Les homélies de Jean Chrysostome In principium Actorum (CPG 4371)
Les premiers effets sociaux de la croissance économique
C’est justement au cours des années 50 que les mutations de la société commencent à être perceptibles, en particulier le rajeunissement de la population avec les effets démographiques du Baby Boom, mais également l’explosion scolaire qui l’accompagne. 225 Laurent Besse, dans son ouvrage consacré aux 50 ans du Fonjep207, rappelle le contexte de l’immédiat après guerre pour les associations et les mouvements de jeunesse impliqués dans l’éducation populaire : l’espérance suscitée par l’élan d’éducation populaire initié par la Libération a été contrariée. La guerre froide introduit une fracture parmi les militants de l’éducation populaire, les communistes étant exclus du jeu politique ; cette fracture apparaît sur le terrain, avec une opposition entre militants communistes et militants des partis de gauche. La création du Cartel d’Action Laïque en 1947, peut être analysée comme une tentative de reprendre les combats politiques d’avant guerre et de rétablir une situation à l’image de celle de 1939, mais elle marque surtout la reprise des conflits autour de la laïcité de l’État. Enfin les coupes budgétaires mettent à mal les premiers efforts de la nouvelle administration de la Jeunesse et des Sports. Dans ces conditions, la IVe République peut être analysée comme une période de transition entre les formes anciennes d’éducation populaire et les formes nouvelles qui se développent à partir de la fin des années 50 avec l’expansion économique. Les évolutions de l’éducation populaire à l’échelle nationale ont été analysées et étudiées par les acteurs, mais aussi par des historiens de l’éducation. Il est important de refixer le cadre général de cette évolution pour pouvoir dresser le tableau de la situation lyonnaise pour les mouvements de jeunesse et les associations laïques d’éducation populaire. Dans le contexte de la Libération, le concept d’éducation populaire devient la base des projets de politique de jeunesse. Jean-Marie Mignon, dans son Histoire de l’éducation populaire208 , rappelle le contexte de la France de l’immédiat après guerre. La société est en pleine mutation et les formes d’éducation populaire d’avant guerre n’apparaissent plus pertinentes. Les militants doivent également prendre en compte l’ouverture de plus en plus importante de l’enseignement secondaire. Enfin l’on constate que les idéologies totalitaires et la guerre ont marqué les populations. Le but est donc de permettre une émancipation intellectuelle et politique à la population, celle-ci étant rendue possible par l’éducation populaire. Le climat euphorique de l’immédiat après guerre semble propice à ce projet. Une des premières tentatives de réalisation de ce projet est évidemment Peuple et Culture. Son but est de dépasser les clivages sociaux et de maintenir l’esprit de la résistance par un brassage culturel permanent. Une des références est également l’affaire Dreyfus, ce qui confirme qu’elle est un moment clé dans le processus de développement de l’idée d’éducation populaire avec la création des universités populaires. L’objectif est « l’abolition des classes économiques » construites par les enfermements culturels209. On rejoint ainsi ce projet de société défendue par de nombreux militants lyonnais comme ceux de l’Office Social Lyonnais. Nous sommes alors dans une période de complète refonte des conceptions de l’éducation populaire. Les premières tentatives d’action de l’État dans le domaine de l’éducation populaire sont liées au projet de loi d’André Philip sur l’éducation populaire en 1952. Les craintes des différents mouvements en particulier de l’UFCV font que ce projet de loi reste dans les cartons, mais il apparaît que la question de l’éducation populaire est bien prise en compte par l’État. La puissance publique intervient progressivement, en organisant le cadre réglementaire et en finançant les différentes structures. Il n’y pas de structure d’État qui interviennent directement auprès de la jeunesse en dehors du système scolaire
Le temps des grandes structures
Ces évolutions ont évidemment des conséquences dans le contexte lyonnais et provoquent des transformations des politiques d’éducation populaire de la ville de Lyon et des mouvements de jeunesse. Nous avons abordé dans l’introduction le cas du local du restaurant pour mères nourrices de la Croix Rousse qui ferme en 1957 et dont le local est disputé par un collège et le groupe Éclaireurs de France A. Lefèvre, pour être finalement attribué à un club de jeunes de la fédération Léo Lagrange. Nous avions alors souligné que cet exemple était révélateur de l’évolution de l’éducation populaire qui était en train de se dérouler à ce moment là. L’après guerre est une période de municipalisation d’un grand nombre d’actions qui étaient auparavant organisées par des structures associatives, en particulier les cantines des écoles primaires et les garderies. L’analyse des dossiers d’associations aux archives départementales du Rhône, fait apparaître qu’un nombre important de ces structures associatives cessent progressivement leur activité et disparaissent durant cette période de la fin des années cinquante. Les fêtes civiques de la jeunesse, qui étaient le temps fort de cette vie associative n’ont pas survécu à la guerre, ce qui montre cette rupture provoquée par le second conflit mondial210. Le temps est désormais à une action éducative organisée au sein des grandes fédérations comme les Francs et Franches Camarades, l’UFOVAL ou la fédération Léo Lagrange. Les associations qui résistent à cette modification de leur environnement social et politique sont donc obligées de se transformer. On peut prendre l’exemple d’un mouvement de jeunesse, les Éclaireurs de France. Leur évolution est facilement analysable grâce au fonds d’archives de l’association qui a été conservé. En 1957, les Éclaireurs de France lyonnais décident d’organiser un cantonnement permanent pour les louveteaux dans le village de Ranchal dans le canton de Lamure sur Azergues. Les cantonnements utilisés jusqu’à alors, c’est à dire des années 20 jusqu’à la première moitié des années 50 sont décrits de la manière suivante dans le rapport du comité de gestion du cantonnement de Ranchal de décembre 1957 : « Chaque meute de 20 louveteaux environ, faisait généralement un cantonnement indépendant de quinze jours (3 semaines au plus) dans un local (ferme ou école) prêté ou loué pour la durée du séjour, ou même sous tentes. L’installation et la vie matérielle, y compris la cuisine, étaient assurées par les cheftaines aidées des louveteaux et parfois de routiers » Ce rapport explique pourquoi ce type d’hébergement n’est plus à l’ordre du jour et donne trois des principales raisons : « 1) La prolifération des colonies de vacances a obligé la direction de la jeunesse à une réglementation sévère, qui est appliquée, malgré leur caractère particulier, aux cantonnements louveteaux. Ces règlements ne peuvent être appliqués entièrement dans les cantonnements provisoires. 2) Les familles préfèrent souvent une colonie mieux aménagée et plus longue à un cantonnement court et moins confortable, malgré son caractère plus éducatif. 3) La difficulté de trouver des cheftaines de louveteaux ne permet pas le plus souvent d’avoir le nombre, la maturité et l’expérience nécessaires pour l’encadrement de nombreux cantonnements indépendants » Nous voyons là apparaître les effets de ces évolutions. Le développement de l’action et du contrôle de l’État aboutit à une législation plus contraignante sur 211Document conservé dans les archives des Éclaireuses Éclaireurs de France de la région de Lyon, en cours de versement aux archives départementales de Lyon. 230 les séjours de mineurs, celle-ci correspondant à une demande sociale. Les familles sont plus exigeantes sur les conditions de séjours de leurs enfants en colonie de vacances. La conséquence est que les associations doivent investir dans des structures d’hébergement. Enfin, on peut noter une forme de regret de cette évolution, car il semble que pour les auteurs de ce document, l’amélioration des conditions matérielles des séjours ait pour conséquence une diminution de leurs vertus éducatives. L’exemple du centre de Ranchal des Éclaireurs de France permet également de montrer l’importance croissante prise par les grandes structures associatives et publiques dans le fonctionnement des associations d’éducation populaire et les mouvements de jeunesses laïques. En effet, le rapport du comité de gestion indique les sources de financement pour la réalisation des travaux destinés à rendre les bâtiments de ferme, loués puis achetés, utilisables pour l’accueil d’enfants. Les travaux sont financés par des prêts sans intérêt contractés auprès de la Jeunesse au Plein Air, complétés par des subventions de fonctionnement allouées par le Conseil Général. La mise en place d’un tel équipement pour une association a pour conséquence un changement d’échelle et de pratique dans le fonctionnement de celle-ci. Les frais engagés, les remboursements de prêts, les amortissements des locaux et matériels conduisent l’association à avoir obligatoirement des résultats financiers avec un excédent de plus en plus élevé. Les associations et les mouvements de jeunesses, dans ce contexte, développent leurs capacités d’action en profitant de la croissance des effectifs, mais dans le même temps, ils deviennent de plus en plus dépendants des financements publics
Introduction |