Interêt du transport inter-hospitalier médicalisé des patients atteints de syndrome coronaire aigu sans élévation du segment ST dans la région Provence-Alpes-côte d’Azur
L’incidence annuelle des syndromes coronaires aigus (SCA), en France, est de 80 000 à 100 000 nouveaux cas par an. (1) Le SCA sans élévation du segment ST (NSTE-ACS) représente, en Europe, 53% des SCA (2). La prise en charge des SCA a été considérablement améliorée ces deux dernières décennies. Ainsi, la mortalité à 30 jours dans le cadre du NST- ACS est passée de 5,5% dans les années 2000 (3), à 2,5% en 2015. (4) La réduction de la mortalité intra-hospitalière a été observée dans tous les pays industrialisés (5) et semble être liée à l’avènement d’une stratégie de revascularisation systématique des patients souffrants de NSTE-ACS (6)(7)(8)(9) En revanche, le bénéfice sur la morbi-mortalité d’un transfert inter- hospitalier médicalisé en amont d’une revascularisation myocardique reste inconnue. Ce sujet fait l’objet depuis quelques années d’études de petites échelles à l’initiative des différents Services d’Aide Médicale Urgente (S.A.M.U). (1)(10) La région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) compte 6 centres SAMU correspondants aux 6 départements, dont 5 sont dotés d’un Héli-SMUR, 30 services mobiles d’urgence réanimation (SMUR), 55 services d’urgences ayant enregistré 1 790 041 passages en 2016. (11) Concernant le motif des consultations aux urgences, la douleur thoracique non traumatique représente 5% de ces consultations. Parmi ces 5% ; 9,8% sont des SCA, dont 7,8% des non-ST-elevation myocardial infarction (NSTEMI) (soit 8 055 patients en 2016). (12) Du fait de la répartition des établissements de santé, la majorité des patients pris en charge dans les différents services d’accueil des urgences (SAU) de la région devront être transférés vers un établissement disposant du plateau technique nécessaire à la réalisation d’une angio- coronarographie. Pour exemple, les établissements des départements alpins ne disposent pas de cardiologie interventionnelle. En 2012, 8 675 transferts ont été effectués par les SMUR de la région PACA, dont 36% pour des pathologies cardiaques (11). La démographie de la région PACA allant vers un accroissement de la population jusqu’à 5,4 millions d’habitants en 2030, il est important de cibler les missions pour lesquelles les moyens cités précédemment doivent être mobilisés. Dans notre région, les transferts inter-hospitaliers vers des unités de soins intensifs cardiologiques (USIC) des patients présentant un NSTE-ACS sont le plus souvent effectués par le SMUR eu égard au risque supposé de complications aiguës.
Ce type de transfert a des répercussions sur les patients, sur les équipes médicales, ainsi que des répercussions économiques. Il impose aux patients une attente parfois considérable au SAU initial, créant une surpopulation dans ce même SAU. A l’extrême, cette attente peut créer un retard de reperfusion myocardique, donc une perte de chance pour le malade. Ces transferts secondaires étant à l’encontre de l’établissement, les répercussions économiques ne sont pas nulles. Les trente minutes de vol sont facturées entre 1500 et 2000€, donc un impact fort pour les régions de montagne. Les médecins régulateurs n’ont pas d’outils d’aide à la décision de médicaliser ou non un transfert étant donné la pauvreté de la littérature et l’absence de recommandations officielles. L’objectif de cette étude sera donc d’identifier les patients à risque de complications aigues pendant le transfert inter-hospitalier en fonction du score de Global Registry of Acute Coronary Events (GRACE) et du niveau de risque défini par la société européenne de cardiologie (ESC).
Critère de jugement principal
Concernant l’analyse descriptive de la population, les variables continues ont été décrites selon leurs moyennes (avec écart-type) et médianes, avec les valeurs minimum-maximum et quartiles. Les variables qualitatives ont été résumées selon leurs effectifs et pourcentages. Afin d’identifier les patients à risque de complications aiguës, nous avons étudié le lien statistique entre le score de GRACE (Global Registry of Acute Coronary Events, annexe 1) et la survenue de complications aigues, ainsi que le lien entre le niveau de risque défini par la Société Européenne de Cardiologie, l’ESC (Annexe 2) et la survenue de complications aigues. Ces analyses ont été réalisées par le biais de régressions logistiques (dont les résultats sont exprimés en terme d’Odds-ratio avec leurs intervalles de confiance de 95%) ainsi que par des analyses de variance exprimée par ANOVA sur ces régressions. Le seuil de significativité est fixé à 5%. Les analyses statistiques ont été effectuées sur le logiciel R (version 3.5.1.) avec l’aide d’un statisticien.
Caractéristiques de la population
Les données de 506 patients ont été extraites du logiciel T-SMUR à partir du mot clé « SCA sans élévation du segment ST ». Après lecture de ces dossiers, 386 patients ont été exclus : 1 patient était mineur, 116 n’ont pas présenté de douleur thoracique angineuse ou pseudo angineuse (malaise/ vertiges/ station au sol prolongée/ décompensation cardiaque […] faisant découvrir une élévation de la Troponine ou un trouble de la repolarisation à l’ECG, les données étaient manquantes dans 269 cas. La cohorte analysée était donc de 120 patients (figure 1). Les données épidémiologiques de ces derniers sont résumées dans le tableau 1. L’âge moyen des patients était de 70 ans, dont 59% d’homme et 41% de femmes. Nous recensions 79,17% de NSTEMI contre 20,83% d’angor instable. 60% des ECG étaient modifiés. Le score de GRACE, à défaut d’être mentionné dans le dossier médical, était calculé par nos soins, ainsi que le niveau de risque ESC. La distribution des patients selon ces deux scores était inhomogène. En effet, 49,17% des patients avait un score de GRACE > 140, 27,50% avait un score compris entre 109 et 140, 23,33% avait un score inférieur à 109. Concernant le niveau de risque ESC, 10,83% avait un risque «bas », 22,5% un risque « intermédiaire », 55,83% un risque « élevé », et 10,83% un risque « très haut ». Près d’1/5 patient, 20,79% des patients, ont bénéficié d’un traitement pendant le transport .