éphrineB2 murine est très proche de l’éphrineB2 humaine, les deux séquences d’acides aminés étant identiques à plus de 97% (les quelques différences entre ces deux protéines pourraient expliquer la résistance des cellules murines face à l’entrée des Henipavirus). Il est donc très difficile de fabriquer un anticorps efficace contre l’éphrineB2. Pour détecter l’expression de l’éphrineB2, il est plus facile d’utiliser une protéine recombinante EphB4-Fc (Füller2003)
Le rôle de l’éphrineB2 dans l’angiogénèse
Fonction de l’éphrineB2 L’un des grands rôles de l’éphrineB2 est la mise en place des cellules endothéliales. L’éphrineB2 permet aux précurseurs des cellules endothéliales de trouver leur place dans le système vasculaire en formation en jouant le rôle de ligand de EphB4. EphB4 est présent exclusivement sur les cellules veineuses, et éphrineB2 sur les cellules artérielles. La suppression du gène de l’éphrineB2 (EFN B2) empêche la formation correcte d’un système veine-artère chez ces animaux transgéniques. En bref, le couple éphrineB2-EphB4 va permettre la différenciation entre les deux types cellulaires et la mise en place des jonctions artérioles-veinules (Wang1998)(Korff2008). Il existe, lors de la formation de masse tumorale, un mécanisme d’angiogénèse pouvant emprunter certains éléments moléculaires inactivés depuis la fin de l’angiogénèse embryonnaire. En effet, la tumeur a besoin d’oxygène et de nutriments. Le manque de ces éléments vitaux lors de la croissance tumorale peut déclencher des mécanismes d’angiogénèse. Ainsi, l’éphrineB2 a récemment été associée à de nombreuses formations tumorales et cancers : cancer colorectal (Liu2004), sarcome de Kaposi (Masood2005), cancer du sein (Kumar2006), cancer col de l’utérus (Alam2007)(Alam2009), cancer des ovaires (Alam2008), myélome (Pennisi2009) et la liste devrait s’allonger encore dans les mois à venir. Pour les même raisons, on retrouve l’éphrineB2 exprimée dans de très nombreuses lignées cellulaires (Vero, BHK, HeLa…), ce qui les rend très permissives aux Henipavirus. 65 Figure 16 : Domaine extra-cellulaire de l’éphrineB2. Complètement à droite, la boucle G-H (flèche rouge) (Code PBD : 1KGY) Figure 17 : mécanisme d’adhésion (à gauche) et de répulsion (à droite) des cellules endothéliales exprimant éphrineB2 (points rouges) ou EphB4 (points verts)(Source : R.obin Buckland, d’après Wilkinson et al,, 2003) 66 V V V A A A Exemple des interactions entre éphrineB2 et EphB4 L’interaction éphrineB2-récepteur est de très forte affinité grâce à une boucle (dite boucle G-H) entre les acides aminés 120 et 125 (Chrencik2006). Des études concernant les interactions entre l’éphrineB2 et l’EphB4 montrent que lorsque ces deux protéines exprimées par deux cellules différentes se rencontrent, chacune émet un signal par sa queue cytoplasmique. Dans le cas d’une cellule exprimant éphrineB2, ce signal va induire la phosphorylation de certaines tyrosines de la queue cytoplasmique, et notamment la tyrosine 304 (Su2004). Ces tyrosines phosphorylées sont reconnues par la protéine (à domaines SH2 et SH3) Grb4 (Cowan2001) qui va transduire le signal via une cascade de phosphorylation, et ce jusqu’à déclencher des reflux de membrane et un désassemblage du cytosquelette induit par l’activation de Rac1 (Marston2003)(Wilkinson2003). Les reflux membranaires vont à l’encontre des liaisons très fortes entre EphB4 et éphrineB2, et provoque la co-endocytose de ces molécules. L’internalisation de l’une entraine l’internalisation de l’autre et donc l’arrachage d’un bout de la membrane de la cellule opposante. Les deux cellules se désolidarisent. De cette façon l’interaction des domaines extra-cellulaires entraine la répulsion des deux cellules. Si au contraire les deux cellules expriment l’éphrineB2 (ou l’EphB4), elles adhèrent (Wilkinson2003). Ce mécanisme permet aussi bien une ségrégation entre veine et artère que le développement axonal (Zimmer2003)
Le rôle de l’éphrineB2 dans la neurogénèse
L’autre grand rôle de l’éphrineB2 dans le développement précoce est la mise en place et l’organisation du système nerveux. Elle permet à une cellule nerveuse d’analyser son environnement, et de se déplacer en fonction de celui-ci. Elle est la protéine clef d’un chémotactisme lié à la composition des membranes cellulaires environnantes. La présence d’une protéine « attractive » ou « répulsive » sur une cellule environnant une cellule exprimant l’éphrineB2 va déterminer sa migration. Parmi les protéines influant sur les cellules exprimant l’éphrineB2 dans le cerveau en développement, on peut noter l’EphB2 et 67 l’EphB1 (Zimmer2003)(Kobayashi2007). De plus, l’expression d’éphrineB2 par une cellule induit la production de très longs et très ramifiés filopodes qui ne sont pas sans rappeler axones et dendrites (Meyer2005)(Pernet2009). La production de ces prolongements semble directement liée a la motilité cellulaire (Meyer2005) . VI-4-Autres rôles de l’éphrineB2 : systèmes immunitaire, osseux Comme nous l’avons vu précédemment, l’EphB4 est le récepteur principal de l’éphrineB2. Ce récepteur est exprimé par les monocytes. Les monocytes reconnaissent donc les cellules exprimant l’éphrineB2, et cette interaction leur permet de s’accrocher et de traverser les endothéliums artériels. La partie extra-celluaire de l’éphrineB2 permet l’attachement, et la partie intra-cellulaire permet la migration. Les cellules exprimant une protéine éphrineB2 délétée de sa partie intra-cellulaire ne permet plus la migration des monocytes, mais simplement leur attachement. Le rôle du domaine cytoplasmique et donc de la transmission du signal est encore une fois prédominant dans cette autre fonction de l’éphrineB2(Pfaff2008). L’éphrineB2 est aussi impliquée dans les interactions entre les ostéoclastes et les ostéoblastes. Ces deux types cellulaires interviennent dans la régulation de la croissance des os. Les ostéoclastes sont issus des cellules souches hématopoïétiques. Une fois leur différentiation en ostéoclaste terminée, ce sont des cellules plurinucléées, présentant un fort reflux membranaire, sécrétant des enzymes protéolytiques (par exemple la Cathepsine K) ainsi que de l’acide chlorhydrique. Leur rôle est de limiter la prolifération osseuse due aux ostéoblastes. Ceux-ci dérivent des cellules souche mésenchymateuses. Leur rôle est de former de nouveaux os et de limiter la prolifération des ostéoclastes. L’association et la prolifération de ces deux types de cellules doivent être parfaitement régulées pour qu’il n’y ait pas de formation ou de destruction massive d’os. La communication entre ces deux types cellulaires est régulée par l’éphrineB2 (exprimée par les ostéoclastes) et l’EphB4 (exprimée par les ostéoblastes). L’éphrineB2 est exprimée par les ostéoclastes à partir de leur différenciation (étape mononuclées). Dès lors, les contacts avec les ostéoblastes et leurs protéines EphB4 va 68 activer le domaine PDZ des protéines éphrineB2, et ce signal va bloquer la prolifération des ostéoclastes, les empêchant ainsi de détruire trop de structure osseuse (Edwards2008)| (Zhao2006). Appareil vestibulaire : l’éphrineB2 est aussi retrouvée dans l’épithélium de l’appareil vestibulaire. Sa présence influence les concentrations en électrolytes de l’endolymphe vestibulaire. Les souris déficientes pour la fonction réceptrice d’éphrineB2 présente ainsi de graves troubles de l’équilibre et de la démarche (Dravis2007).
INTRODUCTION GENERALE |