Vers une coéducation en danse en éducation physique et sportive
Les supports d’enseignement
Les contenus Lors des contenus d’enseignement relatif à « la relation partenaires », l’enseignant rit en voyant les images parce qu’elles confirment son malaise devant cette tâche où il s’agit d’amener les élèves à construire à deux « ça fait peur, il y a des termes qui ne sont pas utilisés et, ben oui » (31, 485-486). Sa réponse aux élèves « avec qui on veut » (31, L21-26) le fait réagir sur le comportement des élèves « oui oui ben de toute façon…il y a des individus qui resteront à mon avis seuls » (31, 486-489). Il occulte le problème des contenus. D’ailleurs, plutôt que d’interroger sa manière de solliciter les élèves au sujet des contenus, il préfère expliquer ce qui se passe en incriminant les comportements des élèves, ici des garçons. La parole de Lucille n’est pas entendue « elle a donné la réponse pendant qu’il bavardait l’autre loulou » (33, 512-513). La suite des images l’insupporte « je pense qu’elle s’était exprimée qu’elle l’avait donné la réponse, c’est pas moi qui lui avait donné à sa place, fin je crois » (33, 520- 525). Effectivement Lucille a donné la bonne réponse, mais l’enseignant, par l’attention portée aux garçons en raison de leur indiscipline, reprend la parole de Lucille. b La gestion des groupes L’enseignant n’a pas conscience de gérer les groupes de manière comptable. En effet, alors que ce qui lui importe est que tous les élèves soient répartis dans les groupes, il déclare « évidemment dans ces situations là c’est par affinité » (28, S1, 382-384). Puis de nouveau il attribue au comportement de certains élèves son choix d’imposer les groupes « il reste toujours deux, fin quelques élèves deux ou trois, qui ne trouvent pas leur partenaire, et donc voilà, en l’occurrence, j’ai imposé » (28, S1, 383-384). Quand nous recentrons le questionnement plus précisément sur la gestion sexuée au sein des groupes mixtes, de nouveau sont évoquées la responsabilité des élèves et surtout leur personnalité « oui mais là c’était avec Jennyfer donc évidemment…c’est par rapport au profil de l’élève, Jennyfer c’est celle qui fait rien qui est bloquée…donc Antoine il a un peu plus de facilités à présenter je pense donc j’ai préféré proposer à Antoine de démarrer en premier » (28, S2, 387- 391). L’argumentation continue à propos de « mettre la situation en place » (28, 392), pour cette raison « j’ai pris celui qui apparemment aurait plus de facilités à passer devant l’autre en 257 premier …je pense pas que ce soit une question de sexe » (28, S2, 395-399). Allier le « profil » de l’élève à la nécessité de « mettre la situation en place » est l’argument de l’enseignant. Mais au cours de la séquence suivante qui montre sa manière d’imposer, aux filles en particulier, des regroupements entre elles, il intervient « Virginie c’est un travail d’atelier, difficile hein pour elle, elle a eu zéro à la fin du cycle mais bon c’est vrai que là elle était encore un petit peu en activité…comme il fallait être en groupe ben elle ça à la rigueur il aurait fallu peut-être rester sur du solo… » (28, S3, 400-404). Il réfléchit alors à une autre forme de pratique possible, sur laquelle il ne s’attarde pas. Il ne désire pas revenir sur ses choix, il cite alors l’évaluation « après ça pose des problèmes par rapport à tes consignes et tes critères d’évaluation » (28, S3, 405-406). L’image montre pourtant Virginie participer comme les autres mais ce n’est pas ce qu’il retient, il décide de ne voir en elle que « la fille qui a eu zéro ». Entre cette image de milieu de cycle et la fin de cycle, il n’interroge pas son activité professionnelle. La responsabilité du zéro incombe alors seulement à la personnalité de l’élève. La réflexion sur son activité ne porte que sur les modalités de gestion du groupe. L’image montre que cette élève participe à côté de garçons et qu’à partir du moment où il lui impose un regroupement pensé affinitaire, avec d’autres filles, elle refuse de travailler. Ce n’est pas le travail en groupe qui a bloqué cette élève mais, dans une large mesure, le regroupement sexué qu’on lui a imposé. D’ailleurs il est dubitatif lorsque nous revenons sur cette idée « ouais ouais, elle était avec deux garçons … » (28, S3, 410). Mais il n’entend pas analyser l’écart entre la participation de cette élève dans un groupe mixte et son refus de travailler dans un groupe sexué. Il revient sur la personnalité de l’élève « j’ai du mal à percevoir cette gamine, je la découvre au fur et à mesure…elle a pas du tout le même comportement selon les activités…. quand j’ai fait badminton, elle a davantage fonctionné…la danse ça a été un fiasco et là maintenant je fais rugby c’est pas terrible non plus quoi » (28, S3, 411-416). Il évoque de plus en plus clairement la personnalité de l’élève et la nature de l’APSA pour expliquer le comportement de Virginie. Continuant d’éviter à analyser son activité, il invoque le caractère et le soutien familial (28, S3, 419-420) de cette élève. Toutes les raisons externes à son activité professionnelle sont évoquées mais jamais n’est mentionnée la gestion des groupes. Ainsi quand nous essayons de ramener la discussion 258 autour de ce thème, il admet « j’avais jamais remarqué ça » (28, S5, 426). Mais comme à chaque fois que nous parvenons à orienter sa réflexion sur la gestion des groupes il occulte les questions qui se posent à lui. La question du caractère revient « ouais…mais fin c’est aussi un, fin, un caractère très introverti » (28, S5,430) mêlé à la responsabilité des garçons « les garçons l’ont peutêtre pas demandé de venir avec elle » (28, S5, 432). Finalement la réflexion sur la gestion des groupes lui parvient « il y a peut-être une piste » (28, 433). Mais cette prise de conscience est tout de suite contrariée par des mécanismes de protection, il reporte alors la responsabilité de la gestion des groupes sur les garçons « intéressant que l’on trouve un garçon ou deux, un garçon dans la classe qui accepte d’être avec elle » (28, 433-434). Il finit par accepter l’idée que permettre à Virginie la mixité influencerait positivement son travail « et puis elle aurait certainement fonctionné » (28, 433). Mais pour l’enseignant, cette élève reste un cas marginal. Le problème de la mixité n’est toujours pas posé. Le terme « fonctionner » revient à plusieurs reprises. Il révèle les soubassements sur lesquels B construit son activité. Le corps n’est qu’un outil utile à la construction de vocabulaire gestuel. L’épisode 35 reprend la manière de gérer les groupes et en particulier les groupes mixtes. Le film montre que son attitude induit la séparation des élèves. Il tente d’expliquer son intervention par un problème de discipline « je fais ça uniquement dans les rassemblements…je fais rarement ça quand ils sont en activité de recherche, fin c’est même pas rarement, normalement je le fais pas, je dis normalement, sauf si, je fais une erreur peutêtre » (35, S1, 544-548). Le besoin de se justifier se transforme en doute « sauf si je fais une erreur ». D’ailleurs il exprime le besoin de préciser « enfin c’est accessoire, c’est pas très important » (35, S2, 552-553). Il conclut en minimisant l’impact de ses actions sur les élèves à chaque fois qu’il éprouve une gêne.
Le style d’action
La transmission des contenus sur un mode sexué Alors que l’image montre une différenciation sexuée dans la transmission des contenus, il ne retient que l’activité de Virginie qui est remarquée uniquement parce qu’elle est celle qui a eu zéro « on voit encore la demoiselle Virginie qui a eu zéro…c’étaient les séances où elle travaillait un peu…elle est debout elle est avec des garçons, d’ailleurs c’est surprenant qu’elle soit avec des garçons comme ça ». 259 À deux reprises nous attirons son attention sur cette image, il en prend conscience mais ce qu’il décide de retenir est « elle n’est pas beaucoup en mouvement…elle a peut-être le désir de vouloir en faire un peu pour, pas se mettre en marge tout de suite mais elle a du mal à se trouver dans l’activité » (19, S1, 197-206). Le film indique pourtant qu’il regarde cette élève sans intervenir. Il semble avoir conscience de ce qui se joue. Mais il préfère relier les causes de la participation ou la non-participation de cette élève à la personnalité de l’élève et la nature de l’APSA. À l’opposé, la séquence 2 souligne qu’il met tout en œuvre pour transmettre les contenus quand des garçons ne participent pas. À la vue de cette image, il réagit : « je m’attarde toujours sur les élèves qui sont pas en activité qui se mettent un peu en marge…caractère ». Mais les deux séquences mettent en évidence que l’enseignant n’intervient pas quand les élèves en marge sont des filles, il intervient immédiatement quand les garçons sont en marge. D’ailleurs, l’image donne une autre information, une des filles attend une remarque de l’enseignant sur sa production. Pour qu’il la regarde, elle passe devant lui à de nombreuses reprises. Il lui a juste émis « ouais c’est bien » (19, S2, L271). En parallèle il passe énormément de temps avec Alexis, considéré aussi en marge. Nous lui mentionnons pour qu’il réagisse. Mais il ne perçoit pas la différence dans la transmission des contenus. Pourtant, les images s’attardent sur l’ampleur des informations données à Alexis, peu à Lucille, aucune à Virginie. L’épisode 37 informe par ailleurs que les indications données aux filles et aux garçons, en ce qui concerne l’incorporation ou non des contenus, se font sur un mode comparatif. En conséquence les filles sont soit ignorées soit considérées comme contre-exemple, les garçons pris en exemple. Mais comme l’enseignant ne réagit pas sur les premières séquences, nous intervenons sur la dernière. Celle-ci met l’accent sur les démonstrations avec les garçons qui semblent être un moyen supplémentaire de leur faire s’approprier les contenus. Il précise d’abord que si effectivement, il fait toujours les démonstrations avec les garçons c’est « pour ne pas mettre la 260 fille en difficulté » (37, S4, 560) puis « c’est clair…c’est réfléchi » (37, S4, 564-565). Il s’agit d’éviter les contacts avec les filles, nous le comprenons comme un acte réfléchi mais ceci pose quand même le problème des démonstrations avec des élèves de sexe opposé en EPS. Comment alors les inciter à entrer en contact avec des élèves de sexe opposé ? D’autres moyens que la démonstration sont peut-être préférables dans les APSA qui nécessitent des contacts. En tout cas, l’ambiguïté n’est pas permise. La condition pour que l’enseignant puisse effectuer des démonstrations est qu’il puisse entrer dans un registre moteur qui effectivement « mettrait les filles en difficulté ». Plus que les contacts, les registres moteurs sont à questionner. Son registre étant unique, les démonstrations ne se font qu’avec les garçons, supposés entrer dans ce registre. La posture de novice et la référence unique n’aident pas à franchir cet obstacle. b Les modes de transmission des contenus i la connivence L’épisode 21 est choisi afin de mettre l’accent sur les modes de transmission des contenus. Avec les garçons, ils se font sur le ton de la connivence. Ici l’enseignant explique, à un des garçons qui désire recommencer les tâches de la leçon précédente, que les contenus ont changé « parce que la dernière fois il y avait la moitié des filles qui n’était pas rentrée dans l’activité…donc aujourd’hui on a plus de monde à fonctionner » (21, L278). La conséquence de cette réponse risque d’amener ou d’encourager les garçons à se considérer plus performants que les filles. Ce qui n’aide pas à l’acceptation des différentes motivations.Tout est ramené aux différences sexuées, les aspirations des élèves ne sont pas évoquées. Les contenus sont simplifiés pour s’adapter aux filles. Comme la réponse est donnée sous le ton de la connivence, l’élève accepte les consignes de l’enseignant. Mais comme cet élève a perçu la relation entre contenus simplifiés et réussite des filles, la rencontre avec elles est rendue encore plus difficile. L’enseignant explique alors les raisons de sa réponse en relatant le contenu des premières séances « vous faites une longueur en courant, un saut…varier les sauts…t’avais les garçons qui réussissaient tout ce qui était dynamique saut, passage au sol, ils s’explosaient et pis t’avais les filles qui regardaient, elles étaient un peu apeurées » (21, 265-271). A l’évocation de « apeurées » il rit puis ajoute « celles qui le faisaient se 261 forçaient…on voyait bien que ce n’était pas ce à quoi elles s’attendaient au niveau de la danse » (21, 272-275). Même s’il perçoit que ses références sont inappropriées aux filles et qu’il déclare avoir adapté ses contenus, il n’a toujours pas conscience de faciliter l’appropriation des contenus aux garçons par des voies multiples. Pour les filles, il facilite l’incorporation des contenus en réduisant les exigences motrices. Pour les garçons il facilite l’incorporation des contenus, en passant par le ton de la connivence, sans changer les exigences. Ce mode de transmission spécifiquement en direction des garçons est repris dans l’épisode 41. L’enseignant essaie de motiver deux garçons assis « vous êtes une paire solidaire » (41, S1, L287). Il ne réagit pas à cette séquence. ii Les relances Les relances aux filles sont un moyen de leur faire incorporer les contenus. Mais cette fois le ton n’est pas celui de la connivence, en aparté, mais devant toute la classe « allez vous devez bouger dans l’espace, ne restez pas sur un même lieu un même endroit » (22, L283-284). A cette image, l’enseignant réagit « on a tendance à avoir des élèves qui se mettent aussi en périphérie un petit peu dans les coins et puis à vouloir bouger, en restant immobiles au niveau des déplacements » (22, 277-279). À ce moment là il n’a pas conscience, ou occulte le fait puisqu’il ne les cite pas, que seules les filles sont toujours en périphérie. Nous relancons alors la discussion sur une cause possible, notre présence par exemple, qui aurait pu influencer l’espace utilisé par les filles. Il précise alors « non non je pense pas, l’espace qui s’est instauré ici il est resté quasiment comme ça tout le cycle…souvent il y avait l’espace des filles à gauche » (22, 284- 289). Effectivement elles étaient toujours en périphérie et à gauche, près de la porte de sortie. Il en a eu conscience tout le cycle mais n’a pas jugé important de modifier son activité. Puis il resitue la place des groupes « un groupe mixte sur la droite, il y en avait au milieu et à gauche c’était un groupe de filles .
INTRODUCTION |