Hydrodynamique de la Méditerranée nord-occidentale
La Méditerranée nord-occidentale s’étend environ de 2˚E à 10˚E et de 39˚N à 45˚N, entre les côtes italiennes, françaises et espagnoles, la Corse et la Sardaigne à l’est, et les Baléares au sud. Cette région comporte à la fois des zones peu profondes, avec notamment le plateau du golfe du Lion, d’une profondeur moyenne d’environ 80 m et atteignant jusqu’à 80 km de large, et une zone profonde au large, dépassant 2600 m (voir Fig. 2.1). La gamme des échelles spatio-temporelles des processus physiques qui entrent en jeu dans la circulation océanique en Méditerranée nord-occidentale est très large. Ainsi, la circulation générale des principales masses d’eau est un processus de grande échelle, quasi-permanent et à l’échelle du bassin, tandis que la formation d’eau dense, au large et sur le plateau, est un processus de méso-échelle, de l’ordre de quelques dizaines à une centaine de kilomètres et d’une durée de quelques jours à quelques semaines. Dans ce chapitre, nous proposons d’abord une description de la circulation thermohaline générale dans le bassin ouest-Méditerranéen. Nous dressons ensuite une revue des connaissances et questions concernant les processus physiques auxquels nous nous intéressons plus particulièrement dans cette étude, à savoir la formation d’eau dense au large et sur le plateau continental.
La circulation océanique générale et les princi- pales masses d’eau dans le bassin ouest – Médi- terranéen
La Méditerranée occidentale est reliée à l’océan Atlantique par le détroit de Gi- braltar, et à la Méditerranée orientale par le détroit de Sicile. La Méditerranée est soumise à un climat aride, avec de faibles précipitations [Tchernia, 1978]. De ce fait, les pertes d’eau douce par évaporation sont supérieures aux apports issus desprécipitations, des fleuves et de la mer Noire : la mer Méditerranée est un bassin de concentration et d’évaporation. Bryden et al. [1994] proposent une revue des différentes estimations de la perte d’eau nette (Évaporation – Précipitations – Ruis- sellement) en Méditerranée : les valeurs obtenues varient entre 0.47 m/an et 1.31 m/an selon les auteurs. Cette évaporation intense induit un déficit net d’eau douce qui est compensé par l’entrée d’eau d’origine atlantique au niveau du détroit de Gibraltar, et est un des principaux moteurs de la circulation thermohaline en Mé- diterranée. Les échanges de masses d’eau de densités différentes aux niveaux des deux détroits sont en effet à l’origine de la circulation générale dans le bassin médi- terranéen occidental, décrite par Millot [1987, 1999] et résumée sur la Fig. 2.2. Une synthèse des connaissances de la circulation en Méditerranée est proposée par Obaton [1998]. Les principales masses d’eau de la Méditerranée nord-occidentale sont l’eau atlantique modifiée (MAW, Modified Atlantic Water ), l’eau levantine intermédiaire (LIW, Levantine Intermediate Water ) et l’eau profonde de Méditerranée occidentale (WMDW, Western Mediterranean Deep Water ). Nous dressons ici une description synthétique de la circulation générale dans le bassin ouest.
En arrivant de l’Atlantique, la MAW longe d’abord la côte espagnole en mer d’Albo- ran puis rejoint, via le jet Alméria-Oran, la côte africaine. Elle longe celle-ci jusqu’au détroit de Sicile par le courant Algérien, dont les instabilités engendrent des tour- billons cycloniques et anticycloniques qui transportent une partie de la MAW vers le nord [Taupier-Letage and Millot , 1998; Mortier , 1992]. Au niveau du détroit de Sicile, deux-tiers de la veine continue vers la Méditerranée orientale. Le reste de la MAW remonte au nord du bassin occidental en mer Tyrrhénienne en longeant la côte italienne de façon cyclonique. Formant le courant Est-Corse elle franchit le canal Corse et pénètre dans le golfe de Gênes où elle rejoint le courant Ouest-Corse, qui remonte du bassin algérien à l’ouest de la Sardaigne et de la Corse. Là, les deux branches du courant Corse fusionnent pour former le courant Nord, qui coule le long des côtes italiennes, françaises puis espagnoles, longeant le plateau du golfe de Lion. Le courant Nord est le courant principal en Méditerranée nord-occidentale. Sa variabilité saisonnière est très marquée : peu profond, large et stable en été, il s’ap- profondit, accélère, devient plus étroit et instable en hiver, formant des méandres d’amplitude et de longueur d’onde variant entre quelques dizaines et une centaine de kilomètres [Conan and Millot , 1995]. Au niveau de la mer des Baléares, la ma- jeure partie de la MAW continue en traversant le canal d’Ibiza jusqu’au détroit de Gibraltar et pénètre dans l’océan Atlantique, tandis que l’autre branche est déviée vers le nord-est, accentuant la circulation cyclonique.Le refroidissement, donc la densification, d’une partie de la MAW en hiver en Mé- diterranée nord-occidentale produit l’eau hivernale intermédiaire (WIW, Winter In-termediate Water ), avec des températures inférieures à 12.4 ˚C et une salinité de l’ordre de 38.3 psu. Cette eau s’écoule sous la MAW moins dense et plus chaude qui arrive des régions avoisinantes.