Implications politiques
Dans ce dernier chapitre de thèse, nous présentons trois applications de notre mo- dèle d’attribution, liées aux politiques climatiques, inspirées et/ou motivées par les résultats précédemment présentés. La première de ces applications a trait à la ques- tion de la géo-ingénierie, que nous avons déjà rapidement évoquée en section 4.2.3, et à sa gouvernance qui pourrait être facilitée par une attribution précise des effets de chaque technique de géo-ingénierie. La seconde application est relative au “bur- den sharing”, c’est à dire au partage de la charge liée à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Nous utiliserons nos méthodes d’attribution afin de discu- ter de la compatibilité entre la trajectoire du RCP 2.6 et l’objectif d’équité entre pays développés et pays en développement. Enfin, la troisième et dernière applica- tion illustrera le concept d’incertitude politique au sein du Brazilian Proposal, sur l’exemple particulier de l’augmentation du COatmosphérique sur la période 1990– 2008. Il est important de noter que, en l’état actuel des choses (en particulier, de la version du modèle et des données accessibles), plus que des résultats à part entière, chacune de ces applications est une illustration de la potentialité de notre modèle et/ou de nos méthodes d’attribution.
Gouvernance de la géo-ingénierie
Contexte La géo-ingénierie est cette troisième voie envisagée pour faire face au changement climatique. Entre mitigation, qui cherche à diminuer l’impact des sys- tèmes anthropiques sur le système climatique, et adaptation, qui cherche à diminuer l’impact du changement climatique sur les systèmes anthropiques, la géo-ingénierie consiste à intervenir directement sur le système climatique, afin d’en altérer les propriétés naturelles. Les techniques de géo-ingénierie sont usuellement classées en deux catégories (Royal Society, 2009) : celles d’absorption du dioxyde de carbone (Carbon Dioxide Removal, CDR), et celles de gestion du rayonnement solaire (So- lar Radiation Management, SRM). Schématiquement, les premières agissent sur le taux atmosphérique de CO, que ce soit sur site industriel ou directement depuis l’atmosphère, l’afforestation à grande échelle, ou encore la fertilisation de la pompe biologique océanique. Parmi celles de SRM, ci- tons l’injection d’aérosols dans la stratosphère, ou l’altération de l’albédo des nuages ou des surfaces terrestres.
Bien que l’aspect théorique en soit discuté par la communauté scientifique, plu- sieurs éléments rendent le déploiement de la géo-ingénierie improbable à court terme : la faisabilité technique non-éprouvée, le rendement énergétique insuffisant, la diffi- culté à mesurer les effets primaires, les incertitudes quant aux effets secondaires, la nécessité d’une gouvernance globale ; chaque technique étant concernée par un ou plusieurs de ces éléments. Le travail que nous présentons dans cette section trouve sa place dans la discussion liée à la gouvernance de la géo-ingénierie. Bien que certaines puissent être implémentées localement, toutes les techniques de géo-ingénierie ont un impact sur le système climatique global, au même titre que les autres perturbations anthropiques (émissions fossiles, usage des sols, etc.). Ainsi, la méthodologie d’attri- bution que nous avons appliquée tout au long du chapitre 6 aux drivers anthropiques “usuels” peut parfaitement s’appliquer à la géo-ingénierie.
aux cinq régions renseignées dans la base de données (IIASA, 2012a) et représentées en figure 7.1, et aux différents forçages anthropiques. Nous effectuons ensuite une se- conde simulation, toujours suivant le RCP 8.5 et avec attribution, mais dans laquelle nous ajoutons des scénarios arbitraires de géo-ingénierie. Ces scénarios sont illustrés en figure 7.2. On peut y voir : des périodes de reforestation relativement intense dans les régions asiatiques, d’Amérique latine et africaine (variable δS). Les deux premières perturbations sont déjà explicitement implé- mentées dans OSCAR. Pour les deux dernières perturbations, on ajoute à OSCAR une modélisation par simple proportionnalité du forçage radiatif. Les coefficients de proportionnalité sont pris égaux à αpour l’injection de soufre dans la stratosphère (Lenton et Vaughan, 2009).
Discussion Cette section ne vise pas à soutenir le déploiement de la géo-ingénierie. Elle est une illustration de l’intérêt de la méthodologie d’attribution issue du Brazi- lian Proposal appliquée dans le cadre de la géo-ingénierie et de sa gouvernance. On constate en effet que cette méthodologie permet d’isoler la contribution de chaque région, à travers chaque technique, en différents points de la chaîne causale. Ce fai- sant, elle peut permettre d’établir des trajectoires régionales couplant mitigation et géo-ingénierie, ou encore de gérer le financement de telles techniques en lien avec leurs effets estimés sur le cycle du carbone et le climat. Il est même envisageable d’ef- fectuer des attributions croisées, comme nous l’avons fait pour le puits biosphérique en figure 6.20, que ce soit pour les effets primaires ou secondaires.