La ”carrière scolaire” de Blaise Pascal
Un nom qui « donne à songer » : Pascal à l’orée du XIXe siècle (1809-1842)
« Il reste d’un homme ce que donnent à songer son nom, et les œuvres qui font de ce nom un signe d’admiration, de haine ou d’indifférence. » (P. VALÉRY, Introduction à la méthode de Léonard de Vinci) C’est par ces mots que Paul Valéry introduit son étude sur « la méthode de Léonard de Vinci » . 1 Quelques pages plus loin, il les applique à Pascal. Il indique alors que « ces lambeaux » – il est bien sûr question des Pensées – « nous forcent à les interroger » . Ce jugement permet de mesurer, à la 2 fin du XIXe siècle, l’inclusion de Pascal au grand corps, national, des « classiques », et ce qu’elle suppose. Pascal est « un nom » qui « donne à songer ». Mais il possède aussi, en tant que tel une « force » qui nous pousse, sans relâche, non seulement à nous « interroger » à son sujet, mais aussi, comme l’exergue le souligne, à admirer ses œuvres, à les haïr, bref, à les envisager avec passion. Il est tout à fait significatif de noter l’évidence avec laquelle Valéry convoque cet abord passionnel ; comme s’il n’était pas, ou plus, possible d’évoquer Pascal sans en parler avec passion. Cette force interne des classiques n’est donc pas réductible à un « plaisir » individuel, pris à leur lecture : elle 3 se convertit également en ce que Randall Collins appelait une « énergie émotionnelle » qui explique la virulence des débats qui entoure cet objet . Toutefois, là où ce dernier limite la capacité de 4 certains objets à se « charger » émotionnellement, dans la continuité des analyses de Durkheim , « La force religieuse n’est que le sentiment religieux que la communauté inspire à ses membres, mais projeté hors des 5 consciences qui l’éprouvent, et objectivé. Pour s’objectiver, il se fixe sur un objet qui devient ainsi sacré ; mais tout objet peut jouer ce rôle. » (É. DURKHEIM, Les Formes élémentaires de la vie religieuse, in Œuvres, édition de M. ACHIMASTOS, Paris, Classiques Garnier, 2015, t. I, p. 327) 40 lors de face-à-face ritualisés , il nous paraît que le « musée imaginaire » , dans lequel sont 1 2 regroupés les classiques, est très précisément caractérisé par la même logique. La charge émotionnelle qui, dans une culture nationale, du moins, partagée par tout un groupe social, est conférée aux classiques, peut servir de substitut à de tels face-à-face : la virulence des débats qui entourent la figure de Pascal, au XIXe siècle, ne s’explique pas seulement par la nature des interactions réelles entre des individus. Il faut, pour la comprendre, tenir compte d’interactions virtuelles tout aussi nombreuses. Pour le dire autrement, certains objets du discours – en l’occurrence un nom, quelques « philosophèmes » – n’accumulent pas seulement une « charge émotionnelle » dans des interactions en face-à-face (par exemple : dans une assemblée, dans un cercle philosophique, etc.). Avant même toute interaction de la sorte, ils apparaissent déjà constitués comme des objets passionnels. L’histoire du canon philosophique ne recouvre qu’en partie cette histoire passionnelle des objets philosophiques. Celle-ci est toutefois un préalable nécessaire pour comprendre la première. En effet, avant de devenir un objet d’intérêt privilégié pour telle discipline, il fallait que Pascal soit considéré comme un objet d’intérêt tout court. Avant de devenir un auteur canonique de la philosophie française, Pascal fut le classique d’une culture générale, étrangère au système des disciplines. Or, l’histoire du « devenir classique » de Pascal n’est pas étrangère à la forme qu’a prise son « devenir philosophique ». Pour le montrer, nous restituerons dans un premier temps les décisions qui ont amené Pascal à devenir ce classique français au début du XIXe siècle. Nous verrons alors comment, et pour quelles raisons, cette histoire fut en partie celle d’une éclipse du caractère philosophique de sa pensée. Dans un second temps, nous mesurerons les ambiguïtés de ce legs sur la réception de Pascal dans l’institution scolaire au début du XIXe siècle, soit au moment où se met en place un « système d’enseignement », et où les « classiques » acquièrent un rôle fondamental. R. COLLINS, The Sociology of philosophies, op. cit. p. 27. 1 A. MALRAUX, Le Musée imaginaire, Paris, Gallimard, 1965. 2 Chapitre 1. De quel Pascal hérite le XIXe siècle ? Pascal figure dans la liste d’auteurs qui accompagne le tout premier texte réglementant l’enseignement de la philosophie au lycée, en 1809 . Mais sa « carrière scolaire » commence 1 quelques années auparavant. Il faut remonter à l’arrêté qui organise l’enseignement dans les lycées, daté du 19 frimaire an XI (10 décembre 1802). Celui-ci prévoit la création d’une bibliothèque, dans chaque lycée : les livres appelés à figurer sur ses rayonnages sont placés sous la surveillance du ministère de l’intérieur . Leur catalogue officiel fut publié dans les mois qui suivent . Pascal y 2 3 apparaît à trois endroits. D’abord, par ses « Œuvres complètes », éditées par Charles Bossut, dans la section des mathématiques. Puis, par ses « Pensées », avec les « moralistes ». Enfin, par ses « Provinciales » – le nom de leur auteur n’est même pas précisé, tant l’ouvrage est connu –, parmi les « épistolaires », catégorie qui ne comprend que lui-même et Madame de Sévigné. Il fait donc figure de « génie total » : il est le seul à figurer dans autant de catégories. Comment cet auteur, qui avait peu écrit, et à qui ses amis ne prédisaient pas une grande postérité, s’est-il retrouvé, moins de cent-cinquante ans après sa mort, dans le Panthéon des nouveaux « classiques », c’est-à-dire, ici, des auteurs destinés aux classes ? Un jugement, célèbre, formulé 4 par Pierre Nicole à quelques jours de sa mort, permet de comprendre que cette célébrité n’allait pas de soi : « Il sera peu connu dans la postérité, ce qui nous reste d’ouvrages de lui n’étant pas capables (sic) de faire connaître la vaste étendue de cet esprit » . En effet, qu’a-t-on de Pascal au 5 lendemain de sa mort ? Les Provinciales, que Nicole considérait, à raison, comme un ouvrage de Règlement sur l’enseignement dans les lycées du 19 septembre 1809, §IV, « Des livres classiques », RLR, t. V, 1 p. 39-40. « Il y aura, dans chaque lycée, une bibliothèque de quinze cents volumes. Toutes les bibliothèques seront composées 2 des mêmes ouvrages ; aucun autre ouvrage ne pourra y être placé sans l’autorisation du ministre de l’intérieur. » (Arrêté concernant l’organisation de l’enseignement dans les lycées, 19 frimaire an XI [10 décembre 1802], art. 27, RLR, t. II, p. 310) Catalogue des livres qui doivent composer la bibliothèque d’un lycée, conformément à l’article XXVII de l’Arrêté du . circonstance, quelques traités scientifiques, peu dignes de l’intérêt du théologien de Port-Royal, et des notes de travail, entassées sans suite apparente sur son bureau. C’est à cette première énigme que doit se confronter un travail sur le devenir philosophique de Pascal : comment, et pourquoi, Pascal est-il au centre des préoccupations des gouvernants et de toute la société littéraire dès les premières années du XIXe siècle ? Avant d’entrer dans le détail des formes qu’a prises cet intérêt, nous montrerons qu’il est le résultat de toute une histoire, plus ou moins souterraine, qui commence avec Pascal lui-même, mais qui fut surtout prise en charge par tous ceux qui, après sa mort, se sont chargés d’éditer ses textes. En ce sens, le devenir « classique » de Pascal – comme auteur recommandé pour les classes – serait d’abord et avant tout redevable de son devenir « classique » en un autre sens : celui de « classique culturel » . Nous ne proposerons ici 1 qu’une traversée dans cette question très vaste, et qui a bénéficié de l’éclairage de travaux de grande qualité. Ceux-ci ont notamment mis en avant comment le caractère novateur du style de Pascal pouvait expliquer la singulière destinée qui fut la sienne , et le rôle que ses œuvres ont joué dans 2 l’histoire des idées . Mais les supports de diffusion de la figure de Pascal sur toute cette période 3 restent peu étudiés. Pourtant, nous verrons que l’histoire de l’édition des œuvres de Pascal aux XVIIe et XVIIIe siècles n’est pas du tout indifférente à leur destinée, et qu’elle permet de rendre compte de l’origine de presque tous les débats qui naîtront au XIXe siècle. Pour comprendre comment Pascal est devenu, en 1802-1809, le monument d’une culture qui commence à se revendiquer comme « nationale » , deux séquences temporelles peuvent être 4 distinguées. Premièrement, la construction d’une œuvre à partir des papiers épars trouvés sur son bureau après sa mort, dans les années qui suivirent celle-ci (1662-1678), et la publication de la première d’une série d’Œuvres complètes par l’abbé Charles Bossut, en 1779. 1. De la mort de l’auteur des Pensées à leur monumentalisation C’est d’abord du point de vue de la matérialité du texte que nous lisons aujourd’hui comme les « Pensées-de-Pascal » qu’il faut interroger l’énigme que représente le devenir classique de Pascal. Cette histoire apparaît ainsi traversée par une tension, entre la dispersion initiale du texte, qui le 1 Sur la distinction entre classique scolaire et classique culturel, voir D. MILO, « Les classiques scolaires », in P. NORA (dir.), Les lieux de mémoire. II. La Nation, t. III, Paris, Gallimard, 1986, p. 517-562. L. SUSINI, L’Écriture de Pascal : la lumière et le feu la « vraie éloquence » à l’œuvre dans les Pensées, Paris, Honoré 2 Champion, 2008. A. MCKENNA, De Pascal à Voltaire. Le rôle des Pensées de Pascal dans l’histoire des idées entre 1670 et rend impropre à toute publication, et la volonté, d’abord familiale, de célébrer la mémoire de leur illustre défunt, en construisant un « monument » à sa mémoire. (i) La dispersion initiale Pascal meurt au milieu des siens le 19 août 1662 : malade, il avait rejoint dans le courant du mois de juin sa sœur Gilberte et son mari Florin Périer . L’inachèvement du « grand ouvrage » envisagé 1 par leur parent ne leur était donc pas inconnu ; Gilberte elle-même avait d’ailleurs servi de copiste pour certains fragments . Toutefois, leur désarroi est grand lorsqu’après la mort de Pascal ils 2 commencent à envisager la publication de ses œuvres : de ce « grand ouvrage » ne restent que des « fragments informes ». La volonté de rendre hommage au défunt, en publiant ce projet qui lui aurait été le plus cher, se trouve ainsi confrontée à un obstacle de taille : Ce que l’on a trouvé dans ses papiers […] ne consiste presque qu’en un amas de pensées détachées pour un grand ouvrage qu’il méditait, lesquelles il produisait dans les petits intervalles de loisir que lui laissaient ses autres occupations, ou dans les entretiens qu’il en avait avec ses amis. Mais quoique ces pensées ne soient rien en comparaison de ce qu’il eût fait s’il eût travaillé tout de bon à ces ouvrages, on s’assure néanmoins que si le public les voit jamais, il ne se tiendra pas peu obligé à ceux qui ont pris le soin de les recueillir et de les conserver, et qu’il demeurera persuadé que ces fragments, tout informes qu’ils sont, ne se peuvent trop estimer, et qu’ils donnent des ouvertures aux plus grandes choses, et auxquelles peut-être on n’aurait jamais pensé.3 Ce texte apporte une nuance par rapport à l’idée d’une dispersion originelle des Pensées : ces petits papiers découpés l’avaient été en fonction d’un projet intellectuel – celui d’écrire un « ouvrage ». D’où l’idée que ces papiers sont autant de « fragments » d’un texte dont l’unité est à 4 jamais perdue. Dès lors, ils constituent bien un « puzzle » , au double sens que ce mot a en anglais : un casse-tête ludique et une énigme intellectuelle. Casse-tête ludique, d’abord, parce que l’on peut tenter de reconstituer les unités premières dont dérivent les fragments transmis à la postérité – c’est Toute la famille de Pascal fut impliquée, à différents degrés, dans la publication de ses œuvres, et en particulier sa 1 sœur Gilberte (1620-1687), son mari Florin Périer (1605-1672), et leur fils Étienne (1642-1680). Nous faisons figurer en annexe un arbre généalogique de la famille Pascal (Annexe 1.1), afin de faciliter la lecture de ce chapitre. Voir par exemple le fr. 618 (Recueil des papiers originaux des Pensées de Pascal, BNF, f. fr. 9202, fo 443-444). Pour 2 une recension exhaustive, voir G. PROUST, « Les Copies des Pensées », Il s’agit de la première publication posthume d’écrits de Pascal. Le terme est utilisé treize fois dans la préface d’Étienne Périer à l’édition de 1670. Nous publions ce texte en annexe, 4 infra, Annexe 1.2, Préface de l’édition princeps des Pensées (1670). Il n’a jamais fait l’objet d’une édition véritablement critique (voir à ce sujet notre notice). Pour une étude transversale de la définition du « fragment pascalien » et de ses enjeux, voir A. GEFEN, « Productivité d’un malentendu théorique : le fragment », in R. RIPOLL (dir.), L’Écriture fragmentaire : théories et pratiques, Perpignan, Presses universitaires de Perpignan, 2002, ce qu’a tenté, avec plus ou moins de succès, Pol Ernst . Énigme intellectuelle, ensuite, puisque, au- 1 delà de la dispersion matérielle des fragments, c’est le projet dont ils étaient porteurs qu’il peut être tentant de vouloir reconstituer – d’autant plus que Pascal avait plusieurs fois communiqué sur ce point. Dès l’origine, le texte de Pascal apparaît donc en tension entre une dispersion chaotique irréductible, et la nécessité de rendre ces fragments à la supposée « vérité » qu’ils auraient eue dans l’esprit de leur auteur, afin de servir sa gloire posthume. a. Le disparate des fragments originaux Florin Périer ne ment pas lorsqu’il écrit, en 1663, que les pensées de Pascal ont été « conserv[ées] » avec le plus grand « soin ». Le terme de « conservation », au XVIIe siècle, ne s’emploie qu’au sens propre. Il ne renvoie alors pas à l’entreprise éditoriale qui démarrait tout juste, et au terme de laquelle les précieux fragments vont subir de nombreuses retouches, mais au fait, rare à l’époque , que les originaux, tout « informes » qu’ils fussent, n’aient pas été détruits ou 2 abandonnés. Plus précisément, cette conservation prit deux formes, ainsi que le précise Étienne Périer (fils de Florin, neveu de Pascal), dans la préface de la première édition des Pensées (1670) : après la mort de Pascal, ses fragments ont tout d’abord été « recueillis », puis « copiés » immédiatement, tels qu’on les avait trouvés . Ce travail nous permet aujourd’hui de prendre la 3 mesure de toute la « confusion » dans laquelle la famille de Pascal avait trouvé ses papiers : après la mort de Gilberte, sœur de Blaise Pascal, les manuscrits des Pensées ont été confiés à son fils Louis Périer qui, à des fins de conservation, les fit assembler et relier en un imposant recueil, aujourd’hui conservé à la Bibliothèque Nationale de France . La « confusion » de ces papiers, 4 comme l’a noté Alberto Frigo , est triple. « Comme l’on savait le dessein qu’avait Monsieur Pascal de travailler sur la religion, l’on eut un très grand soin, après 3 sa mort, de recueillir tous les écrits qu’il avait faits sur cette matière. […] La première chose que l’on fit fut de les faire copier tels qu’ils étaient, et dans la même confusion qu’on les avait trouvés. » . Les analyses de cette section sont grandement redevables de cette synthèse, à la fois technique et très claire. 1/ Elle tient d’abord à la diversité matérielle des fragments. Certains occupent une, voire plusieurs pages dans le Recueil des originaux , et permettent de comprendre la manière dont Pascal 1 écrivait : il commençait par noter ses pensées sur de grandes feuilles, qu’il pliait parfois dans le sens de la largeur, de sorte à former un cahier de deux voire quatre feuillets (le texte étant alors écrit parallèlement aux pontuseaux ). Mais la plupart des papiers originaux sont de petite, voire très 2 petite taille, résultat de deux opérations de découpage. Pascal lui-même a découpé ces grandes feuilles primitives, afin d’isoler des unités textuelles, dont la plupart ont ensuite été regroupées et cousues ensemble sous la forme de « liasses ». Ces fragments ont également subi un second découpage, par l’artisan du Recueil des originaux. Celui-ci, par souci d’alléger son volume, a souvent rogné les marges des fragments (conduisant à la disparition d’un grand nombre des « trous d’enfilage » par lesquels Pascal avait assemblés les fragments en liasses). Cet artisan a même parfois été conduit, pour les faire tenir dans son recueil, à diviser des fragments au départ écrits sur le même papier, créant ainsi ce que Pol Ernst a appelé des « faux-vrais-papiers-découpés » – 3 autrement dit, des papiers dont la fragmentation, dans le Recueil des originaux, est seconde et non première, assignable à une autre main que celle de l’auteur. 2/ Mais les papiers de Pascal, tels que conservés dans ce recueil, ne sont pas seulement divers par leur taille : ils le sont aussi par leur écriture, qui témoigne de la présence simultanée de différents états de rédaction. Certains fragments, souvent les plus longs, sont manifestement recopiés de brouillons antérieurs ; certains sont maculés de ratures et de surcharges. Certains, enfin, ne sont même pas écrits de la main de Pascal, mais par différents copistes, dont sa sœur Gilberte , qu’il 4 s’agisse de réflexions dictées (fr. 163) ou de mises au propre d’une version avancée, sinon définitive, de certains fragments (par exemple le fr. 644). On ne se trouve donc pas avec le Recueil des originaux en présence d’un état intermédiaire du « grand ouvrage » de Pascal, mais d’états multiples, simultanés, de différentes unités textuelles dont on ne peut affirmer avec certitude lesquelles étaient de simples notes de travail, ou des rédactions intermédiaires proprement dites. Audelà des différences de longueur entre les fragments, comme le relevait déjà Étienne Périer, il faut Par exemple les fragments « Avantage du peuple juif » En dehors de la main connue de Gilberte, aucune étude n’a pu identifier l’identité des copistes et autres « secrétaires » 4 dont l’écriture se trouve dans le RO. donc remarquer que se côtoient des fragments « parfaits » et « imparfaits », c’est-à-dire plus ou moins achevés .
Disparates, les « originaux » regroupés dans le Recueil le sont enfin par les sujets auxquels ils se rapportent
À nouveau, Étienne Périer s’en explique dans la préface de l’édition de 1670 : « On s’étonnera peut-être aussi de trouver dans ce recueil [i. e. l’édition, et non le Recueil des originaux] une si grande diversité de pensées, dont il y en a même plusieurs qui semblent assez éloignées du sujet que Monsieur Pascal avait entrepris de traiter. » Si, en effet, la majorité des textes contenus 2 dans le volume que l’on connaît aujourd’hui comme les « Pensées-de-Pascal », semble participer d’un projet de conversion des athées et des indifférents, peut-être plus que de défense de la religion chrétienne – nous y reviendrons –, on trouve également de nombreuses excroissances qui ont peu à voir avec ce « grand ouvrage » supposé être en travail. Par exemple, des notes préparatoires aux Provinciales (fr. 746, 747, 792) et aux Écrits des curés de Paris (fr. 598 et 787), un questionnaire adressé à Martin de Barcos, confesseur des religieuses de Port-Royal (fr. 419), mais aussi des méditations spirituelles vraisemblablement à usage privé, comme le texte sur le « Mystère de Jésus » (fr. 749) ou encore le « Mémorial » (fr. 742). Il y a ainsi largement de quoi dérouter ceux qui, comme la famille Périer, chercheraient dans ces manuscrits le brouillon d’un ouvrage unique. Et, en ce sens, le volume qui parut en 1670 tenait effectivement plus du « recueil » que du « livre », comme l’écrit Étienne Périer dans la préface .
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