La culture de peuples indigènes en Colombie et les langues indigènes : Un panorama explicatif.

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Un nouveau point de départ dans l’étude de l’argumentation : La théorie de Stephen Toulmin.

Pour Toulmin (1993 : p. 116), le concept d’argument est déjà présent depuis l’époque d’Aristote, pour qui une argumentation est une affirmation dont la structure contient trois propositions : Une prémisse mineure, une prémisse majeure, et une conclusion. Selon Toulmin, cette forme classique n’est pas suffisamment complexe et transparente pour l’étude de l’argumentation, il faut disposer d’un schéma permettant d’exposer des arguments en toute transparence afin de mieux comprendre la nature de leur « processus logique » (Toulmin, 1993 : p.118). Selon l´auteur, les arguments ont une structure plus complexe, et leur validité ou non-validité est liée à l’agencement de ses composantes, et en rapport avec la notion de forme logique. Toulmin a proposé effectivement un schéma par lequel il est possible d’analyser la structure d’un argument. Il faut distinguer, selon lui, entre la thèse ou la conclusion sur laquelle on discute (C), et les faits qu’on invoque à l’appui de cette thèse, qu’il appelle données (D).
Dans le déroulement de la situation argumentative, l’analyse de la structure argumentative doit trouver des propositions d’un type différent des données en elles-mêmes : Des règles, des énoncés, des principes qui permettent de valider une inférence. Ces propositions doivent permettre de définir comme légitime le passage des donnés à la conclusion. Les propositions telles que « vu les données de type D, on peut supposer une conclusion de type C » sont appelées par Toulmin « les garanties » (G), pour les distinguer aussi bien des conclusions que des données de départ (voir figure 1). Nous pouvons clarifier cette discussion à travers l’un des arguments utilisés dans le matériel expérimental de cette Thèse pour justifier l’extraction du pétrole :
La Figure 1 représente le schéma qui a été utilisé pour construire le texte relatif à la question de l’extraction du pétrole. Des schémas argumentatifs de ce genre ont été conçus pour chacun des textes expérimentaux. Nous pensons que ce modèle de Toulmin est largement utilisé en psychologie et dans l´éducation car il s’agit d’une idée adaptable à tous les domaines de connaissance. Le modèle est adaptable parce qu’il permet d’analyser un argument à partir de sa structure et indépendamment de son contenu, le schéma n’est pas limité par des caractéristiques d’un domaine de connaissances en particulier. Ceci a été utilisé en éducation pour analyser de l’argumentation mathématique (Krummheuer, 2007), jusqu’à la biologie ou l’histoire (Pontecorvo & Giradet, 1993).
En fait, comme le précise Kolstø (2006), la recherche sur l’argumentation des étudiants en Sciences de l’éducation, a utilisé avec fréquence le modèle de Toulmin pour analyser des arguments. Celui-ci a été, dans le domaine de l’enseignement des sciences, le standard normatif pour évaluer non seulement la qualité de l’argumentation des étudiants mais le raisonnement même. Néanmoins, ce modèle a reçu plusieurs critiques. L’une d´entre elles est qu’il permet d’analyser un seul argument à la fois (Voss &Van Dyke, 2001). Ces auteurs affirment que le modèle est inefficace pour analyser des grands corpus, car il est difficile de classifier les diverses composantes d’un argument selon les catégories de Toulmin.
L’argumentation en tant que discours social : La reconnaissance du rôle de l’interaction.

L’argumentation analysée en tant que processus social.

Un évènement marquant dans la recherche du socle cognitif de l’argumentation dans la culture anglo-saxonne commence avec le travail de Deanna Kuhn (1991). Pour Kuhn (1991 ; 1999 ; Felton &Kuhn, 20001), l’argumentation est un exemple du raisonnement de haut niveau qui a des liens avec le développement humain. Dans ce sens, les compétences discursives dépendent prioritairement du développement cognitif, qui peut, à son tour, être dynamisé par l’éducation. Pour Kuhn, les termes « argument » et « argumentation » reflètent les deux sens du concept d’argument : celui du produit et celui du processus. Lorsqu’un individu construit un argument pour soutenir une requête, l’argument exposé est un produit. Le processus dialogique de deux participants dans un débat afin de résoudre une divergence d’opinion peut faire référence à l’argumentation comme processus. Selon Kuhn et Udell (2003), la plupart des recherches empiriques sur l’argumentation a été consacré à étudier l’argument comme produit, le modèle de Toulmin étant un exemple caractéristique.
Pour Kuhn, l’argumentation est une activité sociale dans laquelle deux ou plusieurs personnes défendent et comparent des points de vue qui soutiennent ou s’opposent à différentes positions. Elle affirme que l’introduction de la composante sociale est relativement nouvelle dans l’étude de l’argumentation puisque traditionnellement cette dernière avait été étudiée à partir des postulats logiques (ce qui n’est d’ailleurs pas exact, si l’on pense aux pratiques dialectiques et rhétoriques). Le contexte social introduit le besoin d’expliquer les capacités sociales impliquées dans le dialogue ainsi que les relations sociales et cognitives établies entre les divers acteurs de la situation et qui permettent d’atteindre des accords et des connaissances partagés autour de ce qui a été discuté. La recherche de Khun et ses collaborateurs (Kuhn, Shaw & Felton, 1997) a démontré que l’interaction à travers le discours argumentatif améliore significativement la qualité du raisonnement et élargit en particulier le processus de transmission de connaissances. Les points de vue se complexifient grâce à l’interaction, impliquant un changement croissant dans la quantité et la qualité des preuves et des données qui les supportent.
La théorie pragmadialectique et l’importance du conflit.

La théorie pragmadialectique de Van Eemeren et Grootendorst.

Le point de départ pour comprendre la pragmadialectique est l’idée que l’argumentation est une tentative de résoudre ou prévenir une différence d’opinion, mettant en évidence, de manière critique, l’acceptabilité d’un point de vue qui est mis en doute. (Van Eemeren, Houtlosser & Snoeck, 2007 ; p. 2). C’est pourquoi, dans cette recherche nous n’étudions ni les processus internes du raisonnement ni les dispositions psychologiques des personnes impliquées dans une différence d’opinion, mais plutôt les points de vue qui y sont exprimés verbalement. Pour analyser le discours argumentatif, la théorie pragmadialectique propose l’identification des « indicateurs argumentatifs », expressions qui rendent compte de la mise en place d’un raisonnement argumentatif de la part du locuteur. Ces expressions, qui changent d’une langue à l’autre sont d’une grande importance, puisque, selon le contexte, elles donnent des informations au locuteur sur un mouvement argumentatif qui a été déclenché et instaure la nécessité de répondre adéquatement au discours. Un exemple de ces indicateurs argumentatifs et de leurs différences dans la langue peut être identifié au niveau des indicateurs de causalité en anglais. En effet, des arguments de causalité peuvent être impliqués, mais non indiqués explicitement, par le mot « for » ; ces indicateurs argumentatifs en français doivent être employés attentivement, puisque, selon Anscombre (1984: 28 ; cité par Van Eemeren, Houtlosser & Snoeck, 2007), « parce que » et « car » ont des emplois différents ; « car » ne présente pas la relation de causalité, il se contente de l’exploiter. C’est une des différences avec « parce que » qui lui, sert précisément à présenter l’existence du lien de causalité.
Dans la théorie pragmadialectique on propose quatre étapes dans le processus de résolution d’une discussion critique (Van Eemeren, Houtlosser & Snoeck, 2007) : Confrontation, ouverture, argumentation et conclusion. Dans la première étape, il devra être évident que l’un des participants n’accepte pas un point de vue particulier et qu’il a des objections ; cette différence peut être explicite ou implicite. Dans la deuxième étape, les personnes impliquées décident si elles partagent des informations suffisantes, des faits ou des données qui permettent de déclencher une discussion fructueuse. Dans cette deuxième étape l’un des participants assume le rôle de protagoniste, défendant un point de vue donné, alors que l’autre répond de manière critique, assumant le rôle d’antagoniste.
Dans l’étape de l’argumentation, le protagoniste propose des arguments qui soutiennent son point de vue et qui contredisent les réponses de l’antagoniste. Dans cette étape, le protagoniste et l’antagoniste peuvent partager quelques points de vue. Dans l’étape de la conclusion, les parties doivent évaluer le résultat de toute la discussion. La discussion peut être déclarée close uniquement si les parties considèrent que l’argument ou les arguments d’une des parties sont acceptables ou incontestables. C’est ainsi que se termine la discussion critique.
Cette théorie emploie celle des actes de langage comme outils adéquats pour aborder la communication verbale orientée à résoudre une différence d’opinion. Selon Van Eemeren, les actes de langage : assertifs, les directifs, les promissifs, les expressifs et les déclarations, peuvent jouer un rôle spécifique à chacune des étapes de la discussion critique (Van Eemeren, Houtlosser & Snoeck, 2007). Ainsi, en identifiant les actes de langage présents dans chacune des étapes, on peut identifier les profils dialectiques dans un dialogue argumentatif.
La théorie pragmadialectique a eu un large accueil dans les espaces académiques latino-américains ; elle a guidé les tentatives d’inclusion de l’argumentation dans le curriculum des lycées au Chili (Cademartori & Parra, 2004). Comme cela a été déjà discuté (Gutiérrez & Correa, 2008), en Amérique Latine les théories linguistiques ont toujours été analysées dans la perspective pragmatique d’identifier ce qui peut être utilisé pour améliorer les connaissances académiques des élèves au lycée et à l’université. Ainsi, la définition des étapes ponctuelles pour atteindre une discussion critique facilite énormément l’incorporation de cette théorie dans les cours de Langue Espagnole et Langage. Cet intérêt repose sur l’idée que l’argumentation est une composante fondamentale de la résolution civilisée des conflits sociaux si fréquents dans les pays d’Amérique du Sud, et qui généralement ont été résolus par les voies de fait.

L’étude du discours argumentatif en Amérique Latine : les liens entre argumentation et cognition.

Une des figures les plus représentatives de l’étude de l’argumentation en Amérique Latine est Selma Leitão. Selon cette chercheuse, l’argumentation peut se définir comme une activité discursive que réalise un interlocuteur à travers la justification de différents points de vue, en tenant compte des perspectives contraires, dont le but est de convaincre un autre interlocuteur sur l’acceptabilité des idées exposées (Leitão, 2000). Elle a proposé une unité d’analyse à trois volets, composée d’un argument, un contre-argument et une réponse. L’argument est formé d’un point de vue et de sa justification, éléments qui peuvent être explicites ou implicites. Le contre-argument, à son tour, est une idée anticipée par le locuteur lui-même ou produite par l’interlocuteur et qui défie le point de vue déjà exposé. Le troisième élément, la réponse, est la réaction linguistique au contrargument posé et c’est celle-ci qui permet d’engendrer des transformations possibles de l’argument formulé au départ.
Dans la théorie de Leitão (2007), la réponse au contre-argument est configurée de quatre manières. Dans le premier cas, celui qui propose un point de vue, refuse l’argument contraire, et conserve son argument initial. Dans le deuxième, bien que celui qui propose admette qu’un argument contraire soit plausible, il produit des idées nouvelles qui renforcent son propre argument initial. L’acceptation de l’argument contraire, au moins en partie, de la part de celui qui argumente, caractérise la troisième voie ; cependant, cette fois-ci, on peut trouver une espèce d’intégration d’un contre-argument dans le point de vue formulé au départ. La dernière réponse possible, implique l’abandon du point de vue initial. Pour cet auteur, l’argumentation et l’inférence sont étroitement liées mais, pour ce que nous savons, la nature et les détails de cette relation ne sont pas encore compris de manière intégrale. (Ferro & Leitão, 2012). La caractéristique dialectique de l’argumentation et sa nature intrinsèquement polémique permettent aux locuteurs de réfléchir sur le contenu discuté et d’analyser en profondeur ce qui est discuté.
Un deuxième apport important à l’étude de l‘argumentation en Amérique Latine a été fait par Maria C. Martinez (2005). Ses propositions théoriques ont guidé le travail de la Cátedra UNESCO pour l’Amélioration de la Qualité de l’Education en Amérique Latine. Cet auteur a insisté sur le rôle de la médiation du langage en tant qu’activité énonciative dans la construction des processus cognitifs. Un aspect important de sa théorie est l’intégration de trois perspectives sur l’argumentation dans la dynamique énonciative du discours : celle que l’auteur a appelée analytique, représentée principalement par Toulmin, la perspective rhétorique, représentée par Perelman et la dialectique, représentée par Van Eemeren (Martínez, 2005).
L’hypothèse présentée par Martinez met en relief le rôle de l`énoncé. Pour elle, les énoncés n’appartiennent pas à un seul sujet, même si celui-ci les produit physiologiquement. Un énoncé est le résultat de deux sujets organisés socialement ; c’est-à-dire que tout énoncé est issu d’un locuteur social et s’adresse à l’horizon social de celui qui écoute, même dans le cas d’une situation monologique (Martínez, 2001). L’énoncé est donc l’instance du discours où le réel est interprété. Le locuteur instaure non seulement la présence de l’interlocuteur dans le texte argumentatif, mais aussi la présence de l’autre et sa propre présence, attendant une réponse active de la part de l’interlocuteur/lecteur. Cette situation énonciative met en scène une série de relations sociales et des tensions qui vont déterminer finalement les formes de manifestation textuelle et discursive que prendra l’énoncé argumentatif.
Les relations sociales entre les énonciateurs (énonciateur, énonciataire et référent) vont se manifester dans l’énoncé à partir de trois orientations qui composent l’acte évaluatif de l’énonciation. Dans la première orientation, et à partir de la position active du locuteur/auteur par rapport à l’interlocuteur/lecteur (destinataire), la relation entre eux fera en sorte que l’énoncé s’imprègne d’une intonation qui mettra en évidence la manière de s’assumer en termes d’énonciateur, de la part du locuteur ; cette intonation s’exprime par une voix d’autorité, pédagogique ou scientifique. D’un autre côté, cette relation, qui accorde des valeurs différentes au discours, fera en sorte que l’énoncé instaure une image que le locuteur attribue, en termes d’énonciataire à son interlocuteur, en raison de la réponse anticipée du premier envers le second. Ceci met en exergue la recherche d’un allié, un témoin ou contrairement, un intrus ou un opposant. La tension qui règne entre les deux interlocuteurs sera appelée « tonalité prédictive ».
Dans la deuxième orientation et à partir d’une position active du locuteur par rapport à ce qui a été dit, la relation évaluative établie s’exprime par la position que le locuteur assume en termes d’énonciateur par rapport à ce qui a été dit : un regard de respect, de soumission, de haine, de critique, de glorification. Cette évaluation sera exprimée au moyen d’une assimilation ou d’une distinction entre les énoncés : ce qui a été dit, ce à quoi on se réfère, et l’énoncé qui affirme, qui réfère. La tension qui s’instaure entre l’énonciateur par rapport à lui-même et ce qui a été dit/référé s’appellera Tonalité appréciative.
Et enfin, à partir de la position active du même locuteur /auteur par rapport à lui-même, et à ses intentions concernant l’interlocuteur/lecteur et ce qui a été dit/référé, la relation de valeur implique une prise de position en termes d’intention. Cette intention est exprimée par le point de vue que l’énonciateur assume par rapport aux deux (à l’énonciateur et à ce qui a été dit). Cette relation s’exprime par un but ou voix préférentielle : Convaincre, informer ou proposer, séduire, instruire ou faire agir, persuader. La tension qui s’instaure chez l’énonciateur par rapport à lui-même et aux deux autres, s’appellera tonalité intentionnelle. Cette dynamique énonciative n’est pas exclusive de l’argumentation ; c’est la situation courante de toute activité discursive.
Pour Martinez (2004), dans tout énoncé s’instaure une relation dynamique de forces par rapport à des énoncés que l’autre produit, et de manière prédictive par rapport à de possibles énoncés ou répliques ultérieures. Les formes d’organisation discursives du sens et les formes d’expression linguistiques du signifié d’un énoncé, seront alors liées non seulement aux relations dynamiques, indices d’une tonalité, mais les relations dynamiques entre les trois tonalités. Ces relations sociales entre les énonciateurs feront toujours partie de la dynamique structurale de l’énoncé.

La recherche sur l’argumentation en Amérique Latine.

La recherche en Amérique du Sud autour de l’argumentation dans une perspective psycholinguistique a plusieurs nœuds de développement nettement définis, et qui vont dépendre du pays considéré. Les travaux de recherche faits au Brésil, par exemple, ont une tendance très définie vers les relations entre argumentation, développement humain et éducation. Dans les cas du Venezuela et du Chili, ils ont été faits autour de l’incorporation de l’étude et de l’acquis du discours argumentatif dans le curriculum de l’enseignement dans l’école secondaire, et en Colombie, ils se sont centrés dans les relations entre argumentation et raisonnement scientifique.
Si les travaux ne sont pas très nombreux, ils nous montrent cependant un intérêt croissant pour la production d’un savoir autour de ce genre de discours. La recherche en argumentation partage un trait commun avec les études scientifiques faites en Amérique du Sud, son indéniable caractère pragmatique, c’est-à-dire, ignorant les études d’interaction. Les agences du gouvernement pour le développement de la recherche dans les différents pays : COLCIENCIAS en Colombie, CNPQ au Brésil, le CONICYT au Chili, IVIC au Venezuela, et CONICET en Argentine, appuient des projets ayant une application directe dans les différents espaces de formation quotidienne. C’est ainsi, qu’on a privilégié les études mettant l’accent sur l’éducation et l’intervention pédagogique. Dans ce qui suit nous parlerons des objectifs des recherches qui ont été faites dans les pays mentionnés, et nous ferons une analyse des résultats les plus significatifs.
Santa-Clara et Galvão (2006) ont montré que l’inférence et l’argumentation sont deux processus cognitifs et linguistiques d’une grande importance parce qu’ils représentent deux faces du même phénomène : L’interaction à travers le langage humain. Dans l’activité de compréhension textuelle, des inférences sont établies dans le but de former une représentation mentale du texte organisée et cohérente. La compréhension du texte ne se limite pas à extraire uniquement l’information explicite écrite, mais à établir des inférences. C’est à travers celles-ci que des informations textuelles et des informations sur le monde du récepteur (l’auditeur ou le lecteur) sont intégrées et reliées dans un ensemble cohérent de représentations mentales.
Selon Santa-Clara et Galvão, plusieurs chercheurs distinguent inférences intertextuelles et extratextuelles. Les premières renvoient à des informations générées par la connexion des idées exprimées dans le texte, tandis que les inférences extratextuelles sont générées à partir d’un lien entre une idée exprimée dans le texte et les connaissances sur le monde du récepteur du texte. Dans le cadre de la recherche psychologique, l’argumentation a occupé un lieu de plus en plus important tout au long des dernières décennies.
L’inférence et l’argumentation demandent d’évaluer des hypothèses et des conclusions. Analysant des relations entre assertions, le lecteur crée une conclusion. Le sens de tout discours est créé dans l’interaction, et sous l’influence du contexte historique, social et culturel dans lequel il se produit. L’argument peut être conçu comme un espace dialogique où les personnes essaient de faire valoir leurs points de vue, face à des positions divergentes. La nature dialogique de l’inférence, à son tour, est exprimée dans l’interaction entre le lecteur et l’auteur du texte, le texte serait une sorte d’intermédiaire entre les interlocuteurs.
De Chiaro et Leitão (2005) ont analysé le rôle de médiateur dans le processus qui facilite la construction de connaissances dans une situation sociale particulière : la salle de classe. Ils ont observé en particulier comment les actions discursives d’une maitresse produisent les conditions qui vont permettre l’apparition de l’argumentation définie comme méthode de négociation des différents points de vue. Les auteurs analysent un épisode argumentatif qui a eu lieu dans une salle de classe de Cinquième d’une école privée. Cette école à la particularité de former les étudiants par des discussions philosophiques à travers l’analyse des sujets de la vie quotidienne, faisant l’hypothèse qu’une proposition institutionnelle fondée sur le discours et la réflexion est un terrain fertile pour l’argumentation dans la salle de classe.
Les étudiants ont été divisés en deux groupes, ils ont eu une discussion sur un texte issu d’un des livres guide de l’école en échangeant leurs opinions sur le sujet. Dans un des sous-groupes, la maitresse a joué le rôle de médiatrice, dans le deuxième groupe la discussion a été autodirigée. Dans le groupe où la maitresse a joué le rôle de médiatrice, il y a eu une plus grande variété de verbalisations qui se sont centrées sur le sujet de discussion proposé.
Les différences les plus notoires se situent sur le plan épistémique, surtout dans le rôle de l’argumentation en tant que médiateur dans la construction du savoir. Ceci est dû au fait que la maitresse confère un statut spécifique aux opinions des étudiants en fonction du savoir accepté dans le domaine de la discussion. Les étudiants concernés par un processus de construction du savoir ne peuvent pas se percevoir eux-mêmes en tant qu’agents de légitimation de leur propre discours. La maitresse apparaît comme une représentante socialement instituée du savoir établi qui détermine l’acceptabilité des conclusions données par les étudiants.
Passos et Linhares (2007) ont promu les compétences qui déterminent les capacités argumentatives des étudiants universitaires en chimie. Leur travail a eu comme but d’analyser l’influence d’une proposition pédagogique ayant comme base la résolution des cas de recherche publiés dans journaux scientifiques, et l’élaboration d’arguments autour de ces cas issus des revues scientifiques. Les arguments des étudiants ont été analysés d’après la perspective du modèle de Toulmin. Ils ont analysé la présence et la distribution des différentes composantes de ce modèle où chaque confirmation obtenue a été analysée en fonction d’un
schéma argumentatif ». Cinq types de « schémas argumentatifs » ont été identifiés le plus courant étant le schéma CDJA (conclusion-donnée-justification-appui). Différents schémas ont été identifiés selon les cas analysés et ils ont montré que la nature du cas favorise ou restreint l’élaboration d’arguments. Quand il existe peu d’alternatives pour la solution du cas, les arguments élaborés présentent un faible nombre de composantes du modèle de Toulmin.
En suivant le même chemin autour des structures et des schémas de structure textuelle, Pinheiro et Leitão (2007) cherchent à déterminer dans quelle mesure la réflexion sur une structure argumentative est reliée à la présence de cette même structure dans les textes produits par les enfants et les jeunes adultes. Les structures prototypiques sont définies comme modèle abstrait des types textuels et se différencient entre eux par la nature des éléments linguistiques qui les constituent. Ils concluent que la connaissance des structures ne se reflète pas nécessairement dans la structure finale du texte et que la finalité du texte est l’élément qui s’avère le plus important dans sa transformation.
Dans les recherches faites au Chili, on s’intéresse à l’analyse de l’implémentation formelle de l’argumentation comme une composante du curriculum de formation en langue castillane pour les différents cours de l’éducation secondaire. Selon Vicuña et Marinkovich (2008), l’enseignement de l’argumentation dans le système scolaire chilien devient réalité en troisième année du collège dans la matière « Lengua Castellana y Comunicación » principalement dans l’unité d’apprentissage nommée « l’argumentation ». Les auteurs soulignent que quatre des objectifs fondamentaux de ces niveaux concernent le discours argumentatif. Dans ce contexte, il est nécessaire de décrire la manière dont les étudiants mettent en place ses objectifs et contenus dans le contexte de la communication orale.
Dans cette étude, on décrit le point de vue, les arguments pour ou contre, ainsi que les principes éthiques et les problèmes pragmatiques que déploient un groupe d’étudiants du troisième degré du collège d’un établissement d’éducation de la ville de Valparaíso, quand ils participent à un débat fictif, autour de la légalisation de l’euthanasie au Chili. Les auteurs concluent que les étudiants ne tiennent pas compte de toutes les étapes proposées pour « une discussion critique ». D’autre part, les argumentations qu’ils produisent ne sont pas toujours basées sur des principes éthiques et pragmatiques liées à la problématique en question, soit par méconnaissance soit par le faible engagement des participants dans celle-ci.

Table des matières

Introduction
Contexte général de recherche
Du contexte à une problématisation.
Des questions et des hypothèses de recherche.
Objectifs et structure de la Thèse.
Première partie : Argumentation, cognition et émotion.
Chapitre I. Approche théorique.
1. Introduction.
2. Un nouveau point de départ dans l’étude de l’argumentation : La théorie de Stephen Toulmin.
3. L’argumentation en tant que discours social : La reconnaissance du rôle de l’interaction.
4. La théorie pragmadialectique et l’importance du conflit.
5. L’étude du discours argumentatif en Amérique Latine : les liens entre argumentation et cognition.
6. Argumentation et cognition : Des liens et des processus sous-jacents
7. Conclusion.
Chapitre II. Problématiques socio-scientifiques : Argumentation, science et société
1. Introduction.
2. Argumentation socio-scientifique : définitions et panorama général.
3. Les jugements sur le bon et le mauvais : Antécédents du concept de moralité dans les QSS.
4. Les enfants argumentent-ils ? Les compétences argumentatives dans la petite enfance.
5. La consolidation de la capacité argumentative : les compétences des étudiants de collège et lycée.
6. Conclusion.
Chapitre III. Emotions, argumentation et psychologie.
1. Introduction.
2. En quête d’une définition du concept « émotion ».
3. Dimensions et catégories pour le concept « d’émotion ».
4. L’idée négative du lien entre l’émotion et l’argumentation : la conception standard
5. L’étude de l’émotion argumentée.
6. L’expression de l’émotion comme un aspect culturel.
7. Conclusion.
Conclusions de la première partie
Deuxième Partie : Méthodologie et description des données
Chapitre IV : La culture de peuples indigènes en Colombie et les langues indigènes : Un panorama explicatif.
1. Introduction.
2. Le sujet ethnolinguistique en Amérique latine.
3. Panorama des langues autochtones en Colombie.
4. La communauté indigène Nasa-Kiwe.
5. La langue nasa-kiwe : Le nasaywe.
6. Conclusions.
Chapitre V. Questions socio-scientifiques choisies : De la Colombie rurale à la Colombie minière.
1. Introduction.
2. Un bref panorama historique de la Colombie dans une perspective socio-économique.
3. Structure des textes.
4. Questions socio-scientifiques choisies.
5. Contextualisation sur les programmes scolaires en Colombie autour de l’argumentation
et des problématiques socio-scientifiques choisies.
6. Conclusion.
Chapitre VI. Méthodologie.
1. Introduction.
2. Population et échantillon.
3. Méthode de collecte de donnés.
4. Tâche.
5. Conclusions.
Chapitre VII. Constitution et présentation du corpus.
1. Introduction.
2. Constitution du corpus.
3. Description du corpus.
4. Présentation du corpus
Conclusions de la deuxième partie
Troisième Partie : Analyse du Corpus
Chapitre VIII. Ancrages théoriques : outils pour aborder les analyses argumentatives des QSS.
1. Le modèle 3RS et l’analyse du raisonnement dans des situations socio-scientifiques.
2. Une méthode pour analyser l’argumentation émotionnelle.
3. Douglas Walton et les schémas argumentatifs.
4. Un exemple d’intégration théorique-épistémologique : Protéger l’existence de la vie dans la planète.
Chapitre IX. L’éthos discursif et le choix d’une stratégie argumentative.
1. Introduction.
2. Le concept ethos discursif et les représentations sociales communautaires.
Schémas argumentatifs à partir du raisonnement pratique.
Chapitre X. L’argumentation Ad Consequentiam et la prise de décisions.
1. Introduction.
2. Le cas des biocarburants et la durabilité alimentaire.
3. La production de charbon et la destruction de la flore adjacente aux mines
4. Le cas des plantations de palmier à huile.
5. L’extraction du pétrole et la destruction de la culture : Un raisonnement fondé sur un schéma de valeurs ?
6. L’impact sur la sécurité alimentaire indigène.
7. Le cas des biocarburants, le contrôle du territoire et la guerre
8. Le topoï des dommages écologiques et l’argumentation par des conséquences.
Chapitre XI. L’argumentation selon la relation coût-bénéfice.
1. Introduction.
2. Le schéma de l’argumentation coût – bénéfice.
Chapitre XII. L’émotion dans la prise de décision.
1. Introduction.
2. Étude de cas autour de l’argumentation émotionnelle, les conséquences et la prise de décisions.
3. La destruction de la Terre-Mère.
4. L’empoisonnement par les métaux lourds : exemplification de la cloche émotionnelle.
5. « Les chemins que parcouraient mon père » : argumentation par des conséquences et l’analyse de tonalité émotionnelle.
6. L’énonciation de l’émotion : « Mes larmes coulaient ».
Schémas argumentatifs fondés sur des cas.
Chapitre XIII. Argumenter au moyen des analogies : La création de liens entre les projets et les croyances.
1. Introduction.
2. Argumentation par analogie : Études de cas.
3. Étude de cas 1 : L’analogie de Terre-Mère et le corps humain.
4. La maison, les mangues et le sens d’autonomie administrative : Une analogie stratégiquement émotionnelle ?
5. Le rejet stratégique de l’analogie.
Chapitre XIV. Modèles mentaux et prise de décision.
1. Introduction.
2. Modèles mentaux sur l’exploitation pétrolière.
3. Résultats statistiques.
Conclusions
Les limites de notre recherche
Les perspectives de notre recherche
Bibliographie
Résumé
Abstract
ANNEXE 1
Texto 1: Explotación de petróleo sobre el territorio de la comunidad U’wa.
Texte 1 : Exploitation du pétrole sur le territoire de la communauté U’wa.
Texto 2: Producción de caña de azúcar para la fabricación de bio-combustibles.
Texte 2: Production de canne à sucre pour la fabrication de biocarburants.
Texto 3: Explotación de carbón en la costa Caribe colombiana.
Texte 3: Exploitation de charbon sur la cote caraïbe colombienne.
Texto 4: Deforestación de la jungla amazónica para la producción de aceite de palma.
Texte 4: Déforestation du foret de l’Amazonie pour la production d’huile de palme en
Colombie.
ANNEXE 2
Transcription en espagnol.

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