Quasi-morphismes et difféomorphismes hamiltoniens
Quasi-morphismes, longueur stable et cohomologie bornée
Les textes [8, 10, 21, 54, 61, 85] constituent de bonnes références pour ce paragraphe. Un quasi-morphisme sur un groupe Γ est une application φ : Γ → R telle qu’il existe une constante C > 0 vérifiant : |φ(xy) − φ(x) − φ(y)| ≤ C, pour tous x,y de Γ. Nous dirons que φ est homogène s’il vérifie en outre φ(x n ) = nφ(x) (x ∈ Γ, n ∈ Z). Bien sˆur les homomorphismes de Γ dans R ainsi que les fonctions bornées sur Γ fournissent des exemples (triviaux) de quasi-morphismes. Nous verrons d’ailleurs que pour certaines classes de groupes (les groupes moyennables par exemple), les sommes de fonctions bornées et d’homomorphismes sont les seuls exemples de quasi-morphismes. Au contraire, d’autres classes de groupes (les groupes libres par exemple) admettent de nombreux quasi-morphismes non triviaux. Si φ : Γ → R est un quasi-morphisme quelconque et x ∈ Γ, la suite an = φ(x n ) vérifie : |an+m − an − am| ≤ C. Ceci implique, d’après un lemme classique, que la limite limn→∞ an n vii viii existe. Nous noterons φh(x) cette limite. Nous avons bien sˆur l’inégalité : |an − a1| ≤ (n − 1)C, d’o`u l’on déduit : | an n − a1| ≤ C. En passant à la limite lorsque n tend vers l’infini, nous obtenons que l’application φ − φh est bornée par C. Ceci implique que φh est également un quasi-morphisme. De plus, φh est homogène. Ecrivant φ = (φ − φh) + φh, on constate que tout quasi-morphisme s’écrit comme somme d’un quasi-morphisme homogène et d’une fonction bornée. Puisqu’une fonction homogène et bornée est identiquement nulle, cette écriture est unique. Nous noterons QM(Γ, R) l’espace vectoriel des quasi-morphismes sur Γ et QMh(Γ, R) le sous-espace formé des quasi-morphismes homogènes. Les remarques qui précèdent assurent que l’espace quotient QM(Γ, R)/ (Hom(Γ, R) ⊕ ` ∞(Γ, R)) s’identifie à l’espace QMh(Γ, R)/Hom(Γ, R). Ici Hom(Γ, R) désigne l’espace des homomorphismes de Γ dans R et `∞(Γ, R) l’espace des fonctions bornées de Γ dans R. Si φ : Γ → R est un quasi-morphisme, nous appellerons défaut de φ, noté δ(φ), la quantité : sup x,y∈Γ |φ(xy) − φ(x) − φ(y)|. Avant de donner des exemples de quasi-morphismes, nous mentionnons la notion de longueur stable et les liens entre quasi-morphismes et cohomologie bornée. Ces liens sont apparus dans le travail de Matsumoto et Morita [85] et ont été précisés par Bavard [8]. Considérons un groupe Γ. Si γ ∈ [Γ, Γ] est un élément du premier groupe dérivé de Γ nous pouvons définir sa “longueur” |γ| de la manière suivante : l’entier |γ| est le plus petit entier n tel que γ s’écrive comme un produit de n commutateurs : γ = Yn i=1 [ai ,bi ], o`u ai , bi sont dans Γ et [ai ,bi ] = aibia −1 i b −1 i est le commutateur des éléments ai et bi . Proposition 1 ([8, 87]) Si φ : Γ → R est un quasi-morphisme homogène, nous avons : |γ| ≥ |φ(γ)| 2δ(φ) . Preuve : nous commen¸cons par observer que l’homogénéité de φ implique que φ est constant sur les classes de conjugaison de Γ. En effet, si x et y sont dans Γ, on peut écrire, pour tout entier naturel n : φ(xyx−1 ) = 1 n φ(xynx −1 ) = 1 n
Difféomorphismes hamiltoniens des surfaces
Pour plus de détails concernant les notions introduites dans ce paragraphe, le lecteur pourra consulter [5, 26, 45, 46, 52, 81, 86, 110]. Considérons une surface compacte Σ munie d’une forme d’aire ω. Nous commen¸cons par rappeler la définition du groupe des difféomorphismes hamiltoniens de Σ, que nous noterons GΣ. C’est un sous-groupe distingué du groupe de tous les difféomorphismes de Σ préservant ω. De plus, il est contenu dans le groupe Diff0(Σ,ω) des difféomorphismes de Σ préservant l’aire et isotopes à l’identité. Remarque. Il est équivalent de dire qu’un difféomorphisme préservant l’aire f : Σ → Σ est isotope à l’identité parmi les difféomorphismes préservant l’aire, ou bien est isotope à l’identité dans le groupe de tous les difféomorphismes de Σ. En effet l’inclusion du groupe des difféomorphismes de Σ préservant l’aire dans le groupe de tous les difféomorphismes préservant l’orientation est une équivalence d’homotopie. Ceci est une conséquence d’un théorème classique de Moser [90]. Une grande partie des concepts et des résultats que nous présentons maintenant se généralise au cas o`u la surface Σ est remplacée par une variété symplectique de dimension quelconque (V,ω) (voir [86]). Cependant, dans cette, nous ne décrirons que le cas des surfaces. Considérons une fonction H : [0, 1] × Σ → R. Nous noterons souvent Ht(x) = H(t,x). La différentielle de la fonction Ht fournit une 1-forme (dépendant du temps) −dHt sur la surface Σ. Puisque ω est une forme d’aire, il existe un champ de vecteurs dépendant du temps XHt sur Σ, tel que : −dHt = ιXHt ω, o`u le produit intérieur ιXHt ω est défini par ιXHt ω(u) = ω(XHt ,u), pour tout vecteur u tangent à Σ. Nous pouvons alors intégrer le champ de vecteurs dépendant du temps XHt en un chemin de difféomorphismes (ϕ t H )t∈[0,1] avec ϕ 0 H = 1l. Si x ∈ Σ, la courbe (ϕ t H (x)) est la solution de l’équation différentielle : ( ϕ 0 H (x) = x d dtϕ t H (x) = XHt (ϕ t H (x)). L’isotopie (ϕ t H ) est l’isotopie hamiltonienne engendrée par la fonction H. Un difféomorphisme de Σ est hamiltonien s’il est le temps 1 d’une isotopie hamiltonienne : GΣ = {ϕ 1 H ,(ϕ t H ) est une isotopie hamiltonienne}. Il n’est pas difficile de s’assurer que GΣ est un groupe : si (Ht) et (Ft) sont deux hamiltoniens sur Σ, l’isotopie ϕ t H ◦ ϕ t F est engendrée par le hamiltonien Ht + Ft ◦ (ϕ t H ) −1 . De plus ce groupe est distingué dans le groupe de tous les difféomorphismes de Σ préservant l’aire. En effet, on vérifie aisément que si f est un difféomorphisme de Σ préservant l’aire, l’isotopie f ◦ ϕ t H ◦ f −1 est hamiltonienne, engendrée par le hamiltonien (Ht ◦ f −1 ). Lorsque Σ est la sphère S 2 , le groupe GS2 co¨ıncide avec le groupe de tous les difféomorphismes préservant l’aire de S 2 . Lorsque le genre de Σ est non-nul, il existe un homomorphisme du groupe Diff0(Σ,ω) vers un groupe abélien, dont le noyau est le groupe GΣ. Nous rappelons d’abord comment construire cet homomorphisme lorsque le genre de Σ est supérieur ou égal à 2. Dans ce cas on obtient un morphisme à valeurs dans le groupe H1 (Σ, R). Considérons une isotopie (ft)t∈[0,1] issue de l’identité et préservant l’aire. Notons Xt le champ de vecteurs dépendant du temps qui engendre ft . Il satisfait : d dtft(x) = Xt(ft(x)). L’identité f ∗ t ω = ω est équivalente au fait que la dérivée de Lie de ω par rapport au champ de vecteurs Xt est nulle : LXtω = 0. Puisque ω est fermée, ceci équivaut à dire que la 1-forme ιXtω est fermée. Nous pouvons alors associer à l’isotopie (ft) la classe de cohomologie Z 1 0 [ιXtω]dt ∈ H 1 (Σ, R). Lemme 2 La classe de cohomologie R 1 0 [ιXtω]dt ne dépend que de la classe d’homotopie à extrémités fixes de l’isotopie (ft) dans le groupe Diff0(Σ,ω). xv Preuve : nous allons montrer que le morphisme de π1(Σ) vers R induit par la classe R 1 0 [ιXtω]dt ne dépend que de la classe d’homotopie de (ft). Puisque ce morphisme détermine la classe R 1 0 [ιXtω]dt, cela suffit à établir le lemme. Fixons donc une application γ : S 1 → Σ. Notons β(s,t) = ft(γ(s)) (t ∈ [0, 1], s ∈ S 1 ). Il n’est pas difficile de vérifier que l’on a : h Z 1 0 [ιXtω]dt, [γ]i = Z S1×[0,1] β ∗ω. Puisque la classe d’homotopie du cylindre β : S 1 × [0, 1] → Σ ne dépend que de celle de (ft), nous obtenons le résultat voulu. 2 Lorsque le genre de Σ est supérieur ou égal à 2, le groupe Diff0(Σ,ω) est simplement connexe [34]. Ainsi la classe de cohomologie R 1 0 [ιXtω]dt ne dépend que du difféomorphisme f1 ∈ Diff0(Σ,ω), et pas de l’isotopie choisie pour le relier à l’identité. On note Flux(f1) cette classe. Nous avons donc défini une application Flux : Diff0(Σ,ω) → H 1 (Σ, R). Il n’est pas difficile de s’assurer que cette application est un homomorphisme. Bien entendu, si ϕ t H : Σ → Σ est une isotopie hamiltonienne, la classe de cohomologie Flux(ϕ 1 H ) est nulle : pour chaque instant t on a en effet [ιXHt ω] = [−dHt ] = 0. Le groupe GΣ des difféomorphismes hamiltoniens de Σ est donc contenu dans le noyau de l’homomorphisme Flux. En fait il n’est pas difficile de s’assurer que ces deux groupes co¨ıncident : Ker(Flux) = GΣ. Autrement dit, si la classe Flux(f) est nulle, il existe une isotopie hamiltonienne reliant l’identité à f [5, 86]. Ce résultat est dˆu à Banyaga. Nous allons donner maintenant une description plus géométrique de l’homomorphisme Flux. Plus précisément, nous allons construire un homomorphisme Sch : Diff0(Σ,ω) → H1(Σ, R) dans l’esprit du cycle asymptotique de Schwartzman associé à une mesure invariante d’un champ de vecteurs [110]. Il est dual du morphisme Flux dans le sens suivant. Pour toute 1-forme fermée α sur Σ, nous avons : Z Σ [α] ∧ Flux(f) = [α] (Sch(f)). Considérons donc un difféomorphisme f ∈ Diff0(Σ,ω) et une isotopie (ft) reliant l’identité à f. Si x ∈ Σ, nous noterons γx le courant d’intégration sur la courbe (ft(x)). Considérons le courant C (f) obtenu en prenant la moyenne des différents courants γx (x ∈ Σ) par rapport à la mesure µω associée à la forme d’aire ω : C (f) = Z Σ γx dµω(x). Par définition la valeur du courant C (f) évalué contre une 1-forme α définie sur Σ est : C (f)(α) = Z Σ Z (ft(x))t∈[0,1] α ! dµω(x). Si α est la différentielle d’une fonction F : Σ → R, on a : C (f)(dF) = Z Σ (F(f(x)) − F(x))dµω(x). Puisque f préserve l’aire, cette quantité est nulle. Le courant C (f) est fermé. Il définit donc une classe [C (f)] ∈ H1(Σ, R). Bien que nous l’ayons omis dans la notation, le courant C (f) dépend du choix de l’isotopie reliant l’identité à f. Cependant, puisque le groupe Diff0(Σ,ω) est simplement connexe, sa classe d’homologie ne dépend que de f. Nous noterons donc Sch(f) = [C (f)] ∈ H1(Σ, R). Nous pouvons alors établir la relation annoncée entre les classes Sch(f) et Flux(f). Puisque la 3-forme α ∧ ω est nulle sur Σ nous avons : 0 = ιXt (α ∧ ω) = α(Xt)ω − α ∧ ιXtω. Nous avons donc α(Xt)ω = α ∧ ιXtω. En intégrant cette 2-forme sur Σ, puis en intégrant par rapport au temps, nous obtenons : Z 1 0 Z Σ α(Xt)ωdt = Z Σ [α] ∧ Flux(f). C’est la relation voulue. En fait, si f ∈ Diff0(Σ,ω), on peut définir (exactement comme ci-dessus) une classe d’homologie Schµ(f) associée à toute mesure de probabilité borélienne µ invariante par f. La classe Sch(f) ci-dessus est (à une normalisation près) la classe correspondant à la mesure de probabilité définie par la forme d’aire. Ces classes d’homologie associées aux mesures invariantes de f sont largement utilisées dans l’étude des difféomorphismes des surfaces, par exemple, pour la recherche d’orbites périodiques (voir [46, 81] par exemple). Dans le cas o`u la surface Σ est le tore T2 , on peut construire de manière similaire les morphismes Flux et Sch. Cependant, le groupe Diff0(T2 ,ω) n’étant pas simplement connexe, ces morphismes sont à valeurs dans les groupes H1 (T2 , R)/H1 (T2 , Z) et H1(T2 , R)/H1(T2 , Z) respectivement [34, 86] plicité du groupe de tous les difféomorphismes (isotopes à l’identité) d’une variété fermée. Nous renvoyons le lecteur au livre [7] pour un panorama de ces travaux. Là encore, l’énoncé ci-dessus admet une généralisation lorsque la surface Σ est remplacée par une variété symplectique de dimension supérieure. D’après ce résultat, tout homomorphisme à valeurs réelles défini sur le groupe GΣ est trivial, et tout homomorphisme défini sur le groupe Diff0(Σ,ω) (lorsque le genre g de Σ est supérieur ou égal à 1) est obtenu en composant l’homomorphisme Flux avec un homomorphisme de H1 (Σ, R) (ou H1 (T2 , R)/H1 (T2 , Z) lorsque Σ = T2 ) vers R. On peut alors chercher à construire des quasi-morphismes définis sur les groupes GΣ ou Diff0(Σ,ω), qui soient non-triviaux sur le groupe des difféomorphismes hamiltoniens. Il s’avère qu’il existe de nombreux exemples. Mentionnons d’abord le résultat suivant de Gambaudo et Ghys [52] : L’espace des quasi-morphismes homogènes sur le groupe GΣ est de dimension infinie. Avant de décrire quelques exemples, expliquons l’idée générale des constructions de Gambaudo et Ghys. Plutˆot que de construire des classes d’homologie associées aux trajectoires des points pendant une isotopie (ft) préservant l’aire (ces classes d’homologie sont les classes Schµ(f) o`u µ est une mesure invariante de f), on peut considérer les classes d’homotopie des trajectoires. On peut également considérer non plus la trajectoire d’un point x ∈ Σ, mais la trajectoire de plusieurs points distincts de Σ simultanément. Si x1,… ,xn sont n points distincts de Σ on peut considérer la courbe (ft(x1),… ,ft(xn)) ∈ Σ n comme étant “presque une tresse” lorsque t tend vers l’infini. En fait, presque tous les points x1,… ,xn sont récurrents pour f. Ainsi si ti ∈ R est une suite de réels tendant vers l’infini telle que fti (xj ) →i→∞ xj , pour tout j, on peut penser à la courbe γ(x1,… ,xn,ti) = (ft(x1),… ,ft(xn))0≤t≤ti comme à une tresse. En choisissant un invariant numérique χ des tresses, nous pouvons considérer la fonction χ(γ(x1,… ,xn,ti)) sur Σn . En la moyennant sur l’espace des n-uplets de points, puis par rapport au temps, on construit alors un invariant du difféomorphisme f1. Mentionnons que ces constructions sont dans l’esprit de constructions précédentes de Schwartzman [110] comme nous l’avons déjà indiqué, mais également d’Arnold [3] et Ruelle [108]. Notons également que les tresses formées non pas à partir de points seulement récurrents, mais à partir d’orbites périodiques des difféomorphismes des surfaces ont été très étudiées, voir [20] pour un panorama et quelques références. Outre les constructions qui utilisent des tresses, nous utiliserons aussi les espaces suivants pour construire des quasimorphismes : le cercle à l’infini S 1 ∞ du revêtement universel d’une surface hyperbolique, l’espace X2(D) des paires de points distincts d’un disque D ⊂ R2 , la variété Λn des sous-espaces lagrangiens de R2n , muni de sa structure symplectique standard. Le point commun à ces espaces est bien sˆur qu’ils ont tous les trois un groupe fondamental infini cyclique. Dans toutes ces constructions, une grande différence avec la dimension 1 est bien sˆur qu’on ne peut associer un nombre de rotation qu’à presque tout point de la surface (pour une mesure invariante fixée du difféomorphisme), et non pas à tout point comme sur le cercle.
Présentation des résultats
Nous passons maintenant à la présentation de nos résultats. Nous ne donnons ici qu’une partie de ceux-ci, ou énon¸cons parfois certains d’entre eux de manière incomplète. Le lecteur se reportera aux chapitres correspondants pour des énoncés précis et complets. Le premier chapitre est consacré à la construction de certains quasi-morphismes qui sont reliés à l’invariant de Calabi, et qui répondent à une question formulée par Entov et Polterovich [36]. Nous décrivons succinctement le contexte de ce travail dans le cas particulier des surfaces. Le chapitre 1 contient un exposé plus complet. D’après un théorème de Banyaga que nous avons déjà mentionné, le groupe GΣ des difféomorphismes hamiltoniens d’une surface compacte Σ est simple. Il n’admet donc pas d’homomorphisme non-trivial vers R. Considérons maintenant un ouvert U ⊂ Σ, difféomorphe à un disque. On peut alors considérer le groupe GU constitué de tous les difféomorphismes hamiltoniens engendrés par des fonctions H : [0, 1] × U → R à support compact. Une autre manière de le décrire est la suivante. C’est le groupe de tous les difféomorphismes de Σ préservant l’aire dont le support est contenu dans U. Il existe un homomorphisme canonique de GU dans R. C’est l’invariant de Calabi CalU : GU → R, introduit dans [26]. Une manière de le décrire est la suivante. Si H : [0, 1] × U → R est un hamiltonien à support compact qui engendre un difféomorphisme f ∈ GU , nous avons : CalU (f) = Z 1 0 Z U Ht ω dt, (o`u l’on a noté Ht(x) = H(t,x)). Cette quantité ne dépend que de f (nous expliquerons ce fait dans le chapitre 1). Banyaga [5] a démontré que le noyau de cet homomorphisme est un groupe simple. Ceci assure que tout homomorphisme à valeurs réelles défini sur le groupe GU est obtenu en composant l’invariant CalU avec un homomorphisme de R dans R. Nous nous trouvons donc dans la situation suivante : sur le (grand) groupe GΣ, il n’existe pas d’homomorphisme non-trivial vers R. Par contre il existe une collection de (petits) sous-groupes de GΣ, les sous-groupes de la forme GU o`u U est un ouvert difféomorphe à un disque, sur lesquels existe un morphisme canoniquement défini. Dans [36], Entov et Polterovich demandent si l’on peut construire un invariant défini sur le groupe GΣ tout entier, qui, en restriction au sous-groupe GU , co¨ıncide avec l’invariant CalU , dès que l’ouvert U est “assez petit”. Plus précisément, ils posent la question suivante. Notons D la famille constituée de tous les ouverts U de Σ, difféomorphes à un disque, et ayant la propriété suivante : il existe un difféomorphisme hamiltonien g : Σ → Σ tel que g(U) ∩ U soit vide (nous dirons que g disjoint U de lui-même). Peut-on construire un quasi-morphisme homogène φ : GΣ → R dont les restrictions aux sous-groupes (GU )U∈D co¨ıncident avec les homomorphismes (CalU )U∈D. Notons (voir le chapitre 1 pour plus de détails) que l’on peut formuler une question similaire sur toute variété symplectique compacte. Dans [36], Entov et Polterovich répondent xxii U1 U2 U3 Fig. 1 – positivement à cette question lorsque Σ est la sphère S 2 (ainsi que pour d’autres variétés symplectiques de dimension supérieure). Nous prouvons ici le résultat suivant : Théorème A Soit Σ une surface compacte orientée de genre supérieur ou égal à 1. Il existe un quasi-morphisme homogène CalΣ : GΣ → R dont la restriction au sous-groupe GU co¨ıncide avec l’invariant de Calabi CalU pour tout ouvert U difféomorphe à un disque. Contrairement à l’énoncé de Entov et Polterovich, notre résultat ne fait pas apparaˆıtre la condition “U peut être disjoint de lui-même par un difféomorphisme hamiltonien de Σ”. Nous verrons que dans le cas de la sphère, cette condition est nécessaire à l’existence d’un quasi-morphisme répondant positivement à la question de Entov et Polterovich. En fait les constructions de quasi-morphismes de [36] sont de nature très différente de celles qui apparaissent dans ce travail. Elles reposent sur l’homologie de Floer et la notion d’invariants spectraux. Le lecteur pourra consulter la fin du paragraphe 1.2 ainsi que [104] pour un aper¸cu de ces techniques. Considérons maintenant une fonction de Morse F : Σ → R sur une surface compacte orientée Σ. Notons x1,… ,xl ses points critiques et λi = F(xi) ses valeurs critiques. Nous ferons l’hypothèse que ses valeurs critiques sont toutes distinctes : λi 6= λj si i est différent de j. On peut alors associer à F son graphe de Reeb [106]. C’est l’espace des composantes connexes des niveaux de F. Rappelons sa construction. Considérons un réel t et choisissons une composante connexe C du niveau F −1 (t). Trois possibilités se présentent : 1. C est réduit à un point, qui est un extremum local de F, 2. C est un cercle plongé dans Σ, 3. C est une courbe fermée immergée dans Σ ayant un unique point double. On définit alors un graphe G de la manière suivante. A chaque composante du type 1 ou 3 on associe un sommet de G. Notons K la réunion (finie) des composantes de type 1 ou 3. L’ouvert Σ \ K est une réunion finie de cylindres difféomorphes à S 1 × R. A chacun de ces cylindres nous associons une arête de G dont les sommets correspondent aux composantes xxiii de niveau de F qui contiennent le bord de C. On dispose alors d’une projection naturelle pG : Σ → G et la fonction F s’écrit F = FG ◦ pG o`u FG est une fonction définie sur G. Plus généralement, considérons l’espace F des fonctions sur Σ qui commutent avec F au sens de Poisson : F = {H : Σ → R,C∞,ω(XH ,XF ) = 0}. Si H ∈ F, H s’écrit également sous la forme HG ◦ pG o`u HG est une fonction définie sur G. L’ensemble Γ = {ϕ 1 H ,H ∈ F} est alors un sous-groupe abélien du groupe des difféomorphismes hamiltoniens de Σ. Comme cela a été fait dans [36] pour certains quasi-morphismes définis sur le groupe des difféomorphismes hamiltoniens de S 2 , nous calculerons dans le chapitre 1 les valeurs prises par les quasi-morphismes construits dans le théorème 1 sur le groupe Γ. L’expression de CalΣ(ϕ 1 H ) (H ∈ F) fait alors intervenir les valeurs de la fonction HG sur certains ensembles définis à partir de la combinatoire du graphe de Reeb G. Dans le second chapitre, nous considérons une variété symplectique fermée (V,ω) qui est monotone. Nous rappellerons la définition de cette notion dans l’introduction du chapitre 2. Cette classe de variétés symplectiques inclut par exemple tous les espaces projectifs complexes munis de leur structure symplectique standard (de Fubini-Study). Notons également que pour toutes ces variétés, la première classe de Chern du fibré tangent, muni d’une structure presque-complexe compatible avec ω, n’est pas triviale. Nous construisons alors un quasi-morphisme S sur le revêtement universel GfV du groupe GV des difféomorphismes hamiltoniens de V . L’invariant S({ft}) associé à une isotopie hamiltonienne ft : V → V peut être vu comme un moyen de mesurer la manière dont la différentielle dft : TV → TV fait tourner les sous-espaces lagrangiens de TV . Bien que le fibré tangent TV ne soit pas trivial, nous parvenons à définir un nombre de rotation associé à l’action de la différentielle dft sur le fibré en grassmanniennes lagrangiennes associé à V . Il s’avère que cet invariant étend un homomorphisme défini sur le groupe fondamental π1(GV ) ⊂ GfV du groupe des difféomorphismes hamiltoniens de V , qui a été introduit par Polterovich [100]. Lorsque V est la sphère S 2 , le groupe fondamental du groupe des difféomorphismes hamiltoniens est fini [111] et le quasi-morphisme S descend en un quasi-morphisme sur le groupe GS2 , que nous notons toujours S. Nous pouvons, comme dans le chapitre 1, considérer le groupe ΓF formé des flots hamiltoniens qui commutent avec le flot hamiltonien engendré par une fonction de Morse fixée F : S 2 → R. Nous supposons toujours que les valeurs critiques de F sont deux-à-deux distinctes et notons encore x1,… ,xl ses points critiques. Soit V0 l’ensemble des points critiques de F d’indice 0 ou 2, et V1 l’ensemble des points critiques d’indice 1. Nous pouvons alors récrire la formule classique.
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